Nations Unies

CRC/C/SR.1591

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

3 février 2011

Original: français

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante- sixième session

Compte rendu analytique de la 1591 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 20 janvier 2011, à 15 heures

Président e:Mme Lee

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques de Singapour sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant(suite)

La séance est ouverte à 15 h 5 .

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques de Singapour sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant (CRC/C/SGP/2-3; CRC/C/SGP/Q/2-3; CRC/C/SGP/Q/2-3/Add.1) (suite)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation singapourienne reprend place à la table du Comité.

2.M me O ng Toon Hui (Singapour) indique qu’il n’existe pas de mécanisme de surveillance indépendant chargé des questions relatives aux enfants mais que les enfants peuvent porter plainte par téléphone ou par courrier électronique auprès des services compétents. Les enfants qui vivent en institution sont tous informés de ce qu’ils peuvent porter plainte auprès du Conseil d’inspection des foyers d’enfants et de jeunes, dont les membres effectuent des visites régulières dans les foyers. Un service de permanence téléphonique est également disponible pour quiconque veut signaler un acte de maltraitance ou de négligence.

3.Le mariage entre musulmans relève de la loi relative à l’administration du droit coranique. L’âge minimum du mariage religieux entre musulmans, qui était de 16 ans, a été relevé à 18 ans. L’âge minimum du mariage civil est également de 18 ans.

4.Comme suite à la modification de la loi relative au travail en 2004, l’âge minimum d’admission à l’emploi a été relevé de 14 à 15 ans, et l’âge minimum auquel les enfants peuvent accomplir des travaux légers de 12 à 13 ans. Aucun enfant ne peut accomplir de travaux dangereux. Les enfants âgés de 13 à 16 ans font l’objet de mesures de protection spéciales qui portent sur les heures de travail et le type de travail pouvant être effectué.

5.Singapour a adhéré en 2010 à la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, qui devrait entrer en vigueur dans le pays en mars 2011.

6.M me Aidoo (Rapporteuse pour Singapour) demande si la disposition de la loi relative au travail autorisant les enfants de plus de 13 ans à accomplir des travaux légers n’est pas contraire à l’obligation qu’ont les enfants d’aller à l’école jusqu’à l’âge de 15 ans.

7.M me O ng Toon Hui (Singapour) explique que la scolarisation obligatoire concerne les six premières années du cycle primaire mais que dans les faits environ 98 % des enfants suivent dix années d’enseignement et qu’environ 93 % d’entre eux suivent un enseignement postsecondaire ou une formation professionnelle. Les enfants qui accomplissent des travaux légers travaillent le plus souvent à temps partiel ou pendant les vacances.

8.La Présidente croit comprendre que le taux de scolarisation donné par la délégation concerne les enfants de nationalité singapourienne. Sachant qu’environ 30 % de la population du pays n’est pas singapourienne, elle demande des précisions sur la situation des enfants étrangers.

9.M. Balakrishnan (Singapour) explique que la population actuelle de Singapour est de 5 millions d’habitants, dont 3,2 millions de Singapouriens, dont les enfants sont pris en charge par les écoles nationales, 0,5 million de résidents permanents dont les enfants fréquentent également les écoles nationales et 1,3 million de travailleurs temporaires étrangers qui ne sont pas accompagnés par leurs enfants. Les taux de scolarisation très élevés qui ont été donnés portent donc sur l’ensemble des enfants résidant à Singapour.

10.M me Ghoh (Singapour) indique que, pour promouvoir le développement des compétences parentales, le Gouvernement a mis en place de nombreux programmes d’éducation destinés aux parents, notamment le Positive Parenting Programme. Le pays compte en outre 37 centres de services familiaux qui conseillent et soutiennent les parents.

11.Plusieurs initiatives ont été lancées pour permettre le repérage précoce des enfants en situation de risque, notamment des programmes de formation des enseignants et des formations interprofessionnelles réunissant notamment des policiers, des responsables de la protection de l’enfance, des agents de santé et des travailleurs sociaux. La législation en vigueur impose aux médecins de signaler les cas présumés de maltraitance aux services sociaux.

