NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.702

23 août 2001

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Vingt-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 702e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mercredi 23 mai 2001, à 15 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (suite)

Rapport initial de la Turquie (suite)

______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.01-42430 (F) 280501 230801

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Turquie [CRC/C/51/Add.4; CRC/C/Q/TUR/1 (liste des points à traiter); réponses écrites de la Turquie (document sans cote distribué en séance, en anglais)] (suite)

1.Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation turque reprennent place à la table du Comité.

2.M. SUNGAR (Turquie) constate qu’il est reproché à la Turquie de traiter certains groupes de sa population mieux que d’autres. Ces reproches font partie d’une campagne orchestrée contre la Turquie selon laquelle les citoyens d’origine kurde seraient victimes de discrimination, affirmation dénuée de tout fondement car la Turquie ne pratique aucune discrimination sur la base de l’appartenance ethnique. En réalité, la situation y est comparable à celle de l’Italie après la Seconde Guerre mondiale, où il existait une discrimination économique et sociale de facto entre les habitants du Nord développé et industriel et ceux du Sud rural. Il est exact que l’on observe d’importants écarts de développement entre l’est et l’ouest de la Turquie mais cela n’a rien à voir avec l’appartenance ethnique des populations concernées.

3.S’agissant des Roms, il convient de garder à l’esprit qu’ils connaissent des difficultés dans tous les pays du monde, et pas uniquement en Turquie. Quoi qu’il en soit, du point de vue strictement légal, l’enseignement est obligatoire pour tous les enfants qui vivent en Turquie, quelle que soit leur appartenance ethnique.

4.Par ailleurs, il importe de préciser que la Turquie a instauré, il y a une quinzaine d’années, un moratoire en ce qui concerne l’application de la peine de mort et qu’en tout état de cause cette peine ne peut être prononcée à l’encontre d’enfants âgés de moins de 18 ans. Enfin, s’agissant de la question des exécutions extrajudiciaires et des disparitions, Mme Asma Jahangir, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, qui s’est rendue en Turquie à l’invitation du Gouvernement turc, a constaté que le nombre de violations avait beaucoup diminué, même s’il existe encore des problèmes appelant une solution.

5.Mme AYTAÇ (Turquie) admet que des crimes d’honneur se produisent de temps en temps, essentiellement dans l’est et le sud du pays. L’article 262 du Code pénal, adopté en 1926, prévoit que l’auteur d’un homicide ou d’une agression motivé par l’adultère d’une épouse ou les relations sexuelles illégales d’une sœur peut faire valoir des circonstances atténuantes. Dans le contexte de l’époque, une telle disposition pouvait à la rigueur être considérée comme acceptable. Ce n’est plus le cas à l’heure actuelle, d’autant que cette disposition est attentatoire à la dignité des femmes et en totale contradiction avec les prescriptions de divers instruments internationaux. C’est pourquoi le projet de nouveau Code pénal prévoit de l’abolir. De plus, la Direction générale du statut de la femme soutient des projets qui visent à sensibiliser la population à ce problème. Dans ce contexte, des groupes de travail ont été créés pour étudier la question et les résultats de leurs travaux ont été publiés et diffusés largement par la Direction générale. Celle-ci a également réalisé des émissions de télévision à ce sujet.

6.D’autre part, il est exact qu’une différence est faite dans le Code civil entre les enfants nés dans le mariage et ceux qui sont nés hors mariage. Les autorités turques sont parfaitement conscientes du fait que cette disposition n’est pas conforme à la Convention relative aux droits de l’enfant. C’est pourquoi elle a été modifiée dans le projet de nouveau Code civil qui est actuellement en cours d’examen.

7.M. SUNGAR (Turquie) dit à propos des réserves faites par la Turquie à l’occasion de la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant qu’elles sont motivées notamment par l’existence des dispositions du Traité de Lausanne du 24 juillet 1923, par la façon dont les «minorités ethniques» sont mentionnées dans la Convention ainsi que par certaines dispositions de la Constitution turque, dont l’article 42, qui prévoit qu’«aucune langue autre que le turc ne doit être enseignée aux citoyens turcs».

