Nations Unies

CRC/C/SR.1551

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

21 septembre 2010

Original: français

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante- cinqu ième session

Compte rendu analytique de la 1551 e séance (Chambre B)

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 15 septembre 2010, à 15 heures

Président: M. Zermatten (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Rapport initial de la Sierra Leone sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (suite)

Rapport initial de la Sierra Leone sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties (point 4 de l ’ ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Sierra Leone sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/SLE/1; CRC/C/OPSC/SLE/Q/1; CRC/C/OPSC/SLE/Q/1/Add.1) (suite)

Rapport initial de la Sierra Leone sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/SLE/1; CRC/C/OPAC/SLE/Q/1; CRC/C/OPAC/SLE/Q/1/Add.1) (suite)

Rapport initial de la Sierra Leone sur la mise en œuvre du Protocole facultatifà la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants,la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation sierra-léonaise reprend place à la table du Comité.

2.M. Kabia (Sierra Leone) dit que quelques cas de prostitution d’enfants ont bien été signalés dans le pays mais que le tourisme sexuel n’y est guère développé. Dans le projet de loi sur les infractions sexuelles figurent des dispositions visant la prostitution et la pornographie.

3.Aucun cas de vente d’enfants n’a été signalé; un projet de loi sur la traite des personnes tendant à renforcer l’action des pouvoirs publics en la matière sera toutefois soumis au Cabinet sous peu. Les centres d’accueil, implantés principalement dans les régions frontalières, collectent des informations sur la traite des personnes, en particulier des enfants, et les transmettent aux autorités compétentes, dont Interpol et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). La Sierra Leone prévoit d’affecter davantage de crédits à la construction de foyers, où les victimes de violence sexuelle ou de traite pourront bénéficier de soins ainsi que d’une assistance sociale.

4.M. Filali demande si les dispositions du Code pénal sierra-léonais sont pleinement compatibles avec les articles 2 et 3 du Protocole facultatif, si depuis la ratification du Protocole l’État partie a pris des mesures pour s’assurer de la conformité de sa législation avec les dispositions de cet instrument et si les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme priment la législation interne.

5.M. Kabia (Sierra Leone) dit que le projet de loi sur les infractions sexuelles reprend les dispositions des articles 2 et 3 du Protocole facultatif. Depuis la ratification du Protocole facultatif, la Sierra Leone s’est attachée avant tout à en faire connaître les dispositions pertinentes à l’ensemble de la population. Une fois la loi précitée en vigueur, ses dispositions feront l’objet d’une large diffusion auprès de la presse, des chefs religieux et des dirigeants traditionnels, entre autres, afin de les sensibiliser aux domaines couverts.

6.Le projet de loi sur les infractions sexuelles établit clairement la responsabilité des personnes morales en cas de vente d’enfants, de prostitution d’enfants ou de pornographie à caractère pédophile, quand bien même plusieurs dispositions pénales établissaient déjà cette responsabilité. Les amendements apportés à la loi relative aux droits de l’enfant tendent à en renforcer encore l’efficacité; ce texte prévoyait par exemple la mise en place de comités pour la protection de l’enfance dans tous les villages, mais l’État n’a ni les moyens financiers ni les ressources humaines nécessaires à cet effet pas plus que pour mettre en œuvre la disposition prévoyant d’élire un chef traditionnel au sein de chacun de ces comités car il aurait fallu organiser des élections en permanence. Un amendement prévoit donc la nomination d’un chef traditionnel et un autre a été adopté pour renforcer l’autonomie de la Commission nationale pour l’enfance et établir une collaboration étroite entre la future Commission et le Ministère de la protection sociale.

7.La Sierra Leone n’a pas encore signé la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale mais elle a modifié son projet de loi relatif à l’adoption pour mieux tenir compte des dispositions de cet instrument. Dans l’intervalle, un moratoire sur les adoptions a été décrété.

