NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.120219 janvier 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1202e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 16 janvier 2007, à 10 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique du Kenya sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour)(suite)

Deuxième rapport périodique du Kenya sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/KEN/2; liste des points à traiter (CRC/C/KEN/Q/2); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/KEN/Q/2/Add.1))

1. Sur l’invitation du Président la délégation kényane prend place à la table du Comité.

2.M. MOODY AWORI (Kenya) dit que le Kenya a incorporé la Convention relative aux droits de l’enfant dans sa législation en promulguant en 2001 la loi sur l’enfant, en cours de révision, afin de mieux prendre en compte la situation des enfants. Le Conseil national des services aux enfants, qui a pour mission de surveiller la planification, le financement et la coordination des activités en faveur de l’enfance, se compose de représentants du Gouvernement, de la société civile, du secteur privé et des organisations confessionnelles. Des comités consultatifs de secteur ont été mis en place.

3.Depuis l’instauration, en 2003, de la scolarité primaire obligatoire et gratuite, davantage d’enfants ont pu rejoindre les bancs de l’école. Le nombre d’inscriptions est passé de 5,9 millions en 2003 à 7,6 millions en 2006. Dans le secondaire, l’augmentation a été de 19,2 %. Les structures existantes sont désormais surutilisées et doivent être développées et améliorées afin d’absorber l’afflux massif d’enfants sans compromettre la qualité de l’enseignement.

4.Le programme quinquennal (2005-2010) de soutien du secteur éducatif, qui vise à encourager les particuliers, les communautés, le secteur privé, les organisations non gouvernementales et les partenaires au développement à appuyer conjointement ce secteur, prévoit notamment d’intégrer les enfants de 4-5 ans dans le cycle primaire d’ici à 2010.

5.Il s’agit aussi d’intégrer dans le système scolaire général les enfants ayant des difficultés d’apprentissage, mais l’absence de statistiques fiables sur les personnes handicapées entrave pareille démarche et le Gouvernement entend donc réaliser, d’ici à avril 2007, une étude nationale sur les personnes handicapées pour en déterminer le nombre et les types de handicap. La loi sur les personnes handicapées de 2003 traite de manière globale de la situation de ces personnes.

6.Le montant du budget consacré aux services sociaux est passé de 63 milliards de shillings en 1999/2000 à 155 milliards en 2006/07, augmentation qui a permis de faire bénéficier tous les enfants de moins de 5 ans de soins médicaux gratuits dans les structures publiques. Le taux de couverture vaccinale est passé de 46 % en 2001 à 71 % en 2006. D’autres politiques relatives à la santé sont mises en œuvre, dont la politique de santé scolaire et la politique de santé procréative et de développement pour les adolescentes.

7.Le Kenya compte plus de 2 millions d’orphelins et d’enfants vulnérables, en raison principalement de la pandémie de VIH/sida. Le Gouvernement a défini à leur intention une politique nationale qui permet notamment aux orphelins d’être accueillis au sein de la communauté et d’une famille. Un programme de soutien financier en faveur des familles d’accueil élevant et s’occupant d’orphelins − qui bénéficie actuellement à 9 000 familles − a été mis en place en vue de renforcer la capacité des familles et des communautés à offrir un soutien aux orphelins et aux enfants vulnérables.

8.Le Kenya a de plus signé les instruments d’adhésion à la Convention de La Haye sur l’adoption internationale. La loi sur l’enfant ainsi que les règlements de mai 2005 en matière d’adoption reflètent l’esprit de cette convention.

9.En matière de justice pour mineurs, 119 magistrats ont été affectés aux affaires concernant des mineurs, ce qui facilite l’accès des enfants à la justice. Le Kenya s’attache à faire en sorte que les jeunes délinquants ne passent plus par le système judiciaire normal en privilégiant la réinsertion sociale par le canal de programmes communautaires de réadaptation.

10.L’accroissement du nombre d’enfants vivant et travaillant dans la rue constitue un des plus graves problèmes actuels. L’instauration de la scolarité primaire gratuite en 2003 a contribué à réduire le nombre de ces enfants, et la même année le Gouvernement a lancé une initiative en faveur de la réinsertion sociale de ces enfants, dont 6 000 ont ainsi été inscrits dans différentes écoles primaires du pays et 800 ont suivi une formation professionnelle.

