Nations Unies

CRC/C/SR.1457

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

19 janvier 2010

Original: français

Comité des droits de l’enfant

Cinquante- troisième session

Compte rendu analytique de la 1457 e séance (Chambre B)

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 12 janvier 2010, à 10 heures

Président: M. Filali

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties

Troisième rapport périodique du Paraguay

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties (point 4 de l’ordre du jour)

Troisième rapport périodique du Paraguay ((CRC/C/PRY/3); document de base (HRI/CORE/1/Add.24); liste des points à traiter (CRC/C/PRY/Q/3); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/PRY/Q/3/Add.1)).

1. Sur l’invitation du Président, la délégation paraguayenne prend place à la table du Comité.

2.M me Torres (Paraguay) dit que le Programme «Sasö Pyajhu-Paraguay Solidario» s’inscrit dans le cadre de la nouvelle politique sociale mise en œuvre par le Gouvernement paraguayen pour travailler plus près des groupes cibles, l’objectif étant d’atteindre une plus grande efficacité dans la limite des ressources disponibles. Le Gouvernement a procédé à une analyse des programmes et des infrastructures établis par les précédents gouvernements afin de corriger les erreurs du passé, de renforcer les effets positifs des politiques de l’État et d’établir de nouvelles relations entre l’État et la société. Les indicateurs macroéconomiques sont encourageants et annoncent une bonne année 2010 et la politique fiscale et monétaire a permis d’atténuer les effets de la crise économique, mais beaucoup reste à faire pour réduire la pauvreté et combler les inégalités. Le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence (SNNA) considère que la pauvreté est surtout une question politique qui exige de mieux répartir les richesses et de mettre en place des mécanismes novateurs de concertation et de participation.

3.Les ressources allouées au secteur de l’enfance ont augmenté de 24 % en 2008 et le budget du Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence a été multiplié par huit en 2009, ce qui a eu des incidences positives sur les conditions de vie des enfants, en particulier les plus vulnérables. En décembre 2009, le Ministère de la santé publique a décrété que tous les habitants (soit 6,4 millions de personnes) auraient accès gratuitement aux soins de santé dans les établissements publics. Cette politique de gratuité, un des volets de la stratégie de lutte contre la pauvreté, sera mise en œuvre progressivement, en commençant par les services de médecine ambulatoire et de médecine d’urgence.

4.Depuis janvier 2009, le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence et tous les ministères compétents déploient des efforts pour favoriser la participation des citoyens, des acteurs non gouvernementaux et des collectivités locales, en créant notamment des mécanismes concrets et transparents de participation citoyenne. Un des objectifs du plan stratégique du Secrétariat est de faire des enfants et des adultes référents des acteurs du changement voulu par le Paraguay. Le Secrétariat a créé la Direction de la participation, chargée d’ouvrir des espaces de dialogue aux enfants et de les faire participer à l’élaboration et au suivi du plan national d’action pour l’enfance. Cette démarche consistant à donner la parole aux enfants illustre très bien la politique d’ouverture engagée dans le pays.

5.En mars 2009, le Ministère de la justice et du travail a été doté d’un Vice-Ministère de la justice et des droits de l’homme, chargé de mettre en place des institutions permanentes de promotion et de défense des droits de l’homme. De même, en juin 2009, un réseau des droits de l’homme a été créé pour coordonner, notamment, l’élaboration du plan national d’action relatif aux droits de l’homme.

6.Le projet de loi visant à placer le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence sous la tutelle du Ministère du développement social suscite toujours le débat. Si une réforme des institutions s’impose, il n’en reste pas moins crucial qu’une instance de haut niveau soit chargée de définir et de suivre la politique de l’État en faveur des enfants, qui constituent environ 41,1 % de la population totale. Toutes les institutions et organisations qui s’occupent de l’enfance ont pour mission de mieux tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, le but étant de toujours mieux respecter les droits de l’enfant.

