Nations Unies

CRC/C/SR.1531

Convention relativeaux droits de l’enfant

Distr. générale

24 juin 2010

Original: français

Comité des droits de l’enfant

Cinquante-quatrièmesession

Compte rendu analytique de la 1531e séance (Chambre B)

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 4 juin 2010, à 15 heures

Président: M. Zermatten (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Troisième rapport périodique de la Tunisie sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (suite)

La séance est ouverte à 15heures.

Examen des rapports soumis par les États parties (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de la Tunisie sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/TUN/3; liste de points à traiter (CRC/C/TUN/Q/3); réponses écrites de l’État partie à la liste de points à traiter (CRC/C/TUN/Q/3/Add.1); document de base (HRI/CORE/1/Add.46)) (suite)

Sur l’invitation du Président, la délégation tunisienne reprend place à la table du Comité.

2.M. Pollar voudrait savoir si des mesures concrètes ont été adoptées pour prévenir la consommation de drogues et de tabac et quelles dispositions sont prises pour réduire le nombre de décès dus à des accidents de la route.

3.Relevant que les enfants qui abandonnent l’école risquent de travailler dans le secteur informel, il demande s’ils bénéficient de mesures de protection spéciales.

4.MmeMaurás Pérez souhaiterait avoir plus d’informations sur la stratégie d’information et d’éducation mise en place pour sensibiliser les adolescents aux questions de santé mentale et de santé procréative et aux comportements à risques. Elle voudrait en particulier savoir si cette stratégie est intégrée dans le programme scolaire et si elle vise toutes les écoles et tous les niveaux d’enseignement et connaître la proportion d’adolescents qui en bénéficient réellement. Elle demande également si, lors des séances d’information, les filles sont séparées des garçons afin qu’elles puissent recevoir des informations plus ciblées et poser des questions en toute confiance. À cet égard, il serait intéressant de savoir sur quels sujets portent les questions qui sont posées, par exemple la violence familiale ou les relations sexuelles entre personnes du même sexe. Mme Maurás Pérez dit espérer que les mineurs qui ont des relations homosexuelles n’encourent pas de sanctions pénales.

5.Elle demande si les nombreux services de consultation médicale ouverts entre 2003 et 2006 ont été établis à l’intérieur des établissements scolaires et, si tel est le cas, comment les enfants non scolarisés sont sensibilisés aux questions relatives à la santé.

6.Elle souhaiterait obtenir davantage d’informations sur la consommation de tabac et de drogues chez les jeunes et s’étonne que l’État partie maintienne les dispositions relatives à l’héritage, qui sont discriminatoires à l’égard des femmes, alors qu’il affiche sa volonté d’éliminer les discriminations fondées sur le sexe.

7.M. Krappmann, rappelant que le Comité estime que l’interdiction du voile islamique dans les écoles et les universités est contraire à la réalisation des droits culturels et religieux et à l’exercice de la liberté d’expression, aimerait connaître l’avis de la Tunisie sur cette question.

8.Le Président relève avec étonnement que le paragraphe 285 du rapport périodique fait référence à des «infractions à caractère social et familial» − ce que le Comité appelle des «délits d’état» −, à savoir des actes qui ne sont pas punis lorsqu’ils sont commis par des adultes, et renvoie à cet égard au paragraphe 8 de l’Observation générale no 10 du Comité, selon lequel de tels actes ne devraient pas tomber sous le coup de la loi pénale. Il demande si l’État partie envisage de mettre un terne à cette pratique.

9.Il voudrait savoir si les enfants en conflit avec la loi bénéficient systématiquement d’une assistance juridique au-delà de la première audience.

10.Il invite la délégation à préciser le nombre de peines de privation de liberté prononcées par les juges, étant donné que des mesures de substitution comme les travaux d’intérêt général ou la liberté surveillée n’ont pas encore été mises en place, et que la médiation n’a pas donné les résultats escomptés. Il demande si l’Observatoire a enquêté sur les condamnations prononcées par les juges spécialisés et quelle est la durée maximale de la peine privative de liberté encourue par un mineur.