8.M. YAMAÇ (Turquie) dit que la Constitution et les lois turques interdisent expressément aux forces de l’ordre de pratiquer la torture ou de se livrer à des brutalités. C’est pourquoi la délégation turque ne peut accepter les allégations évoquant d’éventuelles brutalités policières. Il peut arriver que des actes isolés de cette nature soient commis par certains policiers mais cela ne relève en aucun cas d’une politique systématique. Les policiers qui se livrent à des actes contraires à la loi sont passibles de poursuites judiciaires et la Direction générale de la police a mis en place des mécanismes de prévention des brutalités policières.

9.Par ailleurs, la délégation turque ne peut souscrire aux allégations selon lesquelles plus de 2 000 enfants auraient été enlevés dans le pays. Selon les chiffres dont dispose la Direction générale de la police, seuls 451 enfants ont été enlevés en Turquie en quatre ans. Enfin, il convient de préciser que la Direction générale de la police des mineurs est chargée de mettre en œuvre des mesures de prévention, plutôt que de répression, des délits commis par des mineurs ou contre des mineurs.

10.M. SUNGAR (Turquie) reconnaît qu’il y a eu en Turquie un problème d’enregistrement des naissances mais fait valoir que la situation connaît une amélioration notable. Plusieurs raisons poussaient les gens à ne pas enregistrer leurs enfants, par exemple la volonté des parents d’éviter aux garçons d’effectuer le service militaire obligatoire et les problèmes de communication dans certaines régions du pays. Des mesures ont été prises pour encourager les parents à enregistrer la naissance de leurs enfants mais aussi pour sanctionner ceux d’entre eux qui se soustraient à cette obligation.

11.Le phénomène des châtiments corporels en milieu scolaire et au sein de la cellule familiale peut être qualifié de culturel mais il convient de signaler que la situation s’améliore progressivement. Cette question a été montée en épingle par un certain nombre d’ONG et le Rapporteur spécial sur la torture est malheureusement arrivé à la conclusion que ces châtiments corporels pouvaient être assimilés à de la torture. Cette affirmation est très exagérée et il convient de signaler que des sanctions sont prévues contre les enseignants qui se livrent à des brutalités à l’encontre de leurs élèves. Cela étant, peut‑on réellement qualifier une simple gifle de châtiment corporel ? Au demeurant, dans les familles, ce type de comportement tend à disparaître en milieu urbain, même s’il se maintient encore dans les zones rurales.

12.Mme YURDAKOK (Turquie) abordant la question de la contribution du secteur privé dans le domaine de la santé, signale que 19 % des structures thérapeutiques sont privées, ce qui représente 7 % de l’ensemble des lits d’hôpitaux disponibles, et que 29 % des dépenses de santé du pays sont réalisées dans le secteur privé.

13.M. SUNGAR (Turquie) abordant la question de la citoyenneté, renvoie à l’article 66 de la Constitution turque, cité au paragraphe 190 du rapport à l’examen, et précise que l’acquisition de la nationalité est régie par la loi. Celle‑ci se fonde sur deux grands principes. Le premier consiste à veiller à ce que personne ne soit privé de nationalité et à accorder la nationalité turque à tout enfant qui ne se trouve pas en situation de bénéficier de la nationalité étrangère de son père ou de sa mère et le deuxième consiste à faire en sorte que la double nationalité soit le moins répandue possible.

14.S’agissant de la liberté religieuse, la question de l’instruction religieuse obligatoire a fait l’objet de longs débats en Turquie. Jadis, il n’y avait pas de cours de religion obligatoire dans les écoles secondaires. Mais, avec le temps, la majorité des citoyens turcs en a souhaité l’instauration. En réalité, il ne s’agit pas à proprement parler d’un cours de religion mais plutôt d’un cours de morale et d’histoire des religions.

15.Par ailleurs, il est vrai qu’il est interdit aux personnes âgées de moins de 18 ans de s’affilier à des organisations. Cette disposition doit être replacée dans son contexte historique: tout au long de leur histoire, les citoyens turcs ont été politisés, ce qui s’est traduit par une tradition de conflits exacerbés et de terrorisme. On a donc pensé qu’il serait néfaste pour leur éducation d’autoriser les jeunes gens à adhérer à des mouvements de jeunesse affiliés à des partis politiques. Cela étant, avec la modification de la loi, il sera désormais autorisé aux enfants âgés de moins de 18 ans d’adhérer à des associations d’étudiants.

