Nations Unies

CRC/C/SR.1464

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

20 janvier 2010

Original: français

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante- troisième session

Compte rendu analytique de la 1464 e séance (Chambre A )

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 14 janvier 2010, à 10 heures

Présiden t e: Mme Lee

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Deuxième rapport périodique du Cameroun

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties (point 4 de l ’ ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Cameroun (CRC/C/CMR/2; liste des points à traiter ( CRC/C/CMR/Q/2 ); réponses écrites de l ’ État partie à la liste des points à traiter ( CRC/C/CMR/Q/2/Add.1))

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation camerounaise prend place à la table du Comité.

2.La Présidente invite les personnes présentes à observer une minute de silence en signe de solidarité avec la population haïtienne, composée à 50 % d’enfants, qui vient d’être frappée par un terrible séisme. Ses pensées vont aussi aux collègues de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti, chez lesquels il y a tout lieu de craindre un lourd bilan, et à leur famille.

3.M me  Bakang Mbock (Cameroun), après s’être associée au nom de sa délégation à la douleur exprimée par la Présidente face au drame qui se joue en Haïti, fait part de l’attachement du Cameroun à la promotion et à la protection des droits de l’enfant, que son Président, M. Biya, avait déjà affirmé à la tribune de la session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée aux enfants en 2002.

4.Fruit d’un travail participatif, le deuxième rapport périodique couvre la période 1996-2005, au cours de laquelle le Cameroun a adhéré à la plupart des instruments de protection des droits de l’enfant et signé la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Au niveau national, la période a été marquée par l’entrée en vigueur, début 2007, du Code de procédure pénale, qui a amélioré le système de justice des mineurs en prenant mieux en compte les normes internationales. Il est à signaler que l’incarcération n’est envisagée qu’en dernier ressort s’agissant de mineurs, dont la réinsertion est l’objectif premier.

5.Sur le plan institutionnel, il convient de mentionner: le remaniement de 2004, depuis lequel l’action de protection et de promotion des droits de l’enfant incombe désormais à pas moins de neuf départements ministériels; la transformation en 2004 du Comité national des droits de l’homme et des libertés en une Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, conforme aux Principes de Paris concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme, dotée d’une indépendance renforcée et habilitée à recevoir et relayer des plaintes; la réorganisation en 2005 du Ministère des affaires sociales, avec la création d’une Direction de la protection sociale de l’enfance, dont la Directrice est présente dans la délégation.

6.Plusieurs recommandations précédentes du Comité ont été mises en œuvre, notamment l’incorporation de la définition de l’enfant énoncée dans la Convention dans l’avant-projet de code de protection de l’enfant, lequel prévoit de porter l’âge du mariage à 18 ans pour les filles comme pour les garçons, la création d’un Parlement des enfants et la mise en place de gouvernements et conseils municipaux des enfants dans quatre des 10 régions du pays, initiative qui sera étendue avec la création de gouvernements des enfants dans toutes les écoles primaires dès 2010.

7.Grâce à la coopération internationale et aux mesures d’allégement de la dette dont il a bénéficié, au cours de la décennie 1996-2005 le Cameroun a réussi à investir davantage dans les secteurs sociaux et a pris d’importantes mesures dans les domaines de l’éducation et de la santé, pour lesquels les crédits budgétaires sont en constante progression. Un accent particulier a été mis sur les enfants vulnérables − à savoir handicapés, réfugiés et issus des minorités ou populations marginales (terminologie retenue au Cameroun pour désigner les autochtones).

8.Des actions sont également menées à la lumière des phénomènes préoccupants des enfants des rues, du trafic d’enfants et des violences contre les enfants, tout particulièrement à l’encontre des orphelins et autres enfants vulnérables du fait du VIH/sida. C’est ainsi qu’a été mis en place un dispositif de prévention du phénomène des enfants des rues, articulé autour du renforcement du cadre législatif, réglementaire et institutionnel; que des investissements majeurs ont été faits pour réhabiliter les institutions relevant du Ministère des affaires sociales (grâce à des fonds dégagés dans le cadre de l’Initiative d’allégement de la dette multilatérale) et que 467 enfants des rues ont bénéficié d’un projet lancé en mars 2008 dans les villes pilotes de Yaoundé et Douala.

