NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.120624 janvier 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1206e SÉANCE*

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 18 janvier 2007, à 10 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique du Mali sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Mali sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/MLI/2; liste des points à traiter (CRC/C/MLI/Q/2); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/MLI/Q/2/Add.1))

1. Sur l’invitation du Président, la délégation malienne prend place à la table du Comité.

2.Mme DIALLO M’Bodji SENE (Mali) dit que le rapport à l’examen a été rédigé conformément aux directives générales sur la présentation des rapports périodiques, avec le concours de différents départements ministériels et d’organisations non gouvernementales, dans le cadre d’un processus participatif auquel les enfants ont été associés par l’intermédiaire du Parlement des enfants et des associations d’enfants. Le rapport expose les nombreuses mesures d’ordre législatif, réglementaire et administratif prises sur la période 1999‑2004, dont la mise en œuvre du Programme de développement sanitaire et social et du Programme de développement de la justice, ainsi que du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. Tous ces programmes, qui bénéficient d’un effort soutenu des partenaires techniques et financiers, sont placés sous la supervision du Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille.

3.Le Code de protection de l’enfant et les conventions internationales ratifiées par le Mali garantissent aujourd’hui pleinement le droit à la vie, à la survie et au développement de l’enfant malien. Le Programme de développement de l’éducation a permis d’enregistrer de réels progrès, notamment en matière de scolarisation des filles et d’éducation non formelle. De 1992 à 2004, les taux bruts de scolarisation sont ainsi passés de 46,7 à 71 % pour les garçons et de 32,3 à 56,6 % pour les filles, et l’écart entre garçons et filles ne cesse de se réduire.

4.Les partenaires du développement, parmi lesquels les institutions spécialisées de l’ONU et des organisations non gouvernementales nationales et internationales, ont joué un rôle majeur dans les avancées obtenues. Les organisations de la société civile suppléent notamment à l’insuffisance des ressources humaines et financières de l’État dans les activités de prise en charge et d’insertion de proximité en faveur des enfants et de leur famille. Cette insuffisance de ressources est particulièrement patente dans les domaines de la santé et de l’insertion sociale − face aux problèmes de la mendicité, de la traite et du travail des enfants, entre autres.

5.Le taux élevé d’analphabétisme, en particulier de la population féminine, et la persistance de certaines traditions expliquent la lenteur des avancées, mais le Mali entend persévérer dans ses efforts d’information et d’éducation et veut croire qu’un renforcement de la coopération internationale permettra d’améliorer les résultats des mécanismes nationaux et de renforcer les partenariats, internes et externes, entre les différentes parties prenantes.

6.Mme OUEDRAOGO note avec satisfaction que le rapport du Mali, quoique présenté avec un peu de retard, est conforme aux directives du Comité et a été élaboré avec la participation de représentants de la société civile. Sans méconnaître le grave manque de ressources auquel l’État partie est confronté, il est regrettable que le Plan d’action national n’ait pas été reconduit, car seul un plan d’action intégré permet d’aborder les droits dans leur interdépendance et leur indivisibilité. La question se pose de savoir si le Plan stratégique 2002‑2006 du Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, qui constitue le cadre de la politique de promotion de l’enfance, prend en compte la totalité des droits consacrés par la Convention.

7.Le Comité national chargé du suivi et de l’évaluation du Plan d’action national veille à la bonne coordination des différentes actions en faveur de l’enfance. Le besoin se fait sentir de lui allouer davantage de ressources puisqu’il est dit dans le rapport qu’il n’est que peu fonctionnel depuis sa création, et de lui rattacher les comités sectoriels de coordination. Le fait que cet organe interministériel soit aussi censé assurer le contrôle de la mise en œuvre des actions pose en outre problème car c’est à une structure indépendante que devrait être confié le suivi.

8.Le taux d’enregistrement des naissances stagne à un bas niveau et la délégation pourrait donc indiquer ce qui est fait pour contrer les obstacles à l’enregistrement des naissances énuméré dans le rapport, et notamment où en est le Plan d’action 2004‑2008 pour l’amélioration de l’enregistrement des faits d’état civil.

9.Il faudrait aussi savoir si la mère malienne transmet sa nationalité à ses enfants.

10.Il y a tout lieu de saluer l’établissement d’une commission de censure cinématographique, mais il reste à savoir si cet organe est doté de ressources humaines et financières suffisantes. Le rapport ne contient pas d’informations sur les éventuelles initiatives prises pour promouvoir la lecture et l’accès aux bibliothèques et pour protéger les enfants des informations inappropriées auxquelles ils pourraient avoir accès dans les cybercafés et vidéoclubs qui se multiplient au Mali et des renseignements à ce sujet seraient dès lors bienvenus.

