NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. GÉNÉRALE

CRC/C/SR. 780 24 juillet 200 2

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trentième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 780 e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mercredi 22 mai 2002, à 10 heures

Président  : M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES

Rapport initial de la Guinée ‑Bissau

______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document , à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour)

Rapport initial de la Guinée Bissau [CRC/C/3/Add.63; CRC/C/Q/GUIB.1 (liste des points à traiter); réponses écrites (document sans cote)]

1. Sur l’invitation du Président, M M.  D . Cabi , A . Mendes et J .  A . Mendes prennent place à la table du Comité .

2. M. CABI ( Guinée ‑Bissau ) dit que la Guinée ‑Bissau est un petit pays indépendant depuis 1973, dont la population figure parmi les plus pauvres et les plus jeunes de la planète. Le  pays arrive à la 169 e  place sur 174 dans le classement selon l’indice de développement humain du PNUD; les investissements sociaux du pays sont de plus freinés par une dette extérieure de l’ordre de 945 millions de dollars . Les infrastructures du pays ont en grande partie été détruites pendant le conflit politico-militaire de 1998 ‑99 et ce sont les groupes vulnérables (enfants et femmes) qui ont le plus souffert de ces destructions.

3. Depuis l a ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant par la Guinée ‑Bissau et sa participation au Sommet mondial pour les enfants, à New York en 1990, son Gouvernement a engagé une réforme institutionnelle et législative et organisé des consultations qui ont entre autres débouché sur la création, en 1991, d’une Commission nationale pour l'enfance chargée de la coordination du plan d’action pour l’application de la Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement de l’enfant; en 1992, cette commission a en outre reçu pour mandat de mettre en œuvre les décisions adoptées au Sommet mondial pour les enfants.

4. Un comité interministériel pour l’enfance a en outre été institué et chargé d’élaborer un plan national en faveur de l’enfance, qui a été présenté à la Conférence internationale sur l’assistance aux enfants africains, tenue à Dakar en 1992. Cette même année a été créé le Ministère de la promotion féminine, qui a appuyé la mise en place d’un Comité de lutte contre les pratiques néfastes, en particulier l’excision .

5. À ces différents organismes s’ajoutent la commission parlementaire chargée des affaires de la femme et de l’enfant, qui coordonne les efforts d’harmonisation de la législation nationale en la matière, ainsi que l’Institut des femmes et des enfants, qui assure la coordination des différentes politiques et mesures de protection.

6. L’année 2001 a été riche sur le plan des ratifications, avec la ratification des deux protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Convention d’Ottawa sur les mines antipersonnel.

7 . Une enquête auprès des ménages, réalisée en 2000, a permis de dresser le tableau de la situation réelle des enfants dans le pays et a malheureusement révélé une détérioration dans un certain nombre de domaines. On déplore des taux de mortalité infantile et maternelle élevés et des taux de scolarisation, au contraire, très faibles (44,4 % pour les garçons et 37,7 % pour les filles). Seulement 36 % des plus de 15 ans savent lire et écrire, 59 % de s habitants ont accès à l’eau potable, 25 % des moins de 5 ans souffrent de malnutrition, 57 % des enfants ne sont pas inscrits au registre de l’état civil à la naissance et seuls 11,4 % des enfants ont bénéficié des huit vaccinations recommandées par l’OMS. À ces chiffres alarmants s’ajoute le fait que les enfants de Guinée ‑Bissau sont en outre exposés à la menaces de la drogue, de la prostitution, des travaux pénibles et des mines. Il y a donc urgence et l’ampleur de la tâche est énorme, tandis que les moyens sont très restreints. L’avenir passe par la bonne gouvernance, le respect des droits de l’homme, la lutte contre la corruption et la mise en œuvre de mesures sociales en faveur des enfants.

M esures d’application générales et définition de l’enfant

8 . M me SARDENBERG constate avec satisfaction que le rapport, y compris ses annexes , soumis par la Guinée ‑Bissau a été rédigé en se conformant dans une large mesure aux directives du Comité, et que le gouvernement s’ y livre à une certaine auto-critique. La présence même de la délégation est un motif de satisfaction et témoigne d'une évolution et d'un engagement envers les droits de l’enfant puisque c'est la première fois de son histoire que l’État partie se présente devant un organe conventionnel.

