NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.100319 janvier 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente-huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1003e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 12 janvier 2005, à 10 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Rapport initial de l’Albanie

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances de la Réunion seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de l’Albanie (CRC/C/11/Add.27); document de base (HRI/CORE/1/Add.124); liste des points à traiter (CRC/C/Q/ALB/1); réponses écrites de l’Albanie (CRC/C/RESP/77)

1. Sur l’invitation du Président, M. Hajdaraga, M. Nina, M. Mullaj, M me  Sheshi et M me Ceka (Albanie) prennent place à la table du Comité.

2.M. HAJDARAGA (Albanie) dit que son Gouvernement a amplement modifié ou complété la législation nationale aux fins d’appliquer la Convention relative aux droits de l’enfant, qu’il considère comme l’un des instruments internationaux les plus importants. L’article 122 de la Constitution dispose de plus que tout accord international ratifié par l’Albanie devient partie intégrante du système juridique interne dès sa publication au Journal officiel et a une autorité supérieure aux lois internes incompatibles avec ses dispositions.

3.L’Albanie est également partie à plusieurs autres grands instruments visant à protéger les enfants et a pris des dispositions en vue de ratifier les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant, respectivement, la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et la participation des enfants aux conflits armés. Enfin, au titre du Plan d’action de Stockholm, l’Albanie a élaboré un projet d’accord interrégional avec la Grèce pour la protection des mineurs non accompagnés victimes de la traite d’enfants ou risquant de l’être.

4.En 2001, le Gouvernement a adopté une Stratégie nationale pour l’enfance, dont les objectifs sont notamment de garantir la survie, la protection, le développement et la participation des enfants. Elle s’accompagne d’un Plan d’action élaboré conjointement avec l’UNICEF. Conformément aux principes du document «Un monde digne des enfants», adopté par la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux enfants, le Gouvernement s’attache à évaluer les résultats de sa stratégie et à en analyser les lacunes en vue de l’améliorer continuellement, en collaboration avec tous les acteurs nationaux ou internationaux concernés par la protection des droits de l’enfant.

5.En 2004, le Gouvernement a créé un comité interministériel des droits de l’enfant, chapeauté par le Vice‑Premier Ministre et formé des ministres compétents, qui s’attache à mettre en place, avec l’aide d’un groupe interministériel d’experts, une structure permanente appelée à coordonner l’application de la Convention.

6.Le Ministère de l’ordre public a été doté d’une division spéciale pour la protection des droits de l’enfant, qui est en liaison avec tous les services de police régionaux. De même, un groupe spécial sur le travail des enfants a été instauré au Ministère du travail et des affaires sociales, et certaines municipalités se sont dotées d’un Bureau pour les droits de l’enfant, initiative qui devrait s’étendre à l’ensemble des communes. Enfin, un système spécial de justice pour mineurs est à l’étude.

7.Le Gouvernement sait que la protection des droits fondamentaux doit être assurée en consultation avec l’ensemble de la communauté et tous les ministères ont donc engagé une collaboration constructive avec les organisations non gouvernementales (ONG) concernées. Le Ministère du travail et des affaires sociales a mis en place une équipe spéciale chargée des relations avec ces organisations. Cette coopération a permis d’améliorer considérablement les services sociaux pour les enfants, ainsi que de faciliter l’élaboration du rapport initial de l’Albanie. Le Gouvernement coopère en outre avec l’UNICEF et d’autres organismes spécialisés des Nations Unies.

8.En Albanie, les minorités jouissent des mêmes droits que les autres groupes de la population, ces droits leur étant garantis non seulement par les instruments internationaux mais aussi par les lois nationales et une longue tradition de respect des minorités. Le Gouvernement attache une grande importance à l’éducation des enfants appartenant à des minorités, en particulier celle des enfants roms. Le Ministère de l’éducation et des sciences collecte des données sur leur situation et un projet d’enseignement de la langue rom dans certaines écoles primaires est à l’étude.