11.Mme SMITH demande pourquoi le Mali n’a pas levé sa réserve à l’article 16 de la Convention et aimerait que la délégation précise si la population sait qu’il est possible d’invoquer directement la Convention devant les tribunaux et si le cas s’est déjà produit.

12.Un complément d’information sur la date prévue d’entrée en vigueur des décrets d’application du Code de protection de l’enfant et du Code des personnes et de la famille serait le bienvenu. Alors que l’âge légal du mariage doit, selon le projet de Code des personnes et de la famille, être ramené à 18 ans pour les deux sexes, dans les faits les filles de certaines communautés restent fréquemment soumises à des mariages précoces. Dans les familles ont en outre lieu maltraitance, châtiments corporels et mutilations génitales féminines. Il serait bon que la délégation présente les mesures prises pour éduquer et sensibiliser les parents aux conséquences de ces pratiques.

13.Les châtiments corporels devraient être interdits non seulement dans tous les établissements (dont les écoles coraniques), mais aussi à la maison. La question se pose aussi de savoir vers qui un enfant peut se tourner pour dénoncer les violences dont il est l’objet et si un plan d’action contre la violence domestique a été mis en place.

14.Enfin, la délégation pourrait indiquer s’il est vrai que des parents peuvent, en dehors de toute décision de justice, placer un de leurs enfants en institution au motif qu’il a des problèmes de comportement et apporter un complément d’information sur le Médiateur ainsi que sur la Commission consultative nationale des droits de l’homme, qui, selon certaines sources, n’aurait tenu que quelques réunions.

15.M. KOTRANE relève que l’État partie indique au paragraphe 19 de son rapport que sa réserve à l’article 16 de la Convention est devenue caduque, ce qui devrait l’inciter à la lever.

16.La délégation voudra bien indiquer si les magistrats maliens bénéficient d’une formation sur la Convention.

17.Mme KHATTAB aimerait savoir si les organisations non gouvernementales ayant participé à l’élaboration du rapport ont pu le lire avant sa publication.

18.Elle demande si le Mali a adopté des programmes de sensibilisation visant à promouvoir la scolarisation des filles et pris des mesures pour mettre en œuvre l’Initiative des Nations Unies concernant l’éducation des filles que le Secrétaire général a lancée à l’occasion du Forum mondial sur l’éducation. De plus amples informations seraient nécessaires sur les campagnes d’alphabétisation menées par la société civile et sur les efforts déployés afin de pousser les enfants des écoles coraniques qui mendient dans la rue à fréquenter les écoles ordinaires.

19.La délégation pourrait exposer les résultats du Programme national de lutte contre l’excision, indiquer − au cas où le manque de ressources en compromettrait l’exécution − si le Mali a demandé une aide à la communauté internationale, préciser quel est le degré d’engagement des responsables politiques et des chefs religieux ou coutumiers en faveur des campagnes contre l’excision et si des médias nationaux ont été appelés à soutenir ces initiatives et à plaider en faveur d’une évolution des mentalités.

20.Il serait utile de savoir si les 16 pratiques néfastes répertoriées dans le pays constituent des infractions pénales, d’avoir des éclaircissements sur le limage des dents et la diète excessive en vue du mariage, pratiques figurant dans cette liste, et d’expliquer comment l’État partie entend éradiquer l’excision en l’absence de loi la réprimant expressément. Enfin, il faudrait connaître le montant des ressources affectées au Comité national d’action pour l’abandon des pratiques néfastes à la santé de la femme et de l’enfant et savoir si ses travaux ont été évalués.

21.Mme ALUOCH demande comment le Mali combat le trafic transfrontalier d’enfants, sachant qu’il a signé des accords régionaux à ce sujet mais que les commissions chargées de les appliquer ne se réunissent plus.

22.La délégation pourrait préciser s’il existe des unités mobiles d’enregistrement des naissances dans le pays, si le Gouvernement a adopté une stratégie tendant à résoudre les problèmes liés aux écoles coraniques et quelle réglementation s’applique à ces établissements.

23.M. LIWISKI s’étonne que les ressources budgétaires allouées aux niveaux préscolaire et secondaire aient été moins importantes en 2005 qu’en 2004 et se demande si cette baisse est imputable à une mauvaise gestion du budget.

