COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT
Quarante-neuvième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 1354e SÉANCE
tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 22 septembre 2008, à 15 heures
Présidente: Mme LEE
SOMMAIRE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)
Deuxième rapport périodique du Bhoutan sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant(suite)
La séance est ouverte à 15 h 5.
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)
Deuxième rapport périodique du Bhoutan sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/BTN/2; document de base (HRI/CORE/1/Add.105); liste des points à traiter (CRC/C/BTN/Q/2); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/BTN/Q/2/Add.1)) (suite)
1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation bhoutanaise reprend place à la table du Comité.
2.La PRÉSIDENTE, relevant que le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans est très élevé, prie la délégation bhoutanaise d’indiquer sur quels éléments l’État partie se fonde pour affirmer que la malnutrition pourrait être à l’origine de la moitié des décès d’enfants de moins de 5 ans (rapport, par. 204) alors que, d’après une organisation non gouvernementale internationale, il n’y a pas de statistiques des décès d’enfants de moins de 5 ans ventilées par cause de la mort au Bhoutan.
3.Lisant dans le rapport (par. 154 et 155) que les parents comptent généralement sur les autorités pour faire revenir dans le droit chemin leurs enfants lorsque ceux‑ci sont en conflit avec la loi, la Présidente demande quelles mesures sont prises pour aider ces parents à mieux prendre en charge leurs enfants.
4.Par ailleurs, le rapport contient des informations contradictoires sur le taux d’alphabétisation: au paragraphe 308, on peut lire que ce taux est de 60 %; or, d’après le paragraphe 341, il serait de 43 %. Des précisions seraient donc bienvenues à ce sujet.
5.Enfin, relevant au paragraphe 402 du rapport de l’État partie que les enfants de 13 à 15 ans sont autorisés à effectuer certains travaux pendant huit heures au plus, la Présidente demande s’il s’agit de huit heures par jour ou par semaine et si les enfants qui travaillent en tant que caddy de golf ne risquent pas d’abandonner l’école étant donné que le golf est un sport qui se pratique la journée.
6.M.RAGBYE (Bhoutan) indique que les Lhotshampas représentent plus de 20 % de la population et sont présents dans tous les domaines de la vie publique. Aucune des minorités vivant au Bhoutan ne fait l’objet d’une discrimination systématique.
7.Concernant la réunification des enfants réfugiés dans des camps au Népal avec les membres de leur famille restés au Bhoutan, M. Ragbye souligne qu’à ce jour, le Gouvernement bhoutanais n’a reçu aucune demande de réunification familiale émanant de réfugiés vivant dans ces camps, où ne se trouve aucun enfant de moins de 18 ans séparé de ses parents.
8.M. CHOPHEL (Bhoutan) dit que la Commission nationale pour les femmes et les enfants a été créée à la suite de la recommandation formulée par le Comité à l’issue de l’examen du rapport initial du Bhoutan (CRC/C/108, par. 437) pour remplacer le groupe de travail chargé de la Convention relative aux droits de l’enfant. La Commission, dont le champ de compétence englobe non seulement la Convention relative aux droits de l’enfant mais aussi la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, se compose de 11 membres représentant le Gouvernement, les forces de l’ordre, l’appareil judiciaire, le secteur de la santé, le système éducatif, le secteur social, la société civile et le secteur privé. Sa mission est double: coordonner et suivre les activités liées aux droits des femmes et des enfants et établir les rapports à l’intention des organes conventionnels concernés, d’une part, et recevoir et examiner les plaintes pour violation des droits des femmes et des enfants dont il est saisi, d’autre part. En août 2008, le Cabinet lui a accordé un statut autonome, mais force est de reconnaître qu’elle n’est pas encore totalement indépendante. Toutefois, l’autonomie dont elle jouit lui permet de critiquer depuis l’intérieur du système les carences de ce dernier dans divers domaines. De manière générale, toutes les procédures donnant suite aux plaintes dont la Commission est saisie débouchent sur une condamnation des responsables.