9.En septembre 2003, le Gouvernement a adopté une Stratégie nationale pour l’amélioration des conditions de vie des Roms qui couvre plusieurs domaines, dont l’éducation, la culture, les médias, l’emploi, le logement, la participation à la vie civile, la santé et la justice; un mécanisme de suivi en supervise l’application.

10.S’ajoutant à l’adoption de la loi relative à l’enregistrement des actes de l’état civil, le Gouvernement a organisé des campagnes pour sensibiliser la population à la nécessité de se faire enregistrer, une démarche qui n’est pas encore systématique du fait des migrations à l’intérieur du pays.

11.Le Gouvernement sait que beaucoup reste à faire pour protéger les enfants en Albanie, favoriser leur développement et garantir leur participation à la société et qu’en outre la protection offerte par les instruments internationaux n’est pas toujours suffisante face aux nouvelles menaces qui surgissent dans le monde complexe actuel; une adaptation continue s’impose donc.

12.M. KRAPPMANN accueille avec satisfaction le rapport initial de l’Albanie, tout en faisant observer qu’il a été soumis en 2003 alors qu’il était attendu en 1994. Le Comité se félicite de ce que la Convention relative aux droits de l’enfant ait été intégrée dans le système juridique albanais et que ses dispositions priment sur celles des lois nationales.

13.Il apparaît cependant que la Convention n’est pas connue et encore moins invoquée. Le Comité se demande à ce propos si une formation sur les droits de l’enfant est dispensée et, dans l’affirmative, à qui elle s’adresse. Une telle formation est d’autant plus urgente que certains secteurs de la population semblent avoir des idées très traditionnelles sur l’éducation, la famille, le rôle de chaque sexe, l’honneur, etc. Il serait intéressant de savoir si le Gouvernement prévoit des campagnes d’information, en faisant appel par exemple à des personnalités influentes, pour sensibiliser le public aux principes de la Convention.

14.Le rapport initial fait clairement ressortir que la Convention est loin d’être appliquée en Albanie en dépit des efforts énergiques déployés dans ce sens et de l’existence d’un cadre juridique satisfaisant et de nombreux organismes chargés de promouvoir la protection, l’éducation et le développement des enfants. C’est plutôt la coordination de toutes ces activités qui semble poser problème, ainsi que l’application des normes existantes, mais la récente création d’un comité interministériel des droits de l’enfant pourrait permettre d’y remédier. Des précisions sur les compétences et la dotation en personnel et en ressources de cette instance seraient bienvenues.

15.Par ailleurs, il serait utile de préciser le rôle du Médiateur, notamment d’indiquer si la défense des droits de l’enfant est un élément explicite ou seulement accessoire de sa mission. Le Médiateur étant apparemment la seule instance indépendante de défense des droits de l’homme, il faudrait envisager de le compléter par un mécanisme de suivi spécifiquement chargé de surveiller les progrès accomplis dans l’application de la Convention.

16.Le Comité aimerait savoir quelles mesures sont prévues pour améliorer la collecte de données ventilées, en particulier sur les groupes d’enfants vulnérables, car de telles statistiques sont indispensables pour procéder à des évaluations.

17.Le Comité accueille avec intérêt les précisions apportées par l’État partie au sujet de sa stratégie nationale pour l’enfance, mais s’interroge sur la coordination de sa mise en œuvre, d’autant que le Plan d’action correspondant n’est apparemment pas encore au point. L’Albanie mentionne dans son rapport un grand nombre de programmes et projets concernant la plupart des domaines prioritaires sans pour autant préciser comment elle entend coordonner les initiatives pour garantir l’application de la Convention. La mise en œuvre d’une stratégie exige des ressources, or à la lecture du rapport il est difficile de déterminer s’il existe un budget spécial regroupant toutes les allocations allouées à l’enfance. S’il ignore quelles sont les dépenses publiques destinées à l’enfance, le Gouvernement ne peut affirmer qu’il s’efforce de donner effet aux droits de l’enfant dans toutes les limites des ressources dont il dispose, conformément à l’article 4 de la Convention.

