Nations Unies

CRC/C/SR.1587

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

25 janvier 2011

Original: français

Comité des droits de l’enfant

Cinquante- sixième session

Compte rendu analytique de la 1587 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 18 janvier 2011, à 15 heures

Président e: Mme Lee

Sommaire

Rapport initial de l’Afghanistan sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties

Rapport initial de l’Afghanistan sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/AFG/1; CRC/C/AFG/Q/1; CRC/C/AFG/Q/1/Add.1)

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation afghane reprend place à la table du Comité.

2.M me Herczog demande quelle stratégie a été mise en place pour prévenir les violences sexuelles dont sont victimes un grand nombre de fillettes ainsi que de nombreux jeunes gens dans les forces armées. Elle souhaite savoir quels professionnels ont une obligation de signalement en la matière, s’il existe une structure que les enfants peuvent saisir pour dénoncer ces actes et, le cas échéant, quelle suite est donnée à leurs plaintes. Enfin, relevant qu’il n’existe pas d’établissements spécialisés dans l’accueil des victimes de tels actes, elle demande si des programmes spécifiques de réinsertion dans la famille ou la communauté sont prévus.

3.M. Koompraphant voudrait savoir quelles mesures ont été prises pour protéger les fillettes contre les mariages forcés et les crimes d’honneur, et si des programmes de formation parentale ont été mis en place. Il souhaite aussi connaître les mesures prises pour protéger les victimes et les témoins dans le cadre des affaires de violence sexuelle.

4.M me Al-Asmar demande quel rôle le secteur privé joue dans la protection des droits de l’enfant, si la nouvelle loi sur l’enfance interdit expressément la pornographie mettant en scène des enfants, et quelles sont les activités culturelles offertes aux enfants.

5.M me Maurás Pérez voudrait savoir si l’État partie envisage de recueillir des données sur les adolescents, notamment sur leur état de santé, y compris en les consultant directement, afin d’avoir une meilleure idée de leurs conditions de vie et d’élaborer des programmes spécifiques.

6.Étant donné que la loi sur le statut personnel de la minorité chiite interdit aux femmes de se déplacer sans être accompagnées d’un mahram, il serait utile de savoir si des dérogations sont envisagées, ce qui permettrait notamment aux femmes d’avoir accès aux services de santé de manière confidentielle. La délégation pourrait aussi donner des précisions sur le taux d’infection au VIH/sida des adolescents, et plus particulièrement des adolescentes qui sont souvent contraintes de se marier avec des hommes beaucoup plus âgés. Enfin, elle pourrait fournir un complément d’information sur la toxicomanie des jeunes, et indiquer si un plan de prévention.

7.M me Varmah, déplorant que les quelque 1700 enfants vivant avec leur mère en prison n’aient pas accès à l’éducation et aux services de santé et doivent partager la ration alimentaire de leur mère, demande si l’État partie entend prendre des mesures pour que les enfants de plus de 7 ans soient placés dans des structures d’accueil, ce qui leur garantirait de meilleures conditions de vie.

8.La Présidente fait observer que, bien que l’État partie ait adopté le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel, il y a encore des publicités à la télévision pour du lait en poudre. Elle souligne que, compte tenu du taux particulièrement alarmant de mortalité infantile, des mauvaises conditions d’hygiène, de l’accès restreint à l’eau potable et de la pénurie de personnel de santé, il serait urgent que l’État partie veille au respect de ce code.

9.La délégation afghane pourrait expliquer pourquoi la loi sur l’élimination de la violence contre les femmes, qui constitue pourtant une grande avancée, ne punit les crimes d’honneur que d’une peine de deux ans d’emprisonnement. Elle pourrait aussi donner son point de vue sur les allégations selon lesquelles la loi sur le statut personnel sur la minorité chiite légitime des pratiques discriminatoires à l’égard des femmes.