9.Des études consacrées au travail des enfants ont montré que le secteur informel était davantage concerné. Avec l’appui de l’Organisation internationale du Travail (OIT), le Gouvernement a exécuté dans le cadre du Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) les projets WACAP et LUTRENA, respectivement contre l’exploitation des enfants dans la culture du cacao et la traite des enfants. La lutte contre le trafic, la traite et l’exploitation des enfants a fait l’objet d’une loi, adoptée en décembre 2005, ainsi que d’un plan national, validé en juillet 2009. Les autorités ont identifié quelque 183 000 orphelins et autres enfants vulnérables du fait du VIH/sida, dont 65 000 ont été pris en charge jusqu’en 2008 dans le cadre de différents projets et programmes et on réfléchit actuellement au parrainage comme une solution complémentaire pour leur prise en charge.

10.Dans le souci d’une plus grande cohérence des différentes initiatives prises en faveur des enfants âgés de 0 à 8 ans, à la mi-2009 le Cameroun a adopté le Document-cadre de politique nationale du développement intégré du jeune enfant, qui identifie les actions à mettre en œuvre entre 2010 et 2012 dans des domaines prioritaires et dans le cadre duquel 10 programmes vont être lancés, avec un budget dépassant 30 millions d’euros.

11.Dans cette dynamique de mobilisation multisectorielle, le Cameroun bénéficie du concours très précieux de divers partenaires, dont la Première Dame du Cameroun, qui est aussi Ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO pour l’éducation et l’inclusion sociale et s’investit pour l’épanouissement de l’enfant à travers plusieurs œuvres caritatives, dont Synergies africaines de lutte contre le sida et les souffrances, le Cercle des Amis du Cameroun et la fondation portant son nom; les organismes du système des Nations Unies; et des partenaires de coopération bilatérale et multilatérale. La volonté manifeste du Cameroun de mettre en œuvre la Convention se heurte toutefois à divers obstacles, dont les plus significatifs sont liés entre autres à l’impact des crises alimentaires, énergétiques, financières et écologiques, nécessitant de mettre en place des filets de sécurité et des services intégrés; au VIH/sida et aux lacunes du système de collecte et d’analyse des données statistiques. Les autorités camerounaises voient la coopération avec les organes de l’ONU comme un formidable moyen de progresser et se félicitent à ce titre de l’occasion qui leur est donnée de dialoguer avec le Comité.

12.M me Aidoo (Rapporteuse pour le Cameroun) rend hommage au Cameroun, grand pays doté de ressources naturelles considérables et de moyens financiers non négligeables, en paix depuis plus de trente ans, qui dans la région peut faire figure de modèle de cohabitation pluriculturelle. Si le rapport de l’État partie ne suit pas entièrement les directives révisées du Comité, il est analytique et souvent critique, et est complété par des réponses écrites qui apportent des renseignements actualisés détaillés.

13.De nombreuses avancées sont à saluer depuis l’examen du rapport initial en 2001: le pays a activement participé à la rédaction de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qu’il s’apprête à ratifier; a ratifié le Protocole de Maputo relatif aux droits des femmes en Afrique; a adopté la loi portant statut des réfugiés et la loi relative à la traite et au trafic des enfants. Il a en outre élaboré trois projets de texte dont l’adoption devrait faire grandement progresser les droits de l’enfant: le Code de protection de l’enfant, qui devrait mettre la législation nationale en pleine conformité avec la Convention, le Code des personnes et de la famille et l’avant-projet de loi sur les infractions sexistes, visant à ériger entre autres choses les mutilations génitales féminines en infraction pénale. Une Commission nationale des droits de l’homme et des libertés et un Conseil national de la jeunesse ont été créés. Parmi les nouvelles politiques adoptées, il y a lieu de saluer la Politique nationale du développement intégral du jeune enfant, la Politique nationale de la jeunesse, le Document de politique nationale de la santé de la reproduction, le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi et la Vision de développement à long terme «Cameroun 2035».