9.L’enthousiasme qu’avaient suscité les droits de l’enfant tout de suite après la ratification de la Convention semble malheureusement être retombé depuis, sans doute du fait de la guerre civile qui a ravagé le pays en 1998 et 1999 et s'est soldée par une désorganisation générale. À ce sujet, elle aimerait savoir si la situation peut être considérée comme stable dans le pays à l’heure actuelle. Le dialogue avec le Comité est donc particulièrement important à l’heure où le pays tente de reprendre le chemin de la promotion des droits de l’homme et il faut espérer que certaines des suggestions que les membres du Comité feront à la délégation seront appliquées avec profit dans l’État partie.

10 . Elle demande s’il est prévu de ratifier sous peu les instruments internationaux signés au cours des dernières années. Relevant que certains des chiffres mentionnés dans les réponses écrites de l’État partie sont contradictoires et rappelant combien il importe d’évaluer les problèmes avant le stade de la formulation des politiques, elle aimerait avoir des précisions sur l’état du système de collecte de données statistiques.

11.Enfin, elle souhaite savoir quelle structure est responsable de la coordination et du suivi de la mise en œuvre de la Convention à l’heure actuelle et comment l’État partie coordonne l’assistance qu’il reçoit des différents pourvoyeurs d’assistance internationale, massivement présents sur son sol.

1 2 . M me CHUTIKUL , s e félicit ant de la franchise dont la délégation a fait preuve dans sa présentation, aimerait avoir des précisions sur les problèmes de coordination entre institutions ainsi que sur les travaux du Comité de lutte contre les pratiques néfastes et ses résultats concrets. De même, il serait bon de savoir si la Ligue guinéenne des droits de l’homme obtient des résultats satisfaisants, dans quelle mesure elle intègre les droits de l’enfant dans sa mission et quelles relations elle entretient avec le Gouvernement. Des informations seraient également les bienvenues concernant la Commission nationale pour l’enfance créée dans le prolongement du Sommet mondial pour les enfants de New York. Elle demande si le plan d’action adopté a fait l’objet d’une évaluation et, dans l’affirmative, si ses résultats ont été jugés satisfaisants. L’État partie était-il représenté à la session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée aux enfants, qui s’est tenue récemment à New York, et a ‑t ‑il adopté un nouveau plan d’action ? Dans l’affirmative, ce plan s’ inspire ‑t ‑il du précédent ou participe-t ‑il d’une approche différente ?

13.Elle souhaiterait obtenir des précisions sur l’application des dispositions de la Convention par les tribunaux ainsi que sur le rôle des organisations communautaires dans les initiatives en faveur des enfants prises à l’échelle nationale, et savoir quelle est la structure chargée de mettre en conformité la législation nationale avec la Convention.

1 4 . M me AL-THANI note que l’État partie renvoie l'image d'un État réellement soucieux de faire progresser les droits de l'homme mais confronté à des obstacles sérieux et fait observer à ce propos que certains de ces obstacles pourraient être levés à relativement brève échéance. Ainsi, les textes de loi de l’État partie appellent une réforme en profondeur, les dispositions relatives à la définition de l'enfant devant notamment être modifiées. Il y aurait aussi lieu de se pencher sur le droit coutumier qui, comme dans bon nombre d'autres pays d'Afrique, prévaut dans les communautés rurales, tout en étant en contradiction avec la Constitution.

1 5 . M me OUEDRAOGO note que plusieurs institutions se partagent la responsabilité de la protection des droits de l'enfant et craint que cette situation ne conduise à des chevauchements. Elle demande si l’État partie a procédé à un examen global pour évaluer la conformité de sa législation aux dispositions de la Convention et si la diversité culturelle de la population se traduit par une diversité et une multiplicité des règles coutumières. Si tel est le cas, quelles mesures sont prises pour harmoniser le droit coutumier à l'échelle nationale et pour limiter les effets néfastes potentiels des dispositions du droit coutumier ?

16. Elle souhaite en outre connaître la composition, le fonctionnement et la durée des sessions du Parlement des enfants, ainsi que la suite donnée par le Gouvernement aux décisions qui en émanent.

1 7 . Il serait intéressant de savoir si des activités ont été entreprises pour évaluer le degré de connaissance de la Convention dans l’État partie et si les professionnels qui travaillent avec et pour les enfants ont été formés pour intégrer les dispositions de cet instrument dans leurs activités quotidiennes.

