Nations Unies

CRC/C/SR.1626

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

28 juin 2011

Original: français

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante- septième session

Compte rendu analytique de la 1626 e séance *

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 8 juin 2011, à 10 heures

Président e: Mme Lee (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Deuxième rapport périodique de Cuba sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties (s uite)

Deuxième rapport périodique de Cuba sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant (CRC/C/CUB/2; CRC/C/CUB/Q/2; CRC/C/CUB/Q/2/Add.1).

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation cubaine prend place à la table du Comité.

2.M. Moreno (Cuba) dit que le rapport périodique, élaboré avec la participation d’organisations non gouvernementales et d’associations d’enfants, donne un aperçu objectif des progrès accomplis dans l’application de la Convention, à laquelle Cuba est partie depuis 1991.

3.Consciente que des efforts restent à faire pour répondre à toutes les exigences de la Convention, Cuba continue de travailler à l’harmonisation des seuils d’âge avec les prescriptions de la Convention. Les pouvoirs publics s’efforcent également de satisfaire les exigences en matière de données statistiques, notamment grâce à la mise en place, en septembre 2009, du système statistique national et d’une application informatique sur les données statistiques relatives à la jeunesse, conçue avec le concours de l’UNICEF.

4.En 2004, Cuba a adopté son Plan national d’action en faveur de l’enfance et de l’adolescence (2004-2010), qui vise à donner effet aux engagements du Plan d’action «Un monde digne des enfants», adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2002.

5.L’année 2000 a été marquée par la conclusion d’un accord de coopération entre l’UNICEF et le Gouvernement cubain, intitulé «Projet de diffusion des droits de l’enfant et de l’adolescent», qui visait à mieux faire connaître à la population les droits reconnus aux enfants et qui a débouché sur la création d’une quinzaine de centres de référence sur les droits de l’enfant et de l’adolescent et sur la mise en place d’équipes techniques multisectorielles et interdisciplinaires.

6.Cuba a en outre ratifié les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (2007), la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (2009), la Convention relative aux droits des personnes handicapées (2007) et la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (2007). Les pouvoirs publics examinent actuellement la possibilité de ratifier la Convention (no 182) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants et le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

7.Le pays a également procédé à une réforme du Code pénal afin de sanctionner plus sévèrement les auteurs d’infractions portant atteinte au développement normal des enfants et adolescents et a conféré une meilleure protection aux familles cubaines, en mettant en avant le principe de la responsabilité partagée des deux parents et en instituant des sections spécialisées dans le droit de la famille dans les tribunaux municipaux populaires. En outre, un avant-projet de modification du Code de la famille est à l’étude. Il faut souligner que Cuba a une conception participative de la démocratie, ce qui permet aux jeunes et à la population de s’exprimer sur des sujets les concernant directement, comme les grandes orientations de la politique économique et sociale du pays.

8.Soucieux de garantir à chacun l’égalité des chances et le droit à la vie et à un développement harmonieux, l’État a institué l’école gratuite à tous les niveaux d’enseignement et est doté d’un système de santé gratuit d’excellente qualité. Plus de 50 % du budget de l’État est affecté à la santé, à l’éducation, aux programmes d’assistance, à la sécurité sociale et à la culture. Les dépenses en faveur de l’éducation, qui représentaient 19,4 % des dépenses totales en 2009, ont plus que triplé entre 2000 et 2009.

9.Le taux de mortalité infantile (4,5 pour mille naissances vivantes en 2010), a fortement baissé au cours des dix dernières années, grâce notamment à la vaccination. Ainsi, Cuba a déjà atteint les objectifs 3 et 4 du Millénaire pour le développement et a largement dépassé les objectifs de l’UNESCO dans le domaine de l’éducation: pratiquement 100 % des enfants, tous groupes d’âges confondus, sont scolarisés, y compris ceux ayant des besoins particuliers. Le pays compte 396 écoles spécialisées axées sur l’orientation professionnelle, qui ont permis, pendant l’année scolaire 2009/10, à 41 146 enfants âgés de zéro à 21 ans de suivre un enseignement spécialement adapté à leurs besoins. En outre, le pays est doté de 203 centres de diagnostic et d’orientation, qui permettent d’aiguiller les élèves ayant des besoins particuliers vers les services compétents.

