Nations Unies

CRC/C/SR.1466

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

25 janvier 2010

Original: français

Comité des droits de l’enfant

Cinquante-troisième session

Compte rendu analytique de la 1466 e séance* (Chambre A )

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 14 janvier 2010, à 15 heures

Président e: Mme Lee

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Deuxième rapport périodique du Cameroun sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport du Cameroun sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant [CRC/C/CMR/2; liste des points à traiter (CRC/C/CMR/Q/2); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/CMR/Q/2/Add.1); document de base ( HRI/CORE/1/Add.109 ) ] (suite)

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation camerounaise reprend place à la table du Comité.

2.M me Vill á ran de la Puente, rappelant que le Cameroun, dans le rapport qu’il a présenté au Conseil des droits de l’homme dans le cadre de la procédure d’Examen périodique universel, a indiqué qu’il n’était pas en mesure d’assurer l’entière gratuité de l’éducation, et évoquant des informations selon lesquelles il existe des obstacles à l’accès universel à l’éducation primaire, demande des renseignements sur les mesures qui ont été prises à cet égard. Il serait utile que le Comité dispose de l’étude sur le problème de la violence à l’école qui a été réalisée par le Cameroun en 2005 afin qu’il puisse se faire une idée plus précise des mesures qui pourraient être adoptées pour remédier à ce problème.

3.Mme Villáran de la Puente, relevant qu’il n’existe pas d’étude et de statistiques sur l’ampleur du phénomène de l’exploitation sexuelle au Cameroun, demande si un plan national de lutte contre l’exploitation sexuelle a été élaboré. Elle souhaite également savoir si le projet de loi sur la prévention et la répression de la violence à l’égard des femmes et de la discrimination fondée sur le sexe a été adopté, conformément à la recommandation du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

4.La banalisation de la violence contre les femmes et les filles dans la famille est un phénomène extrêmement préoccupant et il serait utile de savoir comment le Gouvernement réagit face à la culture de l’impunité et du silence qui prévaut en la matière. La délégation pourrait également indiquer si les policiers et les magistrats sont formés à traiter ce type d’affaires et donner des précisions sur le dispositif de protection des victimes.

5.M. Kotran e, se félicitant des efforts déployés par l’État partie pour recruter des juges et pour renforcer les capacités des différents acteurs de la justice pour mineurs, demande des précisions sur les mesures prises, et notamment sur le nombre de juges qui ont été recrutés et qui ont effectivement pris leurs fonctions. La question du traitement des enfants en détention reste préoccupante. Si des mesures encourageantes telles que l’aménagement d’un quartier spécial pour mineurs dans la prison de Douala et l’adoption du décret de février 2009 sur les centres de détention pour mineurs ont été prises, on peut se demander quelle en est l’incidence concrète car, de manière générale, les mineurs ne sont pas séparés des adultes et le nombre de centres pour enfants est insuffisant. Il serait utile de savoir s’il est prévu, dans le futur code de protection de l’enfant, de relever l’âge de la responsabilité pénale, actuellement fixé à 10 ans.

6.M. Guránsouhaite avoir des renseignements supplémentaires sur les deux types de mesures de remplacement prévues, à savoir la substitution provisoire et la substitution définitive. Il s’étonne que le rapport ne fasse pas mention de familles d’accueil et s’interroge sur les raisons pour lesquelles le Cameroun n’a pas ratifié la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

7.M. Citarella note qu’il n’est pas envisagé de créer des chambres pour mineurs au sein des tribunaux ordinaires ou des tribunaux pour mineurs, ce qui est une source de grande préoccupation pour le Comité et appelle des observations.

8.M me A l-Asmar dit que la mise en œuvre de la stratégie nationale pour l’éducation élaborée par le Cameroun, qui fixe des objectifs à réaliser d’ici 2015, notamment l’accroissement de la proportion d’enfants ayant accès à l’éducation préscolaire, l’accès universel à l’école primaire et la réduction du taux d’abandon scolaire, nécessiterait des ressources financières bien supérieures à celles que peut y consacrer le seul Ministère de l’éducation. Des budgets spéciaux devraient être prévus pour l’enregistrement des naissances, pour les activités de sensibilisation à la question du mariage précoce et pour l’appui aux familles dont les enfants travaillent. Elle demande, à cet égard, si des sources supplémentaires de financement ont été prévues.