7.M. Zermatten (Rapporteur pour le Paraguay) constate que le Paraguay compte 110 000 autochtones mais que ce groupe de population est souvent laissé pour compte. Près de 36 % des habitants du pays vivent en deçà du seuil de pauvreté et environ 16 % dans l’extrême pauvreté. La situation s’est améliorée quelque peu, mais la crise économique et la hausse des prix des denrées alimentaires n’ont guère amélioré les choses. De surcroît, les richesses sont inégalement réparties, la culture de l’imposition fiscale est faible et la corruption est généralisée dans le pays. Sur le plan politique, le parti Colorado au pouvoir depuis soixante et un ans a été battu par le parti de l’Alliance patriotique pour le changement en avril 2008 et M. Lugo est devenu Président pour un mandat de cinq ans. Le Gouvernement en place a fait naître de nombreux espoirs pour des changements sociaux importants et pour une meilleure prise en compte des droits de l’homme en général et des droits de l’enfant en particulier.

8.On ne peut que se féliciter de l’adoption du Code de l’enfant et de l’adolescent, de la loi sur l’éducation des autochtones, de la loi visant à éliminer le commerce et la diffusion de matériel pornographique impliquant des mineurs ou des handicapés, et de la loi portant modification de l’état civil afin de faciliter l’enregistrement des enfants qui n’ont pas de certificat de naissance, mais il conviendrait de savoir si l’État partie a fait le nécessaire pour mettre ces lois en conformité avec la Convention. En outre, le Paraguay a établi une Commission vérité et paix en 2004 ainsi qu’un système national de promotion et de protection intégrée de l’enfant et de l’adolescent, sous la direction du Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence, qui a rang de ministère.

9.Au niveau international, le Paraguay a ratifié les deux Protocoles facultatifs à la Convention, la Convention no 138 de l’OIT, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

10.Notant avec préoccupation que le nouveau Code pénal réduit les sanctions en cas de pornographie enfantine, contrairement à la loi adoptée en 2006 en vue de combattre le commerce de matériel pornographique impliquant des mineurs, M. Zermatten demande pourquoi les deux textes ne vont pas dans le même sens. Il voudrait aussi savoir ce qu’il en est du projet visant à placer le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence sous la tutelle du Ministère du développement social et si le Secrétariat est doté de moyens techniques, humains et financiers suffisants pour remplir sa mission. Il s’interroge aussi sur la coordination entre le Secrétariat et les municipalités par l’intermédiaire des bureaux de conseiller pour les droits de l’enfant et de l’adolescent, sur le nombre de ces bureaux de conseiller et sur les ressources mises à leur disposition. Des précisions sur le rôle de l’Observatoire de l’enfance récemment institué seraient aussi bienvenues.

11.M. Zermatten demande si un bilan a été tiré du plan national d’action pour l’enfance 2003-2008. Il croit comprendre que la Defensoría del Pueblo dispose d’un département de l’enfance et de l’adolescence et aimerait en savoir plus sur cet organe, notamment ses effectifs. Il voudrait aussi savoir si le Paraguay envisage de créer un défenseur de l’enfant et de l’adolescent. Il se demande en outre quels sont les mécanismes en place pour garantir une meilleure transparence dans l’utilisation des ressources allouées au secteur de l’enfance. La discrimination dont sont victimes les enfants autochtones amène à se demander où en est le projet de loi visant à éliminer la discrimination sous toutes ses formes. Il demande aussi quel est l’état d’avancement de la campagne d’enregistrement universel des naissances et d’attribution de cartes d’identité. Enfin, notant avec inquiétude que les châtiments corporels sont largement tolérés dans la société, il voudrait savoir si l’État envisage d’adopter une loi pour interdire les châtiments corporels à l’école et dans la famille.

12.M. Pollar demande si l’État partie entend coopérer avec les pays de la région, en particulier le Brésil, pour contrôler le passage des frontières, étant donné qu’un grand nombre d’enfants franchissent clandestinement la frontière paraguayenne, ainsi qu’avec l’Espagne vu que des cas de traite d’enfants paraguayens vers ce pays ont été signalés. Il souhaite en outre savoir si des partenariats ont été engagés avec des organisations internationales ou avec d’autres pays concernant les droits de l’enfant et, plus précisément, si Interpol a joué un rôle utile en matière de coopération internationale relative aux enquêtes concernant des cas de traite au Paraguay.