9.M. ZERMATTEN note que, parallèlement à la Commission nationale pour les femmes et les enfants, le Gouvernement a créé un comité pour les femmes, les enfants, la jeunesse et les sports. Il souhaiterait savoir s’il y a des liens entre la Commission nationale pour les femmes et les enfants et ce comité.
10.La PRÉSIDENTE s’interroge sur l’indépendance de la Commission nationale pour les femmes et les enfants et demande s’il s’agit plutôt d’un organe de coordination ou d’un organe de surveillance des droits de l’enfant.
11.M. CHOPHEL (Bhoutan) indique que, lors de la création de la Commission nationale pour les femmes et les enfants en 2004, le Gouvernement a jugé nécessaire de faire dépendre cet organe du Ministère de la santé pendant une période intérimaire de six mois. Après cette période, la Commission a été détachée de ce Ministère, à l’exception de son directeur du budget. Enfin, en août 2008, le nouveau Gouvernement a décidé que ce dernier ne relèverait plus du Ministère de la santé et, depuis, la Commission nationale est autonome non seulement au plan administratif, mais aussi au plan financier.
12.Plusieurs comités parlementaires chargés notamment de la jeunesse, des femmes et des sports ont été créés par le nouveau Gouvernement et la Commission nationale s’emploie actuellement à leur faire connaître le contenu de la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Pour le moment, la Commission ne sait pas encore exactement de quelle manière et dans quels domaines elle entend collaborer avec ces comités. Des renseignements seront fournis ultérieurement à ce sujet.
13.S’agissant des deux domaines de compétence de la Commission nationale, à savoir la coordination et la surveillance, M. Chophel dit que, le Bhoutan n’ayant pas de ministère chargé des femmes et des enfants, la Commission nationale est obligée d’avoir une double fonction car elle est le seul organe à même d’établir les rapports destinés au Comité des droits de l’enfant ou au Gouvernement. Toutefois, cela n’a pas d’incidence sur sa marge de manœuvre dans le cadre des procédures qu’elle engage sur la base des plaintes qu’elle reçoit. Il est à espérer qu’à terme elle pourra s’occuper exclusivement des plaintes de particuliers et qu’un organe distinct sera créé pour remplir les obligations de l’État en matière d’établissement des rapports.
14.Concernant l’application de la Convention par les tribunaux, M. Chophel indique qu’il a participé aux travaux tendant à harmoniser la législation interne avec la Convention et que la plupart des articles de la loi qui étaient incompatibles avec cet instrument ont été dûment modifiés. Toutefois, lorsque la Commission nationale a commencé à porter des plaintes dont elle était saisie devant les tribunaux, elle a dû rappeler avec insistance aux juges que l’intérêt supérieur de l’enfant allait au-delà des exigences fixées dans la législation interne et, dans leurs décisions, les juges ont tenu compte de ces observations.
15.M. CITARELLA (Rapporteur pour le Bhoutan) dit que, même si la Commission nationale pour les femmes et les enfants est autonome, elle ne peut pas être indépendante car si elle assure la coordination des activités de l’État, elle ne peut assurer simultanément leur surveillance en toute indépendance.
16.M. CHOPHEL (Bhoutan) estime que cette double casquette est un avantage plus qu’un inconvénient car elle permet à la Commission d’examiner l’action de l’État de l’intérieur du système avec un œil critique. Lorsque la Commission n’était pas indépendante du Ministère de la santé, certains problèmes pouvaient se poser lorsqu’il s’agissait de mobiliser des ressources, mais elle est maintenant totalement indépendante financièrement. Enfin, dans un petit pays comme le Bhoutan, il est préférable de privilégier la collaboration à la confrontation et c’est la ligne que la Commission a choisi de suivre.
17.Par ailleurs, il existe un système traditionnel d’enregistrement des naissances et des décès, mais le pourcentage d’enfants qui naissent à l’hôpital étant très faible en raison des caractéristiques géographiques particulières du pays, peu d’enfants disposent d’un acte de naissance. Toutefois, les allégations selon lesquelles l’absence d’acte de naissance sert de prétexte pour refuser aux enfants l’accès aux soins de santé sont dénuées de fondement.
