Nations Unies

CRC/C/SR.1432

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

17 novembre 2009

Original: français

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante-deuxième session

Compte rendu analytique de la 1432 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 17 septembre 2009, à 10 heures

Président e: Mme Lee

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Quatrième rapport périodique de l ’ État plurinational de Bolivie sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports soumis par les États parties (point 4 de l ’ ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport périodique de l ’ État plurinational de Bolivie sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant (CRC/C/BOL/4); document de base (HRI/CORE/1/Add.54/Rev.2); liste des points à traiter (CRC/C/BOL/Q/4); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/BOL/Q/4/Add.1)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation de l’État plurinational de Bolivie prend place à la table du Comité.

2.M me T o rrico R ojas (État plurinational de Bolivie) est fière de présenter au Comité un rapport qui a été rédigé en coordination avec diverses institutions gouvernementales et organisations de la société civile, aux niveaux national, départemental et local. Elle tient à souligner que de profonds changements sont en cours dans le pays, sous l’impulsion du Président Evo Morales. Une Assemblée constituante, dont les travaux peuvent être qualifiés de «participatifs», s’est attelée en 2008 à la tâche fondamentale de rédiger la nouvelle Constitution de l’État plurinational de Bolivie. Celle-ci consacre non seulement les droits civils et politiques mais aussi les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux et, alors que la Constitution précédente ne contenait que 30 articles consacrés aux droits et garanties fondamentaux, celle-ci en contient plus de 120, ce qui en fait l’une des plus progressistes à l’échelle mondiale.

3.En son article 58, la Constitution reconnaît tout enfant comme titulaire de droits, y compris de droits spécifiques inhérents à leur processus de développement, à leur identité ethnique, socioculturelle, sexuelle et générationnelle. En son article 59, elle consacre le droit au développement intégral, le droit de vivre dans sa famille d’origine ou adoptive et la non-discrimination entre enfants. En son article 60, elle énonce l’obligation de l’État, de la société et de la famille de garantir la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant. En son article 61, elle interdit et réprime toute forme de violence, aussi bien au sein de la famille que dans la société, ainsi que le travail forcé et l’exploitation des enfants. En son article 13, elle dispose expressément que les traités et conventions relatifs aux droits de l’homme priment le droit interne.

4.La Bolivie a été le huitième pays à ratifier la Convention des droits de l’enfant; cette dernière fait désormais partie intégrante du bloc de constitutionnalité de l’État plurinational de Bolivie. Le Code de l’enfance et de l’adolescence est la principale norme juridique en la matière et énonce lui aussi les principes d’intérêt supérieur et de non-discrimination des enfants, qui sont reconnus comme sujets de droits à part entière. C’est dans ce contexte que les autorités mettent en œuvre depuis 2006 le plan national de développement, destiné à éliminer les inégalités sociales à la racine, en instaurant un nouveau modèle de développement social communautaire. Ce plan comporte quatre volets: une Bolivie digne (éradication de la pauvreté et des disparités par une juste répartition des revenus, des richesses et des opportunités), une Bolivie démocratique (État plurinational participatif et communautaire), une Bolivie productive (transformation et diversification de la production) et une Bolivie souveraine (autodétermination, défense des ressources naturelles et de la biodiversité).

5.De ce plan national de développement sont nés d’autres plans et initiatives actuellement mis en œuvre, comme le Plan d’action national des droits de l’homme, le programme «Dénutrition zéro», la loi sur le régime universelle d’assurance maladie et le programme communautaire et pluriculturel de santé familiale, l’allocation Juana Azurduy et les politiques d’éradication de l’extrême pauvreté, destinées à lutter contre la mortalité materno-infantile et la malnutrition chronique des moins de 2 ans, la loi de promotion de l’allaitement maternel, grâce à laquelle la Bolivie peut s’enorgueillir d’un taux d’allaitement à 6 mois de 60 %, le programme de bons scolaires «Juancito Pinto», destiné à lutter contre l’abandon scolaire, ou encore le programme d’alphabétisation «Yo sí puedo», au terme duquel l’UNESCO a déclaré la Bolivie officiellement libérée de l’analphabétisme en 2008. Trois décrets suprêmes adoptés en 2009 méritent en outre d’être signalés: le décret suprême 0011, en vertu duquel c’est à celui qui réfute une paternité qu’incombe la charge de la preuve, le décret suprême 0132, qui transfère du domaine judiciaire au domaine administratif l’annulation des actes de naissance en cas de double inscription et le décret suprême 0012, en vertu duquel un père ou une mère ne peut perdre ni son emploi ni son poste de travail ni son niveau de salaire la première année suivant la naissance d’un enfant.