11.La délégation pourrait peut-être indiquer combien de mineurs ont été placés en détention préventive ces dernières années et s’ils ont été placés dans des pavillons réservés aux enfants.

12.Il serait intéressant de savoir si les jeunes placés dans des centres de rééducation peuvent travailler à l’extérieur et s’ils peuvent rentrer de temps à autre dans leur famille. La délégation voudra bien indiquer aussi par quel système ces centres sont contrôlés.

13.Le taux de récidive étant élevé, il serait utile de savoir si l’État partie envisage d’évaluer, au bout de quinze années d’application de la loi, l’efficacité des dispositions en vigueur et, le cas échéant, de les réviser.

14.MmeVarmah(Rapporteuse pour la Tunisie) aimerait savoir si la modification de l’article 319 du Code pénal prend en compte l’article 24 du Code de protection de l’enfant, qui porte sur les mauvais traitements.

15.MmeJaber (Tunisie) indique que le Gouvernement s’efforce de réduire les disparités régionales en mettant en œuvre une politique socioéconomique en faveur des régions, fondée sur des cartes de priorités sectorielles. Il a ainsi adopté des mesures fiscales et financières visant à encourager les investissements et à créer des sources de revenus pour que les populations restent dans leur région d’origine. Des programmes de microcrédit gérés par des associations de développement intégré ont également été lancés dans ce même but. Enfin, des fonds publics ont été alloués aux Conseils régionaux des régions les plus défavorisées afin de financer la réalisation de projets intégrés.

16.Jusqu’à l’âge de 6 ans, les enfants abandonnés sont accueillis dans des institutions relevant du Ministère des affaires sociales. Entre 6 et 18 ans, et au-delà s’ils étudient, ils sont pris en charge par des institutions publiques appelées «centres intégrés de la jeunesse et de l’enfance», jusqu’à ce qu’ils puissent assurer leur indépendance. Ils peuvent aussi être placés dans des familles d’accueil.

17.Dans les centres intégrés de la jeunesse et de l’enfance, ils sont suivis par des éducateurs spécialisés, des psychologues et des assistants sociaux. Un programme est en cours d’élaboration avec l’UNICEF pour que chaque enfant bénéficie, dès son placement dans le centre, d’un projet d’intégration qui lui permettra d’assurer son indépendance.

18.M. Boubakr (Tunisie) explique que les enfants lourdement handicapés sont accueillis dans des institutions spécialisées qui relèvent du Ministère des affaires sociales et qu’un programme d’intégration scolaire est mis en œuvre pour permettre aux enfants présentant un handicap léger de suivre une scolarité normale et de s’insérer dans la société. Ce programme prévoit l’ouverture de classes intégrantes, la formation spécialisée d’enseignants afin qu’ils puissent adapter leur pédagogie aux besoins des enfants handicapés, l’élaboration de programmes spéciaux et l’aménagement des espaces pour les rendre accessibles aux élèves à mobilité réduite. Sur les quelque 7 500 enfants souffrant d’un handicap léger, 6 000 suivent une scolarité normale, et près de 1 500 sont scolarisés dans des classes intégrantes.

19.MmeMaurás Pérez demande si certains de ces enfants scolarisés dans des classes intégrantes ont été élus au Parlement des enfants.

20.M. Boubakr (Tunisie) répond par l’affirmative. Il dit que même si le taux d’abandons scolaires est faible par rapport aux autres pays de la région, il préoccupe les autorités, qui ont mis en place une stratégie fondée sur trois axes.

21.Le premier est la prévention, avec la généralisation de l’enseignement préscolaire, la formation spécifique des enseignants à ce niveau, l’adoption de mesures incitatives destinées au secteur privé et l’ouverture de bureaux d’écoute et d’orientation au sein des collèges et des lycées ainsi que de cellules d’action sociale pour aider les élèves qui ont des problèmes familiaux et sociaux et qui risquent de ce fait de sortir du système scolaire.

