Nations Unies

CRC/C/SR.1459

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

21 janvier 2010

Original: français

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante- troisième session

Compte rendu analytique de la 1459 e séance (Chambre B)

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 12 janvier 2010, à 15 heures

Président: M. Filali

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Troisième rapport périodique du Paraguay

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties (point 4 de l ’ ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique du Paraguay ( CRC/C/PRY/3 ; document de base (HRI/CORE/1/Add.24); liste des points à traiter (CRC/C/PRY/Q/3); réponses écrites de l ’ État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/PRY/Q/3/Add.1)) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président , la délégation paraguayenne reprend place à la table du Comité.

2.M. Ricardo González (Paraguay) dit que le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence (SNNA), qui relève de l’exécutif, est conscient de la nécessité de procéder à une harmonisation législative, et notamment d’aligner les dispositions de la loi sur l’état civil de 1987 sur celles de la Convention relative aux droits de l’enfant ainsi que de la Constitution de 1992, afin d’éliminer toute distinction entre les enfants nés hors mariage et les enfants issus du mariage. Il conviendrait également de modifier en conséquence la loi relative à l’enregistrement des naissances.

3.Un décret du pouvoir exécutif interdit les pires formes de travail des enfants, et des sanctions administratives sont imposées aux personnes qui emploient des enfants. Le Ministère du travail et le Ministère de la justice œuvrent actuellement à l’élaboration d’une loi reprenant les dispositions de ce décret afin de punir plus sévèrement les contrevenants.

4.Le Ministère de la santé publique et de la prévoyance sociale réfléchit quant à lui au moyen de lutter contre le tabagisme des jeunes et de sanctionner les personnes qui leur vendent du tabac.

5.Dans le cadre du système national de protection et de promotion des droits de l’enfant et de l’adolescent, il est prévu de créer des postes de conseillers communaux pour les droits des enfants et des adolescents. D’autres projets de loi ont été soumis par le SNNA, concernant entre autre la prestation de la pension alimentaire.

6.Des centaines de milliers d’enfants n’ont ni acte de naissance ni papiers d’identité car ils n’ont pas été enregistrés à l’état civil. Pour faire respecter concrètement le droit à un nom, le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence a mis en place le Bureau interinstitutionnel de l’identité chargé de recenser ces enfants, de recueillir des données mises à jour à leur sujet et de leur délivrer des papiers d’identité. Il convient de souligner que l’accès à l’enseignement est garanti à tous les enfants de 6 ans et plus, qu’ils soient ou non inscrits sur les registres d’état civil. Le principal obstacle à l’enregistrement des naissances étant l’éloignement des services d’état civil, de tels services ont été mis en place au sein des établissements scolaires dans neuf départements, dans le cadre d’une coopération entre l’ONU et différents ministères, dont le Ministère de l’éducation et le SNNA. Cette pratique devrait être étendue à tout le territoire. Enfin, le Ministère de la santé a lui aussi entrepris de sensibiliser la population à l’importance de l’enregistrement des naissances, en mettant notamment en œuvre des campagnes d’information à l’intention des femmes enceintes et en créant des bureaux d’état civil dans les hôpitaux et les centres de santé.

7.M. Zermatten (Rapporteur pour le Paraguay)se demande si les conseillers communaux pour les droits des enfants et des adolescents joueront le rôle de médiateur au niveau municipal, ce qui serait appréciable étant donné que l’institution nationale des droits de l’homme a un rôle très faible et souffre d’une pénurie de personnel.

8.Le Président voudrait savoir si l’État partie a prévu des mécanismes et des mesures de transition pour permettre aux enfants qui ne sont pas encore inscrits sur les registres de l’état civil d’accéder à l’enseignement et aux services sociaux.

9.M. Ricardo González (Paraguay) dit que les conseillers communaux pour les droits des enfants et des adolescents seront nommés en fonction de leurs compétences et de leur expertise dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’enfant, et ne seront pas tenus d’assumer des fonctions politiques. Ils auront en revanche des responsabilités au sein du Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence, qui prendra donc ses décisions de manière collégiale.