6.En conclusion, bien que certaines personnalités politiques soient réticentes à voir les nouveaux programmes appliqués, le Gouvernement en place est résolument déterminé à mettre en œuvre ces mesures intégrales, qui concernent non seulement les enfants et les adolescents mais le bien vivre de la famille et de la communauté tout entière, dans une perspective intergénérationnelle.

7.M me Ortiz(Rapporteuse pour l’État plurinational de Bolivie), après avoir évoqué la diversité géographique et ethnique de la Bolivie, dit que, pour la première fois de son histoire, le pays s’est doté d’un Président d’origine indienne, par ailleurs leader syndical, et que celui-ci s’attache à réformer profondément le pays. Le Comité a pris connaissance avec intérêt du quatrième rapport périodique de l’État partie − dont il serait intéressant de savoir s’il a été élaboré avec la participation de représentants de la société civile et notamment d’enfants, car la rédaction des rapports représente une opportunité de débat et de diagnostic − et de ses réponses écrites à la liste des points à traiter, mais a du mal à déterminer ce qui, dans la nouvelle organisation de l’État découlant de la nouvelle Constitution qui y est décrite, est déjà en place, et ce qui n’en est encore qu’au stade des projections. La question se pose aussi de savoir ce qu’il advient de certaines institutions qui venaient d’être mises en place par les autorités précédentes et qui sont toujours nécessaires.

8.Mme Ortiz insiste ainsi sur l’importance de l’existence d’une institution de coordination, chargée d’articuler les actions menées en faveur de l’enfance aux différents échelons et qui, pour avoir autorité, doit impérativement être de haut niveau, ainsi que sur le caractère essentiel des mécanismes de diffusion, de mise en œuvre et de contrôle. Or, il apparaît que l’institution spécialisée dont le pays s’était doté a été très affaiblie ces dernières années par des changements répétés, d’où un manque de visibilité de la question des droits de l’enfant. Il semble par exemple que le plan national d’action des droits de l’homme ne donne pas à l’enfant la place qui devrait être la sienne. Mme Ortiz s’étonne en particulier que les droits de l’enfant figurent au chapitre V de ce plan, intitulé «Droits des groupes à risque ou vulnérables». L’objet de la Convention est d’imposer la vision de l’enfant en tant que sujet de droits, au-delà de la vision traditionnelle qui consiste à ne s’intéresser aux enfants qu’en cas de problème ou de vulnérabilité. Il semble de même que tous les droits consacrés par la Convention ne soient pas mis en avant dans la stratégie de développement économique et social découlant du Plan national de développement intégral communautaire pour les enfants et les adolescents 2009-2013.

9.Mme Ortiz doute que la Direction de l’enfance et de l’adolescence, rattachée au Vice-Ministère de l’égalité des chances, qui lui-même dépend du Ministère de la justice, jouisse d’une autorité et de ressources humaines et financières suffisantes pour mettre en place un système complet de promotion, de protection, de suivi et de participation, afin de donner pleinement effet à la Convention, et demande des précisions à ce sujet.

10.Elle relève également que le Plan national de développement intégral communautaire pour les enfants et les adolescents 2009-2013 ne couvre pas l’ensemble des droits visés par la Convention ni l’ensemble des enfants du pays. Pour apporter une réponse à tous les problèmes ou, mieux encore, pour les prévenir, la Bolivie devrait pouvoir compter sur des indicateurs axés sur les droits, comme le lui a récemment recommandé le Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

11.M. Zermatten (Rapporteur pour l’État plurinational de Bolivie) dit que le Comité se félicite que la Bolivie ait introduit dans sa nouvelle Constitution des dispositions concernant les enfants, et notamment le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il regrette toutefois que le principe de la participation des enfants et le droit des enfants d’être entendus, fondamentaux aux yeux du Comité, n’aient pas été pris en compte.