11.Le Gouvernement est résolu à protéger les enfants contre toutes formes de maltraitance, de négligence, d’exploitation et de violence. Une campagne contre la violence, lancée en juillet 2006 en collaboration avec l’UNICEF, vise à faire connaître les droits de l’enfant et à encourager vivement les communautés à travailler avec le Gouvernement et ses partenaires pour enrayer la violence, ce en recourant au bus «Stop à la violence», qui va de district en district. Cette campagne plaide en faveur de la sécurité à l’école et de la surveillance communautaire pour rendre les quartiers plus sûrs. Elle met l’accent sur l’accès à la justice et sur des services de santé efficaces pour les victimes d’atteinte sexuelle, qui soient capables d’intervenir au plus tard dans les 72 heures afin de protéger les enfants contre le VIH/sida et atténuer leur traumatisme.

12.Le travail des enfants concerne plus de 2 millions d’enfants. Le Kenya a ratifié les Conventions de l’OIT no 138 sur l’âge minimum d’admission à l’emploi, et fixé cet âge à 16 ans, et no 182 sur les pires formes de travail des enfants. Un programme, limité dans le temps, vise à prévenir les pires formes de travail des enfants, à sortir de cette situation les enfants concernés et à les réinsérer. Le Bureau national de statistique du Kenya constitue actuellement une banque de données centralisée vu l’importance de disposer de données pour élaborer des programmes.

13.Le Kenya accueille des centaines de milliers de réfugiés, dont beaucoup venus de pays voisins touchés par la guerre. De nombreux réfugiés sont hébergés dans les camps de Kakuma et de Dadaab. Beaucoup d’autres, dont des demandeurs d’asile, vivent sans assistance humanitaire dans les zones urbaines, notamment à Nairobi. Malgré les difficultés, le Gouvernement entend instituer un système permettant de mieux prévoir les flux de réfugiés et de mieux les gérer. La loi générale sur les réfugiés constituera la base juridique pour la protection des réfugiés au Kenya, conformément aux principes énoncés dans les instruments internationaux et régionaux auxquels le Kenya est partie, et qu’il respecte. Cette loi reprend toutes les normes fondamentales de la protection internationale, en particulier celles concernant les femmes, les enfants et les groupes vulnérables. Elle permettra d’établir un mécanisme pour la gestion des affaires relatives aux réfugiés, y compris l’adoption de systèmes et procédures pour l’enregistrement des demandeurs d’asile et des réfugiés, la détermination du statut de réfugié, la tenue d’un registre et le maintien d’une base de données, la délivrance de documents attestant le statut de réfugié.

14.Même si les résultats sont inégaux et de nombreux obstacles restent à surmonter, le Kenya est déterminé à respecter les objectifs et les principes énoncés dans la Convention dans le souci de changer le monde avec et pour les enfants.

15.M. KOTRANE demande où en est le processus de ratification du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et si le pays prévoit de ratifier les Conventions de La Haye, notamment la Convention sur l’adoption internationale. La Convention relative aux droits de l’enfant ayant été invoquée devant les tribunaux nationaux, il serait utile de savoir quel en est le statut en droit interne. La délégation pourrait aussi indiquer si la Commission kényane des droits de l’homme dispose d’un mécanisme permettant aux enfants et à leurs parents de déposer plainte directement pour la violation de l’un quelconque de leurs droits, notamment par des organismes publics.

16.Il est regrettable que l’âge du mariage reste différent pour les filles et les garçons, que l’âge minimum de la responsabilité pénale (fixé à 8 ans) n’ait pas été relevé malgré les recommandations du Comité, et qu’il soit parfois difficile pour les enfants issus de minorités religieuses de pratiquer leur religion au sein des institutions charitables les accueillant et doivent parfois même suivre un enseignement dans une religion qui n’est pas la leur.