10.M me Torres (Paraguay) dit que les conseillers communaux auront voix au chapitre pour ce qui est de l’exécution des programmes et que, pour cette raison, ils ne seront pas indépendants comme un médiateur pourrait l’être. Les personnes actuellement chargées de la protection et de la promotion des droits de l’homme sont en grande majorité des bénévoles, et le fait d’instituer la fonction de conseiller communal et de nommer à ce poste des professionnels dans ce domaine permettra sans doute aux programmes locaux de bénéficier d’un appui technique plus conséquent. Le Paraguay pourrait en outre envisager d’instituer la fonction de défenseur du peuple chargé des droits des enfants et des adolescents et s’inspirera à cette fin de l’Observation générale no 2 du Comité sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant.

11.M. Ricardo González (Paraguay) dit que le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence n’a pas été consulté dans le cadre de la modification de la loi relative à la pédopornographie mais souhaiterait que la législation pénale dans ce domaine soit révisée afin de supprimer tout éventuel conflit entre les différents textes de loi portant sur ce sujet.

12.Une stratégie régionale de lutte contre la traite des enfants et des adolescents à des fins d’exploitation sexuelle a été mise en place en 2007 dans le cadre du Mercosur. Les pays membres du Marché commun du Sud ont ainsi établi une base de données informatisée qui recense tous les enfants vulnérables sur leur territoire et à laquelle ont accès les personnels des postes frontière.

13.Le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence coopère avec le Ministère de l’intérieur et le Secrétariat à la condition féminine pour lutter contre les violences commises par les membres de la police. En outre, la Convention relative aux droits de l’enfant et le Code de l’enfance et de l’adolescence ont été inscrits au programme d’enseignement des écoles de police.

14.M me Torres (Paraguay) dit que les autochtones, qui sont au nombre de 100 000 au Paraguay, offrent au pays une immense richesse multiculturelle, linguistique et ethnique. Cela dit, ces communautés sont très divisées, et il est donc difficile d’adopter une approche collective. En vertu du programme national en faveur des populations autochtones (Programa Nacional de Atención a los Pueblos Indígenas) (PRONAPI), chaque ministère est tenu de concevoir des programmes destinés à défendre les droits et les intérêts de ces populations. C’est notamment ce qu’a fait le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence, qui a lancé dans le cadre du PRONAPI un programme d’aide alimentaire et un programme de soins de santé visant les jeunes autochtones. Le Secrétariat procède en outre à la mise en place d’un programme destiné aux jeunes de la zone métropolitaine d’Asunción, et tente de créer des espaces publics pour entendre leurs revendications, souvent de nature foncière.

15.M me  Escobar (Paraguay) dit que le Ministère de la santé publique et de la prévoyance sociale entend promouvoir la santé en tant que droit universel et combattre les inégalités sociales dans l’accès aux soins de santé. Les populations rurales et autochtones, particulièrement isolées, se heurtent à des obstacles économiques et géographiques qui les empêchent d’accéder aux soins. Pour y remédier, le Ministère a mis en place un réseau d’unités de santé familiale réparties sur tout le territoire et dont l’action est avant tout axée sur les populations les plus exclues. La mortalité maternelle et infantile témoigne de problèmes structurels plus profonds, notamment des inégalités criantes dans la répartition des richesses et des terres. Dans le cadre de la lutte contre la mortalité infantile, les autorités ont entrepris de collecter des données statistiques sur l’enregistrement des naissances et d’élaborer des indicateurs visant à évaluer la situation sociale des habitants selon les régions.

16.En ce qui concerne le problème des pesticides, un cas récent de fumigation de produits agrotoxiques aux abords des zones habitées a débouché sur des poursuites et le Ministère de la santé a été saisi. Dans la pratique des monocultures, les normes sanitaires et environnementales ne sont pas respectées et les communautés rurales pâtissent de la déforestation, du non-respect des distances de sécurité entre exploitations agricoles et habitations et des conséquences sanitaires qui vont de pair avec la pollution des sols et de l’eau.

17.En ce qui concerne la santé des populations autochtones, les autorités sanitaires du Paraguay ont lancé un programme de promotion et de sauvegarde des médecines traditionnelles auquel les populations sont étroitement associées. C’est un processus de longue haleine qui suppose un changement d’attitude de la part du personnel de santé et qui s’inscrit dans une démarche d’ensemble d’émancipation des peuples autochtones, notamment en ce qui concerne la souveraineté territoriale, le droit à l’eau, et le droit à l’alimentation. Le Ministère de l’agriculture, le Secrétariat de l’action sociale et le Ministère de l’éducation sont au nombre des organismes publics qui sont associés à ce programme.