14.Plusieurs recommandations formulées par le Comité en 2001 n’ont en revanche pas reçu la suite voulue, concernant en particulier la coordination, la définition de l’enfant, la violence à l’égard des enfants dont les châtiments corporels, les mutilations génitales féminines, le travail des enfants et la justice des mineurs. Les délais sont longs pour qu’un projet de loi soit adopté, puis à nouveau pour que le décret d’application soit publié et une fois en vigueur les lois pâtissent d’une application insuffisante, ce dont il faudrait préciser les raisons en indiquant si l’indispensable travail d’information est mené.

15.Les droits de l’enfant sont un thème transversal et pour garantir cohérence et efficacité en la matière il faudrait charger un organisme jouissant d’une autorité et de capacités humaines, financières et techniques suffisantes de coordonner les différentes actions menées, qui au Cameroun relèvent de neuf ministères. Or pareil organisme n’existe pas, pas davantage qu’un plan national d’action couvrant l’ensemble des domaines visés par la Convention et les reliant aux principaux plans et politiques. Le Comité souhaiterait savoir comment l’État partie entend résoudre ce problème crucial.

16.L’enquête par grappes à indicateurs multiples fait apparaître une baisse de la proportion des naissances enregistrées, tombée de 79 à 70 % entre 2004 et 2006, avec des disparités marquées entre zones urbaines et zones rurales, ce qui amène à se demander quelles mesures sont prises pour permettre l’enregistrement des naissances dans les zones reculées et parmi les réfugiés et les autochtones notamment.

17.Les violences, qui, malgré leur interdiction légale, perdurent dans la famille, à l’école, en milieu carcéral et dans les communautés, constituent un grave problème. Relevant au paragraphe 92 du rapport qu’aucune mesure spécifique n’a été prise à ce jour en matière d’enquête, d’indemnisation, de réadaptation et de structure d’écoute des enfants victimes de torture et de maltraitance et que les cas signalés le sont de manière informelle, elle demande ce qui est fait pour lutter contre l’impunité dont jouissent les auteurs de violences et garantir la sécurité des enfants.

18.M. Kotrane demande si le Cameroun envisage de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants ainsi que les deux Protocoles facultatifs à la Convention, signés mais non ratifiés. Notant avec préoccupation que le Code de protection de l’enfant tarde à voir le jour, il demande quelles en seront les grandes lignes et voudrait en particulier savoir s’il prévoit la mise en place de mécanismes d’intervention auprès des enfants victimes de maltraitance. Enfin, il demande si le Code de la famille va permettre de lever les obstacles sociologiques à la protection et au respect des droits de l’enfant.

19.M. Gurán voudrait savoir quels sont les résultats concrets de l’action du Parlement des enfants. Il regrette l’absence de données statistiques ventilées sur la composition ethnique du pays et sur la discrimination à l’égard des minorités et des non-ressortissants, sachant en particulier que le Cameroun accueille 4 millions d’étrangers. La délégation est invitée à fournir des renseignements à ce sujet.

20.M. Citarella demande à quel point le projet de Code de la famille remédie à l’absence dans la Constitution et les autres textes de loi de définition générale de l’enfant conforme à celle figurant à l’article premier de la Convention.

