Nations Unies

CRC/C/SR.1524

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

24 juin 2010

Original: français

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante- quatr ième session

Compte rendu analytique de la 1524 e séance (Chambre B)

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 2 juin 2010, à 15 heures

Président: M. Zermatten (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de l ’ Argentine sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties (point 4 de l ’ ordre du jour) (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de l ’ Argentine sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant (CRC/C/ARG/3-4; liste des points à traiter (CRC/C/ARG/Q/3-4); réponses écrites de l ’ État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/ARG/Q/3-4/Add.1); document de base (HRI/CORE/1/Add.74)) (suite)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation argentine reprend place à la table du Comité.

2.M. Filali demande quelles mesures législatives et quels mécanismes ont été adoptés en vue de lutter contre la corruption et la pauvreté. Il voudrait aussi savoir si la peine capitale ou une peine d’emprisonnement à vie peut être prononcée contre des adolescents et si les juges, la police et le personnel pénitentiaire bénéficient d’une formation continue leur permettant de se familiariser avec les dispositions de la Convention et avec les lois nouvellement adoptées, telles que la loi no 26061 de 2005 relative à la protection intégrale des droits des enfants et des adolescents. Il souhaiterait en outre savoir si la durée légale de la détention au secret est bien de quarante-huit heures, avec possibilité pour le juge de la prolonger de vingt-quatre heures, et si elle est applicable aux enfants, si les enfants placés en détention bénéficient d’office d’une aide juridictionnelle ou de tout autre type d’assistance, et quelles mesures de substitution à la privation de liberté sont prévues. Il demande enfin si des auditions des prévenus mineurs ont lieu pendant la période de détention avant jugement et, dans l’affirmative, dans quelles conditions elles se déroulent, et si le droit de l’enfant d’être entendu est respecté.

3.Le Président demande un complément d’information sur les mesures prises en faveur des enfants handicapés, notamment en matière de scolarisation, de soins spéciaux et d’aide financière. Il souhaiterait également des précisions sur les questions relatives à l’éducation inclusive et au placement en institution.

4.Évoquant le projet de loi relatif au régime juridique applicable aux mineurs de 18 ans en conflit avec la loi, qui prévoit l’abaissement à 14 ans de l’âge auquel il est possible d’appliquer des sanctions pénales et des peines privatives de liberté, il demande si ce projet est encore susceptible d’être modifié.

5.M. Luongo (Argentine) dit que l’Argentine a une longue tradition d’établissement de statistiques, notamment en matière d’éducation et de santé, et que l’Institut national des statistiques et des recensements (INDEC) applique les normes internationales. Les autorités sont toutefois conscientes qu’il est nécessaire d’adopter en matière de statistiques une approche davantage fondée sur les droits de l’homme. Depuis 2002, des études portant notamment sur les enfants handicapés, la nutrition et les peuples autochtones sont réalisées. La création du Secrétariat national à l’enfance, l’adolescence et la famille (SENNAF) et du Conseil fédéral de l’enfance, de l’adolescence et de la famille (COFENAF) a permis de commencer à bâtir un système d’information et plusieurs avancées importantes ont été réalisées. Ainsi, un premier bilan national de la situation des enfants privés de liberté a été effectué, un texte prévoyant la création d’un système d’information intégral sur la politique relative à l’enfance, l’adolescence et la famille a été signé en 2009, un Registre de protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence a été créé en vertu du décret présidentiel no 2044/09 en vue de constituer une base de données qui permettra d’identifier les enfants et de recenser les prestations dont ils bénéficient, et un accord a été signé avec l’UNICEF en 2010 en vue de réaliser une étude sur les conditions de vie des enfants argentins.