18.Le paysage médiatique a changé depuis la présentation du rapport initial: on dénombre actuellement 4 journaux nationaux et 5 chaînes de radio et toutes les régions ont accès à la télévision et à l’Internet. Au début de 2008, la Commission nationale pour les femmes et les enfants et une association de médias ont mis au point des normes visant à dénoncer les violations des droits des femmes et des enfants ainsi qu’à protéger la vie privée et les droits des victimes. Enfin, le Gouvernement veille à ce qu’aucun contenu choquant ne soit diffusé dans les médias.
19.M. ZERMATTEN demande s’il existe au Bhoutan des programmes, des émissions ou des publications destinés à promouvoir la Convention et à donner une image nouvelle des enfants et de leurs problèmes.
20.M. CHOPHEL (Bhoutan) dit que, grâce à la collaboration entre la Commission nationale pour les femmes et les enfants et les médias, la radio, la télévision et les journaux font davantage place aux questions relatives aux femmes et aux enfants et contribuent à diffuser les dispositions de la Convention.
21.L’établissement du rapport a donné lieu à un large débat auquel ont participé des ONG, des organisations de la société civile, des médias, des enseignants, des parents, des parlementaires et au cours duquel ont été abordées de très nombreuses questions touchant aux droits de l’enfant.
22.Un réseau de permanences téléphoniques a été mis en place pour faciliter l’accès au mécanisme de réception des plaintes et de réaction.
23.Dans le cadre des activités de diffusion de la Convention, le Chef de la police se rend dans les écoles pour expliquer ce que sont les droits de l’enfant et sensibiliser les enfants et les jeunes à la notion de responsabilité. Par ailleurs, une campagne intitulée «Connaissez la loi pour connaître vos droits» est menée avec le soutien de l’UNICEF.
24.La PRÉSIDENTE se dit préoccupée par le fait que ces activités de diffusion de la Convention dans les écoles sont menées par des fonctionnaires de police.
25.M. KOTRANE demande s’il ne serait pas judicieux que l’Unité de protection des femmes et des enfants, mise en place au sein de la police, compte parmi son personnel des travailleurs sociaux et des éducateurs.
26.M. CHOPHEL (Bhoutan) dit que la responsabilité de la diffusion de la Convention n’est pas confiée uniquement à la police ou au pouvoir judiciaire et que les agents des forces de l’ordre comme les membres de l’appareil judiciaire suivent des formations sur les droits de l’enfant. L’Unité de protection des femmes et des enfants, mise en place en collaboration avec la Commission nationale pour les femmes et les enfants, a pour fonction de veiller à ce que les services de maintien de l’ordre prennent en considération les droits des femmes et des enfants.
27.Mme ORTIZ dit qu’il est bon que la police soit sensibilisée aux droits de l’enfant et contribue à l’information des adultes comme des enfants, mais qu’il serait souhaitable de mettre en place au niveau local des services de protection et de promotion des droits de l’enfant liés à la Commission nationale.
28.Mme AIDOO demande ce que fait l’État partie pour former des travailleurs sociaux qui pourraient collaborer avec la police au sein de l’Unité de protection des femmes et des enfants.
29.M. CHOPHEL (Bhoutan) dit que des fonctionnaires de police et des juges se sont rendus notamment à Sri Lanka et en Thaïlande pour y étudier le système de protection des femmes et des enfants.
30.Le projet de loi sur la prise en charge et la protection des enfants prévoit la mise en place de mécanismes de réadaptation et de réinsertion pour les mineurs en conflit avec la loi ainsi que la création de foyers, activités qui étaient jusqu’alors menées par les organisations non gouvernementales uniquement. Le projet de loi vise notamment à institutionnaliser le lien entre l’État et les organisations non gouvernementales.
31.Le Bhoutan ne s’est pas doté d’un plan d’action national spécifiquement consacré aux enfants, mais les besoins des enfants sont pris en considération dans le nouveau Plan quinquennal de développement, qui prévoit des allocations budgétaires distinctes pour la protection des enfants.