18.La question des personnes handicapées, longtemps laissée en suspens, fait désormais l’objet d’une prise de conscience. Le Ministère de la santé, avec la participation active d’organisations de personnes handicapées, a mis sur pied un programme destiné à répondre aux besoins des personnes handicapées, qui s’accompagne d’un projet de loi de lutte contre la discrimination. L’État s’attache aussi à promouvoir la stabilité de l’emploi de ces personnes et a lancé un projet pilote de prise en charge éducative et médicale des enfants handicapés de moins de 5 ans qui a vocation à être étendu à toute la population. Par ailleurs, dans chacune des 18 régions sanitaires du pays, les hôpitaux pratiquent le dépistage des maladies de la petite enfance susceptibles d’entraîner un retard mental.

19.M. Zermatten (Rapporteur pour le Paraguay) constate que la prise en compte des personnes handicapées au Paraguay a été tardive et qu’il reste encore beaucoup à faire, mais il se félicite des progrès déjà accomplis. Il aimerait toutefois que la délégation explique comment le Ministère de la santé publique et de la prévoyance sociale et le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence coordonnent leur action.

20.Le Président aimerait connaître le taux de mortalité infantile chez les populations autochtones. Il souhaiterait aussi savoir si la diffusion de produits toxiques dans l’environnement du fait de l’agriculture intensive provoque des déplacements de populations autochtones et s’interroge sur les sanctions prévues par le Code pénal pour ce type d’infractions.

21.M me Escobar (Paraguay) dit que le Ministère de la santé publique et de la prévoyance sociale et le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence sont représentés au Conseil national de l’enfance et de l’adolescence. Ils coordonnent leur action en ce qui concerne l’assistance aux personnes sans domicile et aux groupes vulnérables, ainsi que le respect des droits dans les services de santé. Le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence participe au travail du PRONAPI.

22.M me Torres (Paraguay) précise que le Conseil national pour l’enfance et l’adolescence est l’instance faîtière qui coordonne les activités des différents organismes publics chargés des questions de santé. L’Institut national des personnes handicapées relève lui du Ministère de l’éducation. Le Paraguay doit encore faire des efforts pour mieux respecter la loi définissant des quotas d’embauche de travailleurs handicapés dans les administrations publiques et prendre des mesures pour lever les obstacles physiques et matériels qui entravent la pleine jouissance des droits des personnes handicapées.

23.M me Escobar (Paraguay) dit que les dispensaires de santé de la famille sont des pôles de coordination des questions sanitaires qui visent à dispenser des soins de proximité à la population, ainsi qu’à concevoir les futurs plans d’intervention, notamment ceux visant les personnes handicapées, en fonction des zones géographiques. Par ailleurs, les autorités mènent à bien des projets communautaires destinés aux personnes handicapées.

24.Le taux de mortalité des enfants autochtones varie d’un groupe ethnique à l’autre. Les Manjuis, qui vivent dans le Chaco paraguayen, ont un taux de mortalité infantile extrêmement élevé, qui est de 400 décès pour 1 000 naissances, alors que celui des Guaranis correspond à peu près au taux national, à savoir 34 pour 1 000.

25.Au Paraguay la notion de «petite enfance» couvre les enfants de 0 à 8 ans. La politique nationale pour la petite enfance (POLPI), menée conjointement par le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence, le Ministère de la culture et le Ministère de la santé publique et de la prévoyance sociale, reprend tous les principes de la Convention relative aux droits de l’enfant. Elle repose à la fois sur la fourniture de services aux jeunes enfants et sur le renforcement des ressources humaines en fonction des besoins. Sur le plan de l’enseignement, les autorités envisagent de créer des centres de prise en charge intégrée (centros de atención integral) qui tiendraient compte des priorités selon les communautés.

26.Les autorités paraguayennes s’emploient à faire baisser le taux de mortalité néonatale par divers moyens, notamment en améliorant la qualité des soins dispensés en milieu hospitalier, en renforçant les compétences techniques des intervenants et en mettant l’accent sur la prévention.

27.M me Herczog aimerait savoir si, dans les maternités, les nourrissons sont séparés de leur mère à la naissance et si les parents peuvent bénéficier de cours prénataux et d’un accompagnement pendant et après la grossesse.