12.M me Goh (Singapour) indique que, très probablement, les filles sont plus visées que les garçons par la procédure relative aux enfants qui échappent au contrôle parental parce que les parents ont une attitude plus protectrice envers les filles qu’envers les garçons.

13.M me Aidoo (Rapporteuse pour Singapour) recommande vivement à l’État partie de réaliser une étude approfondie comportant des données ventilées par sexe, sur cette question, afin de fonder ses politiques et ses mesures sur l’information la plus complète possible.

14.La Présidente dit que cette question met en relief la nécessité de disposer d’un mécanisme de surveillance indépendant. Si les parents peuvent contacter les autorités pour que leur enfant soit placé en institution, à qui les enfants peuvent-ils s’adresser pour porter plainte?

15.M. Balakrishnan(Singapour) tient à préciser qu’un parent ne peut pas s’adresser aux tribunaux quand bon lui semble pour leur demander de placer son enfant en institution. De nombreux garde-fous sont en place et un certain nombre de procédures doivent être menées à terme avant que les tribunaux soient saisis. Toute demande est examinée dans un premier temps par la Singapore Children Society, organisme indépendant qui tente de régler le problème par la médiation. Dans un deuxième temps, les parents et l’enfant sont aiguillés vers un service d’information et de conseil. Ces deux démarches permettent de réaliser une évaluation indépendante de la situation et de cerner les diverses difficultés qui se posent. Ce n’est que lorsqu’elles ont échoué qu’une procédure est engagée devant les tribunaux. Il convient en outre de rappeler que la justice singapourienne est indépendante; les magistrats qui siègent au tribunal des affaires familiales veillent à disposer de toutes les informations nécessaires, notamment des rapports établis par les services sociaux, entendent les enfants concernés, contrôlent l’exactitude des affirmations des parents et fondent leurs décisions sur le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

16.M . Lau (Singapour) indique que le Central Narcotics Bureau, chargé de la lutte contre la toxicomanie, mène régulièrement des campagnes de prévention dans les écoles. Le National Council on Drug Abuse, pour sa part, mobilise des ressources à des fins de sensibilisation des jeunes aux effets nocifs de la consommation de drogues. Le nombre de cas de toxicomanie est allé diminuant au cours des dix dernières années.

17.La loi relative à la sécurité intérieure ne comporte pas de disposition excluant les enfants de son champ d’application. Cependant, aucun enfant n’a été détenu en vertu de cette loi.

18.M me Bhalla Ajay (Singapour) dit que les mutilations génitales féminines, l’alimentation forcée des femmes, et la sélection du sexe de l’enfant n’ont pas cours à Singapour.

19.Le taux d’allaitement maternel exclusif jusqu’à l’âge de 6 mois, actuellement de 22 %, est en augmentation. Les maternités disposent toutes d’une conseillère spécialisée qui s’entretient systématiquement avec les jeunes mères et à laquelle celles-ci peuvent s’adresser même après avoir quitté l’hôpital. Le Gouvernement s’emploie également à mettre en place des conditions matérielles propices à l’allaitement sur les lieux de travail et dans les commerces. Le congé de maternité est de quatre mois.

20.Les adolescents sont de plus en plus considérés comme un groupe d’enfants distinct, ayant des problèmes qui lui sont propres et qui appellent des solutions particulières. Des études sur la santé des adolescents sont réalisées au sein des écoles. En 2006, un comité consultatif a été chargé de recenser les principaux problèmes et lacunes relatifs à la santé des adolescents. Ses conclusions ont débouché sur l’adoption de nombreuses mesures visant à améliorer la prise en charge des adolescents.

21.M me E l-Ashwamy demande si l’État partie est doté de cliniques adaptées aux besoins des adolescents, de cliniques mobiles, de services de conseils spécialisés destinés aux adolescents et de permanences téléphoniques.

22.M me Bhalla Ajay (Singapour) dit que Singapour offre l’ensemble de ces services.

23.Depuis 2004, toutes les femmes enceintes subissent un test de dépistage du VIH. Cette mesure a permis d’éliminer totalement la transmission du virus de la mère à l’enfant.