12.La délégation ayant clairement indiqué dans sa déclaration liminaire que les instruments internationaux ratifiés par la Bolivie primaient le droit interne, il faudrait savoir si les juges boliviens peuvent appliquer directement les dispositions de la Convention. Par ailleurs, malgré la nouvelle Constitution, des textes anciens, tels que le Code de l’enfance et de l’adolescence de 1999, restent en vigueur, et la délégation pourrait indiquer si l’État partie a amorcé un processus de réforme législative dans tous les domaines qui concernent les enfants en vue d’harmoniser la Constitution et les lois nationales, et s’il a établi un inventaire des textes à modifier, assorti d’un calendrier.

13.Par ailleurs, la coexistence du droit positif et du droit traditionnel communautaire pose certains problèmes. En effet, la nouvelle Constitution privilégie l’approche communautaire − le paragraphe 2 de son article 192 renforce l’autorité de la juridiction autochtone − et le nombre de juges professionnels est faible. Il faudrait savoir comment s’effectue la coordination entre les deux systèmes et si le Gouvernement entend établir un document définissant clairement les compétences des deux formes de justice, sachant que le fait de privilégier la forme communautaire pose des problèmes du point de vue de la formation des chefs communautaires à l’application de la Convention et du respect des droits de l’enfant.

14.Notant que l’État partie s’est doté d’un certain nombre de plans, dont le Plan national de développement, le Plan de développement intégral de l’enfance et de l’adolescence (2009-2013), le Plan national d’action en faveur des droits de l’homme (2009-2013) et le Plan national pour l’égalité des chances, sans compter un Plan d’éradication de la pauvreté (2006-2010) et plusieurs plans sectoriels, M. Zermatten demande s’il existe un plan spécifique pour les enfants, c’est-à-dire une politique globale pour l’enfance.

15.L’État partie ayant exprimé le désir de renforcer le Bureau du Défenseur du peuple plutôt que de créer un Bureau du Défenseur des enfants, M. Zermatten aimerait savoir pourquoi les autorités boliviennes préfèrent la généralisation à la spécialisation.

16.Il semblerait par ailleurs que la collaboration avec la société civile soit difficile. Pourtant, en cette période de réforme, il serait intéressant de tirer parti de l’apport des ONG et d’établir une collaboration étroite avec ces organisations.

17.Si la Bolivie a inscrit le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans sa Constitution, il conviendrait maintenant qu’elle l’intègre dans ses différents textes de lois et surtout qu’elle le mette en œuvre dans la pratique, que se soit dans les instances judiciaires ou dans les instances administratives et législatives. Il conviendrait aussi que les autorités boliviennes fassent appliquer par les différentes instances le principe général du droit de l’enfant d’être entendu. Il faudrait également envisager de décentraliser le Parlement des enfants au niveau des départements et des municipalités. Enfin, un complément d’information sur les nouvelles mesures prises par l’État partie dans le domaine de l’enfance, compte tenu de sa nouvelle Constitution, de sa nouvelle politique et de sa nouvelle vision de l’enfant, serait souhaitable.

18.M. Gurán fait observer que, du point du vue du Comité, le renforcement des mécanismes nationaux, régionaux, départementaux et locaux pour la protection sociale et la création d’un Défenseur des droits de l’enfant ne constituent pas des actions contradictoires et pourraient être conduits en parallèle. Il importe en effet de mettre en place un mécanisme de contrôle du respect des droits de l’enfant qui couvre l’ensemble des régions du pays.

19.M. Gurán souhaiterait par ailleurs un complément d’information sur les activités concrètes des 303 services municipaux de défense des enfants et des adolescents, qui assurent à la fois la fourniture des services et le contrôle de la qualité de ces services. Il demande s’il existe un organe indépendant qui veille à ce que les services fournis soient partout de la même qualité.