18.Le PRÉSIDENT demande quelles mesures sont prises pour remédier à la situation des 104 enfants cloîtrés chez eux en raison d’une menace de vendetta.

19.Le rapport indique qu’un enfant peut donner son avis dans le cadre des procédures judiciaires à partir de l’âge de 10 ans mais il serait intéressant de savoir ce qu’il en est des enfants de moins de 10 ans, en particulier lorsqu’il s’agit du divorce de leurs parents.

20.Mme KHATTAB relève avec satisfaction que la Convention a été traduite dans les langues officielles de l’Albanie et demande si cette initiative a été complétée par des programmes de sensibilisation en direction des fonctionnaires, des décideurs et des médias.

21.La délégation pourrait préciser quelles mesures concrètes sont prises dans la pratique en faveur des enfants défavorisés, en particulier des enfants pauvres, des Roms et des enfants qui travaillent. Des statistiques sur les travailleurs mineurs seraient également bienvenues.

22.L’âge minimum légal pour se marier est désormais le même pour les filles et les garçons, ce dont on ne peut que se féliciter, mais il est à craindre que cette avancée ne soit compromise par le fait que le mariage reste autorisé pour les filles avant l’âge de 18 ans lorsque des raisons opportunes le justifient. Cette règle, qui ne définit pas les «raisons opportunes» visées, contribue à ce que beaucoup de fillettes, dans les milieux ruraux, abandonnent prématurément l’école parce qu’elles se marient très jeunes.

23.Les relations sexuelles avec des enfants âgés de moins de 13 ans ou qui n’ont pas atteint la maturité sexuelle sont punies de 5 à 15 ans d’emprisonnement, alors que la peine encourue varie de 10 à 20 ans pour un viol ou des relations sexuelles ayant entraîné des dommages corporels sur la personne d’un adulte. Il est surprenant qu’un acte visant un enfant puisse être moins sévèrement puni qu’un acte dont la victime est adulte.

24.Les autres motifs de préoccupation du Comité sont l’absence de système de justice pour mineurs, la détention des jeunes délinquants avec des adultes, les violences policières − parfois mortelles − qui visent des enfants.

25.Des précisions seraient également bienvenues sur l’aide sociale dont bénéficient les enfants handicapés, ainsi que sur les autres mesures en leur faveur. Enfin, la délégation pourrait fournir des précisions sur le Gouvernement des enfants, notamment dans les écoles, car selon certaines sources cette structure ne fonctionne pas ou est surveillée par les directeurs d’école.

26.Mme AL-THANI, notant avec inquiétude que la loi n’interdit pas les châtiments corporels dans la famille, demande si dans l’esprit des parents il s’agit là de la meilleure méthode disciplinaire qui soit.

27.Mme LEE relève avec préoccupation que l’article 18 de la Constitution de 1998 ne vise pas expressément la discrimination fondée sur le handicap et demande si la discrimination à l’égard des personnes handicapées est néanmoins répréhensible au regard du droit albanais. Elle souhaite savoir s’il est vrai que dans les couples mariés la femme n’a le même statut que son mari que si elle contribue au revenu familial et donne naissance à un héritier de sexe masculin, comme l’indiquent des informations émanant de sources fiables.

28.Mme SMITH demande quel pourcentage du budget de l’État est actuellement consacré aux politiques de l’enfance et à quel point la corruption constitue un obstacle à la bonne affectation des fonds et à la mise en œuvre des politiques sociales. Il serait utile de savoir quels sont les effets directs du taux de chômage très élevé sur les enfants. La délégation pourrait aussi indiquer si le Gouvernement considère qu’il entretient de bonnes relations avec les ONG de défense des droits de l’enfant et que ces dernières sont d’un grand recours dans la perspective de la mise en œuvre de la Convention dans le pays. Enfin, il faudrait savoir comment le Gouvernement envisage de faire mieux connaître la Convention au niveau national en vue de faire évoluer les mentalités pour tout ce qui touche au respect des droits de l’enfant.