6.M. Bonari (Argentine) dit que, l’Argentine étant un État fédéral, il est difficile de déterminer le montant des dépenses budgétaires consacrées à l’enfance dans l’ensemble du pays, d’autant plus que les autorités locales n’ont pas l’obligation de fournir ces informations au Gouvernement central. Une méthode a été mise au point en collaboration avec l’UNICEF en vue de recenser les dépenses réalisées aux niveaux fédéral, provincial et local. Elle permet de distinguer les dépenses directement consacrées aux enfants et les dépenses qui bénéficient aux enfants de manière indirecte, telles que le financement des programmes de logement. Les informations ont été classées en 11 catégories: conditions de vie, sports, loisirs et culture, développement, intégration, éducation, nutrition et alimentation, protection de l’enfance, santé, sécurité sociale, services techniques et autres services urbains. Ces données sont ventilées de manière détaillée, pour l’ensemble de la nation et par province. Le Ministère de l’économie a créé une page Web sur les investissements consacrés à l’enfance, qui sera réactualisée tous les six mois. Ce travail favorise le débat sur la politique en faveur de l’enfance et permet au Gouvernement d’harmoniser ses pratiques avec celles d’autres pays, notamment dans le cadre de la coopération Sud-Sud.

7.Après la grave crise économique des années 2001-2002, les indicateurs sociaux montraient que les enfants étaient les plus touchés; en 2010, la réduction de la pauvreté est plus marquée chez les enfants que chez les adultes. La crise économique a entraîné un changement de modèle économique et une augmentation des dépenses sociales. L’allocation universelle pour la protection sociale de l’enfant récemment mise en place et destinée aux enfants des familles les plus vulnérables témoigne du renforcement de la politique sociale qui est intervenu ces dernières années. Avec l’instauration de l’allocation universelle, les investissements en faveur de l’enfance représenteront bientôt 8 % du PIB.

8.Le Président demande depuis quand fonctionne le système de collecte de données relatives aux dépenses consacrées à l’enfance.

9.M. Bonari (Argentine) dit que le système prenant en compte les trois niveaux de l’État fonctionne depuis 2001 et que le système concernant exclusivement le Gouvernement central est en place depuis 1995.

10.M. Perczyk (Argentine) dit que le système d’éducation spécialisée est en plein développement. Il est régi par la loi no 26206 relative à l’éducation nationale et comporte un niveau initial, un niveau primaire et un niveau secondaire, ainsi que des ateliers de formation professionnelle. En 2002, l’enseignement spécialisé accueillait 70 000 enfants et, en 2010, 89 000. Ces dernières années, près de 800 nouvelles écoles, dont un certain nombre pour l’enseignement spécialisé, ont été construites. En 2010, l’Argentine a lancé un programme visant à équiper en ordinateurs toutes les écoles, y compris les établissements d’enseignement spécialisé.

11.M me Herczog demande comment l’État s’assure que tous les enfants qui en ont besoin bénéficient de l’allocation universelle.

12.M. Perczyk (Argentine) dit que l’allocation universelle est versée aux enfants dont les parents ont un revenu inférieur à un certain seuil et n’ont pas d’emploi leur offrant une protection sociale. Plus d’un millier d’organisations sociales se rendent dans les familles pour recenser les enfants qui ont droit à l’allocation universelle et en profitent pour sensibiliser les parents aux questions d’ordre sanitaire, notamment en ce qui concerne la vaccination.

13.Le système d’enseignement s’efforce de s’adapter aux besoins des peuples autochtones et l’enseignement bilingue est en développement. Le Conseil fédéral de l’éducation travaille en collaboration avec les divers conseils des peuples autochtones afin de garantir à tous les enfants vivant en Argentine le droit à l’éducation. Un travail a été accompli en vue de perpétuer la tradition orale des peuples autochtones et pour que l’école conserve sa fonction de transmission de la culture de génération en génération. Des bourses d’études sont accordées aux enfants autochtones et, le 21 mai 2010, la Présidente argentine a décidé d’accorder des bourses universitaires aux étudiants qui suivent une formation d’enseignant dans les langues autochtones.

14.Le Président demande si la Convention est traduite dans les langues autochtones.

15.M. Perczyk (Argentine) dit que la Convention n’a pas été traduite dans les langues autochtones mais que le Gouvernement s’engage à le faire.