24.La sensibilisation à la question des infections sexuellement transmissibles (IST) est inscrite dans les programmes scolaires dès l’école primaire. Divers programmes sont mis en œuvre, comme celui intitulé «Breaking down barriers» (Abattre les obstacles), pour faire tomber les tabous et informer les enfants de manière ludique et interactive sur les risques des relations sexuelles non protégées. On s’efforce de faire bénéficier de ces mesures de sensibilisation les jeunes qui sont un peu en marge de la société, notamment les 3 % de jeunes qui abandonnent l’école.

25.La Présidente demande un complément d’information sur la criminalisation des comportements à risque des jeunes qui ont des problèmes psychologiques, qui devraient plutôt faire l’objet d’une prise en charge thérapeutique.

26.M. Lau (Singapour) dit que l’objectif premier de la Charte des femmes est de protéger les filles et les femmes. En vertu de cet instrument, une fille et un garçon de moins de 16 ans qui ont des relations sexuelles librement consenties sont en infraction. Toutefois, ces jeunes ne font en général l’objet d’aucune poursuite. En revanche, un homme adulte qui a des relations sexuelles avec une jeune fille, même consentante, sera poursuivi en justice.

27.Le suicide en soi n’est pas une infraction, mais la tentative de suicide l’est. Dans la vaste majorité des cas, aucune poursuite n’est engagée et la personne bénéficie de soins appropriés, dans le cadre d’une prise en charge globale et non punitive.

28.M me Aidoo dit qu’il est louable que les femmes soient protégées, mais qu’il serait intéressant de savoir comment l’État protège les garçons. L’approche adoptée dans la Charte des femmes, qui ne prend pas les garçons en considération, est difficile à admettre pour le Comité, dont l’objectif est de protéger les droits de tous les enfants, filles et garçons.

29.M. Balakrishnan (Singapour) souligne que la Charte des femmes a été adoptée il y a cinquante ans. L’âge du consentement aux relations sexuelles est fixé à 16 ans. Des relations sexuelles qui donnent lieu à un paiement sont illicites même si la jeune fille a plus de 16 ans. Cette disposition vise à protéger les mineurs contre la prostitution. Des modifications ont récemment été apportées au Code pénal en ce qui concerne les infractions sexuelles, afin de protéger aussi les garçons.

30.M me Bhalla Ajay (Singapour) dit que le taux de suicide chez les adolescents fluctue d’une année sur l’autre mais reste relativement bas. Toutefois, le Gouvernement, conscient qu’il devait déployer davantage d’efforts dans le domaine de la santé mentale, a créé en 2006 un groupe de travail national sur la santé mentale chargé d’étudier de manière approfondie la question du bien-être mental des enfants et des adolescents, de favoriser la résilience chez les jeunes et de les aider à affronter les difficultés du passage à l’âge adulte. Le groupe de travail a mis l’accent sur l’éducation et la prévention, puis sur le dépistage et le traitement précoce des problèmes de santé mentale et s’est attaché à assurer la coordination des actions entreprises et le suivi des progrès réalisés. Il existe depuis plusieurs années des programmes visant à aider les enfants, dès leur plus jeune âge, à gérer le stress et les émotions négatives et à renforcer leur estime de soi.

31.De plus, des programmes de sensibilisation et de formation aux questions relatives à la santé mentale des adolescents ont été mis en place à l’intention des parents et des enseignants et un forum de soutien par les pairs, nommé «Audible Hearts» (À cœur ouvert), où les jeunes peuvent parler de leurs problèmes et échanger des conseils de manière confidentielle, a été mis en place sur Internet.

32.La Présidente demande des informations sur le niveau de l’aide publique au développement consentie par Singapour.

33.M me T an (Singapour) dit que Singapour verse régulièrement des contributions volontaires au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et intervient de manière ponctuelle en offrant une assistance financière lors de crises humanitaires causées par des catastrophes naturelles, comme lors de la sécheresse qui a récemment frappé Djibouti.