10.M. Hashimzai (Afghanistan) dit que les mariages forcés sont interdits par la loi sur l’élimination de la violence contre les femmes − que la victime soit majeure ou non − et que quiconque contraint autrui à se marier s’expose à une peine de deux ans d’emprisonnement.

11.Les dispositions de la loi sur le statut personnel de la minorité chiite qui étaient contraires aux normes internationales et notamment au droit international des droits de l’homme ont été supprimées. La délégation afghane prend bonne note de ce que l’article obligeant les femmes à être accompagnées par un proche lors de leurs déplacements publics peut entraver l’accès de ces dernières aux soins de santé, et en fera part aux autorités compétentes en vue de l’éventuel retrait de cette disposition.

12.M. Filali fait observer que, bien que les mariages forcés soient interdits par la loi sur l’élimination de la violence contre les femmes, la charia autorise le mariage des jeunes filles dès lors qu’elles sont pubères. Il demande comment l’État partie parvient à concilier ces deux sources de droit.

13.M. Hashimzai (Afghanistan) dit que les tribunaux appliquent le droit écrit et que ce n’est qu’en l’absence de disposition écrite qu’ils se tournent vers d’autres sources de droit.

14.Le placement en détention de mineurs n’est ordonné qu’en dernier recours, en cas de crime ou de délit grave, et le juge cherche toujours une solution de remplacement, comme le placement dans un établissement ouvert.

15.M me Burhani (Afghanistan) dit que le Ministère de la santé publique associe les différents partenaires à la mise en œuvre des politiques de santé, notamment par l’intermédiaire du groupe consultatif sur la santé et la nutrition, qui se réunit deux fois par mois. Il a en outre élaboré un plan stratégique destiné à élargir la couverture sanitaire, qui a pour objectif de permettre à toute personne d’accéder à des services de santé en moins de trois heures de marche. Quelque 2 800 sages-femmes ont été formées au cours des huit dernières années et 800 sont en cours de formation, mais il en faudrait encore environ 5 500 supplémentaires.

16.L’Afghanistan compte environ un million de toxicomanes, dont 60 000 à 100 000 seraient des mineurs. Des mesures de prévention ont été mises en œuvre et une cinquantaine de centres et un hôpital spécialisé prennent en charge les personnes dépendantes.

17.Le Ministère de la santé publique recommande l’allaitement au sein exclusif et les médias qui font la promotion du lait en poudre sont rappelés à l’ordre par les autorités sanitaires.

18.Dans le cadre de la nouvelle stratégie en faveur de la santé, des comités chargés de la santé des enfants et des adolescents se réunissent deux fois par an. Les femmes âgées de 15 à 49 ans ont désormais accès à des services de santé de la procréation. Enfin, la loi sur l’élimination de la violence contre les femmes rend passible d’une peine de six mois d’emprisonnement quiconque empêche une femme de se rendre dans un centre de santé.

19.On estime à 1 500 le nombre de séropositifs dans le pays, dont 665 seraient des adolescents. Un programme axé sur la prévention, la sensibilisation et une prise en charge thérapeutique est en cours d’exécution.

20.M. Puras demande quelles mesures le Gouvernement afghan entend prendre pour éviter que, dans le contexte de l’élimination des cultures d’opium, les familles endettées privées de ce revenu ne vendent leur enfant pour payer leurs dettes.

21.M. Hashimzai (Afghanistan) dit que, d’une manière générale, la stratégie de lutte contre le narcotrafic fonctionne bien grâce aux mesures incitatives dont bénéficient les régions qui éliminent les cultures d’opium. Ce n’est pas le cas dans les provinces du sud du pays aux mains des forces antigouvernementales, sur lesquelles le Gouvernement afghan n’a pas prise.

22.En vertu d’un décret présidentiel récent, les enfants vivant dans un établissement pénitentiaire avec leur mère ont désormais droit à une ration alimentaire complète, et ceux de plus de 7 ans sont scolarisés à l’extérieur dudit établissement.