16.Il existe deux types d’institution chargés de l’éducation de la petite enfance, à savoir les centres de développement de l’enfant, qui s’occupent de la socialisation des enfants de 0 à 4 ans et les écoles d’enseignement initial, qui visent à mettre les enfants en contact avec la culture et à leur enseigner des valeurs fondamentales. Ce système est en plein développement et a également pour objectif de pallier les différences d’origine sociale des enfants. En 2002, 1,2 million d’enfants étaient scolarisés dans les écoles d’enseignement initial; actuellement, ces établissements accueillent 1,6 million d’enfants. L’école est obligatoire à partir de l’âge de 5 ans.

17.Le Président demande quel pourcentage de la tranche d’âge concernée représentent les 1,6 million d’enfants scolarisés dans l’enseignement initial.

18.M. Perczyk (Argentine) dit que cela représente 95 ou 96 % des enfants de 5 ans, 70 % des enfants de 4 ans et 34 % des enfants de 3 ans. Le Gouvernement souhaite améliorer le taux de scolarisation des enfants de 3 et 4 ans.

19.M me Mauras Perez (Rapporteuse pour l’Argentine) demande comment est assurée la transition entre l’école et l’emploi et s’il existe une différence entre les filles et les garçons dans ce domaine.

20.M. Perczyk (Argentine) indique qu’un programme favorisant l’égalité en matière d’éducation, qui vise notamment à équiper les écoles et à accroître leurs capacités d’accueil, a été lancé dès 2004 dans 2 293 écoles primaires et s’est étendu aujourd’hui à 1 000 écoles supplémentaires. L’Argentine doit relever deux défis: mettre en place un enseignement secondaire de qualité pour tous et prévenir les abandons scolaires. Pour lutter contre les abandons scolaires, des tuteurs ont été chargés du suivi des élèves dans 3 800 écoles secondaires publiques.

21.La lutte contre la toxicomanie fait l’objet d’une politique interministérielle très stricte, appuyée par la diffusion, sur les chaînes télévisées, d’un programme éducatif et culturel visant à sensibiliser les enfants à ce problème.

22.Le financement spécial dont bénéficie la formation professionnelle a permis, au cours des quatre dernières années, d’augmenter le nombre d’inscriptions des filles et des garçons dans les lycées techniques et d’améliorer la qualité de l’enseignement. Ce type de formation permet d’établir un grand nombre de passerelles avec les entreprises.

23.Afin d’élargir l’horizon culturel des adolescents, des cours de formation artistique et sportive sont dispensés. Dans certaines provinces, les écoles sont ouvertes le week-end pour permettre aux jeunes de participer à des activités extrascolaires.

24.Le Président demande si, dans le cadre de l’organisation scolaire, il existe un système permettant aux enfants de participer à la prise de décisions.

25.M. Perczyk (Argentine) dit que, dans le cadre de la réforme de l’enseignement secondaire, des systèmes de participation sont mis en place par des organisations de jeunes. Il existe également des «conseils de coexistence» ou de convivialité, au sein desquels les adolescents et les adultes mettent au point des normes de coexistence.

26.M. Gonzalez Prieto (Argentine) dit que les politiques d’application de tous les programmes relatifs à la santé, notamment les programmes nationaux maternels et infantiles, le Programme national de santé sexuelle et de procréation responsable, et le Programme national de santé intégrale des adolescents, sont examinées par le Conseil national de santé publique avant d’être mises en œuvre dans les provinces. Des campagnes d’information sur la contraception sont menées dans les écoles et des contraceptifs sont distribués gratuitement dans les hôpitaux. Des brochures sur la contraception et sur la santé maternelle et infantile sont diffusées dans toutes les langues. Une ligne d’appel gratuite a récemment été créée dans le cadre du Programme de santé sexuelle et procréative responsable qui permet, entre autres, aux adolescentes de bénéficier de services de santé et d’être informées sur la contraception et l’avortement, même lorsqu’elles ne sont pas accompagnées d’un parent ou d’un tuteur. Pour ce qui est de l’avortement, M. Gonzalez Prieto estime que la révision de l’article 86 relatif à la question des avortements non punissables n’est pas nécessaire car, selon la jurisprudence récente, tout avortement faisant suite à un viol n’est pas punissable.