10.L’ensemble de la population bénéficie d’une protection sociale et le pays a mis sur pied un cadre juridique et institutionnel de protection des enfants, assorti de programmes de prévention des mauvais traitements et de la violence, et d’assistance aux victimes. L’exploitation économique des enfants est inconnue à Cuba: il n’y a ni enfants des rues, ni enfants contraints de travailler.

11.Néanmoins, les enfants sont les premières victimes des conséquences économiques de l’embargo économique, commercial et financier imposé par les États-Unis sur Cuba depuis plus de cinquante ans. L’État cubain s’efforce de surmonter ces difficultés et de promouvoir les droits de l’enfant, tout en développant des relations de coopération et d’entraide avec d’autres pays. Ainsi, de nombreux Cubains exportent leurs compétences à l’étranger, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation, et participent à des initiatives de développement solidaire, comme le programme d’alphabétisation «Yo sí puedo», reconnu par l’UNESCO et mis en œuvre dans plus de 29 pays. Cuba accueille en outre un grand nombre d’étudiants étrangers, participe à un programme d’évaluation et de recensement des besoins des personnes handicapées en Amérique latine et met en œuvre, depuis une vingtaine d’années, un programme d’aide médicale aux victimes de la catastrophe de Tchernobyl.

12.M. Zermatten (Rapporteur pour Cuba), faisant observer que le deuxième rapport périodique a été reçu 12 ans après l’examen du rapport initial, regrette qu’il ne soit pas conforme aux directives pour l’établissement des rapports, ne réponde pas à toutes les préoccupations soulevées en 1997 et ne traite pas de la suite donnée aux recommandations formulées à cette époque.

13.Il prend note de la nouvelle politique socioéconomique du pays qui marque l’avènement d’une politique plus libéralisée et constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié de nombreux instruments internationaux, dont les deux Protocoles facultatifs à la Convention. M. Zermatten salue également les progrès accomplis dans le domaine de la santé et de l’éducation et se félicite que Cuba ait atteint ou soit en passe d’atteindre plusieurs des objectifs du Millénaire pour le développement. Il fait remarquer que Cuba semble considérer que la période de l’enfance s’achève à 16 ans, alors que la Convention définit l’enfance comme la période allant de 0 à 18 ans, et s’étonne de voir que les changements législatifs intervenus récemment sont davantage le résultat de décisions jurisprudentielles que de nouvelles dispositions législatives. Il encourage Cuba à ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et à adhérer à la Convention (no 182) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants.

14.Pour mieux situer la place de la Convention dans l’ordre juridique interne, M. Zermatten demande quel droit prime en cas de non-concordance entre les dispositions du droit international et celles du droit interne. Il demande aussi des précisions sur l’état d’avancement du projet de modification du Code de la famille et sa mise en conformité avec les prescriptions de la Convention et souhaite savoir comment est assurée la coordination entre les différents ministères et entre le pouvoir central et les provinces.

15.Il souhaiterait aussi obtenir davantage de précisions sur le mandat de la Commission permanente de la jeunesse, de l’enfance et de l’égalité, sur la coordination de ses activités et sur le budget et le mandat des conseils municipaux et provinciaux. Il demande également à quel organisme est rattaché le Réseau national pour la protection des mineurs orphelins et abandonnés et quel est le rôle de l’Association des femmes cubaines dans la mise en œuvre de la Convention.

16.M. Zermatten s’enquiert en outre des progrès accomplis dans la mise en œuvre du plan d’action visant à concrétiser les engagements pris dans le cadre du Plan d’action «Un monde digne des enfants». Il aimerait aussi savoir si l’État partie a élaboré un nouveau programme d’action pour les années à venir, si celui-ci s’inscrit dans une stratégie globale de développement et comment les nombreux plans et programmes sectoriels évoqués dans le rapport s’articulent entre eux. Il invite aussi l’État partie à indiquer s’il existe des organisations non gouvernementales nationales indépendantes, si elles ont participé à la rédaction du rapport, quel est leur rôle et comment elles sont financées.