24.La délégation voudra bien indiquer si un mécanisme habilité à recevoir les plaintes de mineurs ayant subi des actes de torture et des mauvais traitements dans les commissariats de police et dans les lieux de détention a été mis en place et si ces plaintes sont consignées dans un registre. Il faudrait aussi savoir si les mineurs victimes de violations de ce type bénéficient de programmes de réadaptation, si les responsables sont condamnés et si des activités de prévention de la torture et des mauvais traitements sont organisées pour les membres des forces de l’ordre.

25.M. SIDDIQUI demande quels sont les liens du Centre national de documentation et d’information sur la femme et l’enfant avec la Direction nationale de la statistique et de l’information, s’il publie régulièrement des rapports sur la situation des enfants au Mali, s’il collabore avec l’UNICEF afin d’améliorer la qualité de ses travaux, s’il effectue des travaux de recherche indépendants sur des questions liées aux droits de l’enfant et s’il dispose de ressources financières et humaines suffisantes pour s’acquitter de son mandat.

26.La délégation pourrait préciser si un audit a été réalisé afin de déterminer si le budget de l’État est judicieusement réparti et indiquer s’il existe un mécanisme chargé de veiller à ce que les ressources destinées aux services sociaux, en particulier aux enfants, leur soient effectivement allouées.

27.M. ZERMATTEN demande si l’efficacité du Parlement des enfants a été évaluée, si des moyens suffisants sont mis à sa disposition et si des parlements d’enfants ont été créés également aux plans régional et local.

28.Il aimerait savoir si, dans le cadre d’une procédure relative à un litige familial, l’enfant doit obligatoirement être entendu par le juge et, dans l’affirmative, à partir de quel âge. Enfin, la délégation voudra bien citer des décisions judiciaires ou administratives dans lesquelles l’intérêt supérieur de l’enfant a été le critère déterminant.

29.Le PRÉSIDENT demande combien de plaintes déposées par des enfants a traitées le Médiateur et si ce dernier dispose d’un service spécialisé dans leur traitement.

30.Il souhaiterait savoir qui, au sein du Gouvernement, prend les décisions en matière de répartition de l’aide internationale et si les donateurs ont leur mot à dire à ce sujet.

31.M. FILALI demande un complément d’information sur la diffusion de la Convention, en particulier en milieu rural.

32.La délégation pourrait aussi apporter des précisions sur le rôle et la composition de la Commission consultative nationale des droits de l’homme et indiquer si cette instance comprend des représentants d’ONG et est dotée de bureaux régionaux.

La séance est suspendue à 11 h 20; elle est reprise à 11 h 35.

33.M. TRAORÉ (Mali) dit que le Plan d’action 1992‑2000 en faveur des enfants n’a pas été reconduit et qu’un plan d’action pour 2002‑2011 aurait dû être élaboré afin de donner suite au document «Un monde digne des enfants», adopté lors de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux enfants en 2002. Des programmes décennaux dans le domaine de l’éducation, la justice, la lutte contre la pauvreté et la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille élaborés en tenant dûment compte des principes inscrits dans la Convention sont toutefois mis en œuvre et compensent dans une certaine mesure l’absence de plan d’action global pour 2002‑2011.

34.Au sujet du taux d’enregistrement des naissances, le Plan d’action 2004‑2008 vise à sensibiliser la population, par des actions concrètes menées dans la capitale et dans les zones rurales, à la nécessité de déclarer chaque naissance. Une nouvelle loi sur l’état civil, qui consacre dans son article premier la gratuité des actes d’état civil, a été adoptée et est entrée en vigueur en 2006. Elle vise les actes de naissance, les actes de mariage et les actes de décès.

35.À l’heure actuelle, en droit malien la mère ne transmet pas sa nationalité à ses enfants, mais le Code des personnes et de la famille, en cours d’élaboration, inclura une disposition relative à cette question.

36.Le décret d’application du Code de protection de l’enfant n’a pas encore été adopté. Ce texte comporte deux dispositions majeures: la création de postes de délégués à la protection de l’enfance et de délégués à la liberté surveillée. Les attributions des premiers ont été définies − ils pourront intervenir directement s’ils apprennent ou constatent qu’un enfant a été maltraité −, mais ils n’ont pas encore été nommés. Dès qu’ils le seront, ils recevront une formation sur la Convention relative aux droits de l’enfant, puis seront affectés auprès des différents gouverneurs régionaux. Le texte relatif aux délégués à la liberté surveillée, appelés à suivre l’évolution des enfants en prison et, s’il y a lieu, à assouplir leur sanction, n’a pas encore été adopté.