27.M me Mauras Perez (Rapporteuse pour l’Argentine) demande si les services de santé sont adaptés à cette interprétation plus large de l’article 86.

28.M. Gonzalez Prieto (Argentine) reconnaît l’insuffisance des services de santé sur le plan de la prise en charge des femmes après un avortement.

29.Mme Mauras Perez (Rapporteuse pour l’Argentine) demande s’il est vrai que certaines demandes d’avortement ont été rejetées sur la base de l’article 86 et, dans le cas contraire, si la population est informée de la nouvelle interprétation de cet article.

30.M. Gonzalez Prieto (Argentine) dit que l’article 86 n’est plus invoqué pour rejeter des demandes d’avortement et que la population est bien informée de la jurisprudence car cette question a souvent été publiquement abordée. Le débat devrait désormais se concentrer sur les deux textes relatifs à la dépénalisation de l’avortement, actuellement à l’examen.

31.Le Plan national «N aître» permet de recenser les grossesses précoces avant la vingtième semaine de gestation et de les prendre en charge. Un programme pilote a également été lancé dans 11 municipalités de Buenos Aires pour prendre en charge les grossesses des adolescentes et faire en sorte que celles-ci n’abandonnent pas l’école.

32.La mortalité maternelle est essentiellement due à l’insuffisance des services obstétriques. Pour améliorer la situation, le Ministère de la santé a mis en place un réseau de services périnatals dans le cadre duquel il collabore avec les provinces.

33.Pour lutter contre la mortalité néonatale, l’Argentine met l’accent sur les programmes de prévention et de promotion de la santé. À l’heure actuelle, les décès néonatals représentent 66 % des cas de mortalité infantile, et 45 % concernent des prématurés de moins de 1 500 grammes. Pour faire baisser le taux de mortalité infantile, il faut donc commencer par s’attaquer aux décès de prématurés. La province de Tucumán a mis en place un programme qui a permis de faire passer le taux de décès des prématurés de moins de 1 500 grammes de 93 % à 9 %.

34.Pour combattre la malnutrition chronique, du lait enrichi est distribué aux enfants qui ne bénéficient d’aucune couverture sociale. L’allaitement maternel est également fortement encouragé, notamment dans le cadre du programme Fortissimo, mis en œuvre en collaboration avec l’UNICEF. Il est en outre interdit aux fabricants de lait artificiel de promouvoir ce produit comme seul moyen d’alimentation. À l’heure actuelle, 40 % des enfants âgés de 6 mois sont nourris exclusivement au sein.

35.Pour élaborer des politiques dans le domaine de la santé, le Gouvernement s’appuie sur les statistiques fournies par les provinces, ainsi que sur les données tirées du Plan «Naître».

36.Le Président demande des détails sur la prise en charge des enfants qui sortent du système scolaire, notamment en raison d’une grossesse ou de la consommation d’alcool ou de drogues.

37.M. Gonzalez Prieto (Argentine) dit que le programme de prise en charge intégrale des adolescents, créé récemment, met l’accent sur trois priorités: les grossesses des adolescentes, le suicide des adolescents et la consommation d’alcool. Ce programme est mis en œuvre dans 18 provinces, mais il en est encore à ses balbutiements et le défi est immense.

38.M me Vessevessian (Argentine) indique que le Conseil national de coordination des politiques sociales, composé de représentants des différents domaines concernés, élabore des politiques sociales conformément aux objectifs fixés et aux réalités territoriales. Il a notamment conçu un plan d’aide aux populations les plus touchées par la pauvreté. Le Conseil se prononce sur les investissements à réaliser dans les secteurs de la santé et de l’éducation et sur les infrastructures à mettre en place, en vue d’assurer à tous les enfants une couverture sociale. Il suit également les progrès accomplis dans la mise en œuvre des programmes sociaux.