1 8 . Au sujet de la définition de l’enfant, elle constate d’importantes disparités concernant l’âge minimum légal du mariage entre le Code civil hérité de la période coloniale et le droit coutumier et aimerait savoir si le Gouvernement entend prendre des mesures pour harmoniser ces dispositions et si des campagnes d’information et de sensibilisation sont organisées pour décourager les mariages précoces et forcés .

1 9 . M. AL ‑SHEDDI demande si c’est bien au Ministère des affaires sociales et de la protection de la famille qu’a été confiée la responsabilité générale de l’application de la Convention . Notant que sept années se sont écoulées entre la ratification de la Convention, en 1990, et l’adoption de la loi sur la protection de la femme et de l’enfant, il voudrait savoir pourquoi l’État partie a tant tardé à donner suite à ses engagements . Enfin, il demande si le p lan national d’action pour l’enfance élaboré par la Commission nationale pour l’enfance comprend un calendrier d’activités et bénéficie d’un financement adéquat.

20 . M. CITARELLA déplore l’absence d’un système de collecte de données permettant d’obtenir des statistiques fiables et détaillées, notamment sur le budget national, les dépenses sociales et, de façon générale, la situation financière de l’État partie depuis la fin de la guerre civile. Il voudrait savoir si le Gouvernement envisage d’établir des statistiques plus précises sur l’évolution des taux de mortalité et de malnutrition des enfants de moins de 5 ans, ainsi que sur le développement général de l’enfant.

21 . Il demande si la Convention peut être invoquée devant les tribunaux et s’inquiète des disparités importantes entre le droit écrit et le droit coutumier concernant en particulier l’âge minimum du consentement à des relations sexuelles et l’âge légal du mariage. Il aimerait savoir si des dispositions relatives à l’intérêt supérieur de l’enfant ont été incorporées dans la législation et dans quelle mesure ce principe est accepté et est appliqué dans les procédures administratives. Il aimerait également savoir si des recours particuliers sont ouverts aux enfants et comment sont traitées les affaires concernant des crimes dont des enfants ont été victimes.

22 . M me  KARP constate que le rapport semble laisser transparaître un sentiment d’impuissance de la part du Gouvernement et demande si l’État partie envisage de solliciter une assistance technique pour identifier clairement les problèmes et mettre en place un système de statistiques. E lle estime regrettable que la délégation se compose essentiellement de juristes, vu que les questions relatives aux droits de l’enfant n’ont pas uniquement un caractère juridique mais concernent aussi d’autres aspects de la vie quotidienne.

2 3 . Il serait utile d’obtenir des précisions sur les activités de démobilisation et de réinsertion des enfants soldats , et e n particulier de connaître les activités entreprises pour aider les intéressés à surmonter le

traumatisme de la guerre civile. Il faudr ait également en savoir plus sur le contenu et le champ d’application de la loi relative à la protection de la femme et de l’enfant.

24 . M me Karp demande si des études ont été consacrées aux domaines dans lesquels le droit coutumier s’applique, de quelle façon les affaires relatives à l’intérêt supérieur de l’enfant sont réglées en cas de conflit entre règles coutumières et droit écrit et si des activités de sensibilisation sont organisées à l’intention des notables des différentes communautés, y compris les chefs tribaux, aux fins de garantir le respect des droits de l’enfant.

2 5 . Elle souhaiterait de plus amples renseignements sur la place de la Convention dans le plan national d’action pour l’enfance, ainsi que sur les liens existant entre celui ‑ci et la stratégie de lutte contre la pauvreté. Déplorant le caractère souvent flou des réponses écrites, elle souhaite que la délégation apporte des précisions sur les différents plans de développement sectoriels susceptibles d’améliorer la situation des femmes et des enfants et les activités de coopération avec l’UNICEF. Enfin, elle voudrait savoir où en est le projet de commission nationale des droits de l’homme et s’il est prévu que cette structure s’occupe également des droits de l’enfant et comprenne un mécanisme de plaintes accessible aux enfants et adapté à leurs besoins en cas de violations de leurs droits.