17.Il constate que l’enfant ne semble pas être considéré comme un titulaire de droits qu’il pourrait exercer seul et demande ce qui est fait pour garantir le respect de son intérêt supérieur dans les décisions judiciaires et administratives et pour respecter son droit d’être entendu dans toutes les procédures le concernant, et pas seulement en matière de garde et de divorce. Il fait observer que l’âge fixé pour agir seul en justice, à savoir 14 ans, est trop élevé.

18.M me Al-Shehail (Rapporteuse pour Cuba) demande si des ressources financières suffisantes sont allouées à la mise en œuvre des plans en faveur de l’enfance et si ce financement est assuré à long terme.

19.Elle voudrait aussi savoir si l’État partie mène des campagnes de sensibilisation contre les châtiments corporels, qui restent licites dans la famille et à l’école. Elle demande où en est le projet de modification du Code de la famille fixant à 16 ans pour les filles comme pour les garçons l’âge auquel il est possible, à titre exceptionnel, de contracter mariage, quel est le nombre de ces mariages et sur quelles bases ont été accordées les autorisations.

20.Des informations font état de nombreux accidents mortels de la circulation chez les jeunes et Mme Al-Shehail demande quelles mesures sont prises pour sensibiliser la population à ce problème et pour adopter des lois rigoureuses visant à prévenir ces accidents.

21.Enfin, appuyée par M. Gur á n, elle demande si l’État partie dispose d’un organe indépendant chargé de surveiller la situation des droits de l’enfant conformément aux Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris).

22.M. Kotrane se déclare préoccupé par la lenteur des réformes législatives dans l’État partie. Rares sont les nouvelles lois qui ont été adoptées depuis l’examen du rapport initial de Cuba en 1997 et il est regrettable que l’instruction 187/07 publiée au Journal officiel extraordinaire du 15 janvier 2008 et concernant le droit de l’enfant d’être entendu, dès l’âge de 7 ans, dans les procédures qui portent sur l’autorité parentale, soit si peu appliquée par les tribunaux. Il conviendrait que les autorités cubaines réexaminent l’ensemble de leur législation pour la mettre pleinement en conformité avec la Convention car toutes les libertés publiques de l’enfant, telles que la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique semblent être limitées à la réalisation des objectifs de la société socialiste. Il faudrait savoir ce que les autorités cubaines entendent faire pour que les enfants puissent s’exprimer librement sur les décisions qui les concernent et sur les choix futurs de la société.

23.M. Kotrane voudrait aussi savoir si les juges connaissent les dispositions de la Convention, s’il leur arrive de citer la Convention dans leurs décisions et si les enfants ont la possibilité de recourir à des tests ADN pour établir leur filiation.

24.Il souligne de plus que Cuba n’a ratifié ni la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967 s’y rapportant, ni la Convention relative au statut des apatrides, ni la Convention sur la réduction des cas d’apatridie. Il souhaiterait un complément d’information sur les cas où l’enfant perd sa nationalité cubaine parce qu’il a un parent étranger par lequel il acquiert une autre nationalité.

25.M. Pollar demande quelles mesures prend l’État partie en matière de coopération internationale pour mettre en œuvre l’article 11 de la Convention, notamment dans les cas où un enfant cubain est emmené de manière illicite par un de ses parents dans un pays étranger, étant donné que Cuba n’a pas ratifié la Convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

26.M me Maurás Pérez demandesi l’instruction 187/07 de 2008 est entrée en vigueur et, si tel est le cas, si l’on a pu mesurer les résultats de son application. Même si les enfants ne sont pas directement touchés, elle voudrait aussi savoir si, à la suite de l’accord passé en 2010 avec l’Église catholique, les 52 prisonniers politiques détenus depuis 2003 ont été libérés. Elle regrette que les organisations de pionniers et les congrès d’enfants organisés aux niveaux national et régional soient des instances axées davantage sur l’éducation que sur la libre expression et souligne le principe de l’indivisibilité des droits de l’homme qui requiert que l’on fasse avancer simultanément la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et celle des droits civils et politiques. Si la Constitution consacre la liberté d’expression, son article 62 dispose que l’exercice des libertés ne peut aller à l’encontre des objectifs de la société socialiste. Le contrôle par l’État des moyens de communication et en particulier d’Internet limite la réalisation des droits de l’enfant tels qu’ils sont énoncés dans la Convention. Il faudrait savoir ce que l’État entend faire pour remédier à cette situation.