8.Le Président demande si des dispositions permettent d’éviter que les enfants victimes ou témoins d’infractions visées dans le Pacte soient mis en présence des auteurs de ces infractions et si des mesures de réhabilitation et éventuellement de dédommagement sont prévues.

9.M me El-Ashmawy (Rapporteuse pour la Sierra Leone − OPSC) demande des précisions sur le dispositif de surveillance aux frontières, sur la collaboration avec la police et les services de renseignements des autres pays visant à combattre le trafic transnational de personnes vers le Moyen-Orient et d’autres pays d’Afrique et sur les mesures prises pour faire appliquer les lois réprimant la servitude, l’exploitation sexuelle et le travail forcé dans l’agriculture, les mines et la pêche.

10.M. Kabia (Sierra Leone) indique que la loi contre la traite des êtres humains a été modifiée, de même que la loi sur l’adoption, afin d’incorporer dans cette dernière les dispositions de la Convention de La Haye. Un enfant est parfois enlevé à sa famille et déplacé par des personnes qui promettent de lui dispenser un enseignement, mais il est en réalité victime d’exploitation. Une sensibilisation est menée sur les risques d’abus et la méfiance nécessaire de la part des familles. Les fonctionnaires des douanes et de l’immigration sont eux aussi sensibilisés.

11.Il existe des centres d’accueil pour les victimes, dans lesquels sont postés des agents du Ministère des affaires sociales, des unités de soutien à la famille, de l’OIM et de certaines ONG. Un point de contact a été nommé au Ministère de la protection sociale pour travailler sur cette question. Des abris et des refuges vont être construits, notamment par l’OIM. Actuellement, la plupart des enfants résident avec des travailleurs sociaux. Des centres pour les enfants des rues, dans lesquels ils peuvent bénéficier d’une aide psychologique, de soins médicaux, d’une formation professionnelle ainsi que d’une aide à la recherche de leurs familles, viennent d’être mis en place.

12.Au sujet de la protection des victimes, devant les tribunaux spécialisés pour mineurs l’identité des enfants n’est pas divulguée mais en matière de traite il n’existe pas de procédure particulière pour protéger l’identité des victimes. Les enfants victimes de traite, en particulier à des fins de prostitution, peuvent bénéficier d’un hébergement temporaire et on essaie de promouvoir le regroupement familial. Le budget 2011 prévoit la mise en place de centres de soins pour les victimes de la traite et la recherche de leur famille. Dans le projet de loi relative aux infractions sexuelles les enfants prostitués sont considérés comme des victimes, n’encourant donc pas de poursuites.

13.Le Ministère des affaires étrangères assure la coordination avec les organisations régionales, en particulier dans le cadre de l’Union du fleuve Mano.

14.M. Koompraphant demande quelles dispositions s’appliquent quand un membre de la famille d’un enfant est impliqué dans la vente de cet enfant ou le contraint à se prostituer.

15.M. Kabia (Sierra Leone) répète que son ministère n’a pas connaissance de cas de vente d’enfant. En tout état de cause, les auteurs d’infraction sont tous traités de la même façon, qu’ils fassent ou non partie de la famille de la victime. Si un enfant est victime d’abus de la part de sa famille il est placé dans une famille d’accueil.

16.Le Président demande si des mesures sont prévues contre des médias qui diffuseraient des images d’enfants victimes d’abus sexuels et si les tribunaux sont autorisés à ne pas confronter auteur et victime, notamment quand un enfant est témoin ou victime.

17.M. Kabia (Sierra Leone) dit qu’aucune loi n’interdit à la presse de diffuser de telles images et qu’il faudrait remédier à cette lacune. Aucune disposition n’est prévue pour éviter une confrontation entre victime et auteur d’une infraction.

18.Le Président demande s’il peut être procédé à une extradition sur la base du Protocole facultatif en l’absence de traité d’extradition avec d’autres pays ou si la Sierra Leone est soumise à l’obligation de disposer de traités bilatéraux ou multilatéraux à cette fin.