34.M me Maurás Pérez demande quel pourcentage de son PIB l’État partie consacre à l’aide internationale au développement en général et s’il dispose de chiffres concernant la part de cette aide spécifiquement consacrée à l’enfance. Le Comité souhaiterait en effet savoir quel est le niveau de l’aide accordée par les pays les plus développés aux pays les moins développés pour la mise en œuvre de la Convention. Il serait aussi intéressant de savoir si Singapour a établi une sorte de «livre blanc des droits de l’enfant» à l’intention des entreprises.

35.M. Balakrishnan (Singapour) dit qu’il ne voit pas de quel article de la Convention relève la question de l’aide publique au développement.

36.M me Aidoo (Rapporteuse pour Singapour) dit que l’article 4 de la Convention dispose que les États parties prennent toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels des enfants, «dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale». Cela signifie que les États qui sont en mesure de le faire apportent leur aide à des États qui ne disposent pas de toutes les ressources humaines, matérielles et financières nécessaires pour mettre en œuvre la Convention.

37.Elle rappelle que, le 21 septembre 2007, le Comité a organisé une importante journée de débat général intitulée «Ressources pour les droits de l’enfant − Responsabilité des États», qui a réuni des représentants de gouvernements, des organisations non gouvernementales et des experts et qui a abouti à des recommandations sur la manière de dégager des ressources pour la mise en œuvre de la Convention, notamment à travers la coopération internationale. Cela peut être rapproché de l’appel lancé aux États par l’Organisation des Nations Unies de consacrer 0,7 % de leur PIB à la coopération internationale pour le développement.

38.M me T an (Singapour) dit que Singapour n’a pas de ressources naturelles mais dispose en revanche d’importantes ressources humaines. C’est pourquoi l’aide qu’elle apporte au niveau international concerne principalement le développement des ressources humaines. Ainsi, des équipes de médecins singapouriens se rendent régulièrement à l’étranger pour enseigner aux médecins locaux et réaliser des opérations sur des enfants. Il peut s’agir d’initiatives privées comme d’actions appuyées par le Gouvernement. Les autorités singapouriennes n’ont jamais refusé d’apporter leur aide lorsqu’elles ont été sollicitées.

39.M. Balakrishnan (Singapour) dit que les réserves émises par Singapour aux articles 7, 9, 10 et 22 de la Convention sont liées au fait que Singapour est un État très petit et très densément peuplé, avec 7 000 habitants au kilomètre carré. Les autorités se doivent donc d’être très prudentes par rapport à tout engagement qui les amènerait à devoir accueillir plus de personnes que le pays n’est en mesure de le faire. Ainsi, malgré plusieurs avancées réalisées ces dernières années, notamment la modification apportée à la Constitution permettant d’accorder la nationalité singapourienne aux enfants nés de mère singapourienne, il n’est toujours pas possible de lever ces réserves.

40.De la même manière, Singapour n’étant pas en mesure d’offrir une éducation gratuite à tous les enfants étrangers qui résident sur son territoire, il n’est pas possible de lever les réserves à l’article 28 de la Convention.

41.Singapour a mis sa législation en conformité avec les Conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) no 138 sur l’âge minimum et no 182 sur les pires formes de travail des enfants. Cependant, compte tenu des règlements et de la pratique en vigueur dans le domaine du travail des enfants et des adolescents, les autorités jugent plus prudent de maintenir pour le moment la réserve à l’article 32 de la Convention.

42.M. Kotrane fait observer que les déclarations du Gouvernement singapourien concernant les articles 12 à 17 de la Convention sont très restrictives et réduisent l’exercice des droits et des libertés civiles de l’enfant. Des commentaires de la délégation sur la teneur de ces déclarations seraient les bienvenus.

43.M me Maurás Pérez, rappelant les chiffres donnés par la délégation selon lesquels, sur les 5 millions d’habitants de Singapour, 1,3 million sont des travailleurs étrangers, demande comment sont traités les enfants mineurs de ces travailleurs étrangers qui résident éventuellement avec eux.

44.M. Balakrishnan (Singapour) précise que son pays a formulé des déclarations − et non des réserves − concernant les articles 12 à 17 de la Convention, qu’il justifie par le fait que, dans le contexte multiracial et multiculturel qu’est celui de Singapour, la Convention peut être appliquée par d’autres moyens que ceux qui y sont prescrits. Cela dit, le Gouvernement singapourien partage les buts et objectifs de la Convention.