17.Mme OUEDRAOGO demande si un nouveau plan d’action a été élaboré dans le prolongement du plan d’action pour la période 1999-2000 et s’il couvre tous les domaines de la Convention. Il faudrait aussi savoir comment s’effectue la coordination des diverses activités en faveur des droits de l’enfant, si les conseils régionaux des services aux enfants disposent de ressources humaines et financières suffisantes pour assurer leur mission de coordination au niveau local et national, comment est assurée la mise en œuvre de la Convention dans les régions dépourvues d’un tel conseil, et ce que le Gouvernement compte faire pour éviter les chevauchements des responsabilités entre ces conseils et les antennes du Département de l’enfance.

18.Relevant l’absence de mécanisme indépendant de suivi de l’application de la Convention, elle souligne la nécessité d’en mettre un en place et demande si la Commission nationale des droits de l’homme assure des fonctions de suivi.

19.Les efforts accomplis par l’État partie pour promouvoir l’enregistrement des naissances sont louables, mais de nombreuses naissances ne sont toujours pas enregistrées en milieu rural et la délégation pourrait donc indiquer ce qui est prévu pour améliorer le système d’enregistrement des naissances en milieu rural, pallier les contraintes mentionnées dans le rapport et ce qui est prévu pour garantir l’enregistrement des enfants nés hors mariage, puisque le mariage des parents est une des conditions nécessaires pour l’enregistrement de la naissance d’un enfant.

20.Il convient de saluer les initiatives lancées au Kenya pour enrayer la violence, mais il serait intéressant de savoir si le programme de prévention présente des mesures disciplinaires autres que les châtiments corporels, fréquemment pratiqués en Afrique pour punir les enfants.

21.Mme VUCKOVIC-SAHOVIC demande si le Gouvernement envisage d’instituer un médiateur des enfants vu que la surveillance est un élément essentiel de la protection des droits de l’enfant et qu’il importe que les enfants sachent à qui s’adresser pour les faire valoir.

22.M. LIWSKI se félicite de l’accroissement des dépenses sociales, mais demande quelle en est la proportion destinée à l’enfance. Il faudrait savoir s’il a été envisagé de réaffecter une partie du budget considérable absorbé par le service de la dette à des investissements en faveur de l’enfance, comme cela s’est fait ailleurs. Il serait bon que, pour le prochain exercice, le Gouvernement tienne compte des résultats de l’enquête réalisée par le Bureau central de statistique sur les faisceaux d’indicateurs multiples, dans le souci de répartir les crédits budgétaires plus équitablement, en particulier entre les différentes régions.

23.Au sujet du droit de ne pas être soumis à la torture, la délégation pourrait indiquer quelle suite est donnée aux plaintes reçues et s’il existe des programmes pour venir en aide aux enfants victimes de torture et leur faciliter l’accès à la justice.

24.Mme AL-THANI note avec inquiétude que la Constitution n’interdit pas expressément la discrimination fondée sur l’état de santé, alors que les enfants touchés par le VIH/sida sont victimes de discrimination, notamment en matière d’accès à l’éducation. Le Gouvernement a certes émis des directives pour obliger les enseignants à accepter ces enfants à l’école, mais c’est toute la stigmatisation sociale qu’il faut combattre.

25.La persistance des châtiments corporels est également préoccupante, toutes sortes de punitions interdites depuis 2001 continuant d’être infligées aux enfants à l’école. Il serait utile de savoir si des campagnes sont menées pour éliminer cette pratique dans la famille, ainsi que dans d’autres contextes comme les centres de détention, et quels recours sont ouverts aux victimes.

26.Mme KHATTAB constate que les fillettes continuent d’être victimes de discrimination, notamment dans l’accès à l’éducation. L’éducation primaire est désormais gratuite pour tous les enfants mais beaucoup de fillettes n’en profitent pas. Il faudrait dès lors savoir ce que fait le Gouvernement pour aider les fillettes à jouir de ce droit et si des programmes spéciaux leur sont consacrés.

27.La démocratisation progresse au Kenya, ce qui permet aux minorités de faire valoir leurs droits, mais dans les régions isolées des communautés restent, par manque d’information, privées de services de base comme l’éducation ou la santé, en particulier des communautés pastorales et de chasseurs-cueilleurs. Des précisions sur les initiatives en leur faveur seraient bienvenues.