9.La Présidente relève que l’État partie, dans ses réponses écrites, indique que 22 % des enfants âgés de 2 à 9 ans souffrent d’au moins un handicap, ce qui constitue un taux de prévalence extrêmement élevé. Elle s’étonne également des catégories de handicaps qui ont été établies par l’État partie, à savoir le retard pour s’asseoir ou pour se tenir debout, l’incapacité à parler distinctement et les difficultés pour comprendre les instructions. L’évaluation de ces difficultés ne peut qu’être subjective et des précisions sur les critères en fonction desquels ces catégories ont été établies seraient souhaitables.

10.Des problèmes subsistent sur le plan de la vaccination et des enfants décèdent encore de maladies évitables telles que le paludisme et la fièvre jaune. Ces difficultés sont-elles liées à une insuffisance des ressources allouées au secteur de la santé? Par ailleurs, selon certaines informations, les mères sont mal informées des avantages de l’allaitement au sein. Qu’en est-il? Il serait également souhaitable de connaître le nombre d’hôpitaux qui ont été agréés dans le cadre de l’initiative Hôpitaux amis des bébés car les informations à ce sujet sont contradictoires.

11.Le taux d’encadrement des élèves est faible et il y aurait lieu de préciser quelles sont les mesures concrètes qui ont été engagées pour l’améliorer. Selon les informations disponibles, l’écart entre filles et garçons en ce qui concerne les taux de scolarisation et de réussite scolaire pourrait s’expliquer en partie par l’insuffisance des infrastructures, comme par exemple l’absence de toilettes pour les filles. Il semblerait que les parents d’élèves du primaire doivent acquitter des frais. Qu’en-est-il? Des mesures ont-elles été prises pour remédier à ce problème?

12.M me Aidoo (Rapporteuse pour le Cameroun), demande si la carte sociale qui est en cours d’élaboration donnera toutes les informations relatives aux enfants placés en famille d’accueil et en institution et aux enfants handicapés. Elle souhaiterait en savoir plus sur la nature de cette carte et sur son état d’avancement.

13.M me Bakang Mbock (Cameroun) souligne que, si la volonté politique de résoudre les problèmes évoqués ne manque pas, le Cameroun est un pays en développement qui doit faire face à de multiples difficultés. Le chiffre de 22 % d’enfants handicapés qui figure dans le rapport est inexact; il a dû être établi par le Centre national de réhabilitation des personnes handicapées à partir d’un échantillon non représentatif. Des données fiables seront disponibles lorsque la carte sociale sera achevée. Les critères de définition du handicap chez l’enfant utilisés par le Cameroun sont les mêmes que ceux qui ont été retenus pour la définition figurant dans la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapés et ce sont ces mêmes critères qui seront pris en compte dans le cadre de l’élaboration de la carte sociale.

14.M. Nsangou (Cameroun) indique que, malgré les difficultés rencontrées par le Cameroun, le budget du Ministère de la santé publique a augmenté, passant, entre 2001 et 2010, de 69 à 84 milliards de francs CFA. La santé de la mère, de l’enfant et de l’adolescent constitue l’un des quatre grands domaines d’intervention définis dans le document de Stratégie sectorielle de la santé (2001-2015). Le Cameroun est conscient du problème de la malnutrition protéino-énergétique et les autorités chargées de la santé publique s’attachent à le résoudre, en mettant l’accent à la fois sur la prévention et la prise en charge curative. L’action préventive consiste d’abord et avant tout à lutter contre les maladies qui conduisent à la malnutrition. Un programme de vaccination a ainsi été mis en œuvre, et la couverture vaccinale est actuellement de 90 %. S’agissant de la question des enfants qui décèdent de maladies évitables, M. Nsangou précise que la fièvre jaune est une maladie qui attire beaucoup d’attention mais qui reste rare. À chaque cas signalé, l’ensemble du système de santé est mobilisé et l’on procède à un contrôle systématique dans la zone concernée.

15.Dans le cadre du programme national de lutte contre le paludisme, toutes les femmes enceintes qui viennent en consultation prénatale et tous les enfants de moins de cinq ans reçoivent gratuitement une moustiquaire imprégnée d’insecticide. Le Cameroun s’est également doté de programmes visant à lutter contre le VIH/sida et la tuberculose. La tuberculose, qui avait été pratiquement éradiquée, a repris de l’ampleur avec l’apparition du VIH/sida. Le traitement antituberculeux est gratuit pour les enfants et des médicaments sont disponibles à tous les niveaux du système de santé et sur l’ensemble du territoire national. Le dépistage du VIH/sida chez les femmes enceintes et les enfants est gratuit, tout comme la prise en charge des enfants séropositifs ou malades du sida. Dans le cadre du programme de prévention de la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant, les mères séropositives ou malades du sida sont prises en charge gratuitement.