22.Le deuxième axe est l’amélioration de la qualité de l’enseignement, avec la refonte des programmes scolaires et des modules de formation des enseignants, et le développement de l’infrastructure – à cet égard, les crédits alloués à l’entretien des établissements scolaires ont été triplés ces deux dernières années. En outre, l’État n’hésite pas à maintenir les 92 écoles comptant moins de 20 élèves afin que la distance entre le domicile des élèves et l’établissement scolaire ne soit pas un obstacle à leur scolarisation.

23.Enfin, le troisième axe de la lutte contre l’abandon scolaire est la multiplication des options offertes aux enfants qui quittent l’école à un stade précoce. Ils peuvent ainsi s’orienter vers les écoles techniques préparatoires qui préparent les élèves qui quittent l’école en 7e année à intégrer les centres de formation professionnelle, préparer le certificat de compétence, prévu par l’article 13 de la loi sur la formation professionnelle de 2008 pour les enfants qui quittent l’école avant la 9e année afin de pouvoir accéder au premier cycle du cursus de formation professionnelle, ou suivre un cycle préparatoire, prévu pour les élèves de moins de 15 ans.

24.MmeVarmah demande combien d’enseignants sont affectés dans les écoles qui comptent moins de neuf élèves.

25.M. Boubakr (Tunisie) donne l’exemple d’une école de six enfants où deux enseignants ont été affectés, et celui d’une école de neuf élèves dotée de quatre enseignants. Dans de tels cas, la scolarisation d’un élève coûte environ 10 000 dinars à l’État, contre 1 000 dinars normalement.

26.M. Filali voudrait savoir si des études ont été réalisées pour évaluer combien d’élèves issus de ces écoles suivent ensuite un enseignement secondaire, voire universitaire. Il demande si les enseignants respectent les enfants et connaissent la Convention relative aux droits de l’enfant.

27.M. Boubakr (Tunisie) explique que les écoles comptant peu d’élèves font partie d’un programme de soutien des établissements prioritaires, qui prévoit une évaluation régulière de leurs résultats. D’ailleurs, la liste des établissements prioritaires est révisée chaque année en fonction de ces résultats. Les enseignants affectés dans ces établissements touchent une prime mais ne bénéficient pas de formation spécialisée.

28.En règle générale, une place importante est accordée, dans les modules de formation pédagogique, à la question des relations enseignants/élèves.

29.Mme Herczog demande s’il existe des données sur les résultats scolaires des enfants qui ne vivent pas dans leur famille.

30.M. Boubakr (Tunisie)dit qu’il ne dispose pas de données à ce sujet.

31.Mme Jaber (Tunisie)préciseque sur les 7 000 enfants placés dans les centres intégrés de la jeunesse et de l’enfance, 200 seulement n’ont pas de famille, les autres sont issus de familles à problèmes. Le suivi scolaire de ces enfants est assuré par des «éducateurs de milieu» ainsi que par des ONG. Leurs résultats scolaires sont généralement satisfaisants, voire parfois supérieurs à la moyenne nationale.

32.M. Hamrouni (Tunisie) dit queplusieurs maladies transmissibles ont été éliminées depuis la mise en place d’un système de soins de santé de base dans les années 80. La baisse du taux de mortalité maternelle et infantile, l’augmentation de l’espérance de vie moyenne ainsi que la couverture vaccinale témoignent des efforts déployés.

33.En ce qui concerne l’accès des pauvres au secteur privé, M. Hamrouni souligne que le secteur public est aussi performant que le secteur privé, sinon plus, et que le système de santé tunisien est essentiellement public. Environ 2 080 centres de santé sont dispersés sur tout le territoire; ils ne sont jamais à plus de 4 km des zones d’habitation. On compte en moyenne un médecin pour 830 habitants. Le budget alloué aux services de santé augmente tous les ans et n’a jamais connu de baisse: il représente actuellement 6 % du PIB et l’État s’emploie à atteindre les objectifs du Millénaire, à savoir 10 % d’ici à 2015.