37.Mme DIALLO M’Bodji SENE (Mali) précise que le décret de nomination des délégués à la protection de l’enfance est sur la table du Conseil des ministres depuis deux ou trois mois, en attente d’une décision.

38.M. TRAORE (Mali) dit que le Médiateur de la République est nommé par le Président de la République pour sept ans et que son indépendance est totale. Il ne peut être révoqué que s’il a commis une lourde faute. Il intervient comme intercesseur entre les administrés et l’administration lorsque se pose un problème. Chaque année, il doit produire un rapport, qui est soumis au Président de la République et au Président de l’Assemblée nationale.

39.Mme ALUOCH relève que le Médiateur ne s’occupe pas spécifiquement des enfants et demande si sa nomination par le Président ne compromet pas son indépendance.

40.Mme OUEDRAOGO encourage le Mali à nommer les délégués à la protection de l’enfance et les délégués à la liberté surveillée, et demande s’il est prévu d’informer les enfants de l’existence de ces structures afin qu’ils puissent les utiliser.

41.Le PRÉSIDENT demande quel organisme assure le suivi et la coordination des plans sectoriels aux niveaux national et régional, quelles mesures sont prises pour promouvoir l’enregistrement des naissances, si le Médiateur a été saisi de plaintes présentées par des enfants et, dans l’affirmative, quelle suite leur a été donnée.

42.M. TRAORE (Mali) dit que le texte instituant le Médiateur ne précise pas si les enfants peuvent s’adresser à lui en cas de mauvais traitements, mais ne l’exclut pas; les mineurs peuvent recourir aux tribunaux pour enfants, directement ou par l’intermédiaire d’autres instances, énumérées dans le Code de protection de l’enfant, qui semblent d’accès plus facile.

43.Mme SMITH demande si un délai a été fixé pour la désignation des délégués à la liberté surveillée et si les enfants recourent effectivement aux tribunaux pour enfants.

44.M. TRAORE (Mali) répond qu’aucune plainte n’a encore été enregistrée auprès des tribunaux pour mineurs car les enfants ne savent pas comment entreprendre de telles démarches. Il n’existe pas de service d’accueil téléphonique auprès duquel déclarer les maltraitances.

45.Les personnes déclarant une naissance tardivement ne sont pas sanctionnées. Une fois le délai dépassé, les parents bénéficient d’un système de jugement supplétif d’acte de naissance.

46.M. FILALI, soulignant que le système de jugement supplétif est coûteux et peu pratique pour les populations rurales, qui vivent loin des tribunaux, demande s’il serait possible de prévoir une régularisation administrative plutôt que judiciaire.

47.M. BARRY (Mali) dit que le système d’enregistrement ambulant mis en place par le Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, avec l’appui de l’UNICEF et du PNUD permet d’effectuer des enregistrements groupés de naissance et de mariage.

48.M. SIDIBE (Mali) dit que des mesures ont été prises pour lever la réserve relative à l’article 16. L’article 116 de la Constitution malienne donne effectivement une valeur supérieure aux accords internationaux, dont la Convention relative aux droits de l’enfant, et le fait que cette dernière n’a jamais été invoquée devant les tribunaux s’explique par un défaut d’information.

49.M. CISSE (Mali) dit que les écoles coraniques ne relèvent pas de l’éducation nationale, contrairement aux médersas. Les résultats de l’étude sur les écoles coraniques, commanditée par l’UNICEF, ne sont pas encore connus. Le Département de l’éducation a organisé des séminaires de formation à l’intention des maîtres coraniques afin de mettre leur enseignement en conformité avec les droits de l’enfant. Des écoles nomades ont été mises en place pour instruire les enfants touaregs durant leurs déplacements. Des cantines scolaires ont été créées avec l’appui du Programme alimentaire mondial pour que les élèves puissent rester à l’école.

50.Mme KHATTAB demande s’il existe des statistiques sur les enfants bénéficiant de ces mesures.

51.Mme OUEDRAOGO souhaite des précisions sur la différence entre médersas et écoles coraniques.

52.M. FILALI demande pourquoi le Gouvernement, s’il tient à conserver les écoles coraniques, ne les place pas sous la tutelle du Ministère des affaires religieuses afin de les contrôler, car il est intolérable que les maîtres coraniques enseignent la mendicité aux enfants.