27.Si l’on ne peut que se féliciter de l’ouverture du marché cubain et du développement des relations commerciales de Cuba avec l’étranger, notamment avec l’Union européenne et la Chine, il convient de souligner que les activités des entreprises, en particulier des entreprises transnationales, peuvent aussi avoir une influence négative sur l’exercice des droits de l’homme, comme on l’a vu dans de nombreux pays, notamment une incidence sur la santé et sur l’environnement, sans compter le risque d’exploitation économique et d’exploitation sexuelle. Il faudrait par conséquent savoir s’il existe des projets visant à réglementer l’activité de ces entreprises, par exemple dans le secteur de l’hôtellerie. La délégation pourrait aussi indiquer ce qui est fait pour mettre en œuvre de manière plus complète le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel.

28.M me Varmah demande si la législation de l’État partie permet d’accorder la nationalité cubaine aux enfants qui, bien que nés de parents cubains, sont, pour une raison ou pour une autre, apatrides. Elle voudrait aussi savoir si le Gouvernement cubain envisage de modifier sa législation afin d’interdire complètement les châtiments corporels en tous lieux, y compris dans la famille, à la lumière de l’Observation générale no 8 du Comité sur le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments. Enfin, appuyée par M me Vijemmanne, elle demande si l’État partie a mis en place une permanence téléphonique gratuite fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre, accessible à tous les enfants à partir de téléphones fixes comme de téléphones portables et permettant de signaler les cas de maltraitance.

29.M me Al-Asmar, soulignant que l’État partie continue d’exercer un contrôle sur la presse et que tout le monde à Cuba n’a pas accès à Internet, demande ce qu’il en est de l’accès des enfants aux informations internationales.

30.M me Sandberg, rappelant que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes avait évoqué, dans ses conclusions finales de 2006, formulées à l’issue de l’examen des cinquième et sixième rapports périodiques de Cuba, la persistance des attitudes patriarcales et des stéréotypes concernant les rôle des hommes et des femmes dans la famille et avait recommandé à l’État partie de redoubler d’efforts pour lutter contre l’acceptation généralisée de ces stéréotypes, demande si les autorités cubaines ont pris des mesures en vue de sensibiliser la population à cette question.

31.M me Vijemmanne demande comment fonctionne la base de données DevInfo, mise en place en collaboration avec l’UNICEF et, en particulier, si des données sont recueillies sur les enfants victimes notamment de violences dans la famille et sur les familles dans lesquelles les enfants sont plus particulièrement en situation de risque. Elle voudrait aussi savoir quels types de programmes l’État partie a mis en place pour faire connaître les dispositions de la Convention aux enfants ainsi qu’aux professionnels qui leur fournissent des services, tels que les enseignants, les médecins et les travailleurs sociaux.

32.M. Cardona Llorens demande ce que font les autorités cubaines pour garantir la confidentialité dans l’accès à Internet et aux réseaux sociaux et pour prévenir toute immixtion dans la correspondance qu’entretiennent les enfants à travers ces réseaux, conformément à l’article 16 de la Convention.

33.M. Gur á n demande comment est assurée la coordination verticale des activités visant à mettre en œuvre la Convention et notamment s’il existe, au niveau des régions, des municipalités et des communautés, des directives claires à l’intention des professionnels qui travaillent avec les enfants concernant le respect de l’obligation prévue à l’article 3 de la Convention, relative à l’intérêt supérieur de l’enfant et de celle visée à l’article 12, relative au droit de l’enfant d’être entendu.