34.M. Hamrouni reconnaît que, depuis les années 80, le Gouvernement n’a plus mené de campagnes de vaccination, mais indique qu’un nouveau vaccin est ajouté régulièrement au programme élargi de vaccination. Ainsi, l’hépatite B a été ajoutée en 2004, la rubéole en 2005, et l’Haemophilus influenzae le sera très prochainement. En 2011 ou 2012, le vaccin anti-rougeole-rubéole devrait lui aussi être inclus dans le programme, et les filles seront désormais vaccinées contre la rubéole dès 6 ans au lieu de 9 ans actuellement.

35.Concernant la santé maternelle et infantile, beaucoup d’enquêtes ont été menées sur le terrain et différents programmes de prise en charge intégrée de la mère et de l’enfant (PSIME) ont été lancés. Les chiffres témoignent d’un net progrès: par exemple, les accouchements assistés sont passés de 72 % en 1989 à 96 % en 2006, le but étant d’atteindre 100 % d’accouchements assistés d’ici à 2012-2013.

36.Pour ce qui est des disparités régionales, notamment entre les zones rurales et les zones urbaines, plusieurs actions sont menées en collaboration avec l’UNICEF et les organismes de l’ONU. Des zones de ciblage ont été définies pour faire face aux inégalités.

37.Il existe au moins 19 programmes de soins de santé de base. Pour combattre l’anémie par exemple, du fer est distribué gratuitement à toutes les femmes enceintes. La mortalité maternelle est passée d’environ 100 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2003 à 36,4, le but étant d’arriver à 20 d’ici à 2015. En 1999, une commission a été créée afin de suivre chaque cas de décès maternel. Une étude est actuellement menée par des universitaires pour connaître les raisons exactes de ces décès et déterminer ceux d’entre eux qui sont évitables.

38.Des «consultations d’adolescentologie» assurées par des médecins formés à travailler avec des adolescents ont été mises en place dans plusieurs régions. Des centres dédiés à la santé procréative et mentale ont été créés dans toutes les universités du pays. Dans les lycées, des bureaux d’écoute et de conseils tenus par un agent de l’éducation, un agent des affaires sociales et un médecin, sont ouverts aux élèves qui sont invités à poser toutes sortes de questions, y compris sur la sexualité. Tous les ans, une campagne de prévention des accidents de la route est menée pendant une semaine, à la rentrée des écoles primaires. La protection des enfants est également assurée grâce à l’installation de balises devant les portes de sortie des écoles primaires.

39.Mme Maurás Pérezdemande si des cours d’éducation sexuelle sont dispensés dans tout le pays aussi bien aux filles qu’aux garçons, si les centres de santé procréative et mentale respectent la confidentialité des informations, si les questions relatives à la santé procréative, à la santé mentale, aux modes de vie et aux comportements dangereux sont abordées au Parlement de l’enfant et quelle est la suite donnée aux résultats de ces discussions.

40.Le Président demande s’il existe un système de prise en charge des enfants non scolarisés, étant donné que les centres de santé procréative et mentale sont installés dans les écoles.

41.M. Hamrouni (Tunisie) indique que les centres dédiés à la santé procréative et mentale respectent la confidentialité et que les enfants non scolarisés y ont accès. Les questions relatives à la santé procréative sont abordées de façon progressive, à partir de la sixième année d’enseignement de base. Les comportements à risque (tabac, alcool, obésité, toxicomanie) chez les adolescents sont également traités. Dans ce contexte, il convient de noter que la Tunisie est le seul pays de la région de la Méditerranée orientale (EMRO) à avoir obtenu une médaille de lutte contre le tabac. Un vaste programme de sensibilisation à la nocivité du tabac est mis en œuvre en vue de réduire le nombre de fumeurs de 10 % entre 2010 et 2015.

42.En ce qui concerne l’allaitement maternel, une législation nationale accorde six mois de congé aux femmes après l’accouchement et des horaires adaptés sont prévus pour permettre aux femmes actives d’allaiter leur enfant. En outre, un programme a été lancé dans plusieurs régions pour promouvoir l’allaitement maternel exclusif.

43.Le Président demande si le suicide des adolescents est un sujet de préoccupation en Tunisie.