2 6 . M me  KHATTAB demande à la délégation d’expliciter les informations concernant la situation financière de l’État partie et l’action du Gouvernement dans ce domaine . Elle souhaite connaître les dispositions qui ont été prises pour permettre à la Commission nationale pour l’enfance de s’acquitter effectivement et pleinement de ses fonctions et pour renforcer la coordination des activités de tous les mécanismes de protection de l’enfance.

2 7 . Elle voudrait savoir comment procède l’État partie pour concilier le droit écrit et le droit coutumier et s’il compte réviser sa législation afin, notamment, d’y incorporer des dispositions concernant la mise en œuvre de la Convention . Elle souhaite aussi connaître les mesures prévues pour combler le fossé entre la législation et la pratique et assurer notamment l’application effective des lois se rapportant à la famille .

2 8 . Notant plusieurs contradictions dans le rapport, M me Khattab demande à la délégation des éclaircissements sur la définition de l’enfant donnée dans la Constitution de la Guinée- Bi ssau , à savoir "tout être humain âgé de moins de 15 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable" . De même, elle relève que les garçons peuvent accomplir leur service militaire dès l’âge de 16 ans, au lieu de 18 ans comme le veut la loi. En ce qui concerne les disparités entre les hommes et les femmes, dont celles concernant l’âge minimum légal du mariage, elle constate que, du fait de la polygamie, la mère naturelle n’est pas toujours responsable de l’éducation de ses enfants et demande ce que le Gouvernement compte faire pour remédier à cette situation.

29 . Elle souhaite aussi en savoir plus sur le rôle et l’efficacité des ONG, qui sont citées à maintes reprises dans le rapport mais dont l’action n’est pas coordonnée avec celle des autres institutions oeuvrant en faveur de l’enfance . Enfin, elle demande si, dans le cadre de sa coopération avec l’UNICEF, l’État partie a entrepris une analyse de la situation des enfants et s’il a comparé cette situation avec celle qui prévalait pendant la colonisation portugaise.

30 . M me  TIGERSTEDT ‑TÄHTELÄ souhaite connaître le rang de priorité accordé à la satisfaction des besoins des enfants dans le budget national et souligne que, même dans des conditions de pauvreté, il est toujours possible de prendre des mesures fiscales afin de dégager les ressources voulues pour financer une politique de l’enfance, si modeste soit ‑elle .

La séance est suspendue à 11 heures 25; elle reprend à 11h 40 .

31.

M. A. MENDES ( Guinée ‑Bissau ) indique , au sujet de la coordination de l’action en faveur de l’enfance, qu’une certaine confusion règne entre les différents organes créés pour assurer l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant en Guinée ‑Bissau . Depuis la ratification du texte , en 1990 , de nombreuses structures de suivi ont été créées, dont la Commission nationale pour l’enfance et le Comité interministériel pour l’enfance - structure purement technique chargée de l’application de la Convention. Faute des moyens nécessaires pour s’acquitter de la tâche de grande ampleur qui lui avait été confiée – réduction de la pauvreté et mise en œuvre de la Convention – la Commission nationale pour l’enfance a disparu très rapidement.

32. Institué en 2000 au sortir de la guerre civile , l’Institut de la femme et de l’enfant est l’une des structures actuellement chargées de coordonner l es activités en rapport avec la mise en œuvre de la Convention même si s on statut n’a toujours pas été entériné par le Gouvernement. Il existe en outre une commission parlementaire ad hoc chargée des questions relatives aux femmes et aux enfants qui a pour fonction de favoriser l’harmonisation de la législation nationale avec les instruments internationaux dont la Guinée ‑Bissau est signataire et la révision de toute la législation nationale intéressant, entre autres, les enfants est du reste en cours.

33. Parallèlement à ces structures gouvernementales, un certain nombre d’ONG œuvrent en faveur de l’enfance. Aucune coordination directe n’existe entre ces ONG et l’Institut de la femme et de l’enfant ou la commission parlementaire ad hoc mais dans la pratique de nombreuses activités sont menées sur la base d’une collaboration entre les ONG et les structures gouvernementales. à ce propos, il convient de souligner le rôle important revenant au Comité de lutte contre les pratiques néfastes, qui organise de nombreux séminaires et conférences dans le but de sensibiliser la population – en particulier en milieu rural – aux problèmes que posent l’excision et autres mauvais traitements à l’encontre des enfants, et de faire cesser ces pratiques.