23.M me Jamal (Afghanistan) explique que le faible taux de scolarisation des filles n’est pas seulement imputable à des facteurs et obstacles culturels mais aussi à la forte insécurité qui règne dans le pays et à la pauvreté qui empêchent les parents d’acquérir le matériel scolaire et les uniformes.

24.Elle reconnaît que l’impunité pour les crimes graves est un problème majeur en Afghanistan. La guerre qui a ravagé le pays pendant trois décennies et l’effondrement des structures étatiques a favorisé ce type de dérives.

25.La Police nationale afghane figurant dans la liste des parties qui recrutent ou utilisent des enfants, publiée en annexe au rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés de 2010, l’État a pris des mesures résolues pour remédier à ce problème. Ainsi, un comité directeur composé de neuf vice-ministres a été constitué; il a mis sur pied un plan d’action dont l’objectif est d’informer et de sensibiliser les jeunes. L’Équipe spéciale de l’ONU sur place sera ensuite associée aux efforts de prévention et sera chargée de faire rapport sur l’évolution de la situation au Conseil de sécurité.

26.Les enfants victimes de violence ou contraints de quitter le domicile familial peuvent trouver refuge dans des foyers gérés par le Ministère de la justice, le Ministère des questions féminines ou des ONG. Il est néanmoins regrettable qu’il n’y ait pas de stratégie de prise en charge de ces mineurs au-delà de six mois ou une année, faute de ressources.

27.La Commission des droits de l’homme est un organe entièrement indépendant, qui ne reçoit pas de fonds de donateurs et ne fait l’objet d’aucune ingérence du Gouvernement. Elle coordonne un système d’enregistrement et d’orientation des dossiers, qui sont ensuite confiés aux différents organismes publics concernés.

28.M. Muhmand (Afghanistan) indique qu’une stratégie nationale de protection des enfants, qui met notamment l’accent sur la lutte contre le travail des enfants, a été adoptée en 2006. En 2009, l’Afghanistan a ratifié la Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants et la Convention no 138 sur l’âge minimum. Pour promouvoir le respect des dispositions de ces instruments, le Ministère du travail et des affaires sociales et les organisations partenaires ont lancé des campagnes de prévention contre le travail des enfants et organisé des ateliers dans les différentes provinces du pays. Le Réseau d’action pour la protection de l’enfance est actif dans 28 provinces et s’occupe aussi de coordonner la lutte contre le travail des enfants.

29.Selon une étude récente, 1,2 million d’enfants travailleraient en Afghanistan. Pour remédier à cette situation, l’État a mis en place divers programmes d’appui à la famille, des mesures de soutien aux enfants victimes et un service d’offres d’emploi pour les parents. Un mécanisme d’éducation accélérée a été mis sur pied à l’intention des enfants des rues, en coopération avec le Ministère de l’éducation. Les enfants placés en orphelinat sont aussi scolarisés. Les efforts de lutte contre le travail des enfants portent surtout sur les travaux particulièrement pénibles ou dangereux.

30.La Présidente aimerait savoir dans quelles conditions et à quel niveau se prend la décision de placer un enfant en orphelinat.

31.M. Zermatten note qu’il ne faut pas assimiler enfants des rues et enfants qui travaillent: le nombre d’enfants contraints de travailler en Afghanistan est largement supérieur à celui des enfants des rues et ce problème exige des mesures ciblées. Il demande quelle instance est chargée de contrôler les employeurs et de coordonner les enquêtes, et si les enfants victimes savent vers qui se tourner pour porter plainte.

32.M. Muhmand(Afghanistan) indique que le Ministère du travail et des affaires sociales, avec le concours de l’UNICEF, a mis en place des programmes de réinsertion des orphelins. À ce jour, plusieurs centaines d’entre eux ont été accueillis par des membres de leur famille élargie. L’UNICEF offre aussi une assistance technique pour améliorer le sort des enfants des rues et a contribué à l’élaboration d’une stratégie dans ce domaine. Les efforts doivent porter en particulier sur les enfants rendus orphelins par la guerre et contraints de travailler pour assurer leur subsistance.