16.M me Aidoo (Rapporteuse pour le Cameroun), soulignant que la malnutrition est une cause de mortalité, surtout dans les régions les plus pauvres, et qu’elle peut avoir à long terme des conséquences sur les performances intellectuelles et scolaires des enfants qui n’en meurent pas, déclare qu’il conviendrait de mener des actions dans les communautés et auprès des familles pour que les enfants soient nourris de manière convenable. On pourrait également envisager la création d’un organe de coordination interministériel sur la malnutrition.

17.M. Nsangou(Cameroun) dit qu’un comité national multisectoriel de la nutrition, présidé par le Secrétaire général du Ministère de la santé publique, vient d’être mis en place. Dans le cadre du programme de fortification alimentaire, certains aliments sont enrichis en micronutriments. Le goitre endémique a ainsi pu être pratiquement éradiqué grâce à l’adjonction d’iode au sel de cuisine. Dans le cadre du programme élargi de vaccination, tous les très jeunes enfants reçoivent gratuitement tous les six mois une dose de vitamine A.

18.La stratégie de prise en charge intégrée des maladies des enfants (PCIME), qui vise à lutter contre la morbidité des enfants de moins de 5 ans, comporte un volet clinique et un volet communautaire. Elle a permis de faire régresser la diarrhée infantile, notamment grâce à l’extension de la vaccination contre la rougeole et à l’administration de zinc.

19.Les autorités portent une attention particulière à la question de la santé des adolescents et en particulier des jeunes filles. En effet, la mortalité maternelle est élevée au Cameroun et près du tiers des cas de mortalité maternelle concerne des adolescentes. Des documents stratégiques ont été élaborés en matière de santé des adolescents et des critères de convivialité ont été définis à l’intention des formations sanitaires pour adolescents. Ainsi, chaque formation sanitaire devrait pouvoir offrir à ces jeunes des services qui tiennent compte des spécificités de leur âge, comme l’absence de moyens financiers, un sentiment de honte, ou encore les contraintes liées à la scolarité.

20.Le Gouvernement doit adapter ses stratégies en matière de scolarisation et de santé aux populations marginales que sont les Pygmées et les Bororos, les premiers vivant dans la forêt et les seconds étant des éleveurs nomades. Chaque région du Cameroun est dotée d’une délégation nationale de la santé publique. Le délégué régional de la santé publique fait rapport aux autorités centrales sur les réalités locales et les difficultés rencontrées concernant des situations ou des populations particulières.

21.M me Villarán de la Puentedit que, en matière de malnutrition, il semble y avoir de grandes disparités entre le nord du Cameroun, où les enfants souffrent de carences particulièrement graves, et le reste du pays. Elle demande s’il existe des programmes multisectoriels visant à lutter contre les causes de la malnutrition. Elle voudrait aussi savoir si les femmes enceintes, les femmes qui allaitent et les nourrissons reçoivent des compléments en fer, dont la carence provoque anémies et diarrhées. Elle demande par ailleurs des précisions sur l’approvisionnement en eau potable dans les différentes régions.

22.M. Nsangou(Cameroun) dit que le Cameroun, considéré comme le grenier de l’Afrique centrale, est très varié sur le plan climatique et que l’on y trouve une grande diversité de produits alimentaires. En vue d’assurer la sécurité alimentaire, les autorités veillent à développer l’agriculture et l’élevage dans tout le pays ainsi que l’agroforesterie, qui consiste à domestiquer certaines variétés sauvages. Une enquête a montré que la malnutrition était particulièrement importante dans l’Ouest, région pourtant très fertile. Il est apparu que la population vendait les produits issus des récoltes et de l’élevage au lieu de les consommer. Des actions d’éducation et de sensibilisation à la nécessité d’acquérir de bonnes habitudes alimentaires ont donc été menées dans cette région.

23.Les femmes enceintes reçoivent de manière systématique une supplémentation en fer lors de la consultation prénatale dite «recentrée». Le fer est en outre un micronutriment très régulièrement administré dans le cadre de la prise en charge des maladies infantiles.