39.M me Maurás Pérez (Rapporteuse pour l’Argentine) demande comment le Conseil national fournit ses services sociaux sur le terrain et s’il peut identifier les localités qui présentent des lacunes dans ce domaine. Elle aimerait savoir si c’est au Conseil ou aux gouvernements provinciaux d’intervenir pour combler ces éventuelles lacunes et faire en sorte que les personnes puissent bénéficier de tous les services.

40.M. Gonzalez Prieto (Argentine) dit que des objectifs sont fixés par province.

41.M me Vessevessian (Argentine) précise que des centres d’intégration communautaire ont été mis en place dans tout le pays et qu’ils coordonnent notamment les politiques relatives à la santé et à l’éducation.

42.M. Gonzalez Prieto (Argentine) explique que différents modèles ont été mis en place en fonction de la taille de la municipalité, qui peut regrouper une dizaine de personnes ou 2 millions et demi d’habitants. Le plus important est que les acteurs des différents domaines concernés, publics ou privés, s’associent et s’emploient à protéger les droits des personnes tout autant qu’à fournir des services.

La séance est levée à 16 h 30; el le est reprise à 16 h 50.

43.M me Graham (Argentine) dit que la loi no 26061 relative à la protection intégrale des droits des enfants et des adolescents établit un ensemble de droits qui leur sont garantis au niveau national, mais que chaque province dispose de son propre système de protection des droits de l’enfant et de ses propres procédures concernant les mesures exceptionnelles. Ces mesures ne sont prises que lorsque toutes les autres mesures permettant de maintenir l’enfant dans sa famille ou chez des proches ont été épuisées. Elles sont prises par l’administration et soumises au contrôle du juge des affaires familiales. Compte tenu des différences entre provinces, il est difficile de donner le nombre de juges des affaires familiales.

44.De gros efforts ont été réalisés pour normaliser les protocoles appliqués avant la mise en œuvre d’une mesure exceptionnelle. Des mesures minimales ont été établies afin de protéger les droits de l’enfant, notamment le droit d’être entendu, et de sa famille. Il est également apparu nécessaire de contrôler, superviser et former les personnels qui mettent en œuvre les mesures exceptionnelles.

45.Des efforts considérables ont également été déployés pour évaluer la situation des enfants privés de protection parentale, qui sont placés soit dans des institutions publiques ou privées, soit dans des familles d’accueil. Après une première évaluation effectuée en 2005 en collaboration avec l’UNICEF, qui n’a pas permis d’obtenir des résultats homogènes, une deuxième évaluation quantitative a été réalisée en 2007, qui a révélé une diminution du nombre d’enfants placés en institution et une augmentation du nombre d’enfants placés en famille d’accueil. Étant donné que la meilleure solution serait que l’enfant reste dans sa famille d’origine, l’objectif est de réduire encore ces deux chiffres. Certaines provinces ont adopté de bonnes pratiques visant à renforcer l’environnement familial et communautaire.

46.Il a été décidé de procéder, en collaboration avec l’UNICEF, à une nouvelle évaluation quantitative et qualitative en 2010, portant d’un côté sur la situation de l’enfant et les raisons de son placement, de l’autre sur les institutions publiques et privées et les familles d’accueil, et les services qu’elles offrent. Dans le cadre de cette évaluation, les autorités se rendront dans les différentes institutions et familles et contrôleront les mécanismes de protection mis en place.

47.M me Herczog demande si la baisse du nombre d’enfants placés en institution signifie que les enfants sont désormais placés en priorité dans des familles d’accueil et si ces familles reçoivent une formation. Elle voudrait connaître l’âge moyen des enfants à leur entrée dans une structure de protection de remplacement et à leur sortie, ainsi que la durée moyenne du placement. Elle souhaiterait également savoir si les enfants sont préparés à leur sortie du système de protection de remplacement et s’ils bénéficient d’un soutien professionnel ou financier.