32.Afin de mettre la législation Bhoutanaise davantage en conformité avec les normes internationales, des discussions sont en cours en vue de porter à 13 ans l’âge minimal de la responsabilité pénale, fixé à 10 ans par le Code pénal de 2004.
33.L’enseignement monastique a été la seule forme d’enseignement au Bhoutan jusqu’à la fin des années 50. Le système monastique continue d’accueillir de nombreux élèves. Il est généralement admis que ce système est trop rigide et ne tient pas compte des notions modernes relatives aux droits de l’enfant. La Commission nationale pour les femmes et les enfants et les autorités monastiques collaborent depuis 2006, notamment pour introduire de nouvelles formes de discipline et veiller à l’utilisation de méthodes d’enseignement modernes. Une visite d’étude a été effectuée en Thaïlande, dans des écoles dont les méthodes d’enseignement sont reconnues par l’UNESCO, ce qui a ensuite permis de mener une réflexion sur la possibilité d’intégrer ces nouvelles méthodes dans le système d’enseignement bhoutanais.
34.Mme ORTIZ demande s’il existe un règlement clair en matière de discipline et, dans l’affirmative, s’il a été approuvé par la Commission nationale. Elle voudrait aussi savoir si un enfant peut être envoyé au monastère sur décision judiciaire ou administrative et combien d’enfants vivent dans les monastères.
35.M. CHOPHEL (Bhoutan) explique que certaines écoles relèvent de l’autorité monastique centrale et que d’autres sont dirigées par des autorités religieuses privées. Il serait souhaitable que des règles de fonctionnement plus claires s’appliquant à toutes les écoles soient mises en place en collaboration avec les autorités monastiques mais les ressources disponibles ne le permettent pas, malgré le soutien de l’UNICEF.
36.M. CITARELLA (Rapporteur pour le Bhoutan) demande si les écoles du système monastique n’accueillent que des garçons.
37.M. CHOPHEL répond qu’il y a des monastères pour les garçons et des couvents pour les filles. Le Comité d’experts de l’autorité monastique comprend une religieuse qui représente les jeunes filles et les femmes des couvents.
38.Environ 14 000 enfants fréquentent les écoles relevant de l’autorité monastique et les écoles monastiques du système privé. Un recensement des élèves des écoles monastiques est en cours.
39.M. KOTRANE demande si les enfants appartenant à des minorités ont le droit de recevoir un enseignement de leur propre religion, dans leur propre langue.
40.M. CHOPHEL (Bhoutan) dit qu’il existe des écoles pour les membres de la religion hindoue dans le sud du pays.
41.Le Bhoutan a atteint les objectifs relatifs à la santé pour tous en ce qui concerne les soins de santé primaires. Toutefois l’accès aux soins de santé secondaires et tertiaires se heurte encore à l’insuffisance des infrastructures et des ressources humaines et financières. Le Bhoutan manque de médecins et certains patients doivent être envoyés à l’étranger pour y être soignés aux frais de l’État bhoutanais. C’est pourquoi il est envisagé de créer une école de médecine.
42.Il n’existe pas de mécanisme institutionnel en ce qui concerne les soins de santé de proximité, les soins de santé mentale et la prise en charge des personnes handicapées, qui restent subordonnés à des initiatives locales.
43.En raison de l’insuffisance de personnel médical, les pouvoirs publics, avec le soutien de partenaires comme l’OMS, commencent à mettre en place des programmes de télémédecine, en particulier dans les hôpitaux des régions les plus reculées.
44.La malnutrition découle moins du manque de denrées que d’un mauvais régime alimentaire. Elle est particulièrement élevée dans l’est du pays, région qui est également confrontée à un grave problème d’alcoolisme et où les autorités essayent de faire baisser la production d’alcool locale. Les dispositions en vigueur concernant l’allaitement maternel sont inspirées des normes internationales. Elles prévoient un congé de maternité de quatre mois et une période d’allaitement maternel exclusif de quatre mois également. Un congé de paternité, actuellement de cinq jours, a aussi été introduit.