44.M. Hamrouni (Tunisie) dit que les enquêtes menées sur le sujet, en collaboration avec les organismes de l’ONU, indiquent que le suicide est presque inexistant en Tunisie. Néanmoins, il a été décidé d’axer l’information d’une part sur la santé procréative pour prévenir les maladies sexuellement transmissibles et d’autre part sur la santé mentale, pour éviter les suicides.

45.MmeNaïmi (Tunisie) indique que l’âge minimum d’admission à l’emploi est fixé à 16 ans et qu’entre 16 et 18 ans, l’enfant est toujours considéré comme un apprenti dont le salaire a été fixé en 2009 par le Ministère de la formation professionnelle à 85 % du salaire minimum d’un adulte. Qu’ils travaillent pour une entreprise ou à domicile, ces enfants bénéficient d’une sécurité sociale. Leur situation est suivie par un inspecteur du travail chargé de contrôler l’application de la législation et de vérifier si les conditions de travail ne sont pas nuisibles à leur santé physique ou mentale. Si le chef de l’inspection juge les conditions de travail de l’enfant insatisfaisantes, il est habilité à mettre fin au contrat de l’enfant.

46.Le travail des enfants comme employés de maison fait partie des situations difficiles menaçant la santé de l’enfant ou son intégrité physique ou morale énoncées à l’article 20 du Code de la protection de l’enfant, dans la mesure où il constitue une exploitation économique de l’enfant. Quatre-vingt-sept cas ont été signalés en 2009. Le Ministère des affaires sociales a mis en place des structures de défense et d’intégration sociale qui accueillent les enfants de moins de 16 ans non scolarisés, leur offrent des services de réhabilitation, de prise en charge psychologique et d’initiation professionnelle en vue de les intégrer dans les structures de formation professionnelle. Un système d’information a été mis en place, en collaboration avec le Ministère des affaires de la femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées afin de recenser ces cas, de les suivre et de prendre les mesures appropriées. Des aides financières sont versées aux familles nécessiteuses pour éviter qu’elles ne retirent leurs enfants du système scolaire.

47.Pour prévenir l’échec scolaire, le Ministère de l’éducation et de la formation a mis en place un système de veille sociale afin de recueillir des informations pertinentes dans les régions et de déceler les problèmes susceptibles d’avoir une incidence sur la scolarisation des enfants. En outre, depuis 1992, le Ministère des affaires sociales et le Ministère de l’éducation mènent un programme d’action sociale en milieu scolaire qui couvre plus de 43 % des établissements scolaires et dans le cadre duquel des travailleurs sociaux, des médecins et des psychologues prennent en charge des enfants en situation d’échec scolaire. Par ailleurs, une formation sur les enfants handicapés ayant des troubles de l’apprentissage a été dispensée aux enseignants et aux travailleurs sociaux au début de 2009 et des directives sur la prise en charge de ces enfants ont été élaborées. Enfin, un programme d’encadrement familial a été mis en place dans les centres de défense et d’intégration sociales. Ce programme vise à renforcer les compétences des familles en matière d’éducation, à les aider à instaurer un climat de dialogue au sein de la famille et à les sensibiliser au droit de l’enfant à l’éducation.

48.Le Président, concernant les 87 cas d’enfants travaillant comme employés de maison qui ont été signalés en 2009, souhaite savoir si les enfants concernés avaient été confiés aux familles pour lesquelles ils travaillaient et s’ils vivaient avec elles – pratique assimilable au «confiage» –, auquel cas il s’agissait d’une forme d’esclavage, ou si ces enfants vivaient ailleurs et se rendaient tous les jours sur leur lieu de travail.

49.MmeJaber (Tunisie) indique que les informations disponibles ne permettent pas de distinguer ces deux types de situations.

50.M. Khemakhem (Tunisie) dit que la pratique du «confiage» n’existe pas en Tunisie car celle-ci est synonyme d’esclavage. Les cas présumés de travail domestique font l’objet d’un contrôle de la part du Ministère des affaires sociales.