45.M. Filali demande quels sont les moyens extrajudiciaires auxquels recourt l’État partie en cas d’infraction mineure, quelles sont les peines imposées aux mineurs âgés de 10 à 18 ans qui se rendent coupables de crimes ou délits graves, et si le fait que le système de justice pour mineurs ne se soit pas doté de juges de proximité a pour effet de restreindre la protection des droits de l’enfant.

46.M me Ortiz, croyant savoir que certaines familles singapouriennes ont acheté des enfants chinois et que des enfants étrangers résidant à Singapour ont été adoptés par des familles nord-américaines, voudrait savoir si l’État partie envisage de devenir partie à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale ainsi qu’au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

47.Évoquant le paragraphe 481 du rapport, Mme Ortiz voudrait savoir si les ressources multimédias et les supports imprimés utilisés dans le cadre de la campagne annuelle de lutte contre l’usage de stupéfiants tiennent compte des spécificités culturelles des enfants, et s’ils sont traduits dans toutes les langues maternelles des élèves.

48.La délégation singapourienne pourrait indiquer de quelle manière l’État partie veille à ce que les enfants de toutes les communautés culturelles et linguistiques du pays accèdent à la vie culturelle dans des conditions d’égalité, si des mesures concrètes ont été prises en faveur des enfants ayant des besoins spéciaux, tels que les enfants handicapés, les enfants isolés, les enfants issus de minorités, et quelle est la place réservée au jeu et au sport, facteurs essentiels du développement et de l’épanouissement de l’enfant.

49.M. Citarella, déplorant que l’âge minimum de la responsabilité pénale soit fixé à 7 ans et que les enfants puissent être condamnés à la réclusion à perpétuité, aimerait savoir si en pareil cas, la peine peut être révisée, et dans l’affirmative, selon quelle procédure. Il aimerait connaître les raisons pour lesquelles la justice pour mineurs est si sévère et pourquoi les enfants de plus de 17 ans sont considérés comme des adultes au regard de la justice, ce qui est contraire aux dispositions de la Convention.

50.M. Kotrane, notant que le Comité d’experts de l’OIT sur l’application des conventions et recommandations a déploré en 2009 que la loi sur l’emploi portant définition de l’âge minimum d’admission à l’emploi s’applique uniquement aux enfants titulaires d’un contrat de travail écrit, voudrait savoir pourquoi les enfants qui travaillent ne sont pas tous titulaires d’un tel contrat, sachant que ceux qui en sont privés ne jouissent d’aucune protection sociale.

51.La délégation pourrait confirmer que l’âge légal minimum des employés de maison est fixé à 15 ans, et préciser si les domestiques ont droit à des jours de congé et si ces emplois sont réservés aux jeunes étrangers. Il serait utile de savoir si l’État partie envisage de relever à 18 ans l’âge minimum d’admission à tout type de travail qui, par sa nature ou les conditions dans lesquelles il s’exerce, est susceptible de compromettre la santé, la sécurité ou la moralité de la personne employée, conformément à la Convention no 138 de l’OIT sur l’âge minimum.

52.De la même manière, la délégation pourrait indiquer si l’État partie envisage de protéger tous les mineurs − et pas seulement ceux de moins de 16 ans − contre toute activité susceptible de nuire à leur moralité, conformément à la Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants.

53.M me El-Ashmawi, déplorant le peu de mesures mises en œuvre par l’État partie pour combattre l’exploitation sexuelle des enfants − et notamment des enfants des rues − demande si un code éthique a été élaboré pour protéger les enfants contre le tourisme sexuel. Elle aimerait savoir si les responsables de la prostitution infantile sont poursuivis et quelles mesures sont prises pour mettre fin à l’impunité dans ce domaine, faire respecter les lois en vigueur et en promulguer de nouvelles.