29.M. CITARELLA regrette l’absence d’informations sur les initiatives concrètes prises par l’État partie pour mettre en œuvre la Convention. Il se demande notamment si cette dernière a déjà été invoquée devant les tribunaux albanais et, dans l’affirmative, si les poursuites ont été suivies d’une condamnation. Il serait utile d’obtenir un complément d’information sur la distinction établie dans le Code civil entre un «enfant» et un «mineur» en fonction de l’âge, ainsi que sur les sources du droit albanais, le droit coutumier semblant être à l’origine d’une discrimination de fait à l’égard des femmes et des minorités, en particulier de la communauté rom, notamment en matière d’éducation.

30.Étant donné que le plan d’action qui accompagne la stratégie nationale pour l’enfance ne contient aucune disposition relative aux affectations budgétaires nécessaires à sa mise en œuvre, la délégation pourrait préciser à l’aide de quels fonds le Gouvernement entend la financer. Enfin, le nombre élevé d’enfants non déclarés à la naissance est préoccupant car cette carence risque de faire d’eux une cible idéale pour les personnes impliquées dans le trafic d’enfants.

31.M. LIWSKI aimerait savoir si le Gouvernement entend corriger les disparités très marquées entre les régions, tant sur le plan économique que sur celui de la mise en œuvre des droits consacrés par la Convention, en affectant des ressources budgétaires aux régions les plus défavorisées, en particulier le nord-est du pays.

32.La délégation pourrait également indiquer si le Gouvernement envisage de contribuer à réduire le nombre d’assassinats liés au respect d’un code d’honneur, notamment en encourageant les personnes âgées à jouer le rôle de médiateur en vue de réconcilier les familles.

33.Il serait par ailleurs utile de savoir à quel point les politiques publiques encouragent les enfants à participer à la vie associative du pays, s’il existe des exemples concrets d’une telle participation et si l’État partie s’est doté d’un mécanisme permettant à une personne dont les droits fondamentaux ont été violés de porter plainte. Dans l’affirmative, il faudrait savoir si des actions pénales ont été engagées contre les auteurs des violences dénoncées.

34.Enfin, la délégation pourrait préciser si les programmes de formation des agents chargés de l’application des lois comprennent des cours sur l’interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

35.M. KOTRANE dit que les réformes prévues sur le plan législatif doivent être suivies d’effets concrets et tenir compte, dans les faits, de l’intérêt supérieur de l’enfant afin de protéger les enfants albanais des maltraitances et autres violences découlant du droit coutumier. Il insiste ensuite sur la nécessité de faire comprendre aux familles qu’il n’est pas normal d’envisager l’avortement comme un moyen de contrôler les naissances.

36.Mme VUCKOVIC-SAHOVIC souligne que, malgré les avancées enregistrées dans le domaine de la mise en œuvre des droits de l’enfant, les questions relatives à l’enfance figurent parmi les préoccupations les moins urgentes des décideurs et des législateurs et qu’il faudrait donc que l’État partie s’attache à convaincre l’opinion de la nécessité d’accorder davantage de droits aux mineurs et à accroître les ressources budgétaires en faveur de l’enfance.

37.Il serait utile de savoir si le Gouvernement envisage de participer financièrement à l’effort déployé par les organisations internationales dans le cadre de la coopération technique pour mettre un terme au travail des enfants dans le pays.

38.Enfin, la délégation pourrait indiquer si le Gouvernement sait que l’avortement est perçu par la population non seulement comme un moyen de contrôler les naissances mais aussi comme un moyen de choisir le sexe de son enfant, comme en témoigne le nombre anormalement élevé de nouveau-nés de sexe masculin.