51.MmeJaber (Tunisie) dit que 30 % des enfants fréquentent un établissement destiné à la petite enfance et que l’on observe de grandes disparités régionales en la matière. Près de 90 % de ces enfants sont accueillis dans des établissements privés, les places restantes étant offertes par des ONG ou par des jardins d’enfants publics. Pour la période 2010-2014, le Gouvernement souhaite augmenter le taux de couverture de ces établissements publics gérés par des ONG, grâce à l’adoption d’une nouvelle réglementation qui donnera un rôle beaucoup plus important aux collectivités locales dans la création de telles institutions et à l’octroi d’aides aux ONG et aux associations qui souhaitent créer des établissements dans les zones négligées par le secteur privé. Pour ce qui est de la formation des personnes travaillant dans ces établissements, l’Institut supérieur des cadres de l’enfance propose un certificat d’éducation de la petite enfance. Des institutions publiques et privées dispensent des formations d’animateur et d’aide puéricultrice, et d’autres programmes de formation à la prise en charge de la petite enfance sont en cours d’élaboration en collaboration avec l’UNICEF.

52.M. Khemakhem (Tunisie) dit que depuis 1995, la justice met l’accent sur la prévention. Les autorités chargées de la protection de l’enfance interviennent dans les situations dans lesquelles un enfant est en danger. Il peut s’agir, par exemple, d’un enfant n’ayant pas d’appui familial, d’un enfant victime d’exploitation économique ou sexuelle ou d’un enfant maltraité; toute personne ayant connaissance d’une telle situation est tenue de la signaler. L’intervention peut prendre la forme d’un accord avec la famille, de mesures d’urgences ou de mesures de protection prises par le juge de la famille.

53.Le mineur délinquant a également besoin d’être protégé; dans cette optique, l’article 13 du Code de la protection de l’enfant vise à apporter des réponses au phénomène de la délinquance des mineurs qui soient fondées sur les principes de la justice et de l’équité et qui donnent la priorité à la prévention et à l’éducation. La peine d’emprisonnement maximale qui peut être prononcée contre un mineur est de dix ans, quel que soit le crime commis; un mineur de moins de 15 ans ne peut pas être emprisonné.

54.L’enfant est entendu dans toute procédure pénale ou judiciaire l’intéressant, et son avis est pris en compte dans toute la mesure possible compte tenu de sa situation et de sa maturité. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant préside à toutes les décisions le concernant conformément à l’article 4 du Code de la protection de l’enfant. Un certain nombre de décisions de la cour d’appel font référence à ce principe, notamment la décision du 22 octobre 2003, dans laquelle la cour a rappelé les dispositions pertinentes du Code de la protection de l’enfant et a souligné que les tribunaux devaient systématiquement tenir compte de ce principe. Enfin, lorsqu’un enfant est séparé de ses parents en vertu d’une décision de justice, la durée de cette séparation n’est pas fixée d’avance et est fonction de l’intérêt supérieur de l’intéressé.

55.L’enfant qui a affaire à la justice bénéficie des services d’un avocat à toutes les audiences, y compris la première audience, et à tous les stades de la procédure. Contrairement à ce qui a été affirmé, il y a un recours croissant à la médiation et cette institution rencontre un grand succès. Il y a actuellement entre 380 et 400 enfants privés de liberté. Les peines de travail d’intérêt général ne sont pas applicables aux enfants car ils n’ont pas le droit de travailler avant l’âge de 16 ans. Cependant, les autorités tunisiennes pourraient envisager la possibilité d’introduire une telle peine si le Comité estimait qu’elle serait compatible avec les dispositions internationales relatives à l’enfant.

56.Le régime de la liberté surveillée, bien que prévu par le Code de la protection de l’enfance, n’a jamais été appliqué car le cadre nécessaire n’a pas été mis en place. Cependant, il devrait être mis en œuvre en collaboration avec l’UNICEF dans le cadre du programme national pour la protection de l’enfance. Il est à espérer que la Tunisie sera en mesure de fournir des données sur les résultats de l’application de ce régime dans son prochain rapport périodique.