28.M me Escobar (Paraguay) indique que les services du Ministère de la santé s’efforcent de faire en sorte que la mère et le nourrisson ne soient pas séparés, ce qui peut toutefois être nécessaire lorsque l’enfant doit être placé en unité de soins intensifs.

29.Il conviendrait de relever le taux d’allaitement maternel, qui est seulement de 26 %. Pour ce faire, le Ministère collabore avec l’Institut national d’alimentation et de nutrition, qui élabore des normes et des réglementations. La loi no 1478, qui porte sur les modalités de commercialisation des substituts de lait maternel, est peu appliquée, car la volonté étatique de promouvoir l’allaitement maternel se heurte aux réalités du marché. Les pouvoirs publics prennent des mesures pour renforcer les capacités du personnel du Ministère de l’industrie et du commerce et de l’Institut national d’alimentation et de nutrition pour permettre à ces instances de recenser les cas de non-application de la loi, qui concerne notamment l’étiquetage des produits et la réglementation de la publicité.

30.Le Code du travail prévoit que les femmes qui travaillent dans la fonction publique et qui choisissent d’allaiter doivent disposer pour ce faire de deux plages d’une demi-heure par jour.

31.D’autres mesures sont également prises pour favoriser l’allaitement maternel, notamment la mise en place de cours sur l’allaitement destinés aux étudiantes de licence, la création d’hôpitaux dits «amis des enfants» et l’ouverture prévue d’une banque de lait destinée à répondre aux besoins en lait des enfants prématurés.

32.Pour ce qui est de la santé mentale, les pouvoirs publics s’attachent à promouvoir les métiers de la santé mentale afin que les étudiants soient plus nombreux à choisir ce type de filières et que le pays dispose, à terme, de davantage de professionnels dans ce domaine. Dans les unités de santé familiale, il existe également des dispositifs de prise en charge des personnes atteintes de problèmes de santé mentale, mis en place avec l’appui du Gouvernement espagnol. Le budget consacré à la santé est faible, c’est pourquoi le Paraguay se voit obligé de recourir à des sources de financement extérieur.

33.M me Herczog aimerait avoir des précisions sur les mesures prises en milieu scolaire pour prévenir les grossesses chez les adolescentes et aborder les thèmes liés à la sexualité, et notamment à la contraception.

34.M me Escobar (Paraguay) indique qu’un protocole relatif à l’éducation sexuelle à l’école a été élaboré par les divers ministères concernés et qu’il s’agit maintenant de le mettre en œuvre. Le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence collabore à l’élaboration d’un programme de formation par les pairs qui met l’accent sur la diffusion par les adolescents de connaissances en matière de santé sexuelle et procréative. Ce programme, qui porte le nom de Salud en tus Manos (ta santé est entre tes mains), sera mis en œuvre à partir de mars 2010. Ce type d’initiative se heurte à la résistance de certains groupes radicaux qui s’opposent à la distribution de préservatifs pour des raisons religieuses et prônent l’abstinence sexuelle. Un programme national de lutte contre le VIH/sida est également en place mais son efficacité est encore limitée.

35.Le taux de mortalité maternelle reste très élevé, et 12 % des cas concernent des adolescentes. Le Paraguay a lancé un programme d’éducation sexuelle, qui vise notamment les adolescents et dans le cadre duquel sont mis en œuvre des plans d’action régionaux.

36.Les autorités travaillent à l’instauration de la gratuité des soins. À la suite de soupçons de corruption dans la passation des marchés, elles ont entrepris de restructurer le service compétent et de revoir l’ensemble des contrats relatifs à la fourniture de services de santé.

37.De nombreuses campagnes de vaccinations ont été lancées afin de combler le retard pris en la matière, en particulier au sein des populations autochtones. La question de l’avortement suscite de nombreux conflits, des groupes religieux fondamentalistes s’opposant à l’adoption d’une loi relative à l’avortement.

38.M me Torres (Paraguay) indique qu’entre 2002 et 2009 la Commission nationale pour les réfugiés n’a reçu que 92 demandes de statut de réfugié, dont 65 ont été acceptées. Aucun cas d’apatridie n’a été recensé. Le Paraguay a été l’un des premiers pays à adopter la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et le Parlement est actuellement saisi d’un projet de loi s’y rapportant.