39.Mme CHUTIKUL souhaite savoir quels liens le Comité interministériel des droits de l’enfant entretient avec le groupe interministériel d’experts et avec les responsables de la mise en œuvre du plan d’action adopté au titre de la stratégie nationale pour l’enfance, quelle est la composition de son secrétariat et qui établit son programme de travail. Il faudrait également savoir si l’évaluation de la mise en œuvre de ce plan d’action incombe audit groupe interministériel d’experts, si ce dernier compte parmi ses membres des personnes issues de la société civile et si les ONG et les enfants seront associés à la révision de la stratégie nationale pour l’enfance prévue en février 2005. Il serait également utile de connaître les grandes lignes de cette stratégie ainsi que les délais que s’est fixés le Gouvernement pour la mise en œuvre du plan national d’action.

40.La délégation pourrait de plus fournir un complément d’information sur la stratégie pour l’amélioration des conditions de vie de la communauté rom et sur les mesures prises par l’État partie pour encourager l’enregistrement des naissances et, partant, l’accès de tous les enfants aux services de base, aux soins de santé et à l’éducation notamment.

41.M. FILALI demande ce que fait l’État partie en vue de sensibiliser les responsables de l’application des lois et les enfants aux dispositions de la Convention et si cette dernière est mise en œuvre de manière uniforme à l’échelle du pays. Il faudrait notamment savoir si les communes jouissent d’une certaine autonomie ou si toutes les décisions relatives à la mise en œuvre de la Convention sont dictées par les autorités centrales. Enfin, il est permis de se demander s’il ne serait pas préférable de regrouper toutes les dispositions relatives à l’enfance, pour l’heure éparpillées dans divers textes, au sein d’un seul et même instrument, par exemple un Code de l’enfance.

La séance est suspendue à 11 h 25; elle est reprise à 11 h 45.

42.M. NINA (Albanie) explique qu’en Albanie la protection de l’enfance ne fait pas l’objet d’un budget spécifique et que son financement repose donc sur les contributions des principaux ministères concernés par la mise en œuvre de la Convention. La situation économique générale de l’Albanie allant en s’améliorant, les crédits budgétaires alloués à ce secteur ne pourront qu’augmenter et des dispositions concrètes en ce sens pourront bientôt être introduites dans le plan d’action et la stratégie nationale pour l’enfance.

43.Depuis avril 2004 le Bureau du Médiateur (Avocat du peuple) est doté d’une Division de l’enfance. Le Médiateur est habilité à enquêter sur les cas de violation des droits de l’enfant et à faire des recommandations afin que les victimes obtiennent réparation, mais à ce jour il n’a dans la pratique reçu que très peu de plaintes. Avec le soutien financier de l’Agence suédoise de développement international, la Division de l’enfance s’attachera au cours des trois prochaines années à promouvoir l’introduction dans la législation de dispositions concernant spécifiquement les enfants, à sensibiliser l’ensemble de la population aux droits de l’enfant et à ouvrir des antennes régionales du Bureau du Médiateur.

44.Mme SMITH demande comment s’explique le nombre très faible d’affaires de violation des droits de l’enfant signalé au Médiateur.

45.M. NINA (Albanie) dit que de gros efforts d’information ont été déployés et que le Bureau du Médiateur, institution indépendante chargée de défendre les droits de l’homme et les libertés individuelles, enregistre de nombreuses plaintes émanant d’adultes.

46.Bien que les dispositions de la Convention soient connues du public et directement applicables dans l’ordre juridique interne, elles n’ont paradoxalement jamais été invoquées devant les tribunaux, malgré le travail des ONG en matière d’information et d’assistance juridique.

47.Mme CHUTIKUL demande si un enfant dont la naissance n’a pas été enregistrée peut être scolarisé normalement et avoir accès aux services de santé.

48.M. CITARELLA aimerait savoir si l’État partie dispose d’estimations du nombre de personnes, notamment d’enfants, non enregistrés et si la procédure d’enregistrement des naissances entraîne des frais pour les familles.

49.M. NINA (Albanie) dit que les modalités d’enregistrement des naissances, de transmission du nom patronymique et de choix du prénom ainsi que d’établissement des actes de naissance sont désormais régies par l’article 35 de la toute nouvelle loi sur l’état civil ayant remplacé la loi de 1979 relative à l’enregistrement des actes de l’état civil. La scolarisation d’un enfant dont la naissance n’a pas été enregistrée ne pose aucun problème et la procédure d’enregistrement des naissances est gratuite.