20.M. Kotrane, soulignant que la Bolivie est un État communautaire dans lequel les droits collectifs l’emportent parfois sur les droits individuels, dont ceux de l’enfant, demande si l’enfant est considéré comme un sujet de droits dans la nouvelle Constitution.

21.M me V illarán de la P uente, relevant que le Plan de développement intégral de l’enfance et de l’adolescence (2009-2013) prévoit trois niveaux normatifs, à savoir la Constitution, les lois internes et ensuite seulement les instruments internationaux, demande quel est exactement le rang de la Convention dans l’ordre juridique interne.

22.Rappelant qu’en janvier 2005 le Comité avait recommandé à l’État partie d’augmenter sensiblement la part du budget allouée à la réalisation des droits des enfants, elle demande si cette recommandation a été suivie d’effets. Elle voudrait aussi savoir si les enfants ont subi les conséquences de la diminution du budget alloué à la santé.

23.Si les questions relatives à l’enfance sont placées au premier plan par le Gouvernement central, elles ne figurent pas, selon certaines informations, au premier rang des priorités des autorités régionales et locales. Il serait dès lors intéressant de savoir comment se traduit cette contradiction du point de vue des ressources allouées à l’enfance.

24.Rappelant qu’en 2008 le Comité des droits économiques, sociaux et culturels avait recommandé à la Bolivie d’adopter des indicateurs et des critères fondés sur les droits, Mme Villarán de la Puente demande si le budget de l’État tient compte des droits de l’enfant et si des programmes budgétaires particuliers ont été prévus pour des domaines tels que l’éducation, l’alimentation, la santé ou l’enregistrement des naissances.

25.Enfin, elle souhaite savoir quel est l’impact de la crise économique sur les politiques d’éducation et de santé et si l’État bolivien sera en mesure de poursuivre sa politique sociale de distribution de bons visant notamment à améliorer l’accès aux soins de santé, à augmenter le taux de scolarisation et à lutter contre la sous-alimentation.

26.M. F ilalidemande quel est le mécanisme permettant de régler un éventuel conflit entre le droit interne et la Convention. Il voudrait aussi savoir comment s’effectue la coordination entre le pouvoir central et les autorités locales et comment l’État central s’assure que des ressources financières spécifiquement allouées aux bureaux locaux du Défenseur du peuple, par exemple, ne sont pas sont utilisées à d’autres fins par les autorités locales. Par ailleurs, il fait part de sa préoccupation face au taux encore trop faible d’enregistrement des naissance dans les zones rurales.

27.M. C itarellademande si les lois et les plans qu’adopte l’État partie sont acceptés dans les régions du pays dans lesquelles le droit coutumier est encore en vigueur. Il voudrait aussi savoir pourquoi l’État partie, au lieu d’utiliser le terme «enfants» dans sa législation et ses différents plans et programmes, parle «des filles, des garçons et des adolescents».

28.M. K rappman nregrette que le rapport de l’État partie ne fournisse pas d’informations sur les enfants ayant besoin d’une protection spéciale, tels que les enfants autochtones ou les enfants handicapés; il demande si l’État partie envisage de collecter des données sur les différents groupes d’enfants.

29.M. K oompraphant, notant que les membres du Conseil national pour l’enfance et l’adolescence sont tous des représentants d’organismes publics, demande s’ils ont réellement les compétences nécessaires pour s’acquitter des fonctions prévues par le mandat du Conseil. Il souhaiterait aussi un complément d’information sur les relations entre le Conseil et les Commissions de l’enfance et de l’adolescence.

30.M me A idoo, saluant les efforts accomplis par l’État partie pour garantir la gratuité de l’enregistrement des naissances et pour assurer l’enregistrement des enfants autochtones et des adolescents qui n’étaient pas encore inscrits sur les registres de l’état civil, demande quel est le taux d’enregistrement des naissances dans le pays, en particulier dans les régions reculées. Elle voudrait aussi savoir quel budget l’État partie, qui est appuyé dans ce domaine par la communauté internationale, notamment par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), alloue lui-même à l’enregistrement des naissances.