16.Enfin, s’agissant de l’article du Washington Post relatant l’arrestation de 28 jeunes garçons d’origine kurde, il convient de préciser que ces garçons n’ont pas été arrêtés parce qu’ils étaient d’origine kurde mais bien parce qu’ils participaient à une manifestation sans en avoir demandé l’autorisation. Il semble qu’il s’agissait d’une manifestation bon enfant et que leur arrestation, de très courte durée, s’explique par le zèle d’un fonctionnaire quelque peu tatillon mais cet incident ne méritait pas l’immense publicité qui en a été faite.

17.M. KAHRAMANOGLU (Turquie), répondant à la question sur les rapports entre l’administration centrale et les municipalités dans le système de protection de l’enfance, indique que l’Agence des services sociaux et de la protection de l’enfance, placée sous l’autorité du Premier Ministre, a été créée en 1983 par la loi no 2828 y relative. L’Agence est dotée d’une autonomie financière et administrative et fonctionne selon le principe de la décentralisation. Son principal objectif est de fournir des services sociaux aux familles et aux enfants, principalement, et d’établir des directives en matière de création, de fonctionnement et d’inspection des organismes, publics et privés, de services sociaux et de protection de l’enfance. C’est également elle qui définit la politique nationale se rapportant aux services sociaux, et elle favorise la coopération avec les ONG et les différentes institutions publiques et privées. L’Agence comprend outre sa Direction générale au niveau central, des directions locales dans les provinces et les districts, dont 35  nouvelles directions créées en 2000 pour répondre aux besoins croissants de la population.

18.Par ailleurs, un Comité consultatif des services sociaux a été créé à l’échelon national, dont les membres (représentants de ministères et autres organismes publics et d’ONG) sont nommés par le Président de la République. Il existe également des conseils consultatifs des services sociaux disséminés dans les 82 provinces du pays. Présidés par le Gouverneur de chaque province, ces conseils sont composés d’élus locaux et de représentants de la population, des ONG et d’autres administrations locales.

19.Outre l’Agence, plusieurs autres types d’institutions publiques et privées participent au système de protection de l’enfance, à commencer par les municipalités qui peuvent créer des centres d’hébergement pour les enfants des rues, des centres de consultation pour les familles et les enfants, des centres de soins et de rééducation pour les enfants handicapés, des clubs de loisirs pour les jeunes et des crèches et garderies, entre autres. Cela étant, beaucoup reste à faire pour assurer une coordination satisfaisante des efforts déployés par les unes et les autres. Le projet de loi sur le renforcement de la décentralisation, qui ne devrait pas tarder à être adopté, permettra de progresser dans ce domaine. Pour ce qui concerne la coordination de l’application de la Convention, un conseil supérieur, dirigé par le Ministre d’État chargé des services sociaux et de la protection de l’enfance, et un sous‑comité pour le suivi et l’évaluation des droits de l’enfant ont été créés. Les services de secrétariat de ces deux organes sont assurés par l’Agence des services sociaux et de la protection de l’enfance.

20.Mme KUT (Turquie) dit que les services d’aiguillage et d’orientation contribuent très utilement à assurer la coordination entre les différentes institutions publiques et privées d’aide à l’enfance et les ministères concernés, dans les domaines de la santé et de l’éducation notamment.

21.M. OYMAN (Turquie) dit que les travailleurs peuvent s’affilier à un syndicat dès l’âge de 16 ans et précise que, dans la perspective de l’éventuelle entrée de la Turquie dans l’Union européenne, les ministères ont entrepris des travaux d’harmonisation de la législation. Par ailleurs, une nouvelle loi a été adoptée rendant la scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 15 ans, ce qui fait que les dispositions de l’article 67 du Code du travail, fixant à 15 ans l’âge minimum d’admission à l’emploi (et à 13 ans pour les travaux légers effectués par des enfants, «si cela ne nuit pas à leur santé, à leur scolarité ou à leur formation professionnelle»), ne sont plus valables. Toutefois, les enfants peuvent encore être employés à des travaux légers, et ce uniquement en dehors des heures de classe.

22.Mme TIGERSTEDT-TÄHTELÄ déplore que les mineurs de 18 ans ne soient pas autorisés à former des associations ou à devenir membres d’associations. Elle demande des précisions sur les dispositions du Code civil qui limitent l’exercice de leurs droits civils par les enfants de moins de 18 ans, car il s’agit là d’une règle contraire à l’esprit de la Convention. À ce sujet, elle aimerait connaître les mesures prises pour promouvoir le droit qu’a l’enfant d’exprimer son opinion et de participer à la prise de décisions, y compris celles concernant la vie de la famille. Enfin, elle souhaite en savoir plus sur le pouvoir discrétionnaire qu’ont les tribunaux, aussi bien civils que pénaux, d’entendre ou non l’opinion de l’enfant.