19.M. Kabia (Sierra Leone) dit que la Sierra Leone a conclu avec certains pays de la région, notamment dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, des accords bilatéraux qui fixent les règles en la matière. Le projet de loi relative aux infractions sexuelles ne comporte pas de disposition relative à l’extradition.

Rapport initial de la Sierra Leone sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

20.M. Kabia (Sierra Leone) dit que la Sierra Leone n’a pas officiellement consulté d’ONG aux fins de l’élaboration du rapport à l’examen et qu’aucune activité de formation et de sensibilisation n’a encore été entreprise auprès des groupes professionnels travaillant avec des enfants susceptibles d’avoir pris part au conflit, mais qu’à la fin de la guerre, une formation sur les droits de l’enfant et la protection des enfants a été mise en place à l’intention des militaires, des policiers et des travailleurs sociaux et qu’elle continue à être dispensée. Le Ministère de la protection sociale a organisé des ateliers de sensibilisation sur la loi relative aux droits de l’enfant. Un enseignement relatif aux droits de l’homme est dispensé en dernière année du primaire et dans les deux premières années du secondaire. Plusieurs écoles se sont dotées d’un club des droits de l’homme.

21.La Sierra Leone n’a pas eu à prendre de mesures pour prévenir le recrutement d’enfants par des forces non étatiques car depuis la fin de la guerre aucun groupe armé n’opère dans le pays. L’article 28 de la loi relative aux droits de l’enfant dispose que tout enfant a le droit d’être protégé contre la participation à un conflit armé ou tout autre conflit et que l’âge minimum de l’enrôlement dans les forces armées est de 18 ans. Toute infraction à cette disposition emporte une amende et/ou une peine maximale de deux ans d’emprisonnement.

22.Le Président demande s’il existe une disposition pénale qui incrimine expressément le recrutement d’enfants par un groupe armé opérant dans l’État partie ou à l’extérieur.

23.M. Kabia (Sierra Leone) répond qu’aucune disposition spécifique du droit interne ne réprime le recrutement d’enfants par des groupes armés extérieurs et convient qu’il faudra remédier à cette carence juridique.

24.Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone est chargé de poursuivre les personnes ayant commis des crimes contre l’humanité durant le conflit qui a ravagé le pays pendant des années et les autorités sont en train de définir des modalités précises en vue de l’application des décisions et procédures du Tribunal spécial dans l’ordre juridique interne, notamment l’application dans le système judiciaire national des normes internationales sur lesquelles le Tribunal se fonde. L’État a en outre prévu des mécanismes devant intervenir après la dissolution du Tribunal spécial pour faire face à la question des criminels de guerre libérés.

25.Le Président demande si les enfants entendus par la justice à la suite de leur implication dans le conflit armé ont été condamnés ou s’ils ont été traités comme des victimes.

26.M. Kabia (Sierra Leone) indique qu’aucun mineur n’a été condamné par le Tribunal spécial, les enfants étant considérés comme des victimes du conflit.

27.Le Président demande ce qu’il est advenu des enfants associés au conflit et comment ils ont été pris en charge par l’État partie après la guerre.

28.M. Kabia (Sierra Leone) explique qu’au lendemain de la guerre, son pays a pris diverses mesures pour venir en aide aux enfants victimes de cette guerre, qu’ils aient ou non été directement impliqués dans les hostilités: des services psychosociaux leur ont été proposés, une formation professionnelle a été dispensée aux anciens combattants et dans le cadre du programme global de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, des programmes de rescolarisation ont été proposés aux enfants souhaitant revenir à l’école. Une aide financière a en outre été accordée aux victimes du conflit pour leur permettre de démarrer une nouvelle vie.

29.Le pays n’a pas pris de mesures officielles pour faire connaître au grand public les dispositions du Protocole facultatif, mais les policiers, militaires et enseignants suivent une formation relative à cet instrument et le Children’s Forum Network participe à la diffusion du Protocole par l’intermédiaire de ses programmes de sensibilisation.