28.Mme SMITH note avec satisfaction qu’une place est faite dans le projet de constitution au droit des enfants d’exprimer leurs opinions, mais aimerait savoir ce qui est prévu pour lever les obstacles, notamment culturels, à son exercice. L’adoption de directives sur la participation des enfants est bienvenue mais insuffisante.

29.La délégation ayant évoqué la nécessité d’«intégrer les enfants dans la communauté», elle pourrait préciser ce qui est fait dans ce sens et à quel point les enfants participent réellement à l’élaboration des politiques les concernant, voire à la prise de décisions.

30.Le droit de s’exprimer est étroitement lié à l’accès à l’information mais le rapport ne précise pas quelles possibilités ont les enfants kényans de s’informer (à l’école, par Internet, etc.). La santé est un domaine où le droit de s’exprimer revêt une importance particulière, notamment pour les jeunes filles. Ainsi, les adolescentes doivent avoir accès à des informations sur la santé procréative et pouvoir consulter le personnel médical sans la présence de leurs parents, ce qui ne semble pas être le cas.

31.Il ressort du rapport que le droit à la protection de la vie privée n’est pas suffisamment respecté dans les institutions, où l’ouverture du courrier est notamment une pratique courante. Le droit à la liberté de religion est restreint dans la mesure où les enfants n’ont le droit de changer de religion qu’à l’âge de 18 ans, c’est-à-dire lorsqu’ils ne sont plus des enfants. Enfin, le nombre d’installations sportives, culturelles et de loisirs semble avoir baissé, en particulier dans les zones urbaines, ce qui limite la possibilité pour les enfants d’avoir des activités saines. La délégation est invitée à donner des précisions sur ces questions. Des informations sur les bibliothèques seraient également bienvenues.

32.M. SIDDIQUI salue les efforts que déploie le Gouvernement pour améliorer la collecte de données, mais regrette l’absence de système centralisé de collecte et de coordination entre les différents services qui s’occupent des enfants. De plus, le Gouvernement ne publie apparemment pas de statistiques annuelles sur les enfants, ni d’études spécifiques sur les groupes les plus vulnérables. Des précisions sur KenInfo seraient utiles, en particulier sur les ressources qui lui sont allouées et le rôle du Département de l’enfance dans sa gestion.

33.La délégation voudra bien indiquer qui gère les dépenses sociales, sachant qu’en général les organismes les plus proches de la population sont les mieux placés pour assumer cette tâche, si l’utilisation des crédits fait l’objet d’une évaluation et ce que le Gouvernement compte faire pour remédier à l’insuffisance des ressources affectées au Département de l’enfance, non seulement en comparaison des autres services gouvernementaux mais aussi par rapport aux activités que ce département doit mener. Enfin, il serait utile de savoir quelles sont leurs attributions exactes des membres des comités consultatifs de secteur.

34.M. KRAPPMANN demande comment est mis en pratique le principe selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération prioritaire en toutes circonstances, énoncé à l’article 4 de la loi sur l’enfant.

35.Le PRÉSIDENT demande des précisions sur la réunion tenue en novembre 2003 à l’occasion de laquelle les donateurs étaient convenus d’accorder 1,2 milliard de dollars par an au Gouvernement pour l’aider à réduire le déficit budgétaire et la pression engendrée par les emprunts. Pareille aide devrait lui avoir permis d’alléger le service de la dette et donc d’économiser des fonds susceptibles d’être réaffectés aux dépenses sociales, par exemple.

La séance est suspendue à 11 h 20; elle est reprise à 11 h 40.

36.M. HUSSEIN (Kenya) dit que le Kenya a déjà signé son instrument d’adhésion à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et que le Comité national sur l’adoption, organisme central prévu dans cet instrument, se réunit tous les mois depuis deux ans. Toutes les informations sur la procédure d’adoption au Kenya sont affichées sur le Web. Le Gouvernement a élaboré des directives relatives à l’adoption et donné son agrément à plusieurs organismes s’occupant de coordonner les adoptions. Ces trois dernières années, il y a eu 643 adoptions nationales ou internationales.