39.M me Martinez (Paraguay) explique que le Gouvernement met en œuvre un certain nombre de programmes visant à aider les parents. Le Paraguay a à cœur de se conformer à la loi no 1689, qui dispose que les enfants ont le droit de vivre dans leur famille, que la pauvreté ne saurait constituer un motif de séparation entre parents et enfants et que l’État doit soutenir les familles. À cette fin, le Secrétariat à l’action sociale met en œuvre un programme d’allocations conditionnelles. Ce programme, dont bénéficient 90 000 familles, dont des familles autochtones, suscite des résistances importantes de la part de certains secteurs et son budget a dû être réduit. Le programme Abrazo, pour sa part, vise à réduire la mortalité infantile et à remédier au problème des enfants des rues, également au moyen d’allocations conditionnelles. Ce programme, qui concerne 2 000 enfants, a été étendu à la petite enfance et est également mis en œuvre au niveau des collectivités locales. Un appui important est aussi fourni à un programme de prise en charge intégrée dans les collectivités locales, dans le cadre duquel le Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence travaille en collaboration avec des ONG et, dans certains cas, des institutions religieuses déjà présentes sur le terrain, l’objectif étant d’élargir la couverture des services disponibles (gestion de cantines populaires et communautaires, par exemple).

40.La formation des travailleurs sociaux et des éducateurs est essentielle pour assurer l’accompagnement des familles. Il y a souvent une confusion entre les enfants des rues, qui ont été abandonnés, et les enfants qui travaillent dans la rue, qui ont des liens avec leur famille. Une distinction doit être établie à cet égard et le Paraguay déploie d’importants efforts pour mettre en place des programmes de prise en charge différenciée dans le cadre duquel on s’efforce d’apporter une réponse non judiciaire aux diverses situations. Il importe de faire en sorte que les collectivités locales prennent une part plus active à la mise en œuvre de ces programmes et assument leurs responsabilités en la matière comme le prévoit la loi.

41.M. Zermatten (Rapporteur pour le Paraguay) souhaite savoir, compte tenu de l’importance de l’émigration et du nombre élevé d’enfants qui sont laissés au pays, si ces enfants font l’objet de programmes particuliers.

42.M me Torres (Paraguay) indique qu’il n’existe pas de programme particulier pour ces enfants, qui bénéficient uniquement des programmes existants. Le Gouvernement est toutefois conscient de la nécessité de mettre en place des programmes de protection de remplacement car les proches à qui ces enfants sont confiés ont souvent du mal à faire face à la situation.

43.Le Gouvernement a à cœur d’éviter le placement en institution des enfants en voie d’adoption. Une équipe technique du Centre d’adoptions a été spécialement formée pour préserver les liens familiaux et accompagner les familles d’accueil. Des efforts importants sont également entrepris pour revoir le cadre législatif applicable en vue d’accélérer les procédures judiciaires relatives à l’adoption et à la garde avant l’adoption. L’adoption des enfants handicapés et des adolescents continue de poser problème.

44.Pour venir en aide aux adolescents abandonnés, souvent toxicomanes, le Gouvernement a entrepris de réhabiliter des établissements et met en œuvre un programme de prise en charge intégrée des enfants des rues dans le cadre duquel il prévoit d’aménager un centre dit «agrotechnique». Les enfants y suivront un programme en trois volets: travail en petits groupes, vie en communauté et réinsertion sociale et professionnelle.

45.Le Gouvernement a fait un grand pas en avant en se donnant les moyens d’exercer un contrôle sur les foyers qui accueillent des enfants et des adolescents et qui relèvent du secteur privé. Pour pouvoir opérer, ils doivent avoir reçu l’agrément de la Commission municipale pour les droits des enfants et des adolescents (CODENI) concernée, et le Gouvernement s’emploie, de concert avec les CODENI et les municipalités, à contrôler leurs activités et à vérifier qu’ils respectent les recommandations et les normes pertinentes.

46.Le Gouvernement, pour lutter contre la violence dans la famille et compte tenu des lacunes de plusieurs CODENI, a mis en place un service centralisé d’aide téléphonique (Fono Ayuda). Des campagnes de prévention sur le thème «Vivre sans peur» sont également menées, et des réseaux de protection de l’enfance sont mis en place à l’échelle locale. Les autorités s’emploient en outre à renforcer les compétences des parents et des familles par un travail d’accompagnement et, à cette fin, coopèrent avec les organisations locales et religieuses.