23.Mme AL‑THANI demande de plus amples renseignements sur les structures d’accueil des enfants handicapés et les difficultés qui entravent les activités d’appui à ces enfants. Elle voudrait savoir si les soins et conseils aux enfants victimes de violences physiques sont prodigués par des spécialistes et si la législation prévoit toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des intéressés. Par ailleurs, elle considère qu’il ne suffit pas de constater que la discrimination existe mais qu’il faut s’efforcer de lutter contre ce phénomène et demande si des dispositions ont été prises pour réduire les disparités qui existent entre les communautés en ce qui concerne les taux de vaccination et de mortalité infantile et qui résultent de mesures discriminatoires.

24.Mme EL GUINDI demande de quelle manière les autorités turques comptent réduire l’écart entre les taux de scolarisation et d’alphabétisation des filles et ceux des garçons.

25.Mme OUEDRAOGO voudrait savoir si les cours d’orientation parentale, suspendus par manque de financement, vont reprendre. Elle demande si des accords bilatéraux ont été conclus pour faciliter le recouvrement de la pension alimentaire qui doit être versée par les personnes vivant à l’étranger, si des dispositions ont été prises pour réduire les écarts entre régions concernant les taux de mortalité infantile et maternelle, s’il existe une politique nationale de lutte contre la malnutrition, si des mesures ont été prises pour améliorer l’accès à des installations sanitaires adéquates (latrines, notamment) et à l’eau potable – en particulier dans les zones très peuplées, comme certains quartiers d’Istanbul, s’il existe des mesures de lutte contre les effets de la pollution sur les enfants, si des campagnes sont organisées pour promouvoir l’allaitement maternel et pour sensibiliser la population, des zones rurales principalement, aux pratiques préjudiciables à la santé des enfants et, enfin, s’il est prévu d’aménager des aires de jeu protégées pour réduire le nombre d’accidents.

26.Mme CHUTIKUL demande si l’on peut encore parler de «travaux légers» quand les enfants sont employés dans des ateliers de confection ou des garages. Elle souhaite d’autre part recevoir des précisions sur la capacité d’accueil et le fonctionnement des institutions spécialisées dans les soins aux enfants et sur les mesures prises pour lutter contre la traite des femmes et des enfants.

27.Mme SARDENBERG, rappelant l’importance de l’enregistrement des naissances, recommande d’organiser des campagnes de sensibilisation des parents. Elle voudrait savoir comment l’État envisage d’aider les familles monoparentales et les parents d’enfants handicapés et demande où en est l’élaboration du questionnaire qui permettra d’établir le profil démographique, social, didactique et culturel des personnes handicapées, confiée à l’Institut national de statistique. Enfin, elle demande des précisions sur le sort des enfants handicapés qui ne peuvent pas fréquenter l’école et sont employés par l’État ou des particuliers.

28.M. CITARELLA souhaite recevoir des éclaircissements sur les importantes mesures de discrimination dont seraient victimes les populations kurdes en Turquie (comme l’indique un rapport de l’Union européenne publié en 2000). Rappelant que tous les enfants doivent jouir des mêmes droits, il désire en savoir plus sur la situation des enfants nés hors mariage. Enfin, il demande s’il est vrai qu’en cas de désaccord entre les parents sur une décision concernant l’enfant, c’est toujours l’opinion du père qui l’emporte.

29.Mme OUEDRAOGO, ayant constaté que le nombre d’enfants atteints par l’infection à VIH/sida est en augmentation en Turquie demande s’il existe des programmes de sensibilisation des jeunes à cette maladie. Elle aimerait savoir également quel est le nombre d’adolescents souffrant de syphilis et si des cours d’éducation pour une sexualité responsable sont dispensés aux élèves dans les écoles. Quelle est la situation des jeunes filles scolarisées enceintes? Peuvent‑elles poursuivre leur scolarité après l’accouchement?

