Nations Unies

CRC/C/SR.1768

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

24 janvier 2013

Original: français

Comité des droits de l ’ enfant

Soixante -deuxième session

Compte rendu analytique de la 1768 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 22 janvier 2013, à 9 heures

Président: M. Zermatten

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Rapport initial de Nioué sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant

La séance est ouverte à 9 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Rapport initial de Nioué sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/NIU/1; CRC/C/NIU/Q/1; CRC/C/NIU/Q/1/Add.1)

1.Le Président indique que la 1768e séance va se dérouler en vidéoconférence.

2.La communication est établie avec la délégation de Nioué.

3.M me Jacobsen (Nioué) indique que Nioué a ratifié la Convention le 19 janvier 1996 et a soumis son rapport initial en 2010. Elle dit que tous les enfants niouéens vivent dans un cadre familial et relèvent de la responsabilité d’un adulte. Ce petit îlot corallien se compose de 13 villages reliés entre eux par une bonne infrastructure routière et tous équipés d’un accès à Internet. Chaque village est dirigé par un conseil dont les membres sont élus démocratiquement tous les trois ans. On compte un infirmier et au moins une église par village et tous les enfants sont élevés dans la foi chrétienne.

4.Les enfants constituant environ un quart de la population, le pays n’a eu besoin de se doter que d’une seule école primaire et d’une seule école secondaire; le taux de scolarisation est de 100 %. Les parents d’enfants d’âge scolaire perçoivent depuis 1996 une indemnité leur permettant d’acheter l’uniforme de leur enfant. L’enseignement est gratuit dès le niveau préscolaire, tout comme les soins de santé, qui sont dispensés à l’hôpital.

5.Depuis septembre 1974, où une large majorité de la population a voté en faveur de l’autonomie en libre association avec la Nouvelle-Zélande, Nioué adopte ses propres lois, qui s’inspirent toutefois largement de la législation néo-zélandaise. L’Assemblée législative est composée de 20 membres, à savoir d’un représentant par village (sachant que la capitale, Alofi, dispose de deux représentants) et de 6 membres élus au niveau national.

6.Le Ministère des affaires communautaires coordonne l’action en faveur de la protection de la femme et de l’enfant.

7.Faute de ressources, Nioué aura certainement besoin de temps pour honorer les nombreux engagements qu’elle a pris sur la scène internationale; l’on ne saurait toutefois attribuer ce retard à un manque de volonté politique.

8.M me Varmah (Rapporteuse pour Nioué), regrettant que l’État partie ne se soit pas doté d’une législation complète sur l’enfance, voudrait savoir où en sont l’élaboration du projet de loi sur la protection de la famille et du projet de loi sur la santé mentale ainsi que la réforme du Code de la famille, et quelles mesures concrètes ont été prises pour harmoniser les diverses lois en faveur de la protection des droits de l’enfant.

9.Mme Varmah aimerait aussi savoir si l’État partie envisage de mettre en place un système global de collecte de données couvrant tous les domaines de la Convention.

10.La délégation est invitée à indiquer si les personnes travaillant auprès de mineurs sont formées aux droits de l’enfant dans leurs domaines respectifs, si ces droits sont enseignés dans le cadre des programmes scolaires et si les enfants ont accès à Internet.

11.Pour ce qui est de la définition de l’enfant, il serait intéressant de savoir si l’État partie entend relever l’âge de la responsabilité pénale et harmoniser l’âge minimum du mariage pour les garçons et les filles. Il serait également bon de connaître l’âge du consentement aux relations sexuelles pour les garçons, l’âge auquel un enfant peut prendre part aux décisions de justice le concernant, notamment dans les affaires de garde d’enfant, et enfin l’âge minimum d’accès à l’emploi dans la fonction publique. Les enfants de moins de 15 ans peuvent-ils être employés dans le secteur privé et dans le secteur informel?

12.D’après certaines informations, les filles niouéennes seraient souvent élevées dans l’idée qu’elles sont des citoyennes de second rang et sont victimes de discrimination. Relevant que les peines encourues pour violences sexuelles sont moins sévères lorsque la victime est déclarée arriérée mentale, Mme Varmah demande un complément d’information sur ce point. Elle souhaiterait aussi savoir quelles mesures ont été prises pour préserver la vie privée des enfants et des adolescents dans un pays où tout le monde se connait.

13.Il serait utile de savoir quels sont les droits des enfants ayant fait l’objet d’une adoption coutumière (tama taute), et notamment s’il leur est possible d’hériter des terres de leur famille adoptive. Les adoptions de ce type font-elles l’objet d’un suivi régulier, et les enfants concernés sont-ils protégés contre toute forme de violence au sein de leur famille d’adoption? En outre, la délégation pourrait expliquer pourquoi l’État partie n’envisage pas de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

14.Croyant savoir que les atteintes sexuelles sur des enfants de moins 15 ans sont courantes, Mme Varmah fait référence à une affaire de violences sexuelles dans laquelle une adolescente et sa famille ont dû quitter l’île après avoir porté plainte contre un membre de leur famille car elles étaient victimes d’ostracisme. Il serait intéressant de connaître les mesures prises par l’État partie pour combattre les violences sexuelles, de savoir si des campagnes ont été lancées pour sensibiliser la population à la nécessité de dénoncer les auteurs de tels actes, et si lesdits auteurs sont punis, qu’ils fassent ou non partie de la famille.