33.M me Mostafavi (Afghanistan) dit que la question des crimes d’honneur est un problème épineux pour les autorités religieuses d’Afghanistan. Il est très difficile pour les jeunes filles victimes d’un viol d’être acceptées par leur famille; c’est pourquoi les services compétents organisent des rencontres de médiation entre la famille et la victime. Il est regrettable que la plupart des cas de violence contre les femmes, surtout en milieu rural, ne soient pas dénoncés et l’État est conscient que les statistiques disponibles ne reflètent pas la réalité.

34.Pour combattre la violence sexiste, des campagnes de sensibilisation, des ateliers et des séminaires ont été organisés. Des formations sont dispensées aux forces de police, au personnel de justice et aux membres du Bureau du Procureur général.

35.Le Ministère des affaires féminines a mis sur pied un plan d’action relatif aux droits des femmes et des enfants qui fera l’objet d’une évaluation et d’un suivi réguliers. Il a aussi signé récemment un mémorandum d’accord avec l’organisation Women for Women pour que les enfants ne soient plus placés en détention avec les adultes.

36.M. Arian (Afghanistan) dit que le Ministère de l’éducation a formulé un nouveau plan stratégique quinquennal en vue d’améliorer le système éducatif. Dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement, il est prévu d’atteindre d’ici à cinq ans, un taux de scolarisation de 60 % pour les filles et de 75 % pour les garçons mais il se peut que les objectifs doivent être revus à la baisse en raison du manque de ressources. L’Afghanistan espère pouvoir bénéficier d’une aide accrue de l’initiative Fast Track − Éducation pour tous (FTI) afin d’être à même d’atteindre les OMD.

37.Le taux de scolarisation varie énormément d’une province à une autre, aussi le plan d’action prévoit-il d’accorder davantage de ressources financières aux provinces les plus démunies, en vue de la construction d’écoles et de la formation d’enseignants. Pour remédier à la pénurie de personnel enseignant féminin, qui explique en partie le fort taux d’abandon scolaire chez les filles, le Ministère de l’éducation a décidé d’implanter des centres de formation dans toutes les provinces et d’encourager les vocations féminines en proposant des mesures d’incitation aux jeunes femmes, en particulier dans les régions rurales. Actuellement, les femmes représentent 30 % du corps enseignant. Un nouveau département consacré à l’éducation des filles a été institué au sein du Ministère de l’éducation.

38.Pour lutter contre le problème de la corruption dans les écoles, les proviseurs sont tenus de rendre des comptes à l’autorité de contrôle, dans le cadre d’un système de surveillance et de suivi de la bonne administration des établissements scolaires. En 2007, le Ministère de l’éducation a créé un mécanisme visant à assurer la sécurité des élèves et des enseignants et permettant à ceux-ci de porter plainte en cas de violence ou de corruption. La plainte est ensuite transmise aux services compétents qui, le cas échéant, portent l’affaire devant les tribunaux.

39.Dans le cadre des programmes scolaires, des heures de cours sont consacrées aux droits de l’homme, à la lutte contre les stupéfiants, au VIH/sida et aux questions féminines. Toutes ces matières font l’objet d’un examen.

40.Le financement de l’éducation et des programmes de développement pose d’importants problèmes à l’Afghanistan, qui dépend à cet égard de l’aide de la communauté internationale. L’insécurité, l’éparpillement des villages et les séquelles de trente années de guerre rendent difficile la réalisation des objectifs fixés en matière d’éducation. Le Gouvernement, les collectivités locales et les parents s’emploient énergiquement à mettre en place un système d’enseignement de qualité et sont reconnaissants envers la communauté internationale pour l’aide apportée à cette fin.

41.M. Krappmann (Rapporteur pour l’Afghanistan) aimerait en savoir plus sur la participation des enfants à la vie de l’école et se demande si leurs opinions concernant le fonctionnement de l’école et les méthodes d’apprentissage sont prises en considération. Des méthodes d’apprentissage interactives sont-elles appliquées?