21.M me  Ortiz note avec satisfaction que le Cameroun a organisé des campagnes de sensibilisation sur les droits de l’enfant à l’école mais aimerait savoir si les pouvoirs publics mènent une action auprès des médias, lesquels forment l’opinion publique, en particulier s’il existe une réglementation régissant la façon dont les enfants sont représentés dans les médias. Elle demande un complément d’information sur la formation des fonctionnaires et des forces de l’ordre aux dispositions de la Convention et sur les mesures prises pour s’assurer que les fonctionnaires respectent la Convention et que les enfants ne font pas l’objet de discrimination. Notant avec inquiétude que la situation a empiré dans les secteurs de la santé et de l’éducation et que les inégalités se creusent entre garçons et filles, elle demande que fait le Gouvernement camerounais pour enrayer cette tendance.

22.M. Puras demande si des mesures sont prises pour soutenir les ONG en leur donnant les moyens de mener une action plus efficace sur le terrain, sachant qu’elles jouent un rôle primordial dans la défense et la promotion des droits de l’homme. Il note avec préoccupation que l’article 300 du Code pénal relatif à la violation de la correspondance ne s’applique pas aux parents des enfants mineurs de 21 ans non émancipés et demande comment, dans de telles conditions, l’État peut garantir le droit de l’enfant au respect de sa vie privée. Il constate aussi qu’en vertu de l’article 347 bis du Code pénal, «est puni d’emprisonnement toute personne qui a des relations sexuelles avec une personne du même sexe», et demande comment les adolescents peuvent s’épanouir pleinement et avoir librement accès à des informations sur la sexualité.

23.M me  Villaran de la Puente voudrait savoir quel pourcentage du produit intérieur brut (PIB) est consacré à l’éducation, à la santé et à la lutte contre la malnutrition, si la crise économique a eu des incidences sur le budget du secteur social et si le Cameroun s’est fixé des objectifs chiffrés concernant la réduction de la malnutrition et la lutte contre les inégalités entre les régions et entre les sexes dans les domaines de l’éducation et de la santé.

24.Sur le thème de la corruption, elle demande comment le Cameroun garantit une plus grande transparence dans l’allocation et l’utilisation des ressources allouées à l’enfance.

25.M me  Al-Asmar, se félicitant de la création des conseils de la jeunesse, demande s’il s’agit d’un projet pilote appelé à être étendu à toutes les régions et quels sont leurs objectifs, notamment en matière de lutte contre la violence à l’école. Davantage de renseignements sur les écarts de taux de scolarisation entre les garçons et les filles et sur l’accès des enfants handicapés et des enfants appartenant à des minorités à l’école seraient nécessaires.

26.La Présidente aimerait avoir desdétailssur la manière dont l’opinion des enfants est respectée dans les affaires juridiques ou administratives, par exemple en cas de divorce des parents et savoir si une limite d’âge a été fixée à partir de laquelle les enfants doivent être consultés, attirant l’attention de la délégation sur l’Observation générale no 12 de 2009, concernant le droit de l’enfant d’être entendu.

27.Elle demande si la diminution du budget affecté au secteur social constatée depuis 2005 a influé sur les taux − très élevés − de mortalité, de pauvreté et de malnutrition des enfants. Elle voudrait connaître le nombre d’enfants handicapés et les raisons de la diminution du budget consacré à l’éducation primaire et secondaire.

28.Relevant qu’ont été adoptées plusieurs circulaires concernant des cas de mauvais traitements à enfant, elle demande quelles sont les peines encourues par les auteurs ou les complices de tels actes. Elle craint que les enfants responsables d’actes de vandalisme ne soient plus sévèrement punis que les auteurs de violences et voudrait savoir par quels moyens un enfant peut signaler les actes de violence dont il a été victime à l’école et quelles sont les actions juridiques engagées en cas de plainte pour mauvais traitements.

La séance est suspendue à 11 h 23; elle est reprise à 11 h 54.

29.M me Bakang Mbock (Cameroun) explique que le Cameroun, pays à revenu moyen, se caractérise par une grande diversité culturelle en raison de son statut de terre d’accueil en Afrique. La prise en compte des différences est pour le Gouvernement un cheval de bataille et c’est une des causes du retard pris dans la publication des décrets d’application des lois; en effet, les législateurs doivent s’assurer que les différentes communautés ont été prises en considération. En outre, ils doivent tenir compte de l’évolution rapide de la société afin de mettre sur pied un système juridique à long terme.