13.Au sujet du droit à la vie, il s’inquiète des informations faisant état d’une utilisation massive de pesticides ayant un impact négatif sur la santé des autochtones qui vivent sur leurs terres ancestrales et demande des précisions sur ce point.

14.Des rapports indiquant que la violence familiale contre les enfants, notamment les sévices sexuels, est alarmante, il aimerait savoir ce que fait le Paraguay pour combattre cette violence, assimilable à de la torture, et quelles mesures sont prises pour lutter contre la violence policière à l’encontre des enfants des rues, signalée par plusieurs sources.

15.M. Krappmann note avec satisfactionque le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est pris en considération dans la législation sur l’enfance et est appliqué dans la prise des décisions judiciaires et administratives dans l’État partie. Toutefois, selon certaines sources ce principe serait utilisé à mauvais escient pour contourner la loi sur l’adoption lorsqu’un enfant est placé en garde temporaire, sous prétexte que les procédures d’adoption seraient trop compliquées. Il semblerait en outre que des enfants soient, parce que ce serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant, enregistrés à la naissance en tant qu’enfants biologiques de couples d’adultes qui ne sont en fait pas leurs parents biologiques. Il demande à l’État partie de fournir de plus amples renseignements sur ces situations.

16.En dépit des mesures prises par les autorités pour promouvoir la participation des enfants dans le cadre familial, scolaire ou judiciaire, nombre d’informations indiquent que dans les faits les enfants ne sont pas entendus. Par exemple, ils devraient pouvoir élire des représentants entendus par l’administration des écoles, être intégrés aux conseils des municipalités et être davantage entendus dans les procédures judiciaires. Il demande si le Paraguay prévoit de prendre des mesures dans ce sens et souhaite avoir des renseignements complémentaires à ce sujet.

17.M. Koompraphant demande quels sont les principaux problèmes concernant les enfants au Paraguay, quelles mesures ont été prises pour y remédier et si le plan national d’action mentionné par l’État partie dans son rapport couvre ces questions.

18.M me Varmah relève que selon plusieurs sources fiables le système national de collecte de statistiques présente diverses carences et demande si des mesures ont été prises pour le renforcer.

19.Les données font apparaître que le manque de personnel qualifié en matière d’assistance à la naissance est la principale cause de mortalité infantile et maternelle, les maladies respiratoires ou diarrhéiques venant ensuite. Le Comité note avec inquiétude que le Paraguay ne dispose pas d’indicateurs spécifiques permettant d’évaluer les progrès accomplis en matière d’investissement social dans l’aide à l’enfance, concernant en particulier la survie et le développement. De plus amples renseignements sur le système de vaccination contre des maladies telles que la tuberculose dans les zones urbaines et rurales seraient également bienvenus.

20.Le Président demande si le Paraguay envisage de ratifier la Convention de La Haye n° 23 de 1973 concernant la reconnaissance et l’exécution de décisions relatives aux obligations alimentaires, ainsi que la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, qu’il a signée en février 2007 sans émettre de réserve et qui a des relations avec la Convention relative aux droits de l’enfant, d’autant plus que l’État partie a ratifié la Convention interaméricaine sur ce même sujet. Il aimerait en outre savoir s’il arrive que des juges de l’État partie se réfèrent à la Convention pour justifier une décision lorsque des enfants sont parties à l’affaire ou sont appelés à être entendus en tant que témoins et si le Département de l’enfance et de l’adolescence a, conformément à la mission dont il est investi, procédé à des enquêtes, dans l’affirmative, si elles ont pu aboutir, quelles en ont été les conclusions et si des rapports à ce sujet ont été mis à la disposition des citoyens.

La séance est levée à 11 h 5; elle est reprise à 11 h 25.

21.M me Torres (Paraguay) souligne que la société civile a grandement contribué aux processus de formulation et de mise en œuvre des politiques en faveur du respect des droits des enfants et des adolescents, ce à partir de 1994 dans le cadre d’un front commun des associations, et a ainsi concouru à l’ajustement législatif et institutionnel auquel il a été procédé, notamment avec la création du Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence, dont l’objectif fondamental est de renforcer le système de promotion de l’enfance et de l’adolescence.