42.La Présidente souhaiterait avoir des précisions sur les modalités de participation des enfants à l’élaboration des programmes scolaires.

43.M. Arian (Afghanistan) indique que la loi relative à l’éducation dispose que chaque école doit avoir une choura, dont font partie les parents, les élèves et les anciens de la communauté. Cette choura s’emploie à accroître le nombre d’enfants scolarisés, se penche sur les moyens d’améliorer l’établissement scolaire, décide de l’affectation des fonds par le Ministère de l’éducation et contrôle la qualité de l’enseignement dispensé.

44.Les autorités attachent une grande importance à la participation de toutes les parties concernées à l’élaboration des programmes scolaires. Dans le cadre de l’élaboration de nouveaux programmes, les parents, les élèves et les enseignants ont été consultés sur la teneur de ces programmes et sur les filières d’enseignement qu’il convenait de mettre en place. Ces nouveaux programmes sont fondés sur des méthodes d’enseignement interactives qui favorisent la participation active des enfants tout au long du processus d’apprentissage. Enfin, tout nouveau manuel scolaire fait l’objet d’un essai pilote au terme duquel l’avis des enseignants et des élèves est recueilli en vue d’apporter les modifications nécessaires.

45.M. Krappmann (Rapporteur pour l’Afghanistan) rappelle qu’un nombre important d’enseignants ne sont pas formés et demande comment les autorités entendent remédier à ce problème.

46.M. Arian (Afghanistan) indique qu’une formation en cours d’emploi comportant quatre cours a été dispensée à plus de 100 000 enseignants. Pour ce qui est de la stratégie mise en œuvre à plus long terme, le réseau des établissements de formation des enseignants a été étendu à l’ensemble des provinces, et des centres d’appui à la formation des enseignants sont mis en place dans chaque district. Des enseignants spécialisés dans diverses matières sont également formés dans les universités. En outre, le salaire des enseignants a été considérablement relevé pour tous les niveaux de qualification.

47.La Présidente demande si un système d’alerte a été mis en place, conformément aux recommandations de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés.

48.M. Hashimzai (Afghanistan) indique que le Ministère de la défense et le Ministère de l’intérieur se sont engagés à ne pas employer de personnes âgées de moins de 18 ans. Cependant, le problème du recrutement d’enfants par des groupes d’opposants et des groupes armés persiste.

49.Les liens familiaux sont très étroits en Afghanistan et, de ce fait, la famille, y compris la famille éloignée, est la première à intervenir en cas de maltraitance d’enfant. De même, le village dans son ensemble veille au bien-être de l’enfant. Il existe un système de justice non officiel auquel il est fait appel pour régler diverses questions, en particulier les questions qui touchent les enfants. Le Ministère de la justice élabore actuellement une loi qui établira un lien entre la justice non officielle et les tribunaux et permettra à ceux-ci de contrôler que les décisions prises sont conformes à la loi et ne sont pas contraires aux intérêts des femmes et des enfants concernés et, le cas échéant, de les annuler.

50.M me Ortiz relève que nombre d’enfants sont considérés comme orphelins alors qu’ils ont une mère, laquelle peut être célibataire, veuve ou divorcée, ce qui constitue un motif suffisant pour placer l’enfant en institution ou le confier à une autre famille. Elle demande si cette question fait l’objet d’un débat au sein de la communauté et s’il est envisagé de modifier certaines pratiques traditionnelles pour éviter que des enfants ne soient privés de milieu familial.

51.M. Hashimzai (Afghanistan) explique que, dans les villages, lorsqu’un enfant est abandonné ou qu’il perd ses parents, les habitants se réunissent immédiatement et, s’il a une famille, même éloignée, il lui est confié; lorsqu’il n’a pas de famille, il est aisé de lui trouver un tuteur. Dans les villes, cependant, lorsque l’enfant n’a plus de famille, le placement en institution est bien souvent la seule possibilité.