31.La Présidente souhaiterait savoir si l’État partie a l’intention de relever l’âge légal du mariage pour les filles, comme l’a préconisé à plusieurs reprises le Comité dans ses recommandations. Elle aimerait en savoir plus sur les unions prématrimoniales qui précèdent, dans certaines régions, le mariage à proprement parler et voudrait savoir s’il arrive que des enfants de moins de 14 ans soient fiancés dans de telles circonstances.

32.Par ailleurs, la délégation pourrait peut-être expliquer si la nouvelle Constitution de l’État partie assimile les châtiments corporels à une violence contre les enfants et les interdit expressément.

33.M me Torrico Rojas (État plurinational de Bolivie) explique que son pays connaît actuellement des bouleversements politiques profonds et qu’il est difficile d’appliquer les nouvelles mesures législatives découlant de l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, ces changements s’étant heurtés à la résistance des parlementaires de l’opposition. Par ailleurs, des élections générales sont prévues pour le mois de décembre 2009 et il est prévu de procéder à une refonte du Code de l’enfance, qui sera soumise à l’approbation de la nouvelle Assemblée plurinationale. Ce remaniement du cadre législatif prend du temps car il s’agit de tendre vers un État plus social et juste, où les personnes démunies bénéficient des mêmes droits que les gens plus aisés. Elle explique que le pays entretient un rapport assez ambigu avec les ONG, qui entendent mettre un terme au travail des enfants, alors que ceux-ci se sont regroupés en organisations d’enfants travailleurs car ils ont manifestement besoin de travailler.

34.M me Ureña (État plurinational de Bolivie) explique qu’elle a suivi de près le processus d’élaboration du rapport et que la société civile a été pleinement associée à cette entreprise. Elle ajoute que, faute de temps, les réponses écrites à la liste des points à traiter n’ont pas été élaborées avec la pleine participation des ONG, ce qu’elle déplore.

35.M. Morales (État plurinational de Bolivie) dit que la nouvelle Constitution politique de l’État n’est pas encore entièrement entrée en vigueur et que l’ancienne Constitution, pourtant abrogée, est encore fréquemment invoquée.

36.Il explique qu’il n’y a aucun rapport hiérarchique entre la justice autochtone et la justice ordinaire. La nouvelle Constitution a aboli le monisme juridique, par lequel seule la justice ordinaire − héritée du processus de colonisation − pouvait être invoquée, la justice autochtone originelle ayant au fil des siècles été reléguée au second plan. La nouvelle Constitution, notamment en son article 179, met les deux systèmes sur un pied d’égalité et délimite leurs champs d’action et leurs compétences respectives, tout en prévoyant une coopération entre les autorités des deux systèmes.

37.En ce qui concerne la question sur la participation des enfants aux affaires les concernant, il indique que l’article 241 de la Constitution dispose que la société civile participe à l’administration des affaires publiques, à l’élaboration des politiques et aux décisions concernant l’exécution du budget. Les organisations de défense des intérêts des enfants sont donc concernées. Cela dit, le Code de l’enfance doit être modifié, de manière à préciser les aspects touchant à la participation des groupes représentant les enfants.

38.En ce qui concerne la place des instruments internationaux dans l’ordre juridique interne, l’article 13 de la Constitution établit clairement que les instruments internationaux de défense des droits de l’homme ratifiés par l’État partie prévalent sur la législation nationale et qu’ils sont directement applicables.

39.M. Zermatten (Rapporteur pour l’État plurinational de Bolivie) soulève le problème de l’application concrète des dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, notamment les principes de l’intérêt supérieur de l’enfant et du respect de ses opinions. Il aimerait savoir comment les chefs autochtones entendent concrétiser ces principes, compte tenu des spécificités de la justice paysanne autochtone.

40.M. Morales (État plurinational de Bolivie) explique que les deux systèmes juridiques sont tenus de respecter les garanties et les droits visés par la Convention. Ainsi, tout comme la justice ordinaire doit adopter des lois et des décrets pour mettre en œuvre les droits consacrés par la Constitution, la justice autochtone doit se renforcer afin de s’y conformer également.