15.Mme Varmah voudrait en outre savoir si l’État partie a mené des campagnes de sensibilisation aux méfaits de la consommation d’alcool et de drogues − souvent à l’origine des violences sexuelles sur mineurs − et de la consommation de tabac. Mène-t-il des campagnes de lutte contre les grossesses précoces et les infections sexuellement transmissibles visant précisément les adolescents? Quelles sont les mesures prises pour encourager les enfants et les adolescents, dont 10 % sont obèses, à adopter une alimentation saine et à faire de l’exercice physique?

16.Enfin, Mme Varmah voudrait savoir si les enfants ayant abandonné l’école ont accès à la formation professionnelle et si Nioué envisage de créer une ligne téléphonique spéciale gratuite accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour que les enfants qui s’estiment lésés puissent se faire entendre.

17.M me Sandberg demande si tous les enfants niouéens ont la possibilité de prendre part à la vie politique du pays et y sont encouragés, et de quels moyens ils disposent pour exprimer leur opinion, notamment devant la justice. Les parents sont-ils quant à eux incités à écouter davantage leurs enfants, en particulier leurs filles?

18.M me Maurá s  Pérez demande si l’État partie envisage d’adopter une législation portant interdiction de la discrimination pour quelque motif que ce soit et une loi interdisant expressément les châtiments corporels dans tous les contextes. Elle souhaite aussi savoir combien de femmes siègent au sein de l’Assemblée législative et combien président un conseil de village.

19.M.  Koompraphant demande si les enfants victimes ou témoins de violence peuvent porter plainte auprès des autorités.

20.M. Pollardemande quelles dispositions juridiques régissent l’enregistrement des enfants nés de père inconnu.

21.M me Aidoo demande ce qui fait obstacle à la création d’un centre de prise en charge de la petite enfance et pourquoi le budget de l’éducation semble être en baisse depuis quelques années. Elle relève avec préoccupation que des adolescentes seraient tombées enceintes à la suite d’une relation incestueuse et s’enquiert des mesures prises pour lutter contre ces pratiques. Enfin, elle demande s’il existe des dispositions légales interdisant les violences sexuelles contre les garçons.

22.M me Lee demande s’il est exact que l’État partie envisage d’abaisser l’âge de la fin de la scolarité obligatoire à 15 ans.

23.M me Wijemanne aimerait savoir si les personnes en contact avec des enfants sont formées à la Convention et si le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant a été pris en compte dans les lois relatives à l’enfance. Elle s’enquiert des mesures prises pour améliorer la santé des adolescents et leur offrir les services nécessaires en matière de santé sexuelle et procréative et prévenir la toxicomanie. Enfin, elle demande si des services médicaux d’urgence sont disponibles à Nioué et s’il est prévu d’ouvrir des établissements de formation professionnelle dans le pays.

24.M. Kotrane s’inquiète du caractère public des adoptions coutumières (tama taute) et des problèmes qui peuvent en découler en ce qui concerne le respect de la vie privée de l’enfant. Il demande si la formation des policiers à la justice pour mineurs, évoquée au paragraphe 371 du rapport, a eu lieu etpourquoi il n’existe pas de données statistiques sur les mineurs délinquants.

25.Le Présidentdemande s’il serait possible de prévoir un traitement spécifique pour les mineurs en conflit avec la loi, prévoyant notamment la tenue des procès à huis clos.

La séance est suspendue à 10 h 15; elle est reprise à 10 h 50.

26.M me Jacobsen (Nioué) explique que toutes les recommandations du Comité seront prises en compte dans le cadre de l’élaboration du projet de loi sur la protection de la famille et de la réforme du Code de la famille. Des mesures sont prises pour faire connaître les droits de l’enfant dans tout le pays et pour inciter la population, en particulier les femmes, à signaler tous les cas de maltraitance à enfant. Depuis 2011, un dispensaire ouvert à l’école secondaire de Nioué dispense des conseils aux adolescents dans les domaines du VIH/sida et de la santé procréative. Les consultations sont assurées par une femme médecin deux fois par semaine. En outre, les élèves du primaire bénéficient d’un suivi médical complet assuré par une infirmière.

27.M me Al-Asmardemande si la population a été sensibilisée aux dispositions de la Convention.

28.M me Jacobsen (Nioué) répond qu’en 2010 des ateliers de sensibilisation à la Convention ont été organisés auprès des villageois. Conformément aux règles de la Commission de la fonction publique de Nioué, les entreprises du secteur public n’emploient pas d’enfants de moins de 15 ans, mais il peut arriver que des enfants plus jeunes travaillent pour les entreprises familiales.