45.Jusqu’à présent, les dispositions sur l’adoption ne concernaient que les adoptions d’enfants à l’intérieur du pays car la question de l’adoption internationale ne s’était pas posée mais la situation est en train de changer. Pour autoriser une autorisation internationale, le tribunal doit avoir l’agrément de la Commission nationale pour les femmes et les enfants.
46.Le pourcentage de Bhoutanais considérés comme pauvres était estimé à 32 % en 2004; il est de 23 % selon les dernières statistiques disponibles. Des progrès certains ont donc été réalisés dans ce domaine. Il faut savoir à cet égard que la lutte contre la pauvreté est au cœur des plans quinquennaux de développement.
47.Le lancement de l’étude des Nations Unies sur la violence à l’égard des enfants a entraîné l’organisation d’un certain nombre de manifestations en Asie du Sud, comme l’instauration d’un forum régional sur la violence à l’égard des enfants, dont le Bhoutan fait partie.
48.Certaines informations peuvent donner l’impression que la toxicomanie est largement répandue au Bhoutan. Or, un examen attentif des chiffres montre que cela n’est pas le cas. Pour lutter contre la toxicomanie, diverses structures, dont une agence de lutte contre les stupéfiants et une unité spécialisée de la police ont été mises en place, et un centre de réadaptation accueille les toxicomanes.
49.MmeAIDOO demande si les plans quinquennaux de développement prévoient des mesures spécifiques pour lutter contre la pauvreté des enfants. Elle note que près de 10 % des jeunes sont au chômage et que beaucoup d’enfants travaillent, en particulier comme domestiques, dès l’âge de 11 ans pour certains. Ces enfants ne vont donc pas à l’école, ce qui perpétue leur situation de pauvreté.
50.M. ZERMATTEN demande quel est l’impact des mesures de lutte contre les stupéfiants et s’il existe une politique de prévention dans ce domaine.
51.M. KRAPPMAN demande si le nouveau plan quinquennal prévoit des programmes éducatifs et alimentaires spécifiques à l’intention des familles et des enfants pauvres.
52.M.CHOPHEL (Bhoutan) dit que le plan quinquennal de développement ne contient pas à proprement parler de stratégies spécifiquement destinées à réduire la pauvreté des enfants car il repose sur le principe selon lequel si on fait reculer la pauvreté des familles et de la collectivité dans son ensemble les enfants en bénéficieront.
53.S’agissant de la toxicomanie, la politique menée est axée sur la prévention et essaie de faire baisser à la fois l’offre et la demande de drogues. Le problème du trafic de stupéfiants est aggravé par trois facteurs, à savoir la porosité de la frontière entre le Bhoutan et les pays voisins, la proximité du Triangle d’Or, et le grand nombre de travailleurs immigrés, originaires de l’Inde pour la plupart. Les jeunes toxicomanes sont pris en charge par des unités de protection de l’enfance et plus traités comme des victimes que comme des coupables.
La séance est suspendue à 16 h 30; elle est reprise à 16 h 40.
54.M. WANGA (Bhoutan) dit qu’à ce jour il existe peu de données ventilées sur le travail des enfants et qu’il n’y a pas eu d’enquête officielle sur ce sujet. Toutefois, le Ministère du travail et des ressources humaines réalise chaque année une enquête sur la main‑d’œuvre et, pour 2008. M. Wanga a demandé à la division responsable de l’enquête d’inclure un questionnaire sur le travail des enfants. Même si le Bhoutan n’est pas membre de l’Organisation internationale du Travail (OIT), il a déjà mené deux cycles de discussions avec le Bureau de l’OIT à New Dehli et bénéficie de la coopération technique de cette organisation. Ainsi, la loi sur le travail et l’emploi a été élaborée avec l’aide d’un expert de l’OIT.