30.Le PRÉSIDENT demande si les autorités ont élaboré une politique visant à préférer, dans le cas des enfants privés de milieu familial, le placement familial au placement en institution et quelle est leur position par rapport à l’adoption. Il s’enquiert aussi de la situation des enfants handicapés: existe‑t‑il des institutions spécialisées à leur intention et, dans l’affirmative, quels critères d’admission pratiquent‑elles? Les parents ayant la charge d’un enfant handicapé bénéficient‑ils d’un soutien financier leur permettant d’assurer confortablement son éducation? Les enfants scolarisés dans des pensionnats retournent‑ils régulièrement dans leur famille? Le Président demande ensuite si les enfants réfugiés et demandeurs d’asile, en particulier ceux qui ne sont pas accompagnés d’adultes, font l’objet de mesures particulières. Le Gouvernement est‑il plutôt favorable à leur retour dans leur pays d’origine? Par ailleurs, des programmes ont‑ils été élaborés à l’intention des personnes, notamment des enfants, déplacées à l’intérieur de leur propre pays? Le Président aimerait aussi savoir s’il est prévu de créer d’autres centres pour les enfants travaillant dans les rues que ceux qui existent actuellement et d’améliorer les conditions d’emprisonnement des délinquants juvéniles. La durée de la détention provisoire est‑elle limitée? Qui prend la décision de placer une personne en détention provisoire? Existe‑t‑il des dispositions juridiques prévoyant une aide juridique en faveur des mineurs placés en garde à vue et, si tel est le cas, sont‑elles toujours respectées? Les projets engagés dans le cadre du Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) de l’OIT vont‑ils se poursuivre?

31.Mme KUT (Turquie) dit que le principal projet de développement en cours se déroule dans la région sud‑est du pays. Il s’agit d’un projet d’aménagement hydraulique et d’irrigation autour des rives du Tigre et de l’Euphrate, qui aura des répercussions positives sur la situation socioéconomique de la population. Par ailleurs, un plan directeur élaboré pour cette région met l’accent sur son développement social. Une vingtaine de centres communautaires polyvalents ont été créés dans le but de dispenser des cours d’éducation sanitaire au bénéfice des femmes et des enfants. Un autre projet de développement important – parrainé par le PNUD – est en cours de lancement, qui a pour groupe cible les jeunes du sud‑est du pays. Pour tous ces projets – qui accordent la priorité au développement humain et reposent sur le principe de la durabilité et sur celui de la participation, des enfants, notamment – il est fait appel à des capitaux d’investissement locaux et étrangers. La population de cette région étant très dispersée, ce sont des groupes d’éducation mobiles qui scolarisent les enfants. La scolarisation des fillettes est intensifiée. Les programmes scolaires comprennent un volet consacré à la prévention de la toxicomanie et des campagnes d’information sont aussi organisées à l’intention des parents. La vente et le trafic de stupéfiants sont sanctionnés par le Code pénal. Les enfants sont protégés des violences sexuelles, notamment par l’article 11 de la loi no 2559 sur les organes et les compétences de la police. La Turquie est favorable au Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants. L’article 264 du Code civil fait obligation aux parents d’élever leurs enfants du mieux de leurs possibilités et de donner à ceux d’entre eux qui sont handicapés ou mentalement retardés une formation appropriée. L’article 26 du Code civil donne effet aux dispositions de l’article 9 de la Convention, puisqu’il prévoit que les parents ont la garde de l’enfant, qui ne peut leur être retirée sans motif juridique valable. Le Code civil a créé l’institution de la tutelle pour protéger les droits que la loi reconnaît aux mineurs en cas de défaut de l’autorité parentale. Aucune disposition juridique particulière n’a été adoptée au regard du paragraphe 4 de l’article 9 de la Convention mais tous les articles de la Convention font automatiquement partie du droit interne depuis la ratification de la Convention par la Turquie. Le paragraphe 4 de l’article 61 de la Constitution est en harmonie avec le paragraphe 1er de l’article 20 de la Convention, puisqu’il fait obligation à l’État de prendre toutes les mesures nécessaires pour intégrer dans la société l’enfant qui a besoin d’être protégé. En application de l’article 273 du Code civil, le juge séparera l’enfant d’avec ses parents et le placera dans une autre famille ou dans une institution si sa santé physique ou mentale s’avère compromise ou s’il est victime d’abandon moral. Outre le Code civil, le Code des municipalités et le Code de procédure civile contiennent diverses autres dispositions relatives à la protection de l’enfance mais c’est la loi sur les services sociaux et la protection de l’enfance qui comporte les dispositions les plus détaillées. Il existe des foyers accueillant les enfants de moins de 12 ans et des instituts de formation ouverts à ceux qui sont âgés de 13 à 18 ans. De petites unités ont été créées à l’intérieur des institutions pour que les enfants y soient élevés dans un environnement de type familial. Les autorités s’efforcent aussi de promouvoir le placement en familles d’accueil et l’adoption. Le Gouvernement soutient financièrement les familles ayant des difficultés économiques pour favoriser le plus possible le maintien des enfants dans leur milieu naturel. Dans tous les cas, c’est sur la base d’une décision de justice qu’intervient le placement d’un enfant dans un milieu de remplacement. Le Ministère de l’éducation nationale est chargé d’organiser des cours de formation professionnelle spéciale à l’intention des enfants handicapés conformément à la loi sur l’apprentissage et la formation professionnelle. Le Ministère de la santé est chargé, quant à lui, de fournir des services de protection sanitaire et de réadaptation sociale aux enfants handicapés.