30.Le document d’intégration de la politique du jeune enfant, validé en 2009 et couvrant la Convention relative aux droits de l’enfant, est fondamental car il donne cohérence à tous les processus engagés par les pouvoirs publics et dans le cadre de la coopération bilatérale et multilatérale. Le Ministère de l’économie et de la planification a remis au Gouvernement un rapport dans lequel il demande d’allouer des fonds à la mise en œuvre de cette politique.

31.Le Ministère des affaires sociales compte mettre en place une stratégie visant à augmenter le taux d’enregistrement des naissances, en régression ces dernières années, notamment dans les zones rurales. Lors de la Journée de l’enfant africain, une campagne de sensibilisation à l’importance de déclarer la naissance de son enfant a été menée au Cameroun, en coopération avec l’UNICEF. Les administrations publiques et privées ont été sensibilisées à cette question et les chefs traditionnels ont pour mission de relayer les informations à ce sujet dans les communautés les plus reculées. Le Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation a lancé une vaste opération de révision des procédures d’enregistrement.

32.Le Cameroun n’est pas épargné par le fléau de la violence dans les foyers, les communautés et les institutions, d’autant plus que la diversité culturelle donne lieu à des visions différentes de l’éducation à donner aux enfants. Le Gouvernement mène actuellement une réflexion sur la mise en place d’une stratégie visant à éduquer les parents à un comportement non violent envers leurs enfants.

33.Le Ministère des affaires sociales a demandé aux organisations internationales et non gouvernementales de mettre à sa disposition une base de données fiable sur le nombre de femmes victimes de mutilations génitales, pratiques secrètes et donc difficiles à documenter alors qu’elles sont préjudiciables aux femmes. La stratégie actuelle vise à sensibiliser la population au danger que représentent les mutilations.

34.Le Cameroun étant un pays d’accueil, le Gouvernement envisage de ratifier la Convention de l’ONU sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

35.Le Gouvernement juge important d’associer les guides d’opinion à l’élaboration des textes de loi et de mettre en œuvre des politique de sensibilisation et de prévention pour que les communautés s’approprient ces textes. C’est ainsi qu’il réussit à concilier droit civil et droit coutumier.

36.M me Kembo (Cameroun) indique que la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés est une autorité administrative indépendante dotée d’un budget propre et investie d’un mandat spécifique. Elle peut agir d’office lorsqu’elle est informée d’un cas de violation des droits de l’homme ou porter l’affaire à la connaissance du Ministère de la justice. Elle accompagne le Gouvernement dans son action de promotion et lui présente périodiquement un rapport contenant des propositions d’actions à mener.

37.M. Kotrane, préoccupé par la conformité de la Commission aux Principes de Paris et à l’Observation générale no 2 du Comité des droits de l’enfant sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant, demande quel est le degré d’indépendance de cet organe par rapport au pouvoir exécutif, si la représentante du Ministère de la justice qui siège dans cette Commission a une voix délibérative, si cet organe dispose d’un département consacré aux droits de l’enfant, et, le cas échéant, si ce département reçoit des plaintes émanant d’enfants ou de familles, s’il donne des avis concernant des cas de violation des droits de l’enfant et si ces avis sont suivis d’effets.

38.M. Gurán demande si, comme le Comité des droits de l’enfant l’a préconisé dans une précédente recommandation, un spécialiste des droits de l’enfant a été nommé au sein de la Commission pour traiter les affaires concernant des enfants et si le rapport établi par cet organe comprend une partie sur les droits de l’enfant.