55.Au Bhoutan, l’âge normal d’admission à l’emploi est de 18 ans mais, compte tenu de la situation économique et du fait que certains enfants quittent l’école avant l’âge de 18 ans, il s’est avéré nécessaire d’élaborer des dispositions réglementant les formes acceptables de travail des enfants de 13 à 17 ans. Les enfants de cette tranche d’âge sont autorisés à exercer une trentaine d’emplois, parmi lesquels celui de caddie de golf. Cette pratique reste toutefois limitée car il n’y a au Bhoutan que deux terrains de golf, ouverts uniquement le soir et le week‑end. Les enfants qui y travaillent peuvent sans problème poursuivre leur scolarité.
56.Selon l’enquête la plus récente, le taux de chômage au Bhoutan est de 3,7 %.
57.Mme AIDOO demande des précisions sur le taux de chômage des jeunes.
58.M. PARFITT voudrait savoir ce que fait le Gouvernement pour assurer une formation aux jeunes ayant quitté l’école.
59.M. WANGA (Bhoutan) dit que le Ministère du travail et des ressources humaines est chargé de la formation professionnelle des jeunes qui ont quitté le système éducatif. Parallèlement aux huit établissements de formation professionnelle gérés directement par le Ministère, il existe diverses autres institutions publiques ou privées. Un système d’apprentissage, en partenariat avec les employeurs, a également été mis en place. Le Département de la jeunesse et des sports, sous l’égide du Ministère de l’éducation, propose aussi des programmes de formation.
60.Le travail des enfants comme domestiques ne fait pas l’objet de réglementation. Les autorités espèrent que le nombre des enfants de moins de 13 ans employés comme domestiques diminuera une fois que le Gouvernement aura adopté les règles sur les formes acceptables de travail des enfants.
61.M. KOTRANE fait observer qu’en interdisant dans sa nouvelle législation d’employer comme domestiques des enfants de moins de 13 ans, l’État partie autorise implicitement d’embaucher des adolescents de 13 ans et plus pour pourvoir ce type de postes, alors que les travaux domestiques sont durs et peuvent être nuisibles à leur santé.
62.M. WANGA (Bhoutan) précise que le nouveau projet de loi relatif à l’emploi tient compte des normes de l’Organisation internationale du Travail et que, par conséquent, le travail des enfants âgés de 13 ans à 17 ans est soumis à certaines restrictions. Ceux-ci ne peuvent en effet travailler plus de cinq heures par jour ni effectuer des tâches qui risqueraient de porter atteinte à leur santé, leur sécurité ou leur bonne moralité.
63.M. AIDOO insiste sur le fait qu’en vertu de la Convention no 138 de l’OIT relative à l’âge minimum d’admission à l’emploi, les mineurs ne peuvent effectuer que des travaux légers, qui sont de surcroît supervisés par un organisme d’État, ce qui n’est pas le cas des emplois domestiques.
64.M. POWDYEL (Bhoutan) dit que son pays s’est fixé comme objectif dans son dixième plan quinquennal de parvenir à scolariser tous les enfants d’ici à 2013, soit deux ans avant la date fixée pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Le taux de scolarisation étant actuellement de 88 %, il conviendra donc de créer de nouvelles écoles pour parvenir à scolariser les 12 % d’enfants restants, qui se trouvent généralement dans les zones rurales.
65.Un système performant d’enseignement extrascolaire a également été mis en place à l’intention des personnes qui, pour diverses raisons, n’ont pas eu accès aux structures d’enseignement lorsqu’elles étaient plus jeunes. Cinquante-trois pour cent des personnes n’ayant pas reçu un enseignement scolaire dans leur enfance sont actuellement scolarisées dans des établissements de ce type, et l’objectif est de parvenir à un taux de 80 % d’ici la fin du dixième plan quinquennal. Pour cela, le système des «classes élargies» a été mis en place, qui consiste à créer, en marge des classes destinées aux adultes, une école dirigée par un seul enseignant dans un temple ou toute autre structure villageoise apte à recevoir des élèves. En outre, cinq écoles supplémentaires ont été ouvertes au cours de l’année scolaire 2007/08 afin d’accueillir 350 élèves qui n’avaient pas accès à l’éducation. Il est également prévu de procéder au recrutement d’enseignants, la pénurie de professeurs expliquant notamment que tous les enfants ne soient pas scolarisés et que la qualité de l’enseignement ne laisse parfois à désirer.