37.M. OWADE (Kenya) dit que le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants n’a pas encore été ratifié, mais que les consultations en cours relatives à son incorporation dans la législation interne devraient aboutir dans les 12 mois.

38.Mme RAGUT (Kenya) dit que la Convention a été incorporée dans son intégralité dans la loi sur l’enfant, sur laquelle les tribunaux s’appuient pour protéger les droits que la Convention reconnaît aux enfants. À l’initiative de l’Association des femmes juristes du Kenya, une formation sur l’application des instruments relatifs aux droits de l’homme est dispensée aux juges et 200 en ont déjà bénéficié. La Convention a été directement invoquée dans des décisions de justice et des parents ont ainsi été contraints de payer les études universitaires de leur enfant parce que le tribunal a estimé qu’une formation universitaire faisait partie de l’enseignement supérieur visé par la Convention.

39.M. HUSSEIN (Kenya) précise que la Commission nationale des droits de l’homme reçoit et traite aussi bien des plaintes émanant d’adultes que des plaintes présentées par des mineurs. Son rôle est de transmettre ces plaintes aux autorités compétentes, mais aussi de communiquer des rapports sur des thèmes précis et de donner des orientations à ces mêmes autorités, de leur proposer des formations, de faciliter le processus de réforme institutionnelle en fournissant des avis d’experts et d’exercer une surveillance sur les établissements pénitentiaires, les services de probation ou encore les services d’aide sociale à l’enfance.

40.Mme VUCKOVIC‑SAHOVIC demande si l’État prévoit d’augmenter les crédits alloués à la Commission nationale des droits de l’homme, dont le rôle est important en tant qu’organe de surveillance indépendant. Son budget de formation devrait être revu à la hausse car les droits de l’enfant posent des questions spécifiques dont le traitement requiert des formations spécialisées.

41.M. FILALI aimerait savoir si la Commission nationale des droits de l’homme est dotée d’une structure chargée spécifiquement des droits de l’enfant, si elle a le pouvoir d’engager une action d’office lorsqu’elle a connaissance d’une violation et si elle conserve un droit de regard sur les dossiers qu’elle a transmis au Ministère de la justice jusqu’à leur aboutissement.

42.M. AFANDE (Kenya) répond que la Commission nationale des droits de l’homme est dotée de pouvoirs plus larges que l’organisme qui l’a précédée. Elle est notamment associée de près aux investigations menées au niveau du Ministère de la justice.

43.En 2006, le Conseil national des services aux enfants a établi un comité directeur chargé de formuler un nouveau plan d’action, qui devrait entrer en vigueur dans le courant de 2007. La coordination des mesures que met en œuvre le Conseil est assurée au niveau national ainsi qu’au niveau des comités consultatifs de secteur par les responsables délégués à l’enfance. À l’heure actuelle, seules 62 des 72 régions disposent d’un comité consultatif de secteur, mais cette lacune sera comblée. Les ressources humaines et financières allouées au Conseil national, encore insuffisantes, sont en hausse constante. Quelque 160 responsables délégués à l’enfance seront recrutés cette année, ce qui doublera les capacités. Des directives ont été envoyées à tous les comités consultatifs de secteur afin qu’ils comprennent bien leur rôle.

44.Le problème des chevauchements d’activités entre le Conseil national des services aux enfants et le Département de l’enfance est connu de longue date. Le résoudre fait partie de la mission confiée à la Commission de réforme législative qui a commencé en 2006 à réviser un certain nombre de textes, dont la loi sur l’enfant.

45.M. OKOTH (Kenya) souligne que la Constitution n’établit pas de distinction entre citoyens de naissance, par naturalisation ou par mariage. Les droits qu’elle consacre sont garantis à tous sur un pied d’égalité. Des problèmes persistent mais ils ne seraient nullement résolus par l’introduction d’une référence aux enfants dans la Constitution.

46.Mme KHATTAB demande un complément d’information sur la situation et les droits des enfants nés hors mariage et sur les éventuelles discriminations dont ils pourraient faire l’objet.