22.Le Conseil national est l’instance œuvrant dans ce sens à l’échelon central, tandis que les conseils départementaux et municipaux agissent à l’échelon local. Le processus, en cours, de décentralisation politique et administrative suppose un degré élevé de pratique démocratique. Au niveau local, pour la première partie de 2010, il est prévu de créer 9 nouveaux bureaux de conseiller de municipalité pour l’enfance et l’adolescence venant s’ajouter aux 200 déjà en place, pour un total de 236 municipalités. En complément de l’appui apporté par l’État central, un rôle important revient à l’investissement social par les collectivités locales mais il demeure faible et pour le favoriser on a innové en prévoyant la possibilité pour elles de faire appel à des donateurs internationaux aux fins du financement de projets spécifiques; en novembre 2009 a ainsi été lancée une initiative financée par un don non remboursable de la Banque interaméricaine de développement visant à établir un diagnostic, un plan et un budget pour la mise en œuvre de tels projets dans six bureaux de conseiller de municipalité pour l’enfance. Cette initiative devrait permettre d’assurer un meilleur suivi et d’obtenir des résultats visibles dans le cadre d’une gestion partagée.

23.Concernant la manière dont le Secrétariat national a géré les augmentations successives de son budget, modique à l’origine puisqu’il suffisait juste à couvrir ses dépenses de personnel essentiel, ses infrastructures et le centre d’adoption, en décembre 2009, le Secrétariat avait exécuté à hauteur de 91 % son budget annuel. La mise en place des équipes techniques requises pour mener ses programmes a été un véritable défi. Il a fallu mettre en route cinq nouveaux programmes, dont un fondamental concernant une prise en charge intégrale des enfants et des adolescents de concert avec les bureaux de conseiller de municipalité pour l’enfance en vue de faire avancer le processus de consultation national aux fins de la formulation et de l’évaluation du plan national.

24.S’agissant du degré de participation des enfants et des adolescents à ces différents processus, en vertu de la loi 1680/2001, portant Code de l’enfance et de l’adolescence, ils ont le droit à une représentation au sein des conseils départementaux et des conseils municipaux; de surcroît, le Conseil national et le Secrétariat national avaient déjà décidé antérieurement, par voie de règlement, d’assurer la représentation des enfants en leur sein afin qu’ils puissent y faire entendre leur voix, mais sans droit de vote; dans le prolongement de cette décision il est envisagé de soumettre une proposition de loi tendant à conférer le droit de vote à des organisations représentant les enfants au sein des différentes structures les concernant, dont le Conseil national.

25.M. Krappmann demande comment les représentants des enfants sont élus au Conseil national et sur quelles questions ils peuvent faire entendre leur voix.

26.M me Torres (Paraguay) dit que si la loi 1680/2001 ne prévoit pas expressément la participation des enfants au Conseil national un accord entre ses membres a permis de mettre en place un organisme de deuxième niveau servant de plate-forme nationale qui regroupe diverses organisations d’enfants. Ce sont les enfants eux-mêmes qui ont choisi leurs deux représentants, lesquels participent aux séances ordinaires du Conseil, qui se tiennent tous les quinze jours, et peuvent y faire entendre leur voix sur tous les sujets abordés dans cette enceinte. Un mécanisme en outre été mis en place pour assurer la participation de nouveaux groupes non parties prenantes à la plate-forme nationale, dont les enfants autochtones, les enfants handicapés ou les enfants des zones rurales et les enfants d’ascendance africaine. La coordination va ainsi être assurée avec 16 organisations sectorielles d’enfants dans le souci d’établir des relations directes avec les différentes parties prenantes sans passer par l’intermédiaire des adultes. À ce propos la Direction de la participation a organisé en août 2008 une rencontre à laquelle des enfants ont eu la possibilité de poser des questions au Président et à un certain nombre de ministres; sur la base des questions posées par ces enfants le Président a par la suite demandé des explications à plusieurs de ces ministres.