54.Il serait intéressant de savoir si l’État partie dispose d’un mécanisme chargé de recueillir des données sur la prostitution des enfants ainsi que d’un organe de coordination indépendant chargé de protéger les droits des enfants victimes de traite ou de vente, et s’il a cherché à intensifier la coopération avec ses partenaires internationaux dans la lutte contre la vente d’enfants à des fins de prostitution, en particulier en concluant de nouveaux accords bilatéraux et multilatéraux dans ce domaine.

55.La délégation pourrait en outre indiquer si l’État partie s’est doté d’un mécanisme permettant de signaler les cas de maltraitance et d’exploitation d’enfants et s’il a l’intention de ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

56.M. Koompraphant demande par quel moyen l’État partie surveille l’évolution des conditions de vie et de travail des enfants, quel type d’emplois occupent les enfants de moins de 15 ans qui travaillent, et si ceux-ci bénéficient d’une couverture sociale.

57.M. Zermatten, notant qu’aucun des enfants âgés de 7 à 10 ans ayant commis une infraction n’a été condamné, demande pourquoi l’État partie ne choisit pas de relever l’âge de la majorité pénale et de remplacer son système répressif par un système de protection, et comment Singapour justifie la violence étatique à l’égard des enfants qu’est la fustigation.

58.M me Aïdoo demande si le caractère particulièrement sélectif du système scolaire singapourien ne constitue pas un facteur de stress trop important pour les élèves et n’est pas responsable de problèmes comportementaux, voire de suicides. Elle aimerait savoir si des cours de soutien ont été mis en place à l’intention des écoliers malais qui ont de moins bons résultats que leurs camarades chinois, et si la politique linguistique mise en œuvre dans l’éducation nationale tient compte de la diversité des langues maternelles des écoliers.

59.M. Cheong (Singapour) dit que, dans tous les établissements scolaires du pays, des conseillers pédagogiques et des travailleurs sociaux apportent un soutien psychologique aux élèves en proie au stress et aux difficultés inhérentes à l’adolescence, l’objectif étant de leur donner confiance en eux et de faire d’eux des adultes responsables au sortir de l’enseignement secondaire. Pour cela, l’accent est mis sur le développement personnel, la capacité à se prendre en charge et l’éducation civique et morale.

60.Les enfants ayant des difficultés scolaires et ceux qui n’ont pas obtenu leur diplôme de fin d’études primaires peuvent désormais suivre une formation pratique, artistique ou sportive.

61.Compte tenu du climat chaud et humide de Singapour, tous les établissements scolaires sont dotés de salles de sport pour que les enfants puissent pratiquer une activité physique quel que soit le temps.

62.De nombreux parents ont exprimé le vœu que l’enseignement préscolaire soit rendu obligatoire, mais le Gouvernement singapourien n’envisage pas de le faire dans un avenir proche.

63.Chaque enfant doit apprendre deux langues: l’anglais, langue véhiculaire entre toutes les communautés linguistiques, et sa propre langue maternelle. Ce bilinguisme permet de préserver la grande diversité culturelle et linguistique du pays.

64.Les élèves du primaire en difficulté scolaire bénéficient de différentes mesures de soutien, comme des cours de remise à niveau en mathématiques et en anglais, un enseignement de la langue maternelle adapté au niveau de l’élève, et des mesures d’entraide entre élèves. Ces mesures portent leurs fruits car le niveau scolaire des élèves d’origine malaise, qui était assez faible auparavant, s’est nettement amélioré au cours des dernières années.

65.La Présidente souhaiteconnaître la place des enfants handicapés dans le système scolaire singapourien.

66.M. Cheong (Singapour) dit que la loi sur l’enseignement obligatoire dispose que tout enfant doit être scolarisé dans le système scolaire ordinaire. Dans les faits, une exception est faite pour les enfants porteurs de certains handicaps qui les rendent incapables d’être scolarisés dans le système général. Ces enfants sont accueillis dans des écoles spécialisées, dans lesquelles la prise en charge pédagogique doit respecter des critères de qualité stricts, élaborés par le Ministère de l’éducation en partenariat avec le Conseil national des services sociaux. Il est question d’augmenter les crédits budgétaires en faveur de ces établissements pour former de nouveaux assistants d’éducation chargés d’épauler les enseignants spécialisés. En fonction du handicap et de la situation personnelle de l’enfant, la possibilité est offerte aux parents de scolariser leur enfant à la maison, grâce à un ensemble de prestations éducatives, élaborées en étroite collaboration avec les organisations bénévoles de protection sociale. L’éducation universelle est donc une réalité à Singapour.