34.M. Madi, notant avec satisfaction que les enfants réfugiés ont accès à l’éducation et que les enfants nés à Cuba de parents réfugiés obtiennent la nationalité cubaine, voudrait savoir pourquoi Cuba n’a toujours pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967 s’y rapportant. Il demande si le Gouvernement cubain entend revoir sa politique relative à la nationalité des enfants nés à l’étranger de parents cubains, qui peut avoir pour conséquence de rendre ces enfants apatrides.

35.M me Nores de García demande si l’État partie s’est doté d’une institution indépendante qui puisse répondre aux questions des enfants et où ceux-ci puissent s’exprimer librement sans peur de représailles et si les enfants et les adolescents ont librement accès à Internet. Mme Nores de García tient à féliciter le Gouvernement cubain pour les progrès réalisés dans le domaine de la sécurité sociale et, en particulier, de la médecine.

La séance est suspendue à 11 h 20 ; elle est reprise à 11 h 40.

36.M. Moreno (Cuba) souligne que le terme «prisonniers politiques» est erroné. Personne n’est placé en détention à Cuba en raison de ses convictions politiques ou de l’expression de ces convictions. Toutefois, la législation cubaine, comme toutes les législations nationales, prévoit des sanctions très sévères contre les personnes qui sont reconnues coupables de mener des activités mercenaires et qui bénéficient des ressources d’une puissance étrangère pour attenter à la stabilité du pays. Toutes les personnes auxquelles il a été fait référence au cours du dialogue ont été libérées; certaines sont restées dans le pays et celles qui le souhaitaient ont pu quitter le pays librement.

37.M. Morenodénonce la manipulation autour de tout ce qui a trait à l’immigration cubaine aux États-Unis d’Amérique et la loi concernant Cuba (Cuban Adjustment Act) selon laquelle les émigrés cubains aux États-Unis d’Amérique reçoivent automatiquement le statut de réfugié alors qu’il s’agit majoritairement de personnes ayant émigré pour des raisons économiques. Il dénonce également la politique dite des pieds secs et des pieds mouillés en vertu de laquelle les clandestins cubains qui ont mis le pied sur le territoire des États-Unis sont accueillis alors que ceux qui sont interceptés en mer sont refoulés. M. Moreno explique que tant que ces irrégularités – qui encouragent la migration irrégulière − existeront, Cuba ne ratifiera ni la Convention relative au statut des réfugiés ni le Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés. Il fait remarquer que Cuba applique cependant entièrement les dispositions de ces deux instruments aux réfugiés qui arrivent à Cuba.

38.M. Moreno explique que les difficultés d’accès à Internet découlent du blocus économique et financier imposé par les États-Unis d’Amérique. Comme ailleurs, des restrictions sont appliquées à Internet pour des questions de morale et de protection des enfants, ainsi que pour des raisons de sécurité nationale.

39.M me Audivert Coello (Cuba) dit que les institutions gouvernementales et non gouvernementales participent à l’incorporation transversale de la Convention dans la législation et la pratique. Elle souligne que la législation cubaine antérieure à la ratification de la Convention en contenait déjà les principes fondamentaux. Plusieurs mesures ont été adoptées pour renforcer la protection des enfants, notamment le décret-loi no 175 portant modification du Code pénal, en 1997, qui prévoit de lourdes peines pour les cas de proxénétisme, de traite et d’agression sexuelle et l’introduction de peines plus lourdes en cas de corruption des mineurs.

40.Le décret-loi no 2/34 de 2003 relatif à la maternité de la femme au travail redéfinit notamment le rôle du père. La couverture sociale est désormais universelle; la loi no 105 de 2008 sur la sécurité sociale protège les mères d’enfants en bas âge, pour qu’elles puissent prendre un congé parental et les orphelins, pour qu’ils puissent notamment suivre des études.

41.M. Zermatten (Rapporteur pour Cuba) demande à la délégation cubaine s’il est envisagé de retirer la déclaration faite à l’article premier de la Convention. Tout en saluant la qualité de la protection de l’enfant à Cuba, il s’enquiert de la manière dont le statut de l’enfant sujet de droits est pris en considération dans le Code de la famille, le Code de l’enfance et de la jeunesse et le décret-loi sur l’adoption, les foyers pour mineurs et le placement familial. Il aimerait enfin savoir comment l’intérêt supérieur de l’enfant est intégré aux lois et appliqué dans les décisions judiciaires et administratives et comment le droit de l’enfant d’être entendu est respecté.