27.Dans le secteur de l’éducation, des expériences de représentation des enfants par des conseils scolaires ont été engagées, mais il s’agit encore d’un modèle fondé sur le principe de la tutelle par l’intermédiaire des adultes. Le Ministère essaie maintenant d’aller plus avant sur la base d’un processus de consultation visant à favoriser une nouvelle culture de l’éducation et une représentation plus directe.

28.Dans le domaine de la santé, l’ONG, «Écoutez nos voix», travaille avec les fonctionnaires de santé en vue d’instiller une nouvelle culture dans laquelle les enfants et les adolescents ne sont plus de simples corps à soigner mais des personnalités à respecter. Plus généralement, l’objectif est d’encourager la participation et le respect des enfants non seulement par les représentants de l’État, mais dans la vie quotidienne. C’est dans ce sens que vont le projet de loi sur le point d’être présenté au Parlement qui vise à interdire toute forme de châtiment corporel, la campagne de sensibilisation des enseignants aux formes positives de discipline «Apprendre sans crainte», ou encore la première étude sur les violences domestiques menée par une ONG nationale avec l’appui de l’UNICEF.

29.M me Yambay (Paraguay) assure que l’article 2 de la Convention est pleinement respecté. Toute audience a lieu en présence de l’avocat de l’enfant, dont l’intérêt supérieur est une préoccupation première du juge qui, pour prendre une décision, se fonde sur des éléments tels que des expertises psychologiques et des rapports de travailleurs sociaux.

30.M. Zermatten (Rapporteur pour le Paraguay), tout en se félicitant que les enfants aient la parole dans les procédures judiciaires, fait observer qu’il faut aussi que les juges soient formés à recueillir cette parole et demande si le Paraguay fait partie des trop rares pays dans lesquels les juges reçoivent des formations spécifiques sur l’écoute et l’intérêt supérieur de l’enfant.

31.Le Président constate que dans nombre de pays dont les autorités ont la volonté de favoriser une plus grande participation de l’enfant, les résultats sont peu visibles sur le terrain en raison de la résistance opposée par l’administration mais aussi les enseignants, les familles, entre autres. Il apprécierait donc que la délégation précise comment l’État partie s’emploie à faire évoluer les mentalités.

32.M me Torres (Paraguay) convient que la participation active de l’enfant, reconnu comme titulaire de droits et entendu au quotidien, est un vrai défi pour la société paraguayenne. C’est néanmoins l’objectif sous-jacent à plusieurs programmes. Comme la participation, l’intérêt supérieur de l’enfant est un principe conceptuel qui doit être traduit concrètement dans les politiques.

33.Au sujet des adoptions, une loi a permis de mettre fin aux trafics qui ont marqué les années 80. La garde avant adoption, quoique non expressément prévue par ladite loi, est une pratique courante des juges, qui, pensant aller dans l’intérêt de l’enfant, le place pour accélérer la procédure d’adoption alors qu’en fait cette pratique va à l’encontre du système mis en place par le nouveau gouvernement. Ce dernier organise donc des réunions avec des juges des enfants et des juges de la Cour suprême de justice pour réaffirmer son engagement à réviser la loi sur les adoptions de manière à ce que toutes les adoptions internationales, contre 10 % actuellement, passent par la voie administrative, et donc les centres d’adoption. Des efforts sont en outre déployés pour alléger les procédures et réduire le nombre des institutions au profit de foyers d’accueil. Un centre dans lequel des enfants sont placés transitoirement le temps des procédures d’adoption a été fermé; à terme, les autorités entendent fermer tous les centres de ce type.

34.M me Yambay (Paraguay) indique que le Code de l’enfance et de l’adolescence, dont le Chapitre V régit la juridiction spécialisée, prévoit l’obligation de nommer des juges spécialement formés à la justice des mineurs à la Cour suprême de justice, dans les tribunaux et dans les bureaux des défenseurs publics.

35.M me Monteil (Paraguay) ajoute qu’un des objectifs de la création de la Direction des droits de l’homme est justement la formation, initiale et continue, des magistrats. Des tables rondes sont ainsi organisées sur l’ensemble du territoire pour améliorer la participation des enfants et la prise de décisions en matière de peines.