41.Le médiateur, dont les attributions sont décrites à l’article 222 de la Constitution, est indépendant des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Il a pour mission d’enquêter sur les violations des droits de l’homme, notamment des droits de l’enfant, mais il ne peut prononcer de sanctions car il est uniquement habilité à formuler des recommandations.

42.L’enregistrement des naissances est totalement gratuit, et tous les enfants reçoivent un acte de naissance. Des mesures sont prises par la Cour nationale électorale, en coopération avec des organismes internationaux, pour fournir gratuitement un acte de naissance aux adultes qui ne figurent pas sur les registres d’état civil. Ce processus est actuellement mis en œuvre, entre autres, dans les départements d’Oruro, de Cochabamba, et de Santa Cruz.

43.M me Torrico Rojas (État plurinational de Bolivie) dit qu’un nouveau décret, entré en vigueur dernièrement, prévoit que lorsqu’une mère et son enfant ne disposent pas d’actes de naissance ni de documents d’identité, ils peuvent se rendre dans un centre de contrôle pédiatrique et se faire remettre gratuitement ces documents, ce qui leur permet ensuite de toucher une allocation au titre du programme Juana Azurduy. Cette nouvelle mesure permet aux mères de ne plus redouter la visite chez le pédiatre, et contribue donc à faire baisser la mortalité infantile et le niveau de pauvreté. Malgré les réticences de l’opposition, l’État s’emploie à fournir à chaque citoyen bolivien des documents d’identité et un acte de naissance en règle, en particulier dans les régions reculées.

44.M. Morales (État plurinational de Bolivie) explique que l’Assemblée législative plurinationale, qui sera élue en décembre 2009, devra examiner plusieurs projets de loi, concernant notamment le système judiciaire, ainsi que des codes, qui vont être révisés. Ainsi, il est prévu d’harmoniser le Code de la famille, qui fixe l’âge du mariage à 14 ans pour les filles et à 16 ans pour les garçons, avec la Convention relative aux droits de l’enfant et d’autres conventions internationales. De même, il faudra le mettre en conformité avec la Constitution qui, dans son article 61, paragraphe 1, interdit et sanctionne toute forme de violence faite aux enfants et aux adolescents, aussi bien dans la famille que dans la société.

45.M me Marconi (État plurinational de Bolivie) décrit la structure organisationnelle du Ministère de la justice, dont dépend le Vice-Ministère de l’égalité des chances. Le Ministère comprend trois Directions générales, dont la Direction générale de l’enfance, de l’adolescence et des personnes âgées. Cette Direction, qui dispose d’une équipe chargée de l’enfance, assure la coordination avec les services départementaux de gestion sociale, qui travaillent en coordination avec les services municipaux de protection de l’enfance.

46.Le Gouvernement collabore avec la société civile et les organisations non gouvernementales (ONG), qui soutiennent, sur les plans technique et financier, les actions du Vice-Ministère de l’égalité des chances.

47.Mme Marconi souligne que l’enfant occupe une place centrale dans la politique du Gouvernement. Un plan national pour la petite enfance, l’enfance et l’adolescence est en cours d’élaboration en coopération avec les acteurs sociaux, en vue d’améliorer les conditions de vie des enfants.

48.M. Zermatten(Rapporteur pour l’État plurinational de Bolivie) regrette le manque d’informations au sujet des enfants des rues. Il demande quelle est la situation actuelle, s’il existe des statistiques sur cette question et si des mesures ont été prises en faveur de ces enfants.

49.Il relève que les enfants entre 16 et 18 ans qui sont jugés responsables d’infractions pénales sont fréquemment condamnés à de longues peines de privation de liberté, dans des conditions qui ne respectent pas les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, par exemple dans les mêmes locaux que des adultes. Il souhaiterait savoir si le projet de construction dans la capitale d’un centre de détention pour adolescents de 16 à 20 ans verra bientôt le jour et ce qui est prévu pour les adolescents détenus dans les autres départements.