30.Le Président aimerait savoir quel rôle jouent les médias dans la diffusion du Protocole facultatif et si les journalistes sont sensibilisés aux infractions visées dans cet instrument.

31.M. Kabia (Sierra Leone) dit que les enfants ont accès à des médias radiophoniques dans le cadre du Children’s Forum Network. Le Protocole facultatif n’a pas été traduit dans les langues locales.

32.Le P résident demande si l’État partie dispose d’une législation réglementant le commerce d’armes.

33.M. Kabia (Sierra Leone) dit qu’à sa connaissance aucune loi ne réglemente le commerce d’armes dans le pays. La vente d’armes est au demeurant du ressort exclusif de l’État; le pays n’est pas une plaque tournante du commerce international d’armes destinées à des pays tiers en guerre.

34.M. Filali demande si, durant leurs études, les élèves des lycées militaires sont initiés au maniement des armes.

35.M. Kabia (Sierra Leone) répond que les élèves de ces lycées ne manient pas d’arme pendant leurs études car la législation nationale le prohibe.

36.Pour les enfants nés avant la mise en place du mécanisme d’enregistrement systématique des naissances, la Sierra Leone a mis au point en partenariat avec l’UNICEF des directives sur l’évaluation de l’âge des enfants et fait aussi appel aux responsables locaux pour apprécier l’âge de certains enfants, lorsqu’il s’agit notamment de déterminer s’ils ont l’âge requis pour être enrôlés dans l’armée.

37.Le Président demande si les enfants dont l’âge a été déterminé a posteriori peuvent obtenir des papiers d’identité.

38.M. Kabia (Sierra Leone) répond qu’ils reçoivent en effet des documents d’identité.

39.M. Pollar (Rapporteur pour la Sierra Leone − OPAC) demande quel sort est réservé aux enfants susceptibles d’être accusés de terrorisme et quelles mesures de réadaptation et de réinsertion ont été instituées en faveur des enfants impliqués dans le conflit armé, notamment pour leur permettre de poursuivre des études dans un climat adapté à leurs besoins ou de suivre une formation professionnelle.

40.M. Kabia (Sierra Leone) indique que les anciens combattants ont bénéficié des prestations prévues par le programme global de désarmement, de démobilisation et de réinsertion. Les enfants qui ont été rescolarisés ont été suivis et encadrés par des spécialistes.

41.M. Koompraphant demande s’il existe des mécanismes visant à assurer le suivi des conditions de vie des enfants pour éviter qu’ils ne soient recrutés par des groupes armés.

42.M. Kabia (Sierra Leone) répond que les enfants scolarisés sont de facto suivis dans le cadre de leur scolarité et rappelle que les autorités sont en train de mettre en place des centres pour la prise en charge des enfants des rues.

43.M.  Filali souhaite savoir si des mesures spéciales ont été prises pour assurer la réintégration des filles-mères démobilisées de groupes armés.

44.M. Kabia (Sierra Leone) dit qu’un accompagnement psychologique a été assuré dans la mesure du possible à ces filles-mères, mais que le pays ne dispose pas des ressources suffisantes pour prendre en charge toutes les victimes.

45.M. Pollar (Rapporteur pour la Sierra Leone − OPAC) souligne que huit ans après la fin de la guerre, le Comité continue à s’intéresser de très près à ce que fait la Sierra Leone en faveur de la réinsertion des enfants victimes de la guerre et formulera certainement une recommandation sur la base de cette discussion.

46.M. Kabia (Sierra Leone) constate que ce sont les enfants qui ont le plus souffert de la guerre au Sierra Leone et qu’il faut maintenant s’attacher à les protéger en recourant à des mesures d’ordre législatif et judicaire, ainsi qu’à divers programmes avec l’aide et l’engagement du peuple sierra-léonais et de ses partenaires.

47.Le Président dit que les deux Protocoles imposent des mesures d’application un peu plus complexes et directes que celles de la Convention et remercie la délégation d’être venue apporter au Comité des précisions nécessaires.

La séance est levée à 16 h 40 .