66.En 1974, l’enseignement de base comprenait six années d’études, au terme desquelles les élèves pouvaient entrer sur le marché du travail sans difficultés. Le nombre d’années de scolarité a été porté à 8 en 1988, puis à 10 en 1998.
67.La Constitution du Royaume du Bhoutan n’énonce certes pas expressément que l’éducation est obligatoire, mais concrètement, le fait que le Bhoutan ait adhéré à la Convention relative aux droits de l’enfant et au Mouvement de l’éducation pour tous l’oblige à œuvrer en faveur de l’instauration de l’universalité de l’enseignement de base.
68.M. KRAPPMANN, tout en se félicitant des objectifs ambitieux que s’est fixés l’État partie en matière de scolarisation, fait observer que le principal problème est le taux élevé de redoublement et d’abandon à l’issue de la cinquième année, puis de la septième année d’enseignement. Il souhaiterait en outre un complément d’information sur la pratique qui veut que pour avoir accès à l’éducation dans le sud du pays, les élèves doivent produire un permis de sécurité ou un certificat prouvant qu’ils ne sont pas dissidents.
69.M. POWDYEL (Bhoutan) dit que des efforts sont entrepris pour faire en sorte que les élèves poursuivent leurs études au-delà de la cinquième puis de la septième année d’enseignement. En tant que Ministre de l’éducation nationale, il affirme que les permis de sécurité et les certificats de non-dissidence appartiennent à des temps révolus.
70.L’enseignement est gratuit. Les seuls frais qui peuvent être considérés comme des «coûts cachés» dans le domaine de l’éducation sont de faibles contributions demandées aux parents pour alimenter un fonds social. Des ONG apportent en outre un soutien financier aux familles défavorisées qui n’ont pas les moyens de payer les uniformes de leurs enfants, et le Ministère de l’éducation a été chargé par le Gouvernement d’identifier les familles vulnérables ayant des difficultés financières afin de leur apporter une aide sur ce plan.
71.Le Ministère de l’éducation a en outre mis en place dans certains districts des cours sur le rôle des parents, à l’occasion desquels ceux‑ci apprennent comment aider leur enfant à faire face aux difficultés qu’il rencontre, à améliorer ses résultats scolaires ou encore à aborder avec lui des questions telles que le VIH/sida.
72.Un autre programme, encore limité à quelques districts, est axé sur le développement de la petite enfance. D’après une étude récente, les écoliers qui ont bénéficié de ce programme obtiennent par la suite de meilleurs résultats scolaires que leurs camarades.
73.MmeHERCZOG (Rapporteuse pour le Bhoutan) se félicite du dialogue fructueux instauré avec la délégation bhoutanaise et de la volonté de l’État partie de mettre en œuvre la Convention relative aux droits de l’enfant en dépit des difficultés qu’il rencontre. Elle dit que, dans les observations finales qu’il adoptera à l’issue de la session en cours, le Comité recommandera à l’État partie de faire appliquer sa législation en faveur de l’enfance et de mettre en place un mécanisme chargé d’en effectuer le suivi.
74.M. POWDYEL (Bhoutan) remercie les membres du Comité pour le dialogue constructif et franc qui a présidé à l’examen du deuxième rapport périodique de son pays et les assure que tant le rapport que les observations finales qu’ils adopteront à l’issue de la session en cours seront largement diffusés au niveau national. M. Powdyel saisit également cette occasion pour remercier au nom de son pays les partenaires du Bhoutan dans le domaine du développement, et notamment l’UNICEF, qui apporte au Royaume du Bhoutan un appui considérable dans la mise en œuvre des droits de l’enfant.
75.La PRÉSIDENTE remercie la délégation bhoutanaise et l’assure que le Comité est conscient des difficultés rencontrées par l’État partie, qui ne l’ont toutefois pas empêché d’engager un processus de démocratisation et d’adopter une nouvelle Constitution, ce dont elle se félicite.
76. La délégation bouthanaise se retire.
La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 35.
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