53.M. CISSE (Mali) explique que les médersas font partie de l’éducation nationale et respectent un programme scolaire semblable à celui des écoles où le français est enseigné. Les écoles coraniques, au contraire, se limitent à un enseignement religieux. Cet enseignement est dispensé par des maîtres coraniques qui n’hésitent pas à apprendre la mendicité à leurs élèves pour subvenir à leurs besoins. Le Gouvernement désapprouve cette pratique et s’emploie à réorganiser ce secteur, mais la tâche est difficile.

54.Mme KHATTAB demande si le Gouvernement exerce un droit de regard sur l’enseignement dispensé dans les écoles coraniques ou s’il échappe totalement à son contrôle, s’interrogeant en particulier sur le risque de tendances extrémistes.

55.M. CISSE (Mali) répond qu’il n’y a pas de tendances extrémistes et que le Gouvernement est très soucieux d’organiser l’enseignement dans ces écoles et de former les marabouts.

Ce n’est toutefois pas facile, en raison de divers facteurs. Ce sont souvent les parents qui choisissent d’envoyer leur enfant à l’école coranique. Il est possible de suivre les deux enseignements.

56.Mme DIALLO M’BODJI SENE (Mali) dit que la vraie école coranique n’est pas incompatible avec l’accès à l’éducation. Beaucoup d’enfants y vont pour y apprendre les prières, avant d’aller à l’école ordinaire. Malheureusement, certains marabouts poussent les enfants à la mendicité au lieu de leur enseigner la religion, mais le Gouvernement s’efforce de résoudre ce problème.

57.La pratique consistant à imposer une diète aux jeunes filles avant leur mariage est une tradition culturelle toujours moins observée. Un Comité de lutte contre les pratiques néfastes à la santé fonctionne depuis 1999 et un programme national de lutte contre la pratique de l’excision est mis en œuvre. Un léger recul de cette pratique a été constaté et le Mali a choisi de la combattre par l’éducation et la sensibilisation et non la répression pénale, car il a constaté que les lois adoptées à cet effet par certains pays voisins étaient difficilement applicables et incitaient les familles à faire pratiquer des excisions clandestines à l’étranger, notamment au Mali.

58.Mme OUEDRAOGO demande où vont les réfugiés après leur passage en centre de transit et quel traitement est réservé aux enfants dans ces centres, notamment s’ils ont accès à des services médicaux, si on les aide à retrouver leur famille, et si des mesures sont prises pour les protéger − en particulier les filles − contre d’éventuelles violences.

59.La délégation pourrait en outre fournir des informations sur l’aide apportée aux enfants des rues, qui ne sont pas tous des mendiants (garibous); ce sont parfois même des familles entières qui sont à la rue à cause de la pauvreté.

60.Mme SMITH demande quels sont les risques liés à l’adoption internationale mentionnés dans le rapport. La procédure appliquée au Mali semble très complète et devrait suffire à éviter les adoptions illégales. L’adoption protection, instituée par l’article 58 du Code de la parenté est également une procédure notable, puisqu’elle est faite selon les règles de la coutume, par un jugement rendu en audience publique à l’issue d’une enquête, mais il est permis de se demander si telle est réellement la pratique. L’État partie ne précise pas s’il existe des foyers pour enfants.

61.Selon toute apparence, le Centre spécialisé de détention, de rééducation et de réinsertion pour mineurs de Bollé accueille non seulement les garçons en conflit avec la loi mais aussi des enfants placés là en raison de leur comportement ou par leurs parents, sans que l’on sache s’ils sont mélangés aux autres ou si des unités spéciales leur sont réservées. Quant au Centre pour femmes, il accueille manifestement adultes et mineures sans distinction. D’une façon générale, il n’est pas précisé dans le rapport si les enfants sont séparés des adultes dans les centres de détention, et si des programmes éducatifs leur sont proposés. Il faudrait savoir en outre si le contrôle exercé sur les deux centres de Bollé est satisfaisant.

62.La délégation pourrait indiquer combien de professionnels du secteur de la justice pour mineurs ont reçu une formation spécifique, quel est le nombre de tribunaux pour enfants et pourquoi ils ne fonctionnent pas. Des renseignements sur le recours à la procédure de médiation, destinée à remplacer les poursuites, seraient aussi bienvenus.