39.M me Kembo (Cameroun) répond que les membres de la Commission sont nommés par décret du Président de la République mais que leur indépendance est garantie, que les représentants du Gouvernement siégeant à la Commission ne prennent pas part aux votes et que la Commission établit elle-même son plan de travail. La Commission, qui ne dispose pas d’une instance spécialisée en droits de l’enfant, se compose de deux sous-commissions, l’une s’occupant des droits civils et politiques, l’autre des droits économiques et sociaux. Ses avis sont pris en compte par le Ministère de la justice, qui engage, s’il y a lieu, des actions judiciaires.

40.La Présidente fait observer que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a, dans les observations finales qu’il a formulées récemment, mentionné un manque d’indépendance de la Commission.

41.M me Bakang Mbock (Cameroun) précise que les membres de la Commission prêtent serment devant la Cour suprême, pour garantir leur indépendance et leur équité dans les affaires dont ils seront chargés. Les plaintes pour violation des droits de l’homme déposées par des citoyens camerounais ou des ressortissants étrangers, adultes ou enfants, sont examinées par un membre de la Commission désigné à cet effet.

42.Le Parlement des enfants, institué en 1998 avec le concours de l’UNICEF, se tient chaque année. En 2009, 180 enfants députés se sont réunis plusieurs jours à l’Assemblée nationale pour poser des questions aux membres du Gouvernement et soulever des problèmes. Le Premier Ministre demande qu’un rapport soit établi chaque année afin de prendre en compte les préoccupations des enfants.

43.Au sujet de la définition de l’enfant, elle précise qu’il a été décidé d’adopter entièrement la définition figurant dans la Convention, à savoir qu’est considérée comme enfant toute personne de moins de 18 ans. Ce choix a été pris en compte dans le Code de protection de l’enfant et dans le Code de la famille, en cours d’élaboration.

44.Le Ministère des affaires sociales a organisé en 2005 un forum sur la solidarité nationale qui a traité de la problématique de la vulnérabilité, notamment de la petite enfance; les participants ont élaboré une matrice pour la mise en œuvre d’actions visant à garantir les droits des personnes vulnérables. Une des stratégies retenues a été le partenariat entre plusieurs mécanismes et départements ministériels. Des rencontres ont été organisées au niveau interministériel pour décider des actions phares à engager à moyen et à long terme. Cette matrice a permis de mener un certain nombre d’actions communautaires en partenariat avec les Ministères de l’enseignement et de la santé. Le Ministère de la communication a également été associé afin de promouvoir une appropriation et une plus large diffusion dans les médias des textes nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’enfant.

45.Le Ministère des affaires sociales a conclu en 2009 une convention avec l’Agence camerounaise des médias visant à ce que le quotidien officiel national, le Cameroon Tribune, réserve régulièrement une page aux informations relatives au renforcement des capacités des cibles et des partenaires des actions relatives aux droits de l’enfant, notamment en vue de favoriser un changement de comportement des citoyens.

46.Dans le secteur de l’éducation, le Ministère des affaires sociales a conclu une convention avec le Ministère de l’enseignement supérieur et le Ministère de l’enseignement secondaire (et bientôt avec le Ministère de l’éducation de base) qui porte sur un certain nombre d’activités à mener, notamment en vue de l’intégration dans l’enseignement des textes relatifs aux droits de l’enfant auxquels le Cameroun a souscrit. Des circulaires ont ensuite été envoyées à tous les collaborateurs sur le terrain pour contribuer au renforcement des capacités de toutes les parties prenantes.

47.Le principe de la non-discrimination en matière d’allocation budgétaire est effectivement important car toutes les activités que le Gouvernement entend mener dans le domaine des droits de l’enfant nécessitent non seulement des ressources humaines mais aussi des ressources matérielles. La première source de financement reste le budget de l’État et c’est pourquoi le Ministère des affaires sociales s’efforce de sensibiliser le Gouvernement pour qu’il octroie davantage de ressources budgétaires aux ministères sociaux. À ce propos, le budget de l’éducation de base est passé de 84 milliards de francs CFA en 2004 à près de 160 milliards en 2005 et les budgets de la santé et de l’enseignement secondaire ont également augmenté durant cette période.