34. C omme l’a souligné l’UNICEF, la création d’une multitude de structures fonctionnant sans réelle coordination rend difficile la bonne application de la Convention et l a Guinée ‑Bissau envisage donc de ne conserver que l’Institut de la femme et de l’enfant et de le placer sous la tutelle du Secrétaire d’État à la lutte contre la pauvreté.

35. U n comité interministériel des droits de l’homme a été mis en place voilà à peine trois mois dans le but d’assurer le suivi de tous les instruments internationaux auxquels la Guinée ‑Bissau est partie, c e qui témoigne de la volonté du Gouvernement de respecter ces instruments, dont la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant et les protocoles facultatifs s’y rapportant.

36. En Guinée ‑Bissau , le droit international prime sur le droit interne et toutes les dispositions de la Convention sont applicables au plan interne. En cas de violations flagrantes des droits de l’enfant, il est toujours possible de saisir l’institution judiciaire. Les structures sont certes insuffisantes mais ont le mérite d’exister, à la mesure des moyens dont dispose le pays. Ainsi, les magistrats du tribunal régional de Bissau et des tribunaux locaux de Bissau ont une compétence générale et peuvent traiter des questions concernant les violations des droits de l’enfant. Le Tribunal régional est doté d’une section spécialisée dans les affaires concernant les enfants. Dans le reste du pays sont implantés de nombreux tribunaux dont les juges, de par leur compétence générale, traitent tant des affaires pénales ou civiles que des affaires concernant la violation des droits de l’enfant, notamment des litiges concernant les pensions alimentaires et la garde des enfants .

37. S’agissant du droit coutumier, il est vrai qu’en Afrique il pose souvent problème. Alors que l a Guinée ‑Bissau ne connaît pas de discrimination institutionnalisée entre les sexes, dans les milieux ruraux la réalité est tout autre et le droit coutumier y semble beaucoup plus suivi que le droit positif, qui prime pourtant. Les mentalités évoluant lentement, de nombreuses campagnes d’informations et de

sensibilisation seront nécessaires pour amener les populations à renonce r à certaines pratiques. Les uns acceptent la primauté du droit coutumier par ignorance, d’autres par peur du qu ’en dira-t-on. Toujours est-il que dans certaines zones perdure la conception selon laquelle l’homme doit bénéficier de plus de possibilités que la femme. Dans les villages, le taux de scolarisation des garçons est plus élevé que celui des filles et les hommes, plus instruits, ont donc de meilleures perspectives que les femmes. Cet état de fait ne reflète en rien la position officielle de l’État.

38. Pour ce qui est de la définition de l’enfant, la Constitution fixe l’âge de la majorité à 18 ans et la législation reprend les termes de la Convention, à savoir que tout être humain âgé de 0 à 18 ans est un enfant. L e Code pénal fixe l’âge de la responsabilité pénale à 16 ans. Avec le consentement de ses parents, il est possible à une fille de se marier dès l’âge de 14 ans et à un garçon dès 16 ans, cette possibilité ouvrant la voie à des pratiques comme le mariage précoce ou forcé qui persistent dans certaines zones. Des mesures peuvent parfois être prises pour protéger les jeunes femmes souhaitant échapper à un mariage forcé; l’adulte concerné peut être convoqué pour être informé de la loi et traduit devant les instances compétentes.

39. M. CABI ( Guinée ‑Bissau ) indique que la situation politique en Guinée ‑ Bissau est à présent stable comme l’atteste le fait que l’ONU a réduit voilà à peine un mois l’effectif de la force de sécurité qu’elle avait déployée dans le pays. En

Guinée ‑Bissau , t out le monde est libre de s’exprimer et de faire valoir ses droits. Le pays compte cependant une forte proportion d’analphabètes qui ne connaissent pas leurs droits. La Ligue des droits de l’homme, ONG indépendante, joue un rôle prépondérant en procédant à des investigations visant à garantir les droits fondamentaux de la population. La Ligue peut apporter un soutien intéressant au Gouvernement, non seulement en tant qu’élément d’équilibre mais aussi par le biais d’un rapport indépendant qu’elle a élaboré en association avec l’AMIC (Association des amis de l’enfant) et dans lequel figurent diverses recommandations. En cas de conflit de normes, le droit positif prime sur le droit coutumier