50.Le Ministère des collectivités locales et de la décentralisation s’attache à organiser des campagnes télévisées de sensibilisation de la population à la question de l’enregistrement des naissances et à ses avantages, à accroître le nombre de bureaux de l’état civil et à faire procéderd’ici au 28 février 2005 à l’enregistrement de tous les citoyens albanais sur leur lieu de domicile, en application d’une décision récente du Parlement.

51.Mme SHESHI (Albanie) dit que la politique du Gouvernement dans le domaine des droits de l’enfant est définie dans la Stratégie nationale pour l’enfance, élaborée par un groupe de travail constitué d’experts d’institutions publiques et de représentants d’organisations non gouvernementales œuvrant en faveur de l’enfance et assortie d’un plan d’action (2001-2005) pour la survie, l’épanouissement, le développement et la participation des enfants et la réalisation des objectifs du Millénaire. La reconduction de ce plan sur la période 2005-2010 sera l’occasion de mener de larges consultations avec les ONG et les enfants, notamment ceux participant au Gouvernement des enfants.

52.Le Comité interministériel des droits de l’enfant a été institué pour élaborer les politiques en faveur de l’enfance et assurer la coordination des activités menées par toutes les parties prenantes. Une de ses priorités est de mettre sur pied un bureau des droits de l’enfant chargé de l’application technique de la Convention.

53.À partir de l’enseignement secondaire, les programmes et manuels scolaires et les expositions organisées sur le thème des droits de l’enfant permettent de faire connaître aux élèves les dispositions de la Convention. Depuis deux ans, en collaboration avec la Banque mondiale, le Gouvernement albanais distribue gratuitement des exemplaires de la Convention aux enfants scolarisés dans le primaire. Des campagnes de sensibilisation sont également organisées à l’intention des parents.

54.Mme KHATTAB note avec satisfaction que la législation en vigueur réprime la discrimination à l’égard des fillettes et des femmes, mais souhaite un complément d’information sur les circonstances exceptionnelles dans lesquelles le mariage des jeunes filles de moins de 18 ans peut être toléré par la loi.

55.Le PRÉSIDENT demande si la loi actuelle autorise le mariage d’une jeune fille de 16 ans enceinte ou celui de jeunes gens qui auraient obtenu le consentement de leurs parents.

56.M. CITARELLA demande des éclaircissements sur le contenu du paragraphe 46 du rapport relatif à la pleine capacité juridique des femmes en cas de mariage avant l’âge de 18 ans.

57.Mme SHESHI (Albanie) dit qu’avec l’entrée en vigueur du nouveau Code de la famille, les hommes et les femmes sont bel et bien égaux en droit en Albanie, notamment en ce qui concerne l’âge du mariage. Les services de l’État ne reconnaissent et n’enregistrent plus aucun mariage de jeunes filles de moins de 18 ans, même si la tradition des mariages précoces se perpétue parfois encore dans la communauté rom.

58.M. NINA (Albanie) précise que les informations figurant dans le rapport sont obsolètes car antérieures à la révision de la législation pertinente.

59.M. MULLAJ (Albanie) dit que le phénomène des enfants cloîtrés chez eux à cause d’une vendetta résulte de la survivance de traditions très anciennes, principalement présentes dans le sud‑est du pays et dans les zones reculées, où l’État a plus de mal à s’imposer. Les services de police, en coopération avec le Comité pour la réconciliation, ont d’ores et déjà réussi à délivrer des enfants d’une telle situation, et les autorités continueront à explorer les nouvelles pistes qui pourraient permettre de régler les différends des familles concernées et, ainsi, protéger leurs enfants.