52.M. Citarella souhaite savoir quelle est la compétence des personnes qui prennent des décisions dans le cadre du système de justice non officielle. Sont-elles habilitées à se prononcer sur des questions civiles qui concernent les enfants, telles que le divorce ou la séparation? Leurs décisions ont-elles force obligatoire?

53.M. Hashimzai (Afghanistan) dit qu’il n’y a pas de règle définie en la matière. Les normes appliquées sont les normes locales. La loi qui est en cours d’élaboration fournira des orientations aux institutions locales. La justice non officielle, malgré les difficultés qui y sont liées, présente l’avantage d’être accessible, rapide et acceptée par tous.

54.Les cas d’enfants dont la mère n’est pas en mesure de s’acquitter de ses responsabilités sont toujours examinés par les tribunaux qui privilégient systématiquement des solutions autres que le placement en institution et n’ont recours à celui-ci qu’en dernier ressort.

55.M me Ortiz demande si l’État partie envisage d’adopter une loi sur l’adoption.

56.M. Hashimzai (Afghanistan)indique que la loi afghane ne reconnaît pas l’adoption mais qu’elle prévoit la possibilité qu’une personne prenne en charge un enfant.

57.M. Gurán dit qu’une telle prise en charge est très différente de l’adoption, notamment en ce qui a trait aux droits respectifs des parents et des enfants.

58.M. Hashimzai (Afghanistan)dit que le droit musulman ne reconnaissant pas l’adoption, le Code civil prévoit un autre type de prise en charge et en détaille les modalités. La personne qui souhaite prendre en charge un enfant s’engage à s’occuper de lui pour une durée illimitée et sera responsable de son éducation et de sa formation. Le juge, en se fondant sur des normes, évalue la capacité de la personne à s’acquitter de ses obligations et s’assure de ce qu’elle satisfait les conditions requises.

59.M. Filali dit que le système décrit par M. Hashimzai est celui de la kafalah, qui est reconnu par la Convention.

60.M. Hashimzai (Afghanistan) dit que, avec l’aide du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), toutes les lois afghanes relatives à la justice pour mineurs ont été mises en conformité avec la Convention. Le Code des mineurs n’est pas appliqué dans certaines provinces en raison d’un manque de ressources mais, dans tout le pays, des juges et des procureurs reçoivent une formation aux dispositions de la Convention. De plus, il existe des services de police spécialement chargés de traiter les affaires dans lesquelles des enfants sont impliqués.

61.Les peines privatives de liberté ne sont appliquées aux mineurs qu’en dernier recours et les centres de détention pour mineurs, placés sous la supervision du Ministère de la justice, sont en conformité avec les normes internationales. Les mineurs y reçoivent une formation professionnelle en vue de leur réinsertion dans la société et ont accès à des services de santé. Toutefois, dans certaines provinces, les mineurs sont encore détenus dans des centres de détention pour adultes, notamment à Kandahar.

62.Pour le moment, les mineurs n’ont pas la possibilité d’exécuter leur peine en milieu ouvert car il est difficile pour leurs parents de les amener le matin et de venir les chercher le soir, mais le Ministère de la justice étudie la possibilité de mettre en œuvre des mesures de substitution à la détention, voire de créer des centres de jour.

63.M. Zermatten demande lequel des deux textes, du Code des mineurs ou de la loi relative aux enquêtes sur les infractions commises par des mineurs, est appliqué aux mineurs en conflit avec la loi et quelle est la différence entre les centres de réadaptation et les centres de redressement. Il souhaiterait aussi des précisions sur la question de la séparation des mineurs et des adultes dans les prisons, notamment en ce qui concerne les filles. Il souhaite savoir pourquoi des sanctions pénales sont appliquées pour des comportements irréguliers qui ne constituent pas des infractions, comme le fait pour une fille de vouloir échapper à un mariage forcé, ou lorsqu’une personne est victime d’un viol.