24.La proportion de la population ayant accès à de l’eau potable est en augmentation.

25.M me Aidoo (Rapporteuse pour le Cameroun) fait remarquer que c’est la pauvreté qui pousse les gens à vendre la meilleure partie de leur production alimentaire au lieu de la consommer. Elle demande si la question de la malnutrition est prise en compte dans le Document de stratégie de réduction de la pauvreté et dans le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi.

26.M. Nsangou(Cameroun) dit que les autorités incitent les femmes à pratiquer l’allaitement maternel exclusif jusqu’à l’âge de 6 mois. Il existe toutefois des réticences de la part des femmes en raison du taux élevé d’infection à VIH et de la crainte des femmes séropositives de transmettre le virus à leur enfant.

27.M me Bakang Mbock(Cameroun) dit que les centres de santé intégrés tiennent spécifiquement compte de la petite enfance et sont notamment chargés de mettre en œuvre au niveau local le programme élargi de vaccination, qui comprend l’apport vitaminique.

28.M. Aroga (Cameroun) dit que le budget du Ministère de l’éducation de base s’élève à 167,5 milliards de francs CFA pour 2010, contre 130 milliards en 2009 et 117 milliards en 2008 (le budget de l’enseignement secondaire pour 2010 s’élève à 204 milliards de francs CFA). Les disparités filles/garçons sont réelles, notamment dans les régions de l’Est, d’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord et dans certains secteurs des villes de Yaoundé et de Douala. Afin de lutter contre ces inégalités, des zones d’éducation prioritaires ont été définies et les parents ont été encouragés à s’impliquer dans la gestion et le fonctionnement des écoles. Des associations des mères d’élèves (AME) ont notamment été créées et se sont organisées en réseau. Les communautés religieuses et les chefs traditionnels ont également été invités à expliquer aux parents l’utilité d’envoyer leurs enfants, tant filles que garçons, à l’école. Dans chaque zone d’éducation prioritaire, 25 écoles pilotes ont été mises en place avec le concours de l’UNICEF. Un partenariat a été établi avec des acteurs économiques pour la construction d’infrastructures scolaires modernes et des cantines scolaires ont été mises en place. Par ailleurs l’enseignement des droits de l’enfant a été introduit dans les écoles afin que les enseignants deviennent des acteurs de la promotion des droits de l’enfant.

29.Le Cameroun connaît un déficit d’environ 50 000 enseignants. Une enquête a montré que le pays perdait environ 500 enseignants par an en raison du VIH/sida. Le Gouvernement a donc mis en place une politique de lutte contre le sida sur le lieu de travail et procédé au recrutement de nouveaux enseignants. Fin 2010, près de 7 000 enseignants auront ainsi été recrutés dans le primaire, et 7 000 nouveaux enseignants entreront dans le système d’enseignement secondaire au début de l’année scolaire 2010-2011. Le Gouvernement espère avoir résolu ce problème au niveau du primaire aux alentours de 2015.

30.En vertu d’une décision prise en 2000 par le chef de l’État, les frais d’inscription à l’école primaire ont été supprimés. Contrairement au secondaire, les parents d’élèves du primaire ne sont pas tenus de payer de cotisation à l’association de parents d’élèves.

31.M me Aidoo , observant que le taux de scolarisation − notamment des filles − stagne dans un certain nombre de régions, demande si l’État partie a évalué sa stratégie visant à gommer les inégalités entre les garçons et les filles dans ce domaine, afin de la modifier en conséquence.

32.Elle souhaiterait savoir quelles mesures l’État partie compte prendre pour remédier à la pénurie d’enseignants due au sida, et notamment s’il envisagerait de dispenser une formation accélérée à de jeunes diplômés universitaires et d’embaucher ces derniers à titre temporaire comme instituteurs pour pourvoir les 50 000 postes actuellement vacants. Enfin, elle voudrait savoir si le Cameroun estime être en mesure d’atteindre les objectifs de développement pour le Millénaire fixés pour 2015.

33.M me  Ortiz aimerait savoir si le système éducatif camerounais tient compte du caractère multiethnique du pays, et notamment si les membres des quelque 230 groupes ethniques dont se compose le pays ont accès à un enseignement interculturel et bilingue.