47.M. OKOTH (Kenya) convient que les garanties constitutionnelles contre la discrimination fondée sur les préjugés culturels ne sont sans doute pas assez étoffées, mais souligne que l’État a constamment veillé à éviter toute interprétation allant à l’encontre du principe d’égalité. Quant aux dispositions de la loi sur l’enfant en la matière, elles posent problème et c’est pourquoi la situation des enfants nés hors mariage a été identifiée comme un des grands défis à relever dans le cadre de la réforme législative en cours.

48.Mme RAGUT (Kenya) confirme que les enfants nés dans le mariage et hors mariage ne sont pas égaux devant la loi et qu’il s’agit de l’une des principales questions faisant débat. En attendant que la réforme aboutisse, les enfants nés hors mariage peuvent d’ores et déjà faire valoir en justice leur droit d’avoir des relations avec leurs deux parents et d’être entretenus par eux. Ils peuvent en effet se prévaloir de la jurisprudence pour demander qu’un test ADN soit effectué puis, une fois la paternité établie, solliciter le versement d’une pension alimentaire. Cette possibilité est bien connue de la population, si bien que la situation de facto est meilleure que la situation de jure en la matière.

49.M. HUSSEIN (Kenya) dit que tous les établissements de placement doivent désormais être agréés, que l’agrément est à renouveler tous les trois ans et n’est accordé que si l’établissement respecte les droits consacrés dans la Convention, dont le droit d’être entendu et le droit à un examen périodique du placement, et à condition que tous les membres du personnel satisfassent à un examen médical et aient un casier judiciaire vierge. Des crédits budgétaires ont en outre été dégagés en vue de l’inspection de 500 établissements de placement entre le 1er juillet 2006 et le 30 juin 2007. Des inspections ont été effectuées dans plus de 200 de ces établissements à ce jour.

50.Le placement en famille d’accueil, appelé à se développer à brève échéance, ne peut intervenir qu’après placement en institution. De nombreux enfants privés de leur milieu familial sont pris en charge à titre informel par la famille élargie, pratique ancrée dans la culture du pays.

51.Le PRÉSIDENT aimerait savoir si l’État partie entend faire davantage respecter le droit à la liberté de religion dans les établissements de placement et si c’est un corps d’inspection qui est chargé du renouvellement des agréments.

52.Il demande s’il est prévu d’encadrer les adoptions au sein de la famille élargie, pour garantir tous les droits des enfants concernés, et si les incitations financières accordées pour développer le placement familial s’appliquent au placement informel dans la famille élargie.

53.M. HUSSEIN (Kenya) répond que l’inspection des établissements de placement est assurée par les comités consultatifs de secteur, qui recommandent ou non la délivrance ou le renouvellement de l’agrément.

54.Les grands-parents et autres membres de la famille élargie élevant un orphelin ou un enfant vulnérable sans toucher aucune aide sociale sont recensés et reçoivent une centaine de shillings par mois. Quelque 500 familles ont bénéficié de ce programme dès 2004 et le chiffre devrait passer à 9 000 cette année et à 13 000 à l’horizon 2008. Des familles d’accueil choisies en dehors de la famille de l’enfant orphelin ou particulièrement vulnérable peuvent en bénéficier sous réserve de répondre à certains critères attestant de leur capacité à élever l’enfant dans de bonnes conditions. Une base de données alimentée par les informations transmises par les régions a été créée pour faciliter le recensement des familles pouvant bénéficier de ce programme.

55.Mme KHATTAB demande quelle distinction est faite entre les enfants orphelins et les enfants en situation de vulnérabilité. Il est à craindre que les familles soient plus réticentes à l’idée d’accueillir un enfant des rues, un enfant né hors mariage ou un enfant séropositif, par exemple, qu’un orphelin, et il serait utile de savoir si l’État partie prend des mesures pour éviter la stigmatisation de ces enfants et leur permettre d’être eux aussi placés en famille d’accueil.

56.M. HUSSEIN (Kenya) dit que de par la loi, les établissements de placement doivent permettre à chaque enfant de pratiquer la religion qui est la sienne. Dans les faits, cependant, les enfants sont le plus souvent recueillis peu de temps après leur naissance, à un âge où ils n’ont pas même la notion de ce qu’est leur religion, et embrassent donc naturellement la religion enseignée dans l’établissement d’accueil, qui est en général la religion prédominant dans la région.