47.M. Zermatten (Rapporteur pour le Paraguay) demande si le service Fono Ayuda permet non seulement de dénoncer des problèmes de maltraitance et de violence, mais aussi d’assurer une prise en charge et un suivi ultérieurs.

48.M me Torres (Paraguay) dit que ce service permet d’aiguiller les cas signalés vers des centres spécialisés ou vers des services de médiation et d’intervention sociale, à savoir les CODENI. Les cas signalés font systématiquement l’objet d’un suivi mais les autorités sont en butte à des difficultés dues au grand nombre de cas signalés et au manque de ressources humaines et techniques. Il conviendrait, pour assurer un meilleur suivi, de mettre en place des réseaux des services locaux comme le prévoit la Constitution.

49.M. R icardo González (Paraguay) souligne à nouveau que le Gouvernement souhaite élever au rang de loi le décret relatif aux pires formes de travail des enfants, qui prévoit des sanctions de nature administrative applicables aux employeurs, afin de se doter de moyens de coercition renforcés. La Commission nationale pour la prévention et l’élimination du travail des enfants s’emploie actuellement à mettre en œuvre le Plan national de prévention et d’élimination du travail des enfants et à définir les modalités d’intervention des institutions concernées lorsque des plaintes sont déposées. Il importe en effet de préciser les compétences respectives du médiateur chargé du travail et des défenseurs des mineurs car, bien souvent, ces plaintes sont transmises des uns aux autres sans que l’on sache avec certitude de quelle autorité elles relèvent. Le Paraguay se conforme par ailleurs à la Convention (no 38) de l’Organisation internationale du Travail concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi. Enfin, bien que le phénomène des enfants travaillant comme employés de maison (criadazgo) soit pris en compte par le décret évoqué précédemment, il conviendrait, pour en venir à bout, d’adopter une réglementation beaucoup plus précise concernant la réadaptation et la réinsertion de ces enfants.

50.Pour ce qui est des dispositions législatives relatives à l’utilisation des pesticides toxiques, l’article 203 du Code pénal prévoit les sanctions applicables en cas d’atteinte à la sécurité des personnes ou de la collectivité tandis que l’article 109 porte notamment sur l’utilisation et la commercialisation illicites de substances chimiques; des peines de deux à dix ans de privation de liberté et des amendes sont prévues.

51.M. Krappmann dit que le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre toutes les formes de travail des enfants. Il souhaiterait savoir si les enfants sont consultés sur la question des moyens de mettre un terme à ce phénomène. Il demande également si les enfants qui travaillent ont accès à une forme quelconque d’éducation. Dans certains pays, il existe des programmes permettant aux enfants de conjuguer vie professionnelle et scolarité, ce qui entretient certes une certaine ambiguïté face au phénomène mais évite que ces enfants ne se retrouvent sans travail ni formation.

52.M me Torres (Paraguay) dit que l’Observatoire de l’enfance et de l’adolescence mène des études sur le travail forcé des enfants. Des enquêtes sont également réalisées, avec le concours de l’Organisation internationale du Travail (OIT), sur le travail forcé des autochtones dans la région du Chaco et dans les grandes exploitations agricoles. L’Organisation des enfants et adolescents travailleurs du secteur informel, qui fait partie de la Coordination nationale des enfants et adolescents travailleurs du Paraguay, participe au débat sur le travail des enfants dans la rue, qui porte sur la définition de ce phénomène et sur les risques qu’il entraîne pour les enfants. Le programme «Abrazo», que l’État tente de mettre en œuvre au niveau des municipalités, vise à éliminer progressivement le phénomène du travail des enfants sur la voie publique et, aujourd’hui, 90 % des 800 000 enfants qui travaillent dans la rue sont sur le point d’abandonner cette activité. Les autorités cherchent à mettre en place des solutions de rechange pour les enfants et les adolescents, ainsi que pour les parents, en matière de travail. L’idée selon laquelle les enfants qui travaillent dans la rue ne vont pas à l’école est un mythe. Grâce à leur travail, les enfants arrivent à financer leur scolarité et à suivre des cours. L’école n’est en effet pas totalement gratuite au Paraguay car il reste nécessaire d’acheter un uniforme ainsi que les manuels et fournitures scolaires. L’objectif de l’État est de faire en sorte que les enfants qui travaillent dans la rue puissent réintégrer complètement le système scolaire normal.