64.M. Hashimzai (Afghanistan) dit que la loi sur les centres de redressement pour mineurs, qui prévoit des mesures de réadaptation pour les délinquants mineurs en vue de leur réinsertion sociale, la loi relative aux enquêtes sur les infractions commises par des mineurs et le Règlement relatif aux centres de réadaptation pour mineurs sont trois textes distincts, conformes aux dispositions de la Convention. En cas de comportement irrégulier, aucune mesure de détention n’est appliquée. Lorsque, par exemple, un enfant ne va pas à l’école ou s’enfuit de chez lui, le problème n’est pas géré par la police, mais par les mollahs, les aînés ou d’autres membres de la communauté.

65.La Présidente demande quels types de «comportement irrégulier» justifient l’intervention du système de justice pénale.

66.M. Hashimzai (Afghanistan) dit que les enfants qui sont utilisés par la mafia, notamment pour transporter de la drogue, relèvent du système pénal mais ne sont condamnés qu’à des peines légères.

67.M. Citarella demande quelle autorité autre qu’un juge peut décider de placer un enfant en centre de redressement et si, pour l’application des peines, on établit une distinction entre les enfants selon leur âge.

68.M. Hashimzai (Afghanistan) dit que les centres de redressement ne sont pas des prisons et que le terme «redressement» signifie que les enfants bénéficient d’une réadaptation et d’une formation. L’âge de la responsabilité pénale est fixé à 12 ans. Avant cet âge, ce sont les parents qui répondent des actes de leurs enfants.

69.M. Zermatten demande où sont détenus les délinquants mineurs qui attendent d’être jugés, quelles sont leurs conditions de détention et quelle est la durée maximale de la détention provisoire. Il voudrait aussi des informations sur les brutalités policières et la torture dans les postes de police et demande si, dans la pratique, les enfants bénéficient de l’assistance d’un avocat lorsqu’ils sont arrêtés, placés en détention provisoire ou présentés devant un tribunal.

70.M. Hashimzai (Afghanistan) dit que les centres de détention pour mineurs comportent des locaux distincts pour les enfants placés en détention provisoire pendant l’instruction de leur affaire. Le procureur dispose de deux semaines pour examiner l’affaire. Si ce délai s’avère insuffisant, le tribunal peut autoriser la prolongation de la détention provisoire pour deux semaines supplémentaires au terme desquelles, si le procureur n’a pu aboutir à une conclusion probante, le suspect doit être libéré.

71.La torture est interdite par la Constitution. Les actes de torture qui sont signalés donnent lieu à une enquête et à des poursuites. Le juge a l’obligation de s’assurer que les aveux d’un enfant placé en détention provisoire n’ont pas été obtenus par la contrainte physique ou psychologique.

72.L’assistance judiciaire est fournie par le Département de l’aide juridictionnelle et par de nombreuses ONG. L’avocat peut être présent dès le début de l’enquête et jusqu’au prononcé de la condamnation. Des programmes d’aide juridictionnelle subventionnés par la Banque mondiale sont mis en œuvre.

73.M. Filali demande quelle est la peine maximale applicable à un mineur, si l’Afghanistan s’est doté d’une législation antiterroriste et, dans l’affirmative, ce que cette législation prévoit pour les mineurs en termes de poursuites, de sanctions, de réadaptation sociale et d’éducation et si des services de réadaptation sont prévus pour les victimes.

74.M. Hashimzai (Afghanistan) dit qu’il arrive que des enfants soient utilisés par des forces antigouvernementales pour participer à des activités terroristes. Lorsqu’ils sont arrêtés, ces enfants peuvent être placés dans des centres de détention pour mineurs. Les sanctions qui leur sont appliquées sont égales à la moitié de celles encourues par les adultes.