57.Force est de constater que les enfants séropositifs peuvent être victimes de stigmatisation. Un de ces enfants s’était ainsi vu refuser l’inscription à l’école, mais une plainte a été déposée et le tribunal a clairement rappelé que, séropositif ou non, tout enfant devait avoir accès aux services d’éducation et de santé, entre autres.

58.Ce ne sont pas tant les enfants nés hors mariage qui sont victimes de discrimination que les enfants de familles monoparentales. Le Kenya comptant 42 communautés autochtones, les attitudes peuvent varier considérablement d’une région et d’une communauté à l’autre. Chez certains groupes ethniques, l’enfant né d’une jeune fille non mariée est confié aux parents du père de l’enfant, alors que dans d’autres il est élevé par la mère. Du fait de ces différences culturelles, certains enfants ne jouissent pas des mêmes droits que les autres enfants. En 2006, 8 000 violations des droits de l’enfant ont été signalées au Département de l’enfance et on peut s’attendre à une augmentation de ce nombre en 2007.

59.Mme KARANU (Kenya) indique qu’il n’existe toujours pas de définition unique de l’âge minimum du mariage, certaines lois et coutumes incompatibles avec la Convention restant en vigueur. La révision en cours de la loi sur l’enfant devrait la mettre en conformité avec la Convention à cet égard.

60.M. MORIASI (Kenya) indique que son pays n’a ménagé aucun effort pour garantir aux enfants l’exercice du droit de faire entendre leur voix et de participer aux décisions sur des questions les concernant. Les écoles sont dotées de clubs d’enfants et un parlement d’enfants composé d’enfants issus de tous les groupes de la société kényane a été mis en place. Les enfants sont invités à participer à l’élaboration des règlements des établissements scolaires et des institutions s’occupant d’enfants. Le rapport à l’examen a été élaboré avec la participation d’enfants. Dans le cadre de l’administration de la justice, le mineur a le droit d’exprimer son opinion et, selon son degré de maturité, son avis est pris en considération.

61.M. KOTRANE s’étonne du doublement du nombre d’enfants placés en institution entre 2003 et 2005 et demande des explications sur ce point.

62.Selon le rapport 2006 de l’UNICEF sur la situation des enfants dans le monde, le taux de mortalité des moins de 5 ans est passé de 97 à 120 pour mille naissances vivantes entre 1990 et 2005, ce qui est alarmant. En outre, au Kenya l’espérance de vie des femmes n’est que de 48 ans, en raison notamment de la forte mortalité maternelle. La délégation voudra bien indiquer quels moyens et stratégies l’État partie met en œuvre pour réduire la mortalité infantile et maternelle.

63.Comme l’école est obligatoire jusqu’à 14 ans et que l’âge minimum d’admission à l’emploi est fixé à 16 ans, il faudrait savoir quelles mesures prend l’État pour encourager les enfants qui ont achevé leur scolarité obligatoire à passer au niveau secondaire et pour trouver une occupation à ceux qui renoncent à pousser plus loin leurs études.

64.La délégation est invitée à fournir des statistiques ventilées sur les enfants réfugiés et déplacés et à expliquer pourquoi le Kenya n’accueille plus de réfugiés en provenance de Somalie depuis les événements intervenus récemment dans ce pays.

65.Mme KHATTAB demande si le Gouvernement kényan reçoit une aide internationale pour s’occuper des nombreux réfugiés qu’il accueille sur son territoire, en particulier à la suite des événements en Somalie et en Éthiopie.

66.Mme LEE s’étonne que le taux de fréquentation scolaire dans les camps de réfugiés soit plus faible chez les filles que les garçons.

67.Elle demande si l’État partie a exécuté les programmes d’éducation pour handicapés prévus dans le plan national d’action en faveur de l’éducation pour tous. Des éclaircissements seraient nécessaires sur l’accès de ces enfants à un enseignement gratuit dans les établissements spécialisés privés. La délégation pourrait aussi indiquer quelles mesures prend l’État pour faire comprendre aux parents ayant des enfants handicapés que ces derniers ont droit à l’éducation.