48.S’agissant du budget axé sur les résultats, le Gouvernement a reçu pour instruction du Président de la République de moderniser l’administration camerounaise, de faire en sorte que les ministres soient des gestionnaires, et donc de définir des résultats et des stratégies pour les atteindre dans le cadre d’une vision nationale à long terme. Cette approche a été intégrée au document de stratégie de croissance et d’emploi. En outre, le Premier Ministre a lancé au niveau de tous les départements ministériels un programme de gestion axée sur les résultats, intégrant des mécanismes qui permettront d’établir en fin de période ce qui a été fait au regard du budget alloué.

49.Les ONG sont des partenaires de choix pour appuyer et accompagner la mission de l’État sur la base d’une approche participative. Les politiques de l’État sont mises en œuvre sur la base de consultations participatives qui prennent en considération tous les secteurs et toutes les régions du pays. Le Ministère des affaires sociales a recensé il y a deux ans près de 568 structures actives dans le domaine des droits de l’enfant. Le défi pour le Ministère est de renforcer les capacités de ces intervenants et il a besoin pour cela de ressources financières ainsi que de ressources humaines qualifiées. Il a donc aussi besoin des ONG et de leurs partenaires.

50.M me Aidoo (Rapporteuse pour le Cameroun) note avec satisfaction que la stratégie concernant le secteur de la santé pour la période 2010-2015 prévoit la participation des adolescents eux-mêmes, mais regrette l’insuffisance des informations fournies à ce sujet. Elle demande si les adolescents ont un accès confidentiel aux services de santé dans toutes les régions du pays, si les services pour adolescents sont ciblés afin de pouvoir répondre aux besoins de groupes particuliers comme les enfants des rues ou les enfants autochtones et s’il existe des programmes de santé ciblant ces groupes d’enfants. Elle souhaite connaître l’étendue du problème de l’abus de drogues et d’alcool chez les enfants et les adolescents dans l’État partie et savoir si des études ont été consacrées à ce problème et quelles stratégies l’État partie a adoptées en matière de conseil, de réadaptation et de réintégration des enfants touchés par ces problèmes.

51.Elle constate que certaines pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants persistent, en particulier les mutilations génitales féminines, le «repassage» (pression de la poitrine des adolescentes pour en limiter le développement) et les mariages précoces, même si elles n’ont cours que dans certaines parties du pays et se perpétuent en dépit des efforts de sensibilisation menés et de la coopération du Cameroun dans ce domaine avec les organismes spécialisés des Nations Unies. Elle demande quelles mesures entend prendre l’État partie pour éliminer à terme ces pratiques et en finir avec cette violation inacceptable des droits et de la dignité de l’enfant que condamne clairement la Charte africaine sur les droits et le bien-être de l’enfant, ratifiée par le Cameroun en 1997.

52.Elle constate avec étonnement que les chiffres du budget de l’éducation présentés par la délégation ne concordent pas avec ceux figurant dans les réponses écrites, ces dernières indiquant par exemple une baisse du budget alloué à l’éducation de base et à l’enseignement secondaire entre 2007 et 2008. Les taux de scolarisation des filles sont faibles dans le primaire et dans le secondaire et les disparités entre régions sont frappantes, en particulier pour quatre régions où les taux de scolarisation représentent environ 50 % de la moyenne nationale et où le taux de scolarisation des filles est de 25 à 30 %. Il serait donc utile de savoir quelles mesures le Cameroun entend prendre pour résorber ces disparités et, en outre, si une éducation aux droits de l’homme, en particulier aux droits de l’enfant, est dispensée dans le système éducatif camerounais.

53.M me Ortiz fait remarquer que les médias ont souvent pour sources d’information la police et l’appareil judiciaire alors que ces sources véhiculent souvent des préjugés à l’égard des enfants, notamment dans les termes employés qui ne reflètent pas la nouvelle conception de l’enfance que promeut la Convention et elle encourage donc l’État partie à redoubler d’efforts pour sensibiliser les médias à la terminologie appropriée.