32.Mme FERTEKLIGIL (Turquie) indique que la Turquie a signé, en décembre 2000, la Convention internationale contre la criminalité organisée transnationale ainsi que les deux protocoles qui s’y rapportent. Le processus de ratification est bien engagé et le Parlement devrait avoir ratifié cet instrument d’ici la fin de l’année 2001.

33.Mme YURDAKÖK (Turquie) souligne que son pays est tout à fait conscient des disparités qui existent entre les régions en matière de taux de mortalité infantile, et qu’il refuse de les considérer comme un état de fait. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement mène depuis 10 ans des programmes axés sur les régions les plus vulnérables, situées dans le sud‑est du pays. Basés sur la prévention, la vaccination et la lutte contre les maladies respiratoires, ces programmes ont porté leurs fruits, puisqu’ils ont réussi à réduire de 40 % le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans dans la région considérée, contre une baisse de 20 % dans le reste du pays. Pour continuer sur cette voie, le pays a lancé un programme de prise en charge intégrée des maladies de l’enfant. De nombreuses études ayant révélé que la mortalité infantile était étroitement liée au niveau culturel de la mère, la Turquie a déployé d’immenses efforts en vue d’éduquer les mères, par le biais notamment de centres communautaires auxquels les femmes de 15 à 49 ans peuvent s’adresser pour obtenir des conseils en matière d’hygiène et de santé. Un autre projet, appuyé par le Département de la santé américain, vise à élargir l’accès aux services de santé. Ce projet repose sur 3 700 bénévoles membres des communautés locales, qui prodiguent aux mères des conseils sanitaires. D’après une enquête menée auprès des femmes admises à l’hôpital ou dans des établissements de soins, 267 000 femmes ont déjà bénéficié de ce projet, et l’on espère que ce chiffre passera à 700 000 au cours des six années suivantes. Afin de développer les structures sanitaires dans le sud‑est du pays, et par là même élargir l’accès à la santé, les salaires des médecins et du personnel soignant sont plus élevés dans cette région que dans le reste du pays. En outre, les centres de santé et les hôpitaux de province sont ouverts sans interruption de manière à pouvoir accueillir le plus grand nombre de malades possible. Dans l’est du pays, un problème culturel vient entraver l’accès aux soins de santé: les femmes des milieux ruraux ne peuvent se rendre seules dans un centre de santé et doivent être accompagnées par leur mari ou un membre de leur famille.

34.Pour prévenir les décès de nourrissons au cours de leur première journée de vie, un autre projet est mené depuis six ans, qui repose sur la formation de formateurs: des personnes sont formées et apprennent à former à leur tour des personnels de santé au niveau local. Grâce à ce projet, le nombre de décès au cours du premier jour de la vie est passé de 7 % à 2 % au cours de la période considérée. La prise en charge intégrée des maladies de l’enfant, grâce à laquelle on apprend aux mères à administrer des médicaments, à s’occuper de leur enfant malade et surtout à savoir quand et où chercher des secours, devrait permettre de réduire encore ce taux.

35.Mme Yurdakök rappelle que la Turquie a été l’un des premiers pays à lancer, en 1995, le Programme élargi de vaccination (PEV), qui lui a permis d’atteindre temporairement un taux de couverture vaccinale de 90 %. Malheureusement, elle n’a pas été en mesure de maintenir ce taux, en particulier dans les régions les plus touchées du pays, où il est retombé à 60 %. En conséquence, le Gouvernement a lancé, en collaboration avec la Banque mondiale, un programme de vaccination visant les 23 provinces du sud‑est du pays.