48.M me Graham (Argentine) explique que certaines provinces ayant recours à des familles d’accueil ont établi des critères de sélection des familles et leur proposent une formation. Les familles peuvent toucher des subventions de l’État, notamment lorsque l’enfant est lourdement handicapé.

49.La durée du placement varie d’une province à l’autre. Lorsque les provinces privilégient le placement en famille d’accueil, la durée du placement en institution est très courte. La durée du placement dépend aussi de la situation de l’enfant: les enfants handicapés restent généralement en institution ou dans une famille d’accueil toute leur vie durant.

50.Une attention particulière est portée à la préparation de l’enfant à sa sortie de la structure de protection de remplacement. Il existe également des programmes de prévention de la séparation de l’enfant de sa famille et des programmes visant à faciliter le retour de l’enfant dans sa famille.

51.Le défi actuel est d’étendre à tout le pays les programmes de renforcement familial et communautaire. En effet, si la majorité des enfants vivent avec leurs deux parents, ils sont de plus en plus nombreux à vivre dans des familles monoparentales le plus souvent dirigées par une femme et à être dans une situation précaire.

52.Le Président demande si les familles d’accueil perçoivent l’allocation universelle.

53.M me Graham (Argentine) répond que tous les enfants argentins bénéficient de l’allocation universelle qui leur donne accès à la sécurité sociale.

54.M me Herczog souhaiterait savoir à quel âge les enfants sont considérés comme suffisamment âgés pour pouvoir quitter le système de protection et s’ils bénéficient alors d’une préparation, d’allocations ou d’un suivi. Elle voudrait également connaître le pourcentage d’enfants placés en institution et d’enfants placés en famille d’accueil, et la différence qui existe entre les maisons de correction et les structures de protection de remplacement. Elle demande enfin si les institutions sont de grosses structures proposant des services traditionnels ou si ce sont de petits foyers plus adaptés aux enfants, sur les plans de l’infrastructure et des programmes.

55.M me Maurás Pérez (Rapporteuse pour l’Argentine) aimerait savoir si tous les enfants ont droit à l’allocation universelle et qui, concrètement, perçoit cette allocation.

56.M me Graham (Argentine) précise que les enfants quittent le système de protection de remplacement à l’âge de 18 ans. S’ils ne peuvent pas retourner dans leur famille d’origine, ils participent, dès l’âge de 14 ou 15 ans, à un projet de vie réalisé dans le cadre du programme de renforcement familial et communautaire.

57.Elle redonne les résultats des recensements des enfants placés en institution (11 939 en 2007 et 10 342 en 2010) et en famille d’accueil (2 405 en 2007 et 11 126 en 2010), qui figurent à la page 103 des réponses écrites de l’État partie à la liste de points à traiter.

58.M me Herczog relève que le nombre d’enfants placés en institution est resté relativement stable et s’interroge sur les raisons de la forte augmentation du nombre d’enfants placés en famille d’accueil.

59.M me Graham (Argentine) explique que cette forte augmentation du nombre d’enfants placés en famille d’accueil est due au fait que la province de Chaco a englobé dans la catégorie des enfants placés en famille d’accueil les enfants vivant dans leur famille élargie et les enfants dont la famille touche des allocations au titre du programme de renforcement familial et communautaire.

60.Elle indique qu’il n’existe plus en Argentine d’institutions qui accueillent plus d’une centaine d’enfants. Les institutions actuelles, qu’elles soient publiques ou privées, accueillent entre 12 et 15 enfants.

61.Elle précise que c’est le chef de famille ou le représentant légal de l’enfant qui perçoit l’allocation universelle. Les enfants placés dans des institutions publiques ou privées ne reçoivent pas encore cette allocation, car il est difficile de déterminer à qui il faudrait la verser. Plusieurs possibilités sont à l’étude, notamment l’ancien usage qui consistait à verser l’allocation sur un compte d’épargne établi au nom de l’enfant, auquel il ne pouvait accéder qu’à sa sortie du système de protection.