60.M. NINA (Albanie) précise que le nombre exact des enfants cloîtrés chez eux est de 104, comme a permis de l’établir une enquête approfondie menée par les autorités en vue de fournir des services d’éducation à domicile à tous ces enfants, même si un nombre bien plus élevé a été avancé, notamment par le Comité des droits de l’homme. Les initiatives visant à lutter contre ce phénomène sont multiples et ne sont pas l’apanage du Comité pour la réconciliation. Elles sont coordonnées par la présidence tout en se déployant aussi sur le front législatif. C’est ainsi qu’en vertu de la nouvelle législation pénale le fait d’avoir commis un crime ou un délit dans le cadre de la «reprise du sang» constitue une circonstance aggravante.

61.M. KRAPPMAN fait observer qu’un quart de la population de l’Albanie vit dans l’extrême pauvreté, avec moins de deux dollars par jour, et que dans ce pays où les ménages monoparentaux sont nombreux, plus d’un pauvre sur deux a moins de 21 ans, certaines estimations étant même plus alarmantes encore. Les autorités ne doivent pas se contenter de déclarer que la situation économique s’améliore, mais dresser un tableau réaliste de la situation et faire de la réduction de la pauvreté sa priorité absolue. Il est essentiel d’assurer la sécurité économique des familles, tout en s’intéressant aussi à la dimension psychologique de la pauvreté. En effet, des phénomènes comme les violences, les sévices et les négligences, le travail des enfants, peuvent être considérés comme des conséquences de la pauvreté.

62.L’Albanie s’est dotée de lois contre le travail des enfants conformes aux normes internationales sans toutefois parvenir à résoudre le problème. Selon certaines sources, quelque 10 000 enfants, dont certains très jeunes, travailleraient et n’iraient pas à l’école − ce qui ferait du travail des enfants un problème majeur appelant des mesures concrètes dans l’État partie, notamment la mise en place d’un système effectif de contrôle de l’application du droit du travail.

63.Il est à craindre que les taux d’inscription dans les établissements scolaires ne soient trompeurs et qu’un grand nombre d’enfants, bien qu’inscrits, n’assistent pas aux cours, notamment parmi les enfants des rues, les enfants issus de la minorité rom, les enfants occupant un emploi et les enfants de familles migrant à l’intérieur du territoire. Les filles, en particulier, semblent abandonner massivement les cours dans l’enseignement secondaire.

64.L’enseignement est obligatoire jusqu’à l’âge de 14 ans, alors que l’âge minimum pour exercer un travail est de 16 ans, ce qui pose la question de savoir ce que les jeunes qui abandonnent l’école à 14 ans font jusqu’à l’âge de 16 ans. Une proportion importante des élèves ayant achevé leur scolarité primaire ne commence même pas l’enseignement secondaire et 10 % seulement des établissements de l’enseignement secondaire sont des établissements techniques et professionnels, ce qui signifie qu’un pourcentage infime d’une classe d’âge suit un enseignement professionnel, et, par conséquent, que la grande majorité de ceux qui entrent sur le marché du travail le font sans avoir jamais reçu aucune formation.

65.Le PRÉSIDENT aimerait que la délégation précise l’âge de la responsabilité pénale, les informations sur ce point étant contradictoires, et qu’elle indique si l’assistance juridique est une réalité à tous les stades de la procédure, qui la finance et si les émoluments des avocats commis d’office sont suffisamment motivants. Selon certaines informations préoccupantes, les médias dévoileraient le nom ou le visage de mineurs en conflit avec la loi, ce qui est contraire au principe de respect de la vie privée, et les détentions avant jugement pourraient être d’une durée très longue; il serait donc utile que la délégation s’exprime à ce sujet.

66.Il faudrait en outre savoir si les enseignants, les policiers, les magistrats et les autres professionnels travaillant avec des enfants reçoivent une formation adaptée. Enfin, les mineurs placés en détention ne représentant qu’une partie des mineurs en conflit avec la loi, la délégation pourrait préciser ce qu’il advient des autres.

67.Mme AL-THANI aimerait en savoir plus sur la situation et la vie quotidienne des handicapés dans l’ État partie. Le système de santé connaît de nombreux problèmes et semble notamment atteint par la corruption. Les hôpitaux ne disposent apparemment pas toujours de tous les médicaments nécessaires. Les suicides sont en hausse, de même que la consommation d’alcool, de tabac et de stupéfiants. La santé des adolescents et la lutte contre le VIH/sida ne font pas l’objet d’efforts suffisants.