36.M. Zermatten (Rapporteur pour le Paraguay) demande quel pourcentage de juges sont effectivement formés et à quelle date les autorités estiment que la totalité de la profession pourra l’avoir été.

37.M. Krappmann aimerait en outre connaître la proportion des enfants sensibilisés à leurs droits, par le canal de programmes mis en œuvre dans les écoles ou par des organisations de jeunesse, par exemple.

38.M me Monteil (Paraguay) répond que tous les magistrats spécialisés sont formés et se propose d’envoyer ultérieurement au Comité des précisions sur le contenu des formations qu’ils suivent ainsi que leur évaluation, dont les résultats devraient être connus à la mi-2010.

39.M me Torres (Paraguay) fait observer qu’assurer la participation de l’enfant est une entreprise de longue haleine dans un pays où elle suppose un tel changement des mentalités. Une étape importante en est la formation, une autre le suivi et la surveillance de la pratique judiciaire.

40.Elle ignore quel est le pourcentage d’enfants sensibilisés à leurs droits mais indique qu’un investissement de taille a été consenti en la matière. La semaine des droits de l’enfant est ainsi célébrée dans les écoles depuis le milieu des années 90. Les droits de l’enfant sont pour l’essentiel assez bien connus des enfants eux-mêmes, y compris dans les zones reculées; c’est auprès des adultes qu’il reste beaucoup à faire.

41.Lors du changement d’équipe dirigeante, en 2008, le plan national d’action en faveur de l’enfance et de l’adolescence arrivait à son terme. Le nouveau gouvernement s’est trouvé confronté à plusieurs problèmes: l’absence d’indicateurs permettant d’évaluer l’impact du plan, le peu de fonds budgétisés pour en poursuivre l’exécution et le manque de temps pour élaborer une alternative. Il a décidé d’organiser une vaste consultation avec des organisations de la société civile, qui se sont faites le relais des enfants pour identifier les priorités – enfants des rues, enfants en institution, création d’instances de participation à tous les niveaux, notamment –, lesquelles ont ensuite été intégrées dans un plan stratégique d’action du Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence, qui reprend du reste aussi certains axes du plan national, tels que le renforcement du système national de protection intégrale et qui s’inscrira dans le cadre de la politique nationale en faveur de l’enfance et de l’adolescence, en vigueur jusqu’en 2013. L’action et la gestion du Secrétariat n’ont donc pas été paralysées, mais le nouveau gouvernement a jugé utile de refondre l’ensemble du processus, en associant des enfants à ce travail, notamment via la Coordination des droits des enfants et des adolescents. Parallèlement, il a été décidé par décret de reconfigurer le Cabinet social avec comme principal axe stratégique la décentralisation. L’objectif est de mettre en place des réseaux de protection sociale proches des communautés et aptes à répondre efficacement aux besoins réels de la population. Il est prévu que le nouveau plan national d’action en faveur de l’enfance et de l’adolescence, avec tous les apports des consultations de 2009, soit adopté en février ou en mars 2010. Il devra se voir doter de crédits budgétaires mais aussi d’indicateurs d’évaluation.

42.Un bon usage des ressources passe aussi par la mise en place d’un système d’information et c’est dans cet esprit que l’Observatoire de l’enfant et de l’adolescent, créé en octobre 2009 à l’initiative de la société civile avec le soutien de la Banque interaméricaine de développement, va mettre au point une base de données sur la gestion des différentes entités publiques. De même, avec l’aide de l’ONU le Paraguay s’emploie à améliorer sa base de données sur les allocataires de manière à disposer d’un système centralisé unique pour l’ensemble des «transferts sous condition de ressources». Ce sont là des pas importants pour favoriser la transparence de la gestion et lutter contre la corruption et le favoritisme.

43.M. Zermatten (Rapporteur pour le Paraguay) ne comprend pas bien s’il est ou non toujours envisagé de créer un ministère du développement social et aimerait que la délégation précise si l’Observatoire est investi d’une simple mission d’information ou est habilité à procéder à des interventions.