62.Entre 2000 et 2010 il y a eu 2 429 adoptions nationales. Pour ce qui est de l’adoption internationale, l’Argentine maintient les réserves qu’elle a formulées concernant l’article 21 de la Convention.

63.Les phénomènes de la violence contre les femmes et de la violence contre les enfants étant étroitement liés, la lutte menée depuis trente ans par les femmes argentines pour faire respecter leurs droits a entraîné une forte augmentation du nombre de plaintes pour violence à enfant. De telles plaintes peuvent être déposées auprès de diverses instances nationales et régionales dans toutes les provinces, ainsi qu’auprès des services de protection intégrée de l’enfance qui ont été mis en place dans chaque district et des centres de référence, qui relèvent du Ministère du développement social.

64.Des progrès considérables ont été accomplis en matière de travail des enfants depuis l’adoption de la loi no 26390, qui interdit le recours à la main-d’œuvre enfantine et réglemente le travail des adolescents. Le Ministère du travail et la Commission nationale pour l’élimination du travail des enfants collaborent étroitement avec les entreprises et ont notamment constitué un réseau de plus de 60 grandes entreprises afin de lutter contre ce phénomène. Au nombre des initiatives menées dans le cadre de cette collaboration figure la création de lieux où les ouvriers agricoles peuvent déposer leurs enfants pendant la journée pour éviter que ces enfants ne soient mis au travail. Par ailleurs, un projet de loi interdisant le travail au rendement, qui est la principale cause de travail des enfants dans les régions rurales, est en cours d’élaboration.

65.M me Vessevessian (Argentine), dit que la délégation souhaite exprimer son profond désaccord avec les peines d’emprisonnement à vie qui ont été prononcées contre des mineurs entre 1996 et 2002. De telles peines n’ont pas été prononcées depuis et les autorités continueront de s’employer à résoudre cette question.

66.M me Beloff (Argentine) dit que la Cour suprême de justice de la nation, dans son jugement du 2 décembre 2008, n’a en aucune façon autorisé le recours à la privation de liberté comme forme de protection des mineurs et que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant reste celui qui préside à toute décision judiciaire concernant un mineur. Elle convient cependant que la législation nationale relative aux mineurs comporte des lacunes et, en particulier, qu’elle ne permet pas au personnel judiciaire et aux agents administratifs de se faire une idée précise de ce que recouvre la notion d’intérêt supérieur de l’enfant.

67.S’il est exact que la législation nationale relative aux mineurs date de trente ans et qu’elle porte la marque de certains événements historiques, elle a, depuis dix ans, été réinterprétée par la jurisprudence, de sorte que les normes consacrées par la Convention et les principes fixés dans l’Observation générale no 10 sont respectés tant aux niveaux national que provincial. Quelle que soit la juridiction compétente, les mineurs poursuivis pour une infraction jouissent de toutes les garanties d’une procédure régulière conformément à l’article 40 de la Convention, notamment en ce qui a trait au droit de bénéficier d’une assistance juridique. Toutes les décisions prises dans le cadre d’une procédure pénale sont susceptibles de recours devant la juridiction compétente, y compris, le cas échéant, devant la Cour suprême de justice. Toutefois, au-delà des garanties dont bénéficie le mineur qui a commis une infraction, il n’existe pas de procédure spécifiquement adaptée aux enfants.

68.Le recours à des mesures de substitution permettant de faire face à la délinquance des mineurs sans recourir à la procédure judiciaire se heurte encore à des obstacles juridiques et à une certaine résistance culturelle. Cependant, une loi qui élargit considérablement l’éventail des possibilités de médiation qui s’offrent dans de nombreux types d’affaires vient d’être adoptée, et il est à espérer qu’elle aura une incidence bénéfique dans le domaine de la justice pour mineurs.