42.La Présidente aimerait des informations sur la suite qui a été donnée aux observations finales formulées par le Comité (A/53/41) à l’issue de l’examen du rapport initial (CRC/C/8/Add.30).

43.M. Moreno (Cuba)rappelle que Cuba travaille encore à la question de l’harmonisation de l’âge et à la révision de textes de loi pour y incorporer les dispositions de la Convention. Il souligne le caractère avant-gardiste de la législation cubaine qui intégrait la protection des enfants et des adolescents trente ans avant que la communauté internationale ne se penche sur la question.

44.M me Herrera Caseiro (Cuba) explique que, même si la Convention prime le droit interne, la déclaration ne sera retirée que lorsque l’âge de la majorité aura été fixé à 18 ans.

45.M me Gonzales Ferrer (Cuba) dit que l’article 9 de la Constitution nationale de 1976 énonce l’ensemble des libertés civiles dont jouissent également les enfants. L’avant-projet portant modification du Code de la famille de 1975 est porté depuis quelques années par la Fédération des Cubaines et l’Union nationale des juristes cubains, organisations non gouvernementales qui ont l’initiative des lois, et s’inscrit dans le Plan législatif 2008-2012 engagé par l’État cubain. Dès sa création, le Code de la famille a pris en considération l’intérêt supérieur de l’enfant en instaurant la fonction de conseillers référendaires pour toutes les affaires familiales dont les tribunaux connaissent, par exemple les actions en recherche de paternité ou de maternité ou l’adoption. L’avant-projet prévoit que les opinions de l’enfant seront prises en considération compte tenu du degré de maturité de l’enfant. Mme Gonzales cite deux décisions rendues par la première chambre du tribunal municipal de Guanabacoa dont les considérants mentionnent expressément la Convention et affirme que la parole des mineurs est entendue par les tribunaux des affaires familiales, dans un lieu adapté.

46.La Présidente aimerait savoir s’il existe un mécanisme chargé de la coordination des programmes et lois relatifs aux enfants et un organe de surveillance indépendant auprès duquel un enfant peut porter plainte.

47.M. Zermatten (Rapporteur pour Cuba) demande si la Commission permanente de la jeunesse, de l’enfance et de l’égalité joue un rôle opérationnel et un rôle de réflexion, et si elle assure la coordination entre les différents ministères et entre les niveaux national, régional, provincial et municipal.

48.M me Gonzales Ferrer (Cuba) précise que cette Commission permanente de l’Assemblée nationale du pouvoir populaire est composée de députés spécialistes des questions relatives à l’enfance et à l’égalité entre hommes et femmes, qu’elle se réunit deux fois par an pour examiner des sujets particuliers et que les ministères doivent y rendre compte de leurs activités. Les travaux sont menés de manière intersectorielle: par exemple, la coordination d’un programme relatif à la santé est assurée par le Ministère de la santé, tandis que chaque entité concernée exécute son propre plan d’action. Il revient aux membres de la Commission d’en surveiller la mise en œuvre sur le terrain.

49.M. Zermatten (Rapporteur pour Cuba) demande si c’est la Commission permanente de la jeunesse, de l’enfance et de l’égalité qui octroie les fonds nécessaires à la mise en œuvre des projets ou si les crédits budgétaires correspondants sont débloqués par le ministère compétent, les régions ou les municipalités.

50.M me Gonzáles Ferrer (Cuba) dit que chaque ministère dispose de ses propres fonds, qu’il répartit entre les différentes provinces et municipalités en fonction des initiatives prévues. Les autorités locales participent elles aussi au financement de certaines actions.

51.M. Moreno (Cuba) précise que la Commission a pour rôle de définir les stratégies et politiques de l’État en faveur des jeunes et de suivre la mise en œuvre des projets et programmes dans ce domaine mais n’est pas responsable de leur financement.