53.M. Ricardo González (Paraguay) dit que les adolescents travailleurs, qui s’organisent, interpellent les autorités et ont des exigences concernant notamment leurs conditions de travail et leur rémunération. Il est envisagé de mettre en place, au sein du Ministère de la justice et du travail, une instance administrative chargée de définir des normes réglementant les relations de travail entre les employeurs et les enfants et adolescents.

54.Il existe des collèges techniques d’enseignement professionnel qui offrent des possibilités d’apprentissage aux jeunes dans différents domaines en vue de leur réinsertion professionnelle, l’objectif étant de permettre aux adolescents de poursuivre une scolarité tout en travaillant.

55.M me Torres (Paraguay) dit que le Gouvernement recueille des données sur les enfants placés comme domestiques par leur famille et tente, pour lutter contre ce phénomène, de trouver des solutions de rechange pour les familles et leurs enfants à l’aide de programmes concrets plutôt que de prendre des mesures radicales visant à réprimer cette pratique éminemment culturelle.

56.Le Ministère de l’éducation et de la culture est celui qui compte le plus grand nombre de fonctionnaires. Ce Ministère mène actuellement un travail de restructuration de ses services et s’attache à régulariser la situation de ses fonctionnaires, c’est-à-dire à les titulariser, à leur verser une rémunération – puisqu’ils sont aujourd’hui très nombreux à ne pas recevoir de salaire – et à leur donner la formation et les compétences voulues. Des efforts restent à faire pour améliorer la qualité de l’enseignement ainsi que les infrastructures scolaires, en particulier dans les zones rurales, mais aussi dans les villes et dans les régions où vivent des populations autochtones, et les autorités cherchent des sources de financement à cet effet. Certaines mesures ont d’ores et déjà été prises, telles que la distribution de lait dans les écoles.

57.M me Yambay (Paraguay)dit quele livre 5 du Code de l’enfant et de l’adolescent règlemente la justice pour mineurs. Le système de justice pénale pour les mineurs a pour objectif de faciliter la réinsertion sociale des délinquants. Les adolescents sont responsables pénalement à partir de 14 ans. L’action de la justice pour mineurs repose sur des mesures socioéducatives et correctives ainsi que sur des mesures de substitution à la privation de liberté qui visent à responsabiliser les adolescents, à leur imposer des règles de conduite et à les socialiser.

58.Il existe des équipes techniques spécialisées, composées de psychologues, d’assistants sociaux et de conseillers juridiques. Actuellement, seuls trois départements du pays bénéficient de l’appui de telles équipes dans le cadre d’un programme en faveur des mineurs délinquants. On envisage de mettre en œuvre ce programme dans trois nouveaux départements chaque année pour arriver progressivement à couvrir l’ensemble du pays. Mme Torres sollicite les conseils du Comité des droits de l’enfant pour appuyer la création de telles équipes dans tout le pays et la mise en place d’un plus grand nombre d’instances compétentes en matière de justice pour mineurs.

59.M. Zermatten (Rapporteur pour le Paraguay) demande s’il existe une police spéciale et un ministère public spécial pour les mineurs.

60.Le Président demande un complément d’information sur la formation des magistrats, sur la séparation des adultes et des mineurs dans les lieux de détention et sur la prise en charge des victimes.

61.M me Yambay (Paraguay) dit qu’il n’y a pas de procureurs spécialisés dans le domaine de l’enfance. Le système de justice dispose actuellement de 58 juges spécialisés pour les mineurs, de 74 défenseurs des enfants et des adolescents, ainsi que de chambres spécialisées au sein de la Cour suprême de justice.

62.M. Ricardo González(Paraguay) dit que, en raison de contraintes budgétaires, le système de justice a élargi les pouvoirs de certains juges, pour en faire des juges «à compétences multiples», habilités à instruire aussi bien des affaires civiles que des affaires pénales, et notamment à s’occuper des cas de délinquance juvénile dans les juridictions qui ne disposent pas de juges des mineurs. Il est prévu d’augmenter le budget de la justice pour créer des instances spécialisées pour les mineurs et doter le ministère public de procureurs spécialisés.