69.L’emprisonnement à vie des mineurs est interdit, conformément au paragraphe a) de l’article 37 de la Convention. La principale difficulté est la durée excessive de l’emprisonnement. Pour y remédier, la Cour suprême de la nation a fixé des règles en vertu desquelles les mineurs se voient appliquer la peine correspondant à la tentative de commettre l’infraction pour laquelle ils sont jugés plutôt qu’à la commission effective de celle-ci. Cette règle, à laquelle se conforment toutes les juridictions du pays, explique en partie qu’il n’y ait pas, en Argentine, une tendance au durcissement des peines, comme c’est le cas dans d’autres pays de la région.

70.M. Filali demande à la délégation de préciser si la loi no 22278 relative au régime pénal des mineurs, qui permet au juge de prendre des mesures de privation de liberté à titre discrétionnaire, est toujours en vigueur. Il croit en outre comprendre que la loi no 13634 permet également au juge de prendre de telles mesures de manière discrétionnaire.

71.M me Beloff (Argentine) indique que la loi no 22278 est toujours en vigueur mais qu’elle a été réinterprétée par la Cour suprême de justice et qu’en vertu de cette réinterprétation le juge n’exerce pas de pouvoirs discrétionnaires. Quant à la loi no 13634, il s’agit d’une loi de la province de Buenos Aires et non pas d’une loi nationale. Cette loi est fondée sur l’ensemble des principes et des garanties énoncés dans la Convention et, partant, elle n’autorise pas le juge à exercer des pouvoirs discrétionnaires.

72.M. Lerner (Argentine) dit que la délégation ne nie pas que la loi argentine relative au régime pénal des mineurs, si elle tient compte des principes de la Convention à certains égards, est en contradiction avec certaines recommandations formulées par le Comité dans son Observation générale no 10. Il tient cependant à souligner de nouveau l’évolution de la jurisprudence.

73.En 2007, le Secrétariat national à l’enfance, l’adolescence et la famille a réalisé, conjointement avec l’UNICEF, une étude nationale approfondie sur la justice pénale pour mineurs, qui a montré qu’il y avait en moyenne 1 800 mineurs soumis à un régime de privation de liberté ou de semi-liberté. Ce chiffre n’a pas varié depuis 2007 et, si on le compare aux données des autres pays de la région, on constate que le recours à la privation de liberté n’est pas plus fréquent en Argentine que dans les pays voisins. En 2010, 17 des 24 provinces appliquent des programmes de substitution à la privation de liberté contre 8 seulement en 2007. Ces programmes ont permis, par exemple, de faire passer le nombre d’enfants détenus dans les centres de privation de liberté qui dépendent directement du Secrétariat national de l’enfance de la ville de Buenos Aires de 1 500 en moyenne en 2003 à 200 aujourd’hui. Une part croissante des mesures de privation de liberté sont exécutées dans des centres spécialisés qui ne relèvent ni des forces de sécurité, ni des services pénitentiaires.

74.La province de Buenos Aires, où vit 40 % de la population argentine, face à des problèmes d’une grande complexité, notamment celui de la violence des mineurs. Des réformes ont été engagées, et de nombreuses avancées ont été réalisées. Ainsi, à la suite d’un large débat législatif, la province a adopté un nouveau système de procédure pénale qui a été salué par les défenseurs des droits de l’enfant. Une résolution adoptée en 2004 par le Gouvernement de la province de Buenos Aires a mis un terme définitif aux séjours prolongés d’adolescents dans des commissariats de police. Conformément à la recommandation formulée par le Comité en 2002, les autorités ont pris à bras le corps le problème du syndrome du gatillo fácil (gâchette facile). Les mécanismes de supervision des forces de l’ordre ont été considérablement renforcés, et toute violation des droits d’un adolescent privé de liberté donne lieu à une enquête et à des poursuites. L’Argentine, de manière générale, a tourné le dos à son passé violent et met tout en œuvre pour avancer sur la voie du respect des droits de l’homme et pour garantir que nul ne bénéficie de l’impunité.

La séance est levée à 18 h eures.