34.M me Bakang Mbock (Cameroun) dit qu’il a été tenu compte de la diversité linguistique et culturelle dans l’élaboration des programmes de l’enseignement primaire et secondaire et que le multilinguisme n’entrave nullement l’accès à l’éducation. L’enseignement est dispensé dans les deux langues officielles du pays, à savoir l’anglais et le français. Dans les écoles, chacun respecte l’autre dans sa différence, et toutes les populations ont accès à l’enseignement sur un pied d’égalité. Les membres des populations dites marginales comme les Pygmées, les Bororos et les Baka Bakola, sont associés à l’élaboration et à la mise en œuvre de programmes créés à leur intention. Ainsi, les Pygmées ont été consultés dans le cadre de l’élaboration du Protocole d’accord signé le 13 mai 2009 entre le Ministère des affaires sociales et le Ministère des forêts et de la faune, appuyé par la Banque mondiale, qui a pour but de faciliter l’accès de ces populations à la santé et à l’éducation.

35.M me Takam Kembo (Cameroun) dit que l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale, qui intègre les normes internationales pertinentes, a constitué un grand pas en avant, d’autant plus que par le passé, la multiplicité des textes constituait un obstacle majeur pour les professionnels de la justice.

36.La spécialisation de la justice pour mineurs n’est pas organique mais fonctionnelle. Cela signifie que, dans les affaires impliquant des enfants, deux assesseurs nommés par le Ministère de la justice et le Ministère des affaires sociales et connus pour leur intérêt pour les questions relatives à l’enfance siègent aux côté du magistrat. Ils ont voix délibérative.

37.En vertu de l’article 221 du Code de procédure pénale, qui s’applique également aux mineurs, la durée de la détention provisoire ne peut excéder six mois, sauf en cas de délit, où elle peut être prolongée de six mois, et en cas de crime, où elle peut l’être de douze. Il n’en reste pas moins que la détention des mineurs est une mesure exceptionnelle, qui n’est prise qu’en cas d’atteinte à la vie d’autrui. Dans les autres cas de figure, le Code privilégie les mesures de remplacement.

38.Lorsque l’incarcération d’un mineur est inévitable, tout est fait pour qu’il soit détenu à l’écart des détenus majeurs. Pour cela, le Gouvernement consent de nombreux efforts pour réhabiliter les quartiers de mineurs dans les prisons existantes ou en construire dans celles qui n’en étaient pas dotées.

39.Le Centre d’accueil et d’observation de Bépanda a été transformé en institution pilote d’encadrement des enfants ayant besoin de mesures spéciales de protection. Il a vocation à faciliter la réinsertion des jeunes en conflit avec la loi en leur offrant une prise en charge spécifique et offre ainsi une solution autre que la prison.

40.L’âge de la responsabilité pénale a été fixé à 10 ans. Toutefois, les 10-14 ans ne peuvent être placés en détention, et font donc systématiquement l’objet de mesures spéciales de protection − généralement d’un placement. Les 14-18 ans peuvent faire valoir la circonstance atténuante de minorité et sont eux aussi de préférence placés ou remis à leurs parents. Pour certaines infractions, la sanction se résume à une admonestation de la part du juge, qui appelle l’attention de l’enfant sur son comportement inapproprié pour lui faire prendre conscience de son erreur.

41.M. Kotrane voudrait savoir si les magistrats qui s’occupent d’affaires impliquant des mineurs sont spécialisés dans ce domaine ou peuvent être appelés à se prononcer dans des affaires ne relevant pas de la justice pour mineurs.

42.Demandant si l’État partie serait prêt à relever l’âge minimum de la responsabilité pénale à 13 ans, il invite à se reporter à cet égard à l’Observation générale no 10 (2007) du Comité sur Les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs .

43.M me Takam Kembo (Cameroun) dit que, au sein de chaque juridiction, c’est le président du tribunal qui, en publiant une ordonnance de répartition des tâches, décide de quel type d’affaires seront saisis les différents magistrats. Cela dit, dans le cadre du renforcement des capacités des magistrats, certains juges se sont spécialisés dans la justice pour mineurs, notamment grâce aux formations offertes dans ce domaine. En collaboration avec l’UNICEF, des cours spéciaux sur les mesures de protection spéciale ont été proposés en 2009 à divers professionnels travaillant avec des enfants, dont 52 magistrats, 28 officiers de police judiciaire, 28 travailleurs sociaux et 24 membres de l’administration pénitentiaire.