36.Consciente de l’importance que revêtent les programmes nutritionnels, la Turquie a mis en place, en étroite collaboration avec l’UNICEF, un Comité national pour la nutrition, qui ne s’occupe pas seulement de malnutrition, mais de toutes les maladies de carence, telles que les carences en micronutriments, en fluor ou encore en iode. Un vaste programme nutritionnel devrait d’ailleurs être mis en œuvre au cours de l’année 2001. Pour ce qui est de l’allaitement maternel, la Turquie a signé le Code international relatif à la commercialisation des substituts du lait maternel mais il lui est difficile de lutter contre les fabricants de préparations pour nourrissons, pour qui elle représente un marché important avec ses 1,3 million de nourrissons. Selon Mme Yurdakök, les associations nationales et internationales de pédiatres devraient se mobiliser pour encourager l’allaitement exclusivement maternel.

37.Si la Turquie n’a pas encore atteint tous les objectifs concernant les enfants et le développement dans les années 90 du Sommet mondial pour les enfants, elle s’est toutefois dotée d’une politique globale en matière de santé infantile.

38.Consciente du risque épidémique qu’elle encourt en maintenant un taux de vaccination plus faible, la Turquie a intégré en 1997 le vaccin contre l’hépatite B au programme de vaccination systématique, qui a porté le taux de couverture de cette maladie à environ 70 %.

39.Une étude récente a révélé qu’au cours des dix années précédentes, la pratique néfaste de l’emmaillotage des nourrissons était devenue moins fréquente dans les campagnes.

40.Mme Yurdakök reconnaît que la santé des 13 millions d’adolescents que compte la Turquie a été largement négligée, en particulier dans le domaine de la santé génésique. En effet, le taux moyen de conception est de 2 % chez les jeunes filles âgées de 15 ans et de 23 % chez les jeunes filles de 19 ans. Il faut ajouter que lorsqu’elles sont enceintes, ces jeunes filles sont renvoyées de l’école et ne peuvent terminer leurs études. Enfin, depuis 1983, l’avortement est légal jusqu’à la dixième semaine de grossesse à condition que les jeunes filles obtiennent l’accord parental.

41.Récemment encore, il n’y avait aucun cours d’éducation sexuelle dans les écoles, et seule la biologie était enseignée. Toutefois, le Gouvernement vient de lancer, en collaboration avec le Ministère de l’éducation et l’UNICEF, un projet pilote d’éducation sexuelle dans les écoles d’Istanbul.

42.Avec 1 000 cas déclarés de sida, la Turquie est consciente qu’elle a atteint le seuil critique et que le nombre de cas risque d’augmenter en flèche au cours de la prochaine décennie. Quant aux connaissances relatives aux modes de transmission du sida et des autres maladies sexuellement transmissibles, y compris de la syphilis, et aux mesures préventives nécessaires à leur endiguement, une enquête a révélé que les hommes vivant en milieu urbain étaient très bien informés, puisqu’ils étaient  95 % à avoir des connaissances exactes sur le sujet, contre 88 % de femmes. Dans les campagnes par contre, ce taux est de 88 % pour les hommes et de 72,1 % pour les femmes, ce qui souligne la nécessité de poursuivre les campagnes de prévention et d’information menées dans les médias en collaboration avec le Ministère de la santé.

43.Il faut également s’efforcer de mieux prévenir les accidents chez les enfants de 5 à 15 ans. Pour cela, il conviendrait d’éduquer les mères et imposer aux municipalités de construire des espaces de jeux plus sûrs pour les enfants.

44.M. SUNGAR (Turquie), répondant à la question sur le taux de fréquentation scolaire des enfants de réfugiés, indique que d’après le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, seuls 15 % de ces enfants étaient scolarisés en 1999. Ce phénomène s’explique par le fait que les parents rechignent à envoyer leurs enfants dans des écoles turques puisqu’ils estiment se trouver dans une situation temporaire.

45.M. Sungar indique également que les personnes déplacées à l’intérieur de la Turquie sont des personnes qui ont fui les régions où régnait le terrorisme et signale que le Gouvernement attache la plus haute importance au projet visant à leur permettre de retourner dans leur village d’origine.

46.Mme AYTAÇ (Turquie) explique que dans le cadre du «pouvoir discrétionnaire» qui lui a été accordé, le juge est tenu d’évaluer tous les éléments de preuve et de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant lorsqu’il doit rendre un jugement relatif à la garde de l’enfant ou à la détermination de la pension alimentaire.