40. A u sujet de la composition de l a délégation, il précise que son effectif a dû être réduit faute de moyens financiers et que l es contraintes et restrictions financières ont à l’évidence une incidence sur les investissements dans le domaine des droits de l’enfant et des droits de l’homme. Malgré tout, la problématique des droits de l’homme est prise très au sérieux par le Gouvernement qui a lancé une campagne de sensibilisation avec les ONG et l’UNICEF. Ce dernier a en outre mis en route – en collaboration avec le Gouvernement – une campagne de promotion des droits de l’enfant, en particulier une campagne d’enregistrement gratuit des enfants de 0 à 10 ans et des émissions radiophoniques insistant sur le fait que tout enfant a le droit de savoir lire et écrire et de posséder une nationalité. Grâce à cette action de plus en plus de villageois scolarisent leurs enfants et ne sont plus tentés de les envoyer vivre dans une autre famille car dans pareille éventualité les aides financières qu’ils perçoivent pour les frais de scolarisation sont réduites en conséquence.

41. Le Parlement des enfants se compose de 150 membres représentant les huit régions administratives du pays; il se réunit une fois par an à Bissau et l ’UNICEF , ainsi que d es ONG de défense des droits de l’homme, dont l’ AMIC ou la Ligue des droits de l’homme, participent aux préparatifs de cette session annuelle à l’issue de la quelle les jeunes parlementaires formulent des recommandations sur les moyens à mettre en œuvre pour mieux protéger les droits de l’enfant. Pour sensibiliser la communauté à cette question, le Gouvernement a lancé une vaste campagne médiatique qui a manifestement porté ses fruits puisqu’une enquête financée par l’UNICEF et réalisée par l’association AMIC a révélé que 70 % des sondés connaissaient cette problématique.

42. M me TIGERSTEDT ‑TÄHTELÄ demande si dans un souci de décentralisation, le Gouvernement a mis en place des autorités chargées de veiller à la mise en œuvre de la Convention au niveau des villages, notamment dans le domaine de la santé et de l'éducation, puisque la population bissau-guinéenne est à 78 % rurale. Elle aimerait en outre connaître les grandes lignes de la loi sur la

protection de la femme et de l'enfant adoptée en 1997 et savoir où en est la révision du Code pénal et du Code de la famille.

43. M me KARP souhaite savoir si les enfants ont accès aux procédures de plainte et le cas échéant, si leurs plaintes sont examinées par un organe administratif spécialement chargé des questions relatives aux mineurs.

44. M. A. MENDES ( Guinée ‑Bissau ) dit que le Gouvernement a conscience des avantages que présente la décentralisation mais que les moyens manquent pour mettre en œuvre une politique de ce type.

Les enfants qui estiment leurs droits bafoués peuvent s'adresser directement à la section chargée des questions relatives aux mineurs, qui recueille leurs plaintes et leur garantit une protection juridique. En cas de mauvais traitements par exemple, une action en justice peut être engagée par l'enfant concerné ou par un tiers.

La révision du Code pénal a été interrompue par les deux années de guerre civile, mais les travaux ont repris et ont même beaucoup avancé depuis le retour au calme.

Articles 2 à 5

45.

M me SARDENBERG demande si l a Convention a été traduite en créole . Par ailleurs, elle constate que dans son rapport l’État partie reconnaît que les filles souffrent de discrimination dans tous les domaines et aimerait donc savoir q uelles mesures le Gouvernement a adoptées pour combattre le mariage précoce et faciliter l’accès des petites filles à l’éducation.

46. En matière d’enregistrement des naissances, le Gouvernement envisage ‑t ‑il de supprimer les amendes en cas de déclaration à l’état civil hors délai légal, vu que cette disposition semble aller à l’encontre de l’effet escompté ? Sur les plans juridique et pratique, existe ‑t ‑il une différence de traitement entre les enfants légitimes et les enfants nés hors mariage ?

En quoi consiste la "quinzaine de l’enfant" et quelles activités sont mises en œuvre à ce titre ? Ce mécanisme a ‑t ‑il des liens avec le Parlement des enfants ?

47. M me AL ‑THANI demande comment le Gouvernement entend faire évoluer les mentalités pour combattre la discrimination dont sont victimes les albinos, les jumeaux et les enfants handicapés .