67.M me Ong Su Min (Singapour) souligne que le système de justice pour mineurs met l’accent sur la protection et la réinsertion. Les peines appliquées sont très diverses et proportionnées à la gravité de l’infraction: il peut être demandé aux parents de s’engager par un accord à mieux exercer leur autorité parentale ou encore de suivre un programme d’assistance psychologique avec l’enfant. Le mineur peut faire l’objet d’une mesure de probation qui ne doit pas excéder trois ans, être astreint à exécuter des travaux d’intérêt général, être condamné à une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de six mois ou être confié à un établissement scolaire agréé pendant trois ans au maximum. Le jeune peut aussi être condamné à payer une amende ou à être placé dans un centre de formation et de redressement. L’incarcération n’est décidée qu’en dernier ressort, après examen de toutes les autres possibilités. Aucun enfant de moins de 10 ans ne peut être privé de liberté.

68.Les tribunaux communautaires, établis en 2006, jugent les jeunes âgés de 16 à 21 ans et les tribunaux pour mineurs ceux de moins de 16 ans.

69.M. Citarella demande si un enfant âgé de 7 à 12 ans mis en cause dans une affaire pénale peut bénéficier de l’assistance d’un avocat.

70.M. Che ong indique que l’âge de la responsabilité pénale a été fixé à 7 ans pour permettre aux pouvoirs publics de déceler précocement les enfants pouvant poser des problèmes de délinquance et de prendre les mesures éducatives qui s’imposent, mais également pour éviter aux jeunes d’être utilisés à des fins criminelles par des adultes. Il est à noter que le Code pénal établit clairement qu’aucun enfant entre 7 et 12 ans ne peut être tenu pour responsable de ses actes s’il a été reconnu immature ou incapable de discernement.

71.M me Aidoo (Rapporteuse pour Singapour) se félicite du dialogue constructif qui a été noué avec la délégation singapourienne, qui a permis de faire le point sur la situation des droits de l’enfant à Singapour. Elle salue Singapour pour sa ferme volonté de mettre en œuvre la Convention, comme en témoignent ses bons résultats en matière de santé et d’éducation. Mais l’État partie doit prendre garde à ce que certains principes, quoique louables, comme le souci de cohésion sociale et d’intégrité familiale, ne viennent pas faire obstacle au plein exercice des droits de l’enfant.

72.Le Comité est conscient que l’État partie doit tenir compte de certaines contraintes, comme la superficie limitée de son territoire, la forte densité de population et l’absence de ressources naturelles, mais l’engage à poursuivre ses efforts pour donner effet à toutes les dispositions de la Convention, car il en a les moyens financiers, humains et logistiques. Dans ses observations finales, le Comité incitera très certainement l’État partie à lever les réserves qu’il maintient encore, d’autant que l’État partie satisfait déjà à quasiment toutes les exigences liées aux dispositions des articles concernés.

73.Le Comité est préoccupé par le fait que l’âge de la majorité ne soit pas clairement défini et qu’il n’y ait pas de définition uniforme de l’enfant et engage vivement l’État partie à mettre sa législation en conformité avec l’article premier de la Convention. Il serait bon aussi que l’État partie adopte une politique d’ensemble pour les adolescents qui mette l’accent sur leurs besoins sanitaires, sociaux et éducatifs. Le Comité invite également l’État partie à se pencher sérieusement sur la question des droits des enfants étrangers vivant sur son territoire.

74.M. Balakrishnan (Singapour) dit que, en ce qui concerne les réserves, le Comité reconnaîtra sans doute que Singapour, sur le fond, respecte l’essentiel de la Convention et que la situation générale des enfants est satisfaisante, même si les enfants étrangers ne bénéficient pas exactement des mêmes avantages et aides que les enfants singapouriens.

La séance est levée à 18 h 5.