47.En vertu de la législation interne turque, un enfant de moins de 11 ans ne peut être poursuivi en justice ni condamné. En revanche, les enfants âgés de 11 à 18 ans peuvent être placés en détention provisoire pendant 48 heures. Dans certains cas, cette détention peut être portée à quatre ou sept jours, sur ordre du ministère public ou du juge compétent, respectivement. Quoi qu’il en soit, les parents d’un enfant mineur placé en détention provisoire en sont informés immédiatement, et un avocat est commis d’office.

48.M. SUNGAR dit que son pays est tout à fait conscient que l’aide internationale dont il bénéficie pourrait prendre fin. Toutefois, il rappelle que la Turquie a été citée à plusieurs reprises comme un modèle pour la mise en œuvre des projets qu’elle s’était engagée à appliquer dans certains domaines, et notamment de projets recommandés par l’OIT. M. Sungar estime que dans ces conditions, l’aide internationale devrait, selon toute vraisemblance, être maintenue.

49.Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ récapitule, à l’intention de la délégation turque, les principaux points qui feront l’objet des conclusions du Comité des droits de l’enfant. Dans la partie consacrée aux facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention, le Comité mettra l’accent sur les problèmes d’ajustement économique que connaît le pays ainsi que sur les deux tremblements de terre dévastateurs dont il a été victime. Dans la partie consacrée aux mesures d’application générale, le Comité encouragera l’État partie à retirer les réserves faites lors de la signature et confirmées lors de la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il encouragera ensuite l’État partie à poursuivre ses efforts en vue de mettre en conformité sa législation interne avec la Convention. Il demandera en outre à l’État partie de mieux définir ses priorités et ses domaines d’action, et de leur allouer autant de ressources qu’il le pourra. Enfin, le Comité demandera à la Turquie de redoubler d’efforts en vue de créer un poste de médiateur, qui permettra de recueillir les plaintes des citoyens.

50.Dans la partie consacrée aux principes généraux, le Comité invitera l’État partie à intégrer dans sa législation les principes de la non‑discrimination, de l’intérêt supérieur de l’enfant et du respect de l’opinion de l’enfant. Pour ce qui est du droit à la vie, le Comité prendra note de la modification de la loi relative aux crimes d’honneur, et recommandera à l’État partie de mener des campagnes de sensibilisation à ce sujet, auprès des chefs religieux et communautaires notamment.

51.Dans la partie consacrée aux droits civiques et aux libertés, le Comité demandera très certainement à l’État partie de supprimer l’article 13 de son Code civil.

52.Dans la partie consacrée au milieu familial, et s’agissant du paragraphe consacré aux enfants privés de leur milieu familial, le Comité demandera à l’État partie d’améliorer la situation des enfants placés en institution. Dans le paragraphe qui traitera des mauvais traitements et du délaissement, le Comité conseillera à l’État partie de mener des enquêtes sur la violence dans la famille, les mauvais traitements et autres violences, y compris les violences sexuelles, perpétrées contre des enfants, recommandera l’adoption de procédures d’enquête judiciaire adaptées aux enfants et encouragera la mise en place de programmes de réadaptation à l’intention de ces enfants. Le Comité encouragera en outre l’État partie à faire en sorte que soient abandonnée la pratique des châtiments corporels.

53.Dans le domaine de la santé et du bien‑être, le Comité conseillera certainement à l’État partie de surveiller la situation des enfants souffrant de handicaps et d’allouer à ce domaine davantage de ressources. D’une manière plus générale, le Comité recommandera à la Turquie d’améliorer la situation sanitaire des enfants, sans aucune discrimination, et en particulier de mettre l’accent sur les soins de santé primaires et la décentralisation du système de santé. Le Comité demandera également à l’État partie d’intensifier ses efforts en vue de promouvoir la santé des adolescents, y compris dans le domaine de la santé mentale et de la santé génésique.

54.Dans la partie consacrée à l’éducation, au temps libre et aux activités culturelles, l’État partie sera invité à faire en sorte de réduire le nombre d’abandons scolaires, en particulier des petites filles.

55.M. SUNGAR se félicite du débat constructif auquel a donné lieu l’examen du rapport initial de la Turquie et assure les membres du Comité que leurs observations seront dûment prises en considération dans l’élaboration de programmes futurs.

La séance est levée à 18 h 5.

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