68.Sachant que le Kenya est un des pays les plus touchés par la corruption, il serait intéressant de savoir si ce fléau a des incidences sur le niveau du budget de l’éducation, en particulier sur l’exécution des programmes en faveur des enfants handicapés. La délégation pourrait aussi indiquer pourquoi le taux d’allaitement maternel a chuté brutalement entre 1994 et 2003 et quels moyens emploie l’État partie pour inverser cette tendance.

69.M. FILALI souhaiterait des précisions sur la durée de la détention avant jugement des mineurs, ainsi que sur les procédures extrajudiciaires utilisées au Kenya afin d’éviter que des mineurs, en particulier les enfants des rues, ne soient déférés devant un tribunal. Il serait bon de savoir si les enfants ont la possibilité de donner leur avis dans le cadre de ces procédures et si l’État partie serait disposé à adopter des méthodes de règlement des litiges fondées sur le principe de la justice restaurative.

70.M. ZERMATTEN demande si le Kenya pourrait envisager d’instituer un système de justice pour mineurs et si la loi sur l’enfant prime sur les textes de loi plus anciens. Il souhaite aussi savoir si des cours de formation sur la justice pour mineurs à l’intention des magistrats pourraient être organisés dans tout le pays, et non pas uniquement dans les centres urbains.

71.Dans le cas où un mineur et un adulte seraient soupçonnés d’avoir commis une infraction ensemble, il serait intéressant de savoir si le mineur ferait l’objet d’une procédure distincte ou non. La délégation pourrait indiquer s’il est prévu de faire le nécessaire pour que les sanctions pénales prononcées contre des mineurs soient systématiquement remplacées par des travaux d’intérêt général. Les statistiques sur les infractions commises par les mineurs ne sont pas satisfaisantes et il faudrait savoir comment l’État entend réunir des données complètes et fiables.

72.Étant donné que, dans les zones rurales, la justice est rendue par les tribunaux coutumiers, il y a lieu de se demander si le droit des mineurs à un procès équitable est respecté par ces instances et si les intéressés ont voix au chapitre dans ces procédures. Enfin, la délégation voudra bien indiquer quelle protection est offerte aux enfants qui participent à une procédure pénale en tant que témoins ou victimes et dans quelles conditions leur témoignage est recueilli.

73.Mme AL-THANI note avec inquiétude que de nombreux problèmes persistent au Kenya: la malnutrition, le paludisme et l’accès insuffisant des enfants et des femmes enceintes aux insecticides et aux moustiquaires, le grand nombre de grossesses précoces, l’interdiction d’avorter, y compris pour les victimes de viol ou d’inceste et les avortements clandestins qui en résultent, l’accès insuffisant des adolescents aux services de santé reproductive et de santé mentale. De plus amples informations sur les stratégies adoptées par l’État partie afin de régler ces problèmes seraient bienvenues.

74.Des précisions seraient souhaitables sur les mesures prises pour assurer aux enfants séropositifs un accès gratuit aux antirétroviraux et éviter toute stigmatisation sociale à leur encontre.

75.La délégation pourrait indiquer comment la loi de 2000 sur l’eau est mise en pratique et comment l’État partie s’emploie à assurer à l’ensemble de la population l’accès à une eau salubre.

76.Mme KHATTAB demande si le Kenya envisage de lever sa réserve au paragraphe 2 de l’article 10 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et d’adopter une loi donnant aux femmes enceintes employées dans le secteur public ou privé le droit à 14 semaines de congé maternité, conformément à la Convention no 183 de l’OIT.

77.Des informations sur les activités menées afin d’éradiquer les mutilations génitales féminines, qui persistent au Kenya alors qu’elles y sont interdites depuis 2001, seraient bienvenues. La délégation est priée de commenter l’allégation de certaines sources selon laquelle des enfants auraient été exécutés faute d’avoir eu accès à un avocat, bien que la peine de mort ne puisse être appliquée à des mineurs dans l’État partie.

La séance est levée à 13 heures.

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