29.Le Présidentdemande si le travail des enfants dans le cadre familial fait l’objet d’un contrôle et à partir de quel âge les enfants sont autorisés à travailler.

30.M me Jacobsen (Nioué) répond que les enfants sont autorisés à travailler dès 15 ans dans le secteur public mais qu’aucun seuil d’âge n’a été arrêté pour le secteur privé. Aucun contrôle n’est exercé sur les conditions de travail des enfants en milieu familial.

31.En coopération avec le Bureau des communautés du Pacifique Sud, un programme de grande envergure a été mis sur pied pour sensibiliser les jeunes aux maladies non transmissibles et les conseiller sur les pratiques alimentaires saines et les risques liés à l’obésité, dans le cadre de séances d’information organisées dans les villages.

32.Il n’existe aucune discrimination à l’égard des filles, qui sont traitées à l’égal des garçons, bien que les rôles respectifs des deux sexes soient traditionnellement bien distincts. Il n’existe pas non plus de discrimination à l’égard des étrangers, qui bénéficient des mêmes droits que les Niouéens. De même, aucune discrimination n’est exercée à l’égard des enfants handicapés dans la pratique.

33.M. Cardona Llorens souligne que la terminologie utilisée dans la loi est objectivement discriminatoire et vexatoire puisqu’elle qualifie les enfants handicapés d’idiots et d’imbéciles. Il rappelle en outre que la loi est discriminatoire puisque les peines encourues pour des violences sexuelles sur un enfant sont moindres lorsque la victime est handicapée. Cette loi, même si elle n’a jamais été appliquée, devrait être modifiée.

34.Le Président rappelle que la loi sur la succession est discriminatoire à l’égard des filles puisque les terres ne peuvent être transmises qu’aux garçons et souligne que la loi sur les violences sexuelles ne punit pas le viol d’un garçon.

35.M me Lee note avec préoccupation que certaines filles quittent l’école avant d’atteindre l’âge de la fin de la scolarité obligatoire, fixé à 16 ans, l’âge minimum du mariage étant fixé à 15 ans pour les filles.

36.M me Jacobsen (Nioué) reconnaît le caractère archaïque de certaines lois, héritées de la Nouvelle-Zélande, qui n’ont jamais fait l’objet de révision puisqu’elles n’ont jamais dû être appliquées. Elle explique que l’adoption coutumière est liée au droit à la terre. Les droits à la terre d’un enfant adopté qui appartient à la même lignée que ses parents adoptifs ne sont pas limités, contrairement à ceux d’un enfant adopté qui appartient à une autre lignée, ce dernier ne pouvant vivre pendant toute sa vie sur l’arpent de terre que sa famille adoptive lui aura donné que s’il vit en parfaite harmonie avec sa famille.

37.M me Varmah (Rapporteuse pour Nioué)aimerait savoir si Nioué envisage de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

38.M me Jacobsen (Nioué) dit que la question de la ratification se posera vraisemblablement lorsqu’un cas d’adoption internationale se présentera. Elle explique qu’il incombe au directeur de l’établissement scolaire d’allouer une part de son budget à l’éducation préscolaire et explique qu’à la fin de leur scolarité obligatoire, les jeunes peuvent suivre une formation dans un institut technique en Nouvelle-Zélande. Le programme pour l’emploi des jeunes aide les jeunes à se préparer à entrer sur le marché du travail. Les familles encouragent désormais les filles à achever leur scolarité afin de garantir leur indépendance économique vis-à-vis de leur futur époux.

39.En cas de grossesse précoce, la famille prend l’adolescente en charge. De manière plus générale, les filles ont accès à une éducation sexuelle à l’hôpital où elles peuvent rencontrer individuellement l’infirmière et parler de contraception.

40.Les enfants de Nioué ne subissent pas de châtiments corporels. Toute affaire judiciaire concernant un enfant est traitée dans la plus grande discrétion et avec le plus grand soin afin de ne pas nuire à l’enfant. Mme Jacobsen prend note de la suggestion du Comité concernant la mise en place d’une ligne téléphonique réservée au signalement de violations de droits de l’enfant. Elle explique que les séparations ne se font pas devant le tribunal mais qu’elles donnent lieu à des discussions pacifiques entre les deux familles, notamment pour déterminer avec quel parent les enfants vont désormais vivre.

41.M me Aidoo aimerait savoir si Nioué envisage d’élaborer une politique nationale globale relative à l’enfance.

42.M me Varmah (Rapporteuse pour Nioué) se dit satisfaite de la franchise du dialogue et espère qu’il permettra la pleine réalisation des droits de l’enfant à Nioué, notamment lorsque les mesures urgentes relatives à l’harmonisation de la législation, à la définition de l’enfant et à l’adoption auront été prises.

43.M me Jacobsen (Nioué) réaffirme l’engagement de Nioué en faveur de la mise en œuvre de la Convention et remercie les membres du Comité pour leurs nombreuses suggestions.

44.Le Président salue l’engagement de Nioué en faveur des droits de l’enfant et se félicite de la réussite de cette première rencontre avec une délégation par vidéoconférence.

La séance est levée à midi.