50.M me Ortiz (Rapporteuse pour l’État plurinational de Bolivie) voudrait savoir si l’équipe chargée de l’enfance au sein de la Direction générale de l’enfance, de l’adolescence et des personnes âgées dispose des ressources humaines et financières nécessaires pour garantir la promotion et la protection des droits de l’enfant dans tout le pays, et si le Gouvernement envisage d’élever cet organe au rang de ministère pour qu’il ait l’autorité et les capacités nécessaires à son action.

51.Elle demande de quelle manière les services départementaux de gestion sociale et les services municipaux de protection de l’enfance bénéficient des programmes élaborés au niveau national et comment ils collaborent avec les autorités préfectorales et municipales pour offrir des services adéquats.

52.Il serait utile de savoir si le Gouvernement entend augmenter le nombre de juges pour enfants et adolescents, et envisage de former ces magistrats.

53.Enfin, la délégation est invitée à indiquer comment les services de santé collaborent avec les services de défense et de protection de l’enfant lorsque, par exemple, ils constatent des cas de mauvais traitements, d’abus sexuel ou d’exploitation sexuelle.

54.M. Puras se félicite que le Gouvernement se soit fixé l’objectif ambitieux de fournir des services de santé gratuits jusqu’à l’âge de 21 ans. Il demande dans quelle mesure les ressources allouées à la santé seront utilisées de manière rationnelle et transparente, et ce qui est fait pour réduire le taux élevé de mortalité infantile, notamment dans les régions rurales. Il souhaiterait également des informations complémentaires sur les principaux objectifs du programme de santé interculturel.

55.Il demande comment l’État partie compte susciter la participation multisectorielle pour mettre en œuvre sa politique de nutrition en faveur des enfants, et s’il prévoit d’évaluer l’efficacité des programmes en la matière. Il serait également utile d’avoir des précisions sur les politiques d’allaitement.

56.Il demande si le personnel des services de santé est formé pour traiter les adolescents avec tout le respect et la confidentialité auxquels ils ont droit en vertu de la Convention, notamment en ce qui concerne la santé procréative et la santé mentale. En ce qui concerne l’abus d’alcool et de drogues, problème majeur chez les adolescents, il souhaite savoir si des politiques de prévention sont mises en œuvre, et si les adolescents ont accès à des traitements ou à des structures de réadaptation.

57.M. Puras fait remarquer que l’intégration scolaire des enfants handicapés figure parmi les objectifs du Gouvernement. Il demande si un système d’identification des personnes handicapées a été mis en place et si les familles concernées reçoivent une aide. Il aimerait aussi savoir s’il existe des statistiques sur le nombre d’enfants handicapés placés en institution et ceux vivant dans leur famille. S’agissant des enfants en institution, des mécanismes de contrôle sont-ils prévus pour suivre leur situation et protéger leurs droits? Il serait également utile de savoir si des ONG travaillent dans ce domaine, aux niveaux national et régional et, le cas échéant, si elles sont soutenues par le Gouvernement. Enfin, la délégation voudra bien indiquer si l’État partie envisage de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

58.M. Fil ali voudrait savoir si l’âge du mariage, fixé à 14 ans pour les filles et à 16 ans pour les garçons, est établi dans les deux systèmes de droit. Il s’inquiète de la situation dans laquelle se trouvent actuellement les adolescents détenus avec des adultes et demande s’il est prévu de prendre des mesures en leur faveur avant les élections de décembre.

59.Enfin il demande si les droits de l’homme et les droits de l’enfant sont inscrits dans les programmes scolaires, et si les membres de l’appareil judiciaire et des forces de police sont formés et sensibilisés aux droits de l’enfant.

60.M me Villarán de la Puente demande si des mesures ont été prises pour prévenir, sanctionner et éradiquer la violence à l’encontre des enfants. Rappelant que, en 2005, lors de l’examen du troisième rapport périodique, un membre de la délégation bolivienne avait indiqué que la société montrait une grande tolérance vis-à-vis de la violence, elle souhaite que la délégation fournisse des informations sur la situation actuelle et précise si la loi sur la violence familiale a été modifiée et inclut désormais la violence psychologique, et si les auteurs d’actes de violence ont été punis, y compris lorsqu’il s’agit de policiers.

La séance est levée à 13 heures.