57.En 2005, la Tunisie a conclu avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) un accord permettant au CICR de se rendre dans les établissements pénitentiaires, dans les centres de détention préventive ainsi que dans les centres de détention pour délinquants mineurs. Les rapports établis indiquent que les centres de détention pour mineurs sont axés sur la réadaptation et offrent aux jeunes délinquants des conditions propices à leur réinsertion dans la société. Ces centres sont régulièrement contrôlés par l’administration générale des établissements pénitentiaires, par le Ministère de la justice et par le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les juges des mineurs s’y rendent également pour vérifier les conditions de vie des enfants.

58.Le taux de récidive chez les mineurs est faible, mais les autorités s’efforcent de le réduire encore.

59.Un projet de loi a été élaboré en vue de garantir aux enfants victimes une meilleure protection pendant toute la procédure judiciaire et de leur assurer un suivi psychologique après la fin de la procédure.

60.Le Président demande ce que l’État partie entend par «infractions de caractère social et familial».

61.M. Khemakhen (Tunisie) dit qu’il n’est pas en mesure de répondre à cette question mais que la liste des infractions visées sera communiquée au Comité dès que possible.

62.Comme tous les autres pays du monde, la Tunisie a subi les retombées de la crise économique et financière mondiale. Un observatoire destiné à évaluer ces retombées et à veiller à ce qu’elles ne se répercutent pas négativement sur les droits de l’enfant a été créé. Les programmes en faveur de l’enfance continuent à être mis en œuvre, notamment en coopération avec le bureau de l’UNICEF à Tunis.

63.Contrairement à ce qu’affirme la Banque mondiale, le taux de pauvreté en Tunisie n’atteint pas les 11 %. Comme indiqué dans le rapport, le taux de pauvreté absolue est de 3,8 %. On peut arriver à un pourcentage de 7 ou 8 % au maximum si l’on ajoute à cet indicateur la population vulnérable, c’est-à-dire la tranche de la population qui ne bénéficie pas des bienfaits de la croissance.

64.Le phénomène des enlèvements d’enfants n’existe pas en Tunisie. En 1991, une loi érigeant en infraction l’achat et la vente d’organes à des fins de transplantation a été adoptée. Ladite loi rend les auteurs de tels actes passibles d’une peine d’emprisonnement allant de deux à cinq ans. Toutefois, la justice tunisienne n’a eu à connaître d’aucune affaire de vente d’organes à l’intérieur de ses frontières depuis l’adoption de cette loi.

65.La loi de 2007 portant révision de certaines dispositions du Code du statut personnel a fixé à 18 ans l’âge minimum du mariage pour les filles comme pour les garçons, et les cas de mariages de jeunes filles de moins de 18 ans sont rares aujourd’hui en Tunisie.

66.La Tunisie n’est pas considérée comme un pays d’origine, de transit ni de destination de la traite d’êtres humains. Les infractions liées à la traite ont un caractère très local. La Tunisie a institué l’interdiction de l’esclavage dès 1846. Les articles 226 et suivants du Code pénal répriment les différentes formes de la traite des personnes, notamment la traite à des fins d’exploitation sexuelle. La Tunisie connaît toutefois le problème de l’émigration illégale de Tunisiens ou de ressortissants d’autres pays africains par voie maritime à destination de l’Europe.

67.Les autorités tunisiennes ne harcèlent pas les femmes qui portent le hijab en public. Néanmoins, le nombre grandissant de femmes adoptant le port d’une tenue vestimentaire distinctive prétendument islamique a suscité de vives critiques ces derniers temps dans la société tunisienne, notamment chez les intellectuels. M. Khemakhen cite à cet égard M. Taoufiq Ben Ameur,professeur de civilisation et de pensée islamiques à la faculté des sciences humaines et sociales de l’Université de Tunis, selon lequel le Coran n’impose aucune tenue spécifique. Quelques versets mentionnent le fait que les femmes doivent adopter une conduite et une tenue vestimentaires décentes. Le khimar, qui était porté par la femme arabe avant l’avènement de l’islam, n’est pas une institution musulmane et relève plutôt de la tradition. On ne trouve dans l’histoire de la Tunisie aucune trace d’une tradition de port du hijab, qui est dû aujourd’hui à l’influence des chaînes satellitaires regardées par les Tunisiens et au manque d’esprit critique de la population face à des informations venues d’autres parties du monde. Les autorités tunisiennes sont très attachées aux valeurs à la fois authentiques et modernes de tolérance, de liberté et de solidarité.