63.M. KRAPPMANN regrette l’absence d’informations sur l’éducation préprimaire. L’accès à l’enseignement primaire et secondaire s’est amélioré mais beaucoup reste à faire, en particulier pour les filles. Les taux de redoublement et d’abandon scolaire demeurent trop élevés, et on ne sait pas s’il existe des programmes pour encourager les enfants déscolarisés à reprendre leurs études. Les écoles privées ont apparemment un grand nombre d’élèves, mais il n’est pas précisé si elles suivent le même programme que les écoles publiques et si elles font l’objet d’un contrôle par le Ministère de l’éducation. Enfin, il apparaît que les enseignants sont trop peu nombreux, insuffisamment formés, mal payés et mal vus socialement: il serait utile de savoir quelles mesures sont prises pour remédier à cette situation.

64.Des précisions sur la révision en cours des programmes éducatifs visant à les adapter aux réalités socioéconomiques du pays seraient bienvenues. Il faudrait en outre savoir si les enseignants sont encouragés à employer des méthodes qui favorisent la participation des élèves.

65.Le rapport mentionne l’existence de centres d’éducation pour le développement (CED), sans toutefois indiquer leur nombre ni comment ils fonctionnent ou combien d’élèves ils accueillent. D’une façon générale, il contient peu d’informations sur la formation technique et professionnelle, dont on ne sait pas, par exemple, si elle s’adresse aussi aux filles.

66.La délégation pourrait préciser si l’éducation relative aux droits de l’homme dispensée à l’école l’est à tous les niveaux et est obligatoire.

67.M. FILALI demande quelle est la durée de la garde à vue, si les médiateurs pénaux appartiennent au pouvoir judiciaire, quelle est leur formation et quel en est le nombre. Il faudrait aussi savoir si les mesures sociales (ou de rechange) en matière non criminelle font l’objet d’une évaluation et si la détention est uniquement une mesure de dernier recours.

68.Un certain nombre de problèmes propres aux jeunes exigent des mesures de la part du Gouvernement, notamment l’exode des jeunes vers les villes ou l’étranger, la mode de la dépigmentation chez les jeunes filles et la consommation de drogues par les jeunes désœuvrés. Des informations plus complètes sur ces questions seraient bienvenues.

69.Enfin, il serait utile de connaître les mesures prises pour lutter contre le trafic d’enfants, qui prend des proportions alarmantes.

70.Mme AL‑THANI note en le déplorant que certaines régions sont dépourvues de centres médicaux, que la couverture des programmes de vaccination est insuffisante (inférieure à 85 %) et que le taux de mortalité infantile reste élevé. L’accès à l’eau potable est encore très limité. Le Comité aimerait savoir ce qui est fait à ce sujet.

71.Les jeunes sont particulièrement touchés par les MST et les grossesses précoces, des problèmes souvent dus à un manque d’information. Il faudrait dès lors savoir s’ils ont accès à des services de santé procréative et mentale. Aucune statistique concernant les suicides n’a été fournie et cette lacune devrait être comblée.

72.Malgré l’augmentation sensible des moyens affectés à la lutte contre le sida, la situation ne s’est guère améliorée, la délégation pourrait indiquer pourquoi et préciser ce qui est fait pour recenser les orphelins du sida et leur venir en aide.

73.Mme KHATTAB demande si le Mali a sollicité une assistance extérieure, par exemple pour réformer sa justice pour mineurs, et a prévu de recenser les enfants des rues et de consacrer une étude approfondie à leur situation.

74.Il serait utile de savoir si le Gouvernement a essayé de sensibiliser la population au problème des violences dans la famille, par exemple par l’intermédiaire des médias, et s’il envisage d’élaborer un plan d’action national pour donner suite aux recommandations contenues dans l’Étude du Secrétaire général sur la violence contre les enfants.

75.La délégation voudra bien exposer les mesures prises en faveur des fillettes employées comme domestiques, qui seraient toutes des migrantes.

76.Mme ALUOCH demande si l’Assemblée nationale a déjà approuvé le projet de Code des personnes et de la famille et s’il existe des programmes d’aide à la parentalité.

77.Elle demande où en est la traduction dans les langues nationales du Code de protection de l’enfant et d’autres textes relatifs aux droits de l’enfant. Elle souhaite par ailleurs des précisions sur la mise en conformité de la législation avec la Convention en vue de mieux protéger les enfants privés de leur milieu familial.

78.Traditionnellement, les enfants abandonnés ou orphelins sont recueillis par la famille élargie, mais il reste à savoir si elle est toujours en mesure de le faire car dans certains pays d’Afrique où les orphelins sont devenus trop nombreux, ce n’est plus le cas. Un complément d’information serait également utile sur les services sociaux qui s’occupent des enfants en l’absence de prise en charge par la famille élargie.

La séance est levée à 13 heures.

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