52.M me Silot Navarro (Cuba) dit que le Bureau du Procureur général de la République (Fiscalía General de la República) joue un rôle fondamental en ce qu’il a pour mandat de protéger les citoyens, en particulier les mineurs. Il s’acquitte de cette tâche par le truchement de ses directions pour la protection des droits des citoyens, présentes dans tout le pays, qui se saisissent de plaintes de personnes estimant que leurs droits ont été bafoués. Toutes les plaintes reçues par les directions donnent lieu à une enquête approfondie et aboutissent à une décision dans un délai de soixante jours, à moins que lesdites plaintes émanent d’enfants, auquel cas elles doivent être traitées plus rapidement. C’est également le Procureur de la République qui défend les enfants lorsque leurs intérêts sont contraires à ceux de leurs parents, et qui veille à ce que les décisions de justice respectent leur intérêt supérieur.

53.M. Reyes Rodríguez (Cuba) dit que Cuba s’est dotée de nombreuses commissions parlementaires chargées d’intervenir en cas de violation de la loi et de saisir le Procureur de la République pour qu’il y ait réparation du préjudice subi. La Commission de la jeunesse, de l’enfance et de l’égalité est une instance intersectorielle qui ne relève pas du Gouvernement; elle se compose de membres de divers horizons, y compris d’organisations non gouvernementales. Cuba n’a pas instauré d’institution indépendante des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris, mais la Convention n’impose pas de le faire et le fait qu’un pays se dote d’une telle instance n’est pas un gage d’indépendance financière ni politique. À Cuba, en revanche, la société civile participe pleinement à la définition des politiques et veille au respect de la légalité.

54.M. Zermatten (Rapporteur pour Cuba) demande s’il existe au sein du Bureau du Procureur un service spécialisé dans les questions relatives à l’enfance.

55.M me Silot Navarro (Cuba) dit qu’il existe au sein des services du Procureur présents sur tout le territoire des instances spécifiquement chargées de protéger les droits des mineurs.

56.M. Zermatten (Rapporteur pour Cuba) demande pourquoi la majorité pénale n’a pas été fixée à 18 ans, quelle est la peine la plus sévère pouvant être imposée à un enfant de 16 ans ou moins ayant commis une infraction et si un mineur peut être condamné à perpétuité. Il souhaiterait savoir si les mineurs sont détenus dans des quartiers séparés des adultes. La délégation cubaine pourrait indiquer si le Conseil des mineurs est une instance administrative ou judiciaire, s’il applique la loi pénale, quelles garanties il offre aux mineurs concernés, si la loi a fixé un âge minimum pour les enfants susceptibles d’être convoqués devant ce Conseil et en quoi consistent les Écoles de formation intégrale mentionnées au paragraphe 520 du rapport à l’examen.

57.M. Zermatten souhaiterait savoir si les peines imposées aux femmes adultes qui se livrent à la prostitution au motif qu’elles dérangent l’ordre public sont applicables aux jeunes filles et si les mineures se trouvant dans cette situation sont placées dans des centres de réadaptation. À ce propos, il aimerait savoir s’il est déjà arrivé que des étrangers soient condamnés à une peine de prison pour s’être livrés au tourisme sexuel et si des mises en garde sont affichées dans les aéroports du pays pour rappeler aux voyageurs le caractère délictueux de cette pratique.

58.La délégation cubaine pourrait indiquer quel est le nombre de tribunaux et de centres de correction dans l’État partie et de quelle formation bénéficient les juges, et quelle est l’ampleur de la violence intrafamiliale, des mauvais traitements et des sévices sexuels dans l’État partie, et si les auteurs de tels actes sont poursuivis.

59.M me Al-Shehail (Rapporteuse pour Cuba) voudrait savoir si l’État partie parvient à garantir un procès équitable aux jeunes gens en conflit avec la loi compte tenu du manque d’indépendance des juges, et si les magistrats et les avocats spécialisés dans les affaires de mineurs suivent une formation aux principes consacrés par la Convention.