68.Dans une décision rendue le 24 janvier 2008, le Tribunal administratif a reconnu la légalité de la circulaire no 102 du 29 octobre 1986 par laquelle le Ministre de l’éducation nationale invitait le personnel enseignant des établissements scolaires publics à porter des vêtements corrects tout en interdisant le port de tenues vestimentaires d’inspiration sectaire, de quelque nature qu’elles soient, dont le voile islamique pour les femmes. Le Tribunal administratif a considéré que les agents de la fonction publique disposaient de la liberté de choisir la tenue qui leur convenait, mais que cette liberté devait s’exercer dans la limite des impératifs requis par l’obligation de réserve et par les spécificités de leur emploi.

69.MmeVarmah (Rapporteuse pour la Tunisie) demande s’il existe une réglementation interdisant aux jeunes filles de porter le voile dans les écoles et les universités.

70.M. Khemakhen (Tunisie) dit qu’il n’existe aucune réglementation en la matière. Les jeunes filles et les enseignantes sont uniquement invitées par les autorités de l’éducation nationale à adopter une tenue vestimentaire non provocante.

71.La législation tunisienne érige en infraction les relations sexuelles entre personnes de même sexe. Dans la pratique, cette législation n’est quasiment pas appliquée.

72.Les couches les plus instruites de la population tunisienne sont favorables à l’égalité des hommes et des femmes en matière d’héritage. Le Code du statut personnel prévoit la possibilité pour les parents de recourir à une donation de leur vivant en faveur de leurs filles pour partager leurs biens de manière équitable entre leurs fils et leurs filles et contourner ainsi les prescriptions de la charia en matière de succession.

73.Le Président demande si des mariages coutumiers fondés sur la charia et ne respectant pas l’âge minimum du mariage, notamment pour les femmes, continuent à être célébrés en Tunisie.

74.M. Khemakhen (Tunisie) dit que les mariages coutumiers sont réprimés, au même titre que la polygamie, par le Code du statut personnel et que cette pratique est en train de disparaître.

75.MmeVarmah (Rapporteuse pour la Tunisie) remercie les membres de la délégation tunisienne pour la franchise avec laquelle ils ont répondu aux questions du Comité. Le dialogue avec la délégation a permis de disposer d’une vue d’ensemble de la situation des droits de l’enfant en Tunisie. Les recommandations du Comité concerneront notamment le renforcement de l’application de la législation relative à la protection des enfants, notamment par la rationalisation du système actuel de protection et la prise en compte de toutes les situations de souffrance auxquelles peuvent être confrontés les enfants. Elles porteront aussi sur la nécessité d’accorder aux organisations de la société civile la possibilité de s’exprimer de manière libre et indépendante sur l’existence de violations des droits de l’enfant. Elles viseront également à encourager le Gouvernement tunisien à mettre la législation nationale en totale conformité avec le droit international en matière d’interdiction des châtiments corporels et des violences sexuelles et à adopter de nouvelles législations, de nouvelles institutions et de nouveaux mécanismes qui permettront d’assurer la mise en œuvre des droits contenus dans la Convention. Enfin, elles tendront à renforcer les libertés et les droits civils, tels que la liberté d’expression, de conscience et de religion, la protection de la vie privée, le droit de ne pas être soumis à la torture et à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que l’égalité des chances et des droits en matière d’héritage pour les filles et les enfants nés hors mariage.

76.M. Khemakhen (Tunisie) remercie les membres du Comité pour le sérieux et la compétence avec lesquels ils s’acquittent de leur tâche. Le Gouvernement tunisien fera tout son possible pour assimiler les enseignements tirés des observations du Comité et mettre en œuvre les recommandations qui seront formulées.

La séance est levée à 17 h 50.