44.Les questions relatives aux mineurs peuvent être examinées à tous les niveaux de juridiction, que ce soit en instance, en appel ou en cassation.

La séance est suspendue à 16 h 35; elle est reprise à 16 h 50.

45.M me Bakang Mbock (Cameroun) dit que les autorités camerounaises prennent très au sérieux la violence faite aux enfants et suivent avec préoccupation la question du repassage des seins des jeunes filles. Elle indique toutefois qu’il ne s’agit pas d’une pratique répandue.

46.Les enfants handicapés sont la plupart du temps pris en charge par leur famille, les centres spécialisés étant peu nombreux au Cameroun. Les résultats du recensement des œuvres sociales qui encadrent les handicapés lancé le 30 mai 2008 devraient permettre de dresser un tableau plus précis de la situation prochainement.

47.Dans le cadre du renforcement des institutions, un décret de 2009 a élargi le mandat du Centre national de réhabilitation des personnes handicapés Cardinal Paul Émile Léger à tous les handicaps, afin de s’attaquer à ce problème de manière globale.

48.La question de l’adoption est exacerbée par le grand nombre d’orphelins du sida. Le Ministère des affaires sociales a fixé un certain nombre de critères à remplir pour se voir confier un enfant. Le Cameroun examine encore la question de l’adoption de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

49.Le phénomène des enfants des rues est nouveau. Le recensement de ces enfants dans le cadre d’un projet mené à bien en 2008 a permis d’en dénombrer 467, pris en charge par la suite au sein d’infrastructures spécialisées destinées à leur apporter une aide durable. Un nouveau projet dont la mise en œuvre est prévue pour mars 2010 devrait offrir à ces enfants un espace favorable à leur réinsertion sociale, et avant tout à leur permettre de profiter de leur enfance.

50.M me Ortiz, faisant observer qu’un nombre considérable d’orphelins du sida attendent de retrouver une famille, demande quels sont les obstacles à la ratification de la Convention de La Haye.

51.M. Nkou (Cameroun) dit que rien ne s’oppose à l’adhésion à la Convention de La Haye mais que, compte tenu du caractère crucial de la question, le Cameroun préfère ne pas se précipiter. L’affaire de l’Arche de Zoé, au Tchad, a d’ailleurs conforté les autorités camerounaises dans leur conviction qu’en la matière il était préférable de faire montre de prudence, afin que jamais le Cameroun ne soit confronté à un tel drame.

52.M. Kotrane , appuyé parM me Ortiz, dit que le Comité comprend les préoccupations du Cameroun à ce sujet mais ajoute que précisément, la Convention de La Haye permet d’éviter les dérives telles que l’affaire de l’Arche de Zoé en encadrant les procédures d’adoption internationale. La Convention de La Haye privilégie d’ailleurs l’adoption nationale par rapport à l’adoption internationale et appelle l’attention des États sur la nécessité de garantir la légalité des adoptions internationales.

53.M me Bakang Mbock(Cameroun)dit que la carte sociale devrait permettre de mieux cerner les catégories de personnes qui relèvent de la compétence du Ministère des affaires sociales − enfants, personnes âgées, personnes marginales et personnes handicapées − et de définir des indicateurs pour délimiter les secteurs d’action en concertation avec les œuvres sociales privées et les autres partenaires et ONG qui interviennent dans le pays. Cette carte permettra d’élaborer des statistiques fiables, d’arrêter une terminologie commune et de connaître précisément les besoins en matière d’action sociale pour en déduire les mesures à prendre.

54.Pour assurer le suivi des enfants en situation de détresse, notamment des enfants handicapés, des brigades régionales de contrôle sont chargées de vérifier le bon fonctionnement des structures d’accueil qui relèvent du Ministère des affaires sociales.

55.M me Villarán de la Puente demande quelles mesures prend l’État partie pour lutter contre la corruption et le détournement des ressources financières destinées à l’enfance et quels sont les budgets consacrés à l’enfance. Elle souhaiterait connaître les stratégies mises en œuvre pour remédier au problème de la violence scolaire et demande si les châtiments corporels sont interdits à l’école.

56.M me Ortiz demande des précisions sur le plan d’action visant à protéger les droits des groupes autochtones, notamment des pygmées, dont l’adoption avait été recommandée par le Comité, et elle souhaiterait savoir si ce plan comporte des dispositions visant spécifiquement les enfants.