44.M me Torres (Paraguay) dit qu’un projet de loi portant création d’un ministère du développement social a été soumis au Parlement en 2006 mais a été rejeté. En 2008, un nouveau projet de loi a été présenté à la Chambre des sénateurs et une autre initiative reprenant ce projet a été soumise à la Chambre des députés. Cette initiative, qui prévoit la création d’un ministère du développement social chargé de coordonner les actions des différentes institutions relevant du Cabinet social, ainsi que la réduction des frais administratifs, a été approuvée à l’unanimité par la Chambre des députés. Le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence relèverait ainsi de ce grand Ministère, de même que les Secrétariats à la femme, à la culture et à la fonction publique.

45.Le thème des droits de l’enfant est un des axes transversaux de la politique de développement social. Dans un souci de viabilité à long terme, le Gouvernement cherche encore les moyens, qui ne sont pas définis dans la législation, de partager les ressources avec les autorités municipales pour mener la décentralisation à bien, de manière à toucher les populations les plus vulnérables, dont les travailleurs enfants − qui représenteraient, selon les estimations, 8 % de la population enfantine totale. La réforme en cours de l’État ne s’inscrit malheureusement pas dans le cadre d’un processus de consultation et le Comité des droits de l’enfant pourrait envisager de formuler une recommandation visant à soutenir le Secrétariat.

46.M. Zermatten (Rapporteur pour le Paraguay) demande si l’État partie envisage de modifier la loi de 1997, qui, bien que mettant fin à la pratique de l’adoption internationale et à la traite d’enfants qui en découlait, permet une interprétation abusive quant à la garde temporaire avant adoption.

47.Il souhaiterait savoir si des projets de prise en charge spéciale des enfants handicapés, des politiques ou des plans d’action en leur faveur ont été élaborés pour donner suite aux recommandations formulées par le Comité en 2001.

48.S’étonnant de la faiblesse (7 %) du taux d’allaitement maternel exclusif durant les six premiers mois de la vie des nouveau-nés, il demande quelle est la politique de l’État en la matière.

49.La délégation pourrait apporter des informations sur les projets en cours visant à réduire la pauvreté, notamment traiter les questions liées à la malnutrition, aux difficultés d’accès à l’eau potable et au manque d’installations d’assainissement, qui touchent plus particulièrement les habitants des zones reculées et les populations autochtones.

50.Étant donné l’absence de statistiques sur l’exploitation des enfants par le travail (notamment le nombre d’enfants concernés et leur âge), de mécanismes permettant de contrôler ce phénomène dans les secteurs formel et informel et de sanctions prises à l’encontre des personnes employant des enfants, la délégation voudra bien fournir des informations à ce sujet ainsi que sur le programme Abrazo et ses résultats.

51.La délégation pourrait en outre indiquer si l’État partie envisage d’interdire la pratique, prétendument culturelle, des criaditos, à savoir des enfants confiés à des familles pour servir comme domestiques et qui sont exploités par le travail et sur le plan sexuel.

52.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi sur les enfants réfugiés, qui met en avant l’intérêt supérieur de l’enfant, mais souhaiterait connaître le nombre d’enfants réfugiés et demandeurs d’asile, ainsi d’enfants apatrides le cas échéant, et savoir si les actions de la Commission nationale des réfugiés sont coordonnées avec celles du Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence.

53.Il serait intéressant d’avoir des informations sur la politique de l’État en faveur des enfants autochtones, notamment sur les mesures prises pour régler les problèmes de la malnutrition, de la mortalité infantile, de l’exploitation par le travail et du manque d’accès aux services de santé et d’éducation.

54.M. Koompraphant demande s’il existe des programmes de renforcement des capacités visant à mieux répondre aux besoins des enfants en matière de développement et quelles mesures sont prises en concertation avec les autorités locales et les enseignants, entre autres, en vue de protéger les enfants au sein de leur famille, de l’école et de la communauté. Il souhaiterait un complément d’information sur la mise en application des politiques en la matière, et savoir par exemple si des mécanismes ont été mis en place pour signaler les mauvais traitements et si les parents violents reçoivent une aide pour apprendre à changer de comportement.