63.Il est également nécessaire de renforcer la formation des juges et de suivre l’application de la Convention dans le cadre des décisions de justice. Le Gouvernement a réalisé des études et établi des statistiques sur les décisions de justice dans lesquelles les dispositions de la Convention ont été invoquées et qui ont été fondées sur l’intérêt supérieur de l’enfant, principe qui doit être intégré dans le droit positif paraguayen.

64.La Commission interinstitutionnelle chargée de visiter et de surveiller les centres d’éducation et les centres de privation de liberté pour les délinquants juvéniles est composée de représentants de la Cour suprême de justice, du Service du défenseur du peuple, du Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence, du Ministère de la santé et du Ministère de la justice et du travail.

65.L’administration des centres de détention et des centres d’éducation relève du Ministère de la justice et du travail, qui est chargé de l’exécution des peines privatives de liberté concernant les adultes comme les mineurs, et il peut parfois y avoir confusion entre les deux types de centre. L’objet de la Commission interinstitutionnelle est de rendre compte aux instances compétentes des conditions de détention des adolescents, pour ce qui est notamment de l’alimentation, de l’éducation ou des loisirs, en vue d’améliorer la situation des détenus mineurs.

66.Il est prévu de créer, en coopération avec l’UNICEF, un deuxième centre de détention éducatif à Ciudad del Este, dans lequel les mineurs et les adultes seront détenus dans des locaux distincts. Les autorités ont pour objectifs de mettre en place, dans chaque circonscription judiciaire, de vrais centres éducatifs pour les délinquants.

67.M me Torres (Paraguay) dit que le Gouvernement a redéfini la mission fondamentale de la police nationale. Il prévoit d’épurer les services de la police et d’organiser des formations visant à prévenir les cas de mauvais traitements et de torture par les forces de l’ordre. Les plaintes pour violations des droits de l’homme sont prises en compte mais il arrive que les victimes ne portent pas plainte par peur des représailles. Les autorités entendent créer des organes fiables destinés à recevoir et examiner les plaintes déposées par les enfants et les adolescents.

68.On a créé au Ministère de l’intérieur des unités chargées de veiller à ce que les droits des personnes les plus vulnérables, en particulier des enfants et des adolescents, soient respectés, notamment dans le contexte de la lutte pour les terres.

69.Le Président demande un complément d’information sur le recrutement d’enfants dans les forces armées.

70.M me Torres (Paraguay) dit que, en raison du manque de documents d’état civil attestant l’âge des jeunes, il est possible que des mineurs soient enrôlés dans l’armée. Un travail a été mené avec le Ministère de la défense pour vérifier s’il y avait eu de tels cas et il est apparu que des enfants souffrant de handicaps physiques avaient été recrutés, situations auxquelles il a immédiatement été remédié. Les mouvements d’objecteurs de conscience jouent un grand rôle dans la lutte contre le recrutement de mineurs dans les forces armées.

71.M me Martinez (Paraguay)dit que l’affaire concernant l’enfant soldat Marcelino Gomez Paredes, enrôlé illégalement dans les forces armées paraguayennes et disparu en 1998, a été examinée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme et que l’État paraguayen a reconnu sa responsabilité en la matière et a signé un accord amiable avec les organisations représentant la victime. Il s’est par ailleurs engagé à créer une commission chargée d’enquêter sur les cas de disparition d’enfants et à sanctionner les responsables.

72.M. Zermatten (Rapporteur pour le Paraguay) se félicite du dialogue noué avec la délégation paraguayenne. Il salue les nombreuses avancées réalisées par le Paraguay en matière de promotion et de protection des droits de l’enfant et ajoute que les autorités de l’État partie doivent faire tout leur possible pour consolider et renforcer le processus amorcé. Il indique que les recommandations du Comité porteront notamment sur les lacunes en matière de formation et de ressources et sur l’insuffisance de l’harmonisation des cadres normatifs.

73.M me Torres (Paraguay) dit que l’appui du Comité est très précieux pour le Gouvernement paraguayen, qui a engagé un processus historique en faveur de l’enfance. Elle renouvelle la demande faite au Comité de défendre le statut institutionnel du Secrétariat national à l’enfance et à l’adolescence et sollicite un appui technique en ce qui concerne l’utilisation dans le pays de pesticides et de produits agricoles toxiques.

74.La délégation paraguayenne se retire.

La séance est levée à 18 heures.