60.La délégation cubaine voudra bien indiquer si les jeunes filles ont accès gratuitement à des méthodes contraceptives, voire à la pilule du lendemain, afin de réduire le nombre d’avortements, quelles mesures l’État partie entend prendre pour promouvoir l’enseignement supérieur qui est en perte de vitesse au profit de l’enseignement technique et professionnel, et quels programmes les ONG ont mis en place en collaboration avec le Gouvernement cubain pour favoriser l’enseignement des droits de l’homme et la liberté d’expression.

61.Des informations complémentaires sur la levée des restrictions imposées aux déplacements à l’intérieur du pays en vue du regroupement des familles dispersées sur l’ensemble du territoire seraient les bienvenues, tout comme des statistiques sur les mouvements de population depuis les petits villages vers les centres urbains et des précisions sur les mesures prises pour protéger les droits de l’enfant dans ce contexte.

62.M. Cardona L l orens, notant que 70 % des enfants handicapés sont scolarisés dans des établissements spécialisés et 30 % dans le système éducatif traditionnel, estime qu’il serait préférable que cette proportion soit inversée, et voudrait savoir si ces enfants ont accès aux programmes de loisirs et de récréation − et en particulier aux camps de pionniers − au même titre que les autres enfants.

63.Il serait utile que la délégation cubaine décrive les programmes mis en œuvre par l’État partie pour lutter contre la consommation de tabac, d’alcool et de drogues et pour sensibiliser les jeunes aux risques que ces substances présentent pour leur santé.

64.M me Varmah demande quelles possibilités sont offertes aux enfants qui ont abandonné leurs études et souhaitent reprendre une formation, et si la loi impose de mettre en place un système d’éducation inclusive reposant entre autres sur une formation spécialisée des enseignants et sur l’élaboration de programmes scolaires adaptés aux besoins spécifiques de ces enfants et de matériels pédagogiques spécialisés. Enfin, elle voudrait savoir si l’État partie encourage l’apprentissage de la langue des signes tant dans les écoles qu’en dehors et si les enfants sans papiers originaires d’Haïti qui affluent en grand nombre à Cuba jouissent des mêmes conditions d’accès à l’enseignement que les enfants en situation régulière.

65.M. Koompraphant,notant que le taux de chômage est particulièrement élevé (20 %) dans l’État partie, demande de quel soutien bénéficient les chômeurs chefs de famille et comment les besoins essentiels des enfants issus de ces familles sont couverts. Il demande en outre quelles dispositions l’État partie a prises pour faire en sorte que les sévices sexuels et les cas d’exploitation sexuelle soient dénoncés et donnent lieu à l’ouverture d’une enquête, que les auteurs de tels actes soient poursuivis et que la victime fasse l’objet d’un suivi et obtienne réparation. Enfin, il aimerait savoir qui est chargé de préserver le bien-être de l’enfant lorsque les parents eux-mêmes sont à l’origine des actes délictueux et quelles mesures ont été mises en place pour prévenir la pédopornographie et la prostitution à Cuba.

66.M me Herczog s’enquiert de la manière dont l’État partie aide les parents à s’acquitter de leurs obligations parentales et prévient la violence intrafamiliale et les autres formes de violence, et demande si les parents d’enfants ayant des besoins spéciaux bénéficient d’une aide sociale et financière.

67.Notant que la quasi-totalité des enfants de moins de 6 ans sont scolarisés dans le cadre de la prise en charge de la petite enfance, Mme Herczog craint que la qualité de l’enseignement laisse à désirer et que ce soit davantage pour permettre aux mères de travailler que pour éveiller les enfants dès le plus jeune âge que l’enseignement préscolaire a été généralisé. Elle voudrait donc connaître le nombre d’élèves par professeur et le niveau de formation des enseignants.

68.Déplorant que, sur les dix-huit semaines de congé de maternité, six doivent être prises avant l’accouchement, Mme Herczog voudrait savoir s’il est possible pour l’un ou l’autre des parents de prendre un congé parental sans solde à l’issue du congé de maternité, et, dans l’affirmative, si le bénéficiaire a droit à une aide financière. Enfin, la délégation cubaine pourrait indiquer quelles mesures ont été prises pour favoriser l’allaitement maternel exclusif.

La séance est levée à 13 heures.