68.Des informations complémentaires sur les programmes exécutés avec le concours de l’UNICEF visant à promouvoir l’allaitement maternel et sur l’action dans ce domaine seraient les bienvenues, eu égard en particulier au taux de malnutrition très inquiétant observé chez les enfants de moins de 3 ans. La délégation pourrait également s’exprimer au sujet des allégations de trafic d’organes.

69.Mme VUCKOVIC-SAHOVIC souligne que l’éducation n’est véritablement gratuite que si non seulement l’accès aux salles de classe, mais aussi les livres, transports et fournitures scolaires, ou encore l’accès aux équipements sportifs, sont gratuits. Au sujet des buts de l’éducation, il serait intéressant de savoir dans quelle mesure l’Albanie a procédé à une réforme pédagogique et adapté ses programmes scolaires, en y faisant notamment une place à l’éducation aux droits de l’homme. Il est regrettable que les jeunes Albanais mettent aussi peu leur temps de loisir à profit et ne soient pas davantage incités à faire du sport.

70.Mme SMITH relève elle aussi que le tableau dressé dans la partie du rapport consacrée aux loisirs et activités culturelles est peu reluisant et demande si la situation s’est améliorée depuis.

71.Mme LEE se dit choquée par le nombre de morts violentes enregistré dans l’État partie chez les très jeunes enfants, notamment par homicide, et aimerait savoir si les victimes de violences ont obligatoirement des policiers comme interlocuteurs ou si d’autres autorités peuvent être contactées, notamment hôpitaux ou services sociaux.

72.Elle s’étonne que la quasi-totalité des personnes handicapées soit analphabète et en demande la raison. Elle aimerait savoir quelle est la fréquence du réexamen des décisions de placement dans les établissements spécialisés, où sont placés certains handicapés physiques.

73.M. FILALI croit savoir que l’Albanie accueille des réfugiés, en provenance notamment d’Iran, de Chine et du Pakistan, mais que les infrastructures sont insuffisantes, les procédures administratives lentes, le personnel peu ou pas formé.

74.S’agissant de la consommation de drogues, on semble disposer d’estimations fournies par des ONG mais d’aucune statistique officielle. Il a été question de la possibilité de traiter certains délits de manière extrajudiciaire, et il conviendrait d’y revenir afin de préciser les types de délits concernés et la procédure suivie.

75.Mme ORTIZ souligne que l’État partie peut s’enorgueillir d’avoir su mettre les adoptions sous contrôle, après avoir résolu un grave problème de trafic d’enfants et espère que cette victoire, arrachée à force de volonté politique, lui montrera la voie à suivre pour résoudre les problèmes encore d’actualité. Selon certaines sources toutefois quelques adoptions auraient encore lieu sans passer par les voies officielles. La délégation pourrait préciser ce qu’il advient des orphelins vivant en institution une fois qu’ils ont atteint l’âge limite de 14 ans révolus et combien se trouve dans cette situation.

76.Mme KHATTAB croit savoir que de nombreuses familles qui s’estiment incapables de s’occuper correctement de leurs enfants les placent en institution, alors que cette forme d’éducation ne peut qu’aggraver les risques de voir ces enfants tomber dans la délinquance; elle invite donc vivement l’État partie à réfléchir à la possibilité de mettre en place des programmes visant à soutenir les parents et à les aider à assumer leurs responsabilités.

77. Elle s’inquiète du taux élevé d’avortement chez les adolescentes et de la forte consommation de drogues chez les jeunes, qui révèlent la nécessité d’en faire davantage pour la santé des adolescents.

78.L’Albanie est à la fois un pays d’origine et de transit de la traite des femmes et il lui faut donc prendre des mesures répressives tout en menant une action de prévention.

La séance est levée à 13 h 5.-----