75.M. Muhmand (Afghanistan)dit que le Ministère du travail et des affaires sociales a créé plus de 500 postes de travailleurs sociaux, dont un certain nombre interviennent dans les centres de redressement et de réadaptation pour mineurs dans le cadre d’une coopération avec le Ministère de la justice. Ces travailleurs sociaux assurent également un suivi de l’enfant après sa libération et son retour dans sa famille.

76.La Présidente demande à qui peut s’adresser un enfant qui a subi des violences sexuelles, et notamment si la Commission indépendante des droits de l’homme est habilitée à recevoir des plaintes émanant d’enfants, comment sont traitées de telles plaintes et quels types de services peuvent être immédiatement offerts à l’enfant victime.

77.M me Mostafavi (Afghanistan) dit que les enfants victimes de violences sexuelles ne portent en général pas plainte car cette question est taboue et les victimes ont honte. Les rares cas signalés sont communiqués au Ministère des affaires féminines, à la Commission indépendante des droits de l’homme et à des ONG qui apportent une aide aux victimes de violences sexuelles. Le Ministère des affaires féminines fournit aux victimes un hébergement, une assistance juridique et, en coopération avec le Ministère de la santé, des soins de santé.

78.M. Hashimzai (Afghanistan) ajoute que les chouras sont très actives aux niveaux des villages, des districts et des provinces et règlent en général elles-mêmes ce genre de problèmes. La Commission indépendante des droits de l’homme, qui a des bureaux dans les provinces, peut communiquer à la police les cas de violences sexuelles qui sont portés à sa connaissance.

79.M. Krappmann (Rapporteur pour l’Afghanistan) dit que, bien que soumis très en retard, le rapport initial de l’Afghanistan témoigne de la volonté des autorités d’œuvrer en faveur des droits de l’enfant. Le Comité espère que l’Afghanistan établira désormais régulièrement des rapports périodiques sur la mise en œuvre de la Convention. Les informations apportées par la délégation afghane ont permis au Comité de prendre la mesure des avancées réalisées dans le domaine des droits de l’enfant et de recenser les problèmes et les lacunes auxquels il faudrait remédier. Le Comité indiquera dans ses observations finales les actions qui devraient être entreprises pour que les droits de l’enfant soient pleinement respectés. La situation des femmes et des filles en particulier doit être améliorée et des mesures de lutte contre la violence, notamment la violence sexuelle, sont nécessaires. Il conviendrait aussi de renforcer la coordination entre les très nombreuses lois, politiques et stratégies qui ont été adoptées, ainsi que le contrôle de leur mise en œuvre. Le Comité recommande fortement au Gouvernement afghan de collaborer avec la société civile en vue de la pleine mise en œuvre de la Convention.

80.M. Hashimzai (Afghanistan) dit qu’il ne faut pas oublier qu’il y a dix ans, il n’y avait en Afghanistan ni appareil judiciaire ni système de gestion des affaires publiques. Beaucoup a déjà été fait, mais il faudra encore du temps et d’importantes ressources pour surmonter les difficultés qui font obstacle à la pleine application de la Convention. Les autorités sont fermement déterminées à incorporer toutes les dispositions de la Convention dans la législation nationale et à mettre en place un mécanisme de coordination qui facilitera l’application de la législation et le suivi de la mise en œuvre de la Convention. M. Hashimzai remercie le Comité pour les conseils prodigués et ajoute que l’UNICEF a toute la reconnaissance des autorités afghanes pour l’aide précieuse qu’elle apporte pour la formulation des lois et sur le terrain, tout comme la Norvège et la Suède, qui fournissent au Gouvernement une assistance dans le domaine de la protection de l’enfance.

81.La P résidente dit que les autorités afghanes peuvent compter sur le Comité pour l’aider à mettre en œuvre les dispositions de la Convention. Elle encourage l’État partie à soumettre dans les meilleurs délais le rapport initial sur la mise en œuvre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et le rapport initial sur la mise en œuvre du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés. Elle encourage également le Gouvernement afghan à accélérer le processus de ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

La séance est levée à 17 h 55.