57.M. Kotraneadresse ses félicitations à l’État partie pour sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés dans la prise en charge des enfants réfugiés ou déplacés et pour l’adoption, en 2005, d’une loi régissant le statut des réfugiés. Notant toutefois que l’application de cette loi est encore imparfaite et que des enfants réfugiés continuent d’être victimes de mauvais traitements, il demande ce que l’État entend faire pour remédier à ces insuffisances et améliorer concrètement le sort de ces enfants.

58.M me Aidoo (Rapporteuse pour le Cameroun) constate avec satisfaction que l’État partie a institué la Commission nationale anticorruption. Elle aimerait en savoir plus sur le fonctionnement de cet organisme et demande si les personnes incriminées ont été traduites en justice.

59.M me Bakang Mbock(Cameroun)dit qu’en plus de la Commission nationale anticorruption, chaque ministère est doté d’une commission de lutte contre la corruption. Le Cameroun a aussi créé une Agence nationale des investigations financières, qui a pour mission de s’assurer de l’utilisation rationnelle des deniers publics, ainsi qu’un mécanisme national indépendant de lutte contre la corruption. Ces mécanismes, qui ont montré leur efficacité, permettent de traduire en justice les personnes qui se rendent coupables de malversations et de corruption.

60.M me Aidoo(Rapporteuse pour le Cameroun)aimerait savoir si ces instances permettent réellement d’intervenir au niveau local et de lutter contre le détournement des ressources financières destinées aux enfants.

61.M me Bakang Mbock(Cameroun) dit que les délégués régionaux, les délégués départementaux et les délégués d’arrondissement sont soumis aux mêmes exigences de lutte contre la corruption que les instances nationales. Les commissions de lutte contre la corruption, qui relèvent d’un mécanisme décentralisé, comptent parmi leurs membres des collaborateurs du Ministère des affaires sociales, mais aussi des représentants de la société civile.

62.La corruption peut aussi être aisément dénoncée au niveau local, notamment grâce à une émission de télévision consacrée à la lutte contre la corruption, qui met à la disposition des téléspectateurs une ligne téléphonique ouverte à quiconque souhaite apporter des renseignements permettant d’endiguer ce fléau.

63.Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le rapport, la violence à l’école est un phénomène assez marginal au Cameroun et les mutilations génitales féminines, comme la pratique du «repassage des seins», sont peu répandues. Cela dit, le Cameroun se heurte à un manque de ressources humaines qualifiées pour faire face aux nombreux défis qu’il doit relever s’il veut atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Mme Bakang Mbock appelle la communauté internationale à manifester son engagement à cet égard et à mettre en œuvre un partenariat mondial pour le développement. La délégation apprécierait en outre de recevoir des conseils et des orientations du Comité concernant les possibilités d’accompagnement psychosocial des enfants en situation de détresse.

64.M me Aidoo(Rapporteuse pour le Cameroun) se félicite du dialogue franc et informatif que le Comité a eu avec la délégation camerounaise.

65.Elle souligne que l’État partie devra faire des efforts dans certains domaines, notamment en ce qui concerne l’élaboration et l’application de textes législatifs, la coordination et la protection des ressources budgétaires destinées à la santé, à l’éducation et à la protection sociale. Il serait bon aussi que l’État partie prenne des mesures pour réduire les disparités entre les enfants et pour lutter contre les discriminations.

66.Les indicateurs de santé sont source de préoccupation pour le Comité, qui espère que l’État partie fera le nécessaire pour axer ses politiques locales et nationales sur la lutte contre la malnutrition. Le taux de mortalité maternelle est beaucoup trop élevé et il est urgent que le Cameroun, comme les autres pays d’Afrique de l’Ouest, accélère les efforts pour lutter contre la mortalité des mères adolescentes.

67.Mme Aidoo dit que le Comité a pris bonne note de l’appel lancé par l’État partie en faveur d’un renforcement de la coopération internationale pour donner effet aux droits de l’enfant. Elle se dit certaine que le Cameroun parviendra à tirer parti de sa diversité inouïe et de son énorme potentiel pour relever les défis auxquels il doit faire face et devenir un modèle pour le reste de l’Afrique.

68.La Pré sidente indique que le Comité a achevé l’examen du deuxième rapport périodique du Cameroun.

La séance est levée à 17 h 40.