54.Notant que le nombre d’enfants orphelins est très élevé au Cameroun, notamment en raison du sida, et qu’en cas de défaillance de la famille on a recours à des mesures temporaires ou permanentes de protection de remplacement, elle demande comment l’État partie organise les mesures temporaires, notamment ce qu’il fait pour éviter dans la mesure du possible de séparer l’enfant de sa famille, s’il a mis en place un dispositif pour orienter la famille vers les programmes existants d’aide sociale quand la cause du problème est le manque de ressources, et quels sont les structures et professionnels intervenant pour apporter appui et moyens quand le problème est lié à la violence, à l’alcoolisme ou à la maladie. Concernant les mesures permanentes, du type placement de l’enfant en institution, un décret prévoit un réexamen périodique des mesures de placement et elle aimerait donc savoir quelle instance procède à ce réexamen et sur quelle base. Elle demande s’il est déjà tenu compte des lignes directrices sur la protection de remplacement qu’a récemment adoptées l’Assemblée générale pour encadrer et contrôler les institutions de placement officielles ou non.

55.Elle souhaite par ailleurs savoir à quel point les populations autochtones participent à l’élaboration des programmes les concernant, si elles sont consultées lors de l’élaboration, de l’évaluation et de l’application de ces programmes, si les enfants autochtones y participent aussi et si les adolescents autochtones ont accès aux informations utiles de ces programmes en matière d’emploi, de formation et de santé.

56.M. Puras note que le Cameroun prévoit de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et a pris certaines initiatives en vue de promouvoir les droits des enfants handicapés. Comme il semble toutefois nécessaire de mettre davantage l’accent sur les services d’assistance au niveau de la famille et de la communauté ainsi que sur l’accès des enfants au système éducatif et aux formations professionnelles visant à les rendre plus autonomes, il demande si des mesures ont été prises dans ce sens et si les ONG, notamment les associations de parents ayant des enfants handicapés, sont parties à ce processus. Il souhaite savoir ce qui est fait pour améliorer la collecte des statistiques relatives aux enfants handicapés, indispensables à la formulation des politiques. Il est utile notamment de savoir combien d’institutions pour enfants handicapés compte le pays, combien d’enfants y sont placés et comment y est organisée la surveillance du respect de leurs droits.

57.En dépit des progrès accomplis dans le domaine de la santé infantile et maternelle, de nombreux enfants souffrent toujours de malnutrition et il serait donc bon que l’État partie donne de plus amples renseignements sur les programmes relatifs à la nutrition. Vu que les problèmes de santé de l’enfant peuvent en général être prévenus au moyen de services intégrés d’aide sociale et de santé privilégiant les soins primaires et que le Cameroun suit cette approche, il demande quels sont les principaux problèmes rencontrés dans sa mise en œuvre.

58.Au sujet du VIH/sida, dans le rapport de l’État partie il est indiqué que de nombreuses mesures ont été prises et que des ressources ont été affectées à l’accès au traitement et à la prévention de nouveaux cas, mais avec un succès limité; il serait donc utile de savoir quels enseignements ont été tirés de l’action menée et quels efforts sont envisagés pour continuer à faire face à cette épidémie.

59.Il accueille avec satisfaction l’engagement politique pris par le Cameroun de résoudre le problème des enfants des rues et demande de plus amples renseignements sur les mesures de base que le Gouvernement prévoit de prendre à cet effet, en particulier s’il envisage de créer une ligne d’assistance téléphonique pour ces enfants.

60.M. Kotrane, constatant que selon le rapport national sur le travail des enfants 41 % des enfants exercent une activité économique au Cameroun, demande quelles mesures l’État partie prévoit de prendre, comment fonctionne la coopération avec le Programme international pour l’abolition du travail des enfants et quels sont les autres partenaires du Cameroun dans ce domaine.

La séance est levée à 13 heures.