48. M me OUEDRAOGO demande s’il est fréquent en Guinée ‑Bissau qu’un grand ‑père ou une grand ‑mère tue un enfant sous prétexte qu’il est né avec un défaut physique ou une affection découlant des pratiques ou coutumes du groupe ethnique auquel il appartient. Est ‑il vrai que les femmes recourent davantage à l’infanticide et à l’avortement qu’aux méthodes de planification de la famille ?

49. Elle aimerait en outre savoir si la Guinée ‑Bissau s’est dotée d’une commission de censure chargée de veiller à ce que les films, cassettes vidéo et journaux ne contiennent pas d’informations qui puissent avoir un effet nuisible sur les enfants.

50. Quelle est la situation des enfants bénéficiant du type de protection appelé m ininos de c riaçon en vertu duquel d es enfants so nt séparés de leurs parents naturels pour être élevés par d’autres et est ‑il comparable à l’adoption informelle fréquente en Afrique ? La  Guinée ‑Bissau autorise ‑t ‑elle l’adoption internationale ? Enfin, vu le nombre élevé de familles monoparentales et les répercussions qu’une telle situation de famille peut avoir sur le développement de l’enfant, le Gouvernement prend ‑il des mesures pour venir en aide à ces familles ?

51. M me CHUTIKUL demande quel est le statut des associations pour l’enfance et la jeunesse dont le nombre dépasse 200 à l’heure actuelle. Sont ‑elles assimilées à des ONG et financées par l’État ? Quel est leur rôle dans la mise en œuvre de la Convention ?

52. M. CITARELLA aimerait savoir quelles mesures administratives et législatives le Gouvernement a prises pour faire respect er le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Notant la franchise avec laquelle il est reconnu dans le rapport que les dispositions légales instituant l’aide juridique et juridictionnelle aux mineurs en cas d’abandon ou de négligence ne sont pas appliquées, il demande si l’État partie entend prendre des mesures visant à garantir le respect de cette législation ou bien en adopter une nouvelle.

53. M me KARP souhaiterait connaître le nombre d’enfants impliqués dans des conflits armés. Par ailleurs, v u le taux élevé de naissances non déclarées, elle demande si l’État partie envisage de mener une campagne de sensibilisation et de mettre en place des équipes mobiles chargées de procéder à l’enregistrement des naissances dans tout le pays. Il semble ressortir des réponses écrites que les personnes jugées coupables d’actes de violence sur mineur n’exécutent pour ainsi dire jamais leur peine. Si tel est effectivement le cas, comment l’État partie protège ‑t ‑il les enfants contre les mauvais traitements et autres actes de ce type ? Étant donné que 1  % seulement des enfants d’âge scolaire fréquente nt l’école maternelle, un jardin d’enfants ou un établissement similaire, le Gouvernement bissau ‑guinéen envisage ‑t ‑il d’accorder la priorité à l’enseignement préscolaire ?

54. M me KHATTAB appelle l’attention sur la nouvelle philosophie de la Banque mondiale en matière d’éducation, selon l aquelle aucun pays s’étant doté d’un plan d’action sérieux dans le domaine de l’éducation ne se trouvera dans l’incapacité de le mettre en œuvre en raison de difficultés budgétaires. La  Guinée ‑Bissau devrait donc s’atteler avec l’aide de l’UNICEF à élaborer un plan d’action de ce type puis le soumettre à la Banque mondiale pour obtenir un financement. Ainsi, l’ État partie serait peut être à même de résoudre nombre de ses problèmes liés au manque d’instruction, tels que la discrimination à l’égard des filles, la pratique des mariages précoces, les mutilations génitales féminines ou encore le taux trop faible d’enregistrement des naissances. Enfin, elle se demande si le taux insignifiant d’infection par le VIH mentionné par la délégation correspond à la réalité ou s’il est imputable au non -signalement des cas.

55. Le  PRÉSIDENT , prenant la parole en sa qualité d’expert, souhaiterait savoir quelles mesures sont prévues pour astreindre le père d’un enfant né hors mariage à prendre en charge l’éducation de son enfant naturel. Quel est en outre le rôle de la famille élargie en cas d’adoption informelle ? Enfin, la pratique des châtiments corporels au sein de la famille, à l’école et dans les institutions est ‑elle répandue ?

La séance est levée à 13 heures.

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