55.M me Herczog, relevant que 3 % seulement des enfants ont accès aux services de garderie, aimerait savoir si l’État envisage d’étendre ces structures aux enfants vivant dans les zones rurales ou issus de familles autochtones.

56.Elle demande s’il existe des plans nationaux visant à mettre en place au niveau des institutions, de la famille et de la communauté, des programmes en faveur des enfants handicapés mentaux et si la commission technique conjointe a mené des travaux pour obtenir des données et évaluer les progrès réalisés dans ce domaine.

57.Au sujet du projet de base de données informatisée sur les enfants, la délégation pourrait indiquer si les informations relatives à la santé mentale sont protégées et apporter des précisions sur le contenu du programme thérapeutique mis en place. Il serait en outre utile de disposer de données sur les problèmes de santé mentale chez les enfants vivant dans leur famille (dépressions, tentatives de suicide ou suicides, consommation de tabac, alcool ou drogues) et sur les mesures de prévention prises pour soutenir les familles.

58.Il serait intéressant d’avoir des informations sur les familles d’accueil et les structures de protection de remplacement, notamment sur la manière dont les familles d’accueil sont sélectionnées, ainsi que de savoir si les familles autochtones peuvent accueillir des enfants autochtones, comment sont prises les décisions de placement des enfants dans des structures d’accueil, si l’État envisage de renforcer les réseaux de familles d’accueil et s’il prévoit une formation à l’intention des parents et des familles d’accueil potentielles. La délégation voudra bien indiquer si une aide est fournie aux enfants placés en famille d’accueil et si une place est faite aux droits de l’enfant dans la formation que suivent les psychologues et les travailleurs sociaux.

59.M. Pollar demande quelles mesures sont prises pour protéger les adolescents contre la consommation de substances nocives et prévenir le VIH/sida parmi les jeunes, et si les mesures de prévention du VIH/sida entraînent des conflits d’ordre culturel ou religieux.

60.Il souhaiterait savoir où en est le projet de loi sur l’enrôlement dans l’armée, qui fixe l’âge du recrutement à 18 ans, et comment l’État s’assure que les jeunes recrutés sont majeurs étant donné que 22 % des Paraguayens de moins de 18 ans sont dépourvus de documents d’identité.

61.M. Krappmann, s’inquiétant du nombre élevé d’enfants qui redoublent ou abandonnent l’école, aimerait savoir en quoi consiste la formation de base des enseignants et s’il existe des programmes de formation continue à leur intention. Il demande si les enfants qui abandonnent le système scolaire ont la possibilité de le réintégrer, si les enfants des rues ont accès à l’éducation et si les enfants en échec scolaire peuvent travailler tout en suivant des cours. À ce sujet, il serait utile de savoir s’il existe des programmes alliant éducation et formation professionnelle, et si beaucoup d’enfants y ont accès au sein du système scolaire et en dehors.

62.M me Varmah, relevant des faiblesses dans le système de santé, aimerait savoir quels programmes l’État met en œuvre pour assurer la continuité de l’accès gratuit aux services de santé et l’extension de la couverture à toutes les régions du pays, si des mesures sont prises pour recenser les enfants qui consomment de l’alcool ou des drogues, ou sont séropositifs, et leur fournir des services de soins et de réadaptation, s’il existe des programmes de formation des mères aux soins prénatals et postnatals et si des mesures sont prises pour mettre fin aux avortements clandestins, qui sont une cause de mortalité.

63.Il serait intéressant de savoir s’il existe des installations sportives destinées aux enfants, comment les enfants occupent leur temps libre et ce qui est fait pour les empêcher de sombrer dans l’alcoolisme ou la toxicomanie.

64.Le Président demande ce que fait l’État pour remédier au manque de ressources humaines et financières dans le domaine de la justice pour mineurs, comment les affaires judiciaires concernant des enfants sont traitées dans les régions dépourvues de tribunal pour mineurs, si des juges sont spécialisés en justice pour mineurs et si les réformes prévues par l’État partie privilégient la justice réparatrice plutôt que la justice répressive. La délégation est invitée à apporter des informations sur les conditions de détention des mineurs avec les adultes et sur la manière dont sont contrôlées les conditions de détention.

La séance est levée à 13 heures.