Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.92119 janvier 2004

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente‑cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 921e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 13 janvier 2004, à 15 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique de l’Indonésie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de l’Indonésie (CRC/C/65/Add.23; liste des points à traiter (CRC/C/Q/IDN/2); rapport complémentaire (document sans cote distribué en séance, en anglais seulement)) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation indonésienne reprend place à la table du Comité.

2.M. HARIYADHI (Indonésie) fait observer que la plupart des réponses aux questions posées par les membres du Comité figurent dans le rapport complémentaire, certes soumis quelque peu tardivement par l’État partie.

3.M. SIDI (Indonésie) reconnaît que les frais de scolarité sont très élevés en Indonésie, mais souligne que les élèves de l’enseignement obligatoire (cycle de neuf ans) − dont plus de la moitié sont des filles − peuvent bénéficier de bourses et d’allocations publiques. Les enfants des rues ont eux aussi la possibilité d’être scolarisés, dans le cadre d’un enseignement de substitution leur permettant à terme, si l’expérience est concluante, de réintégrer le système d’enseignement classique.

4.Le système éducatif national est en pleine réforme. Des programmes de formation préalable et en cours d’emploi du personnel enseignant ont notamment été mis en place dans les universités et les instituts de formation des maîtres. Les autorités ont également élaboré des programmes scolaires basés sur les compétences attendues.

5.Étant donné la forte proportion (80 %) de diplômés de l’enseignement secondaire qui n’entrent pas à l’université et se retrouvent sur le marché du travail, l’accent est mis sur la formation professionnelle. L’État partie espère ainsi réduire sa main‑d’œuvre non qualifiée et aider les jeunes à trouver rapidement un emploi.

6.Une enquête a fait apparaître que les enfants handicapés et les enfants ayant des besoins spéciaux représenteraient 2 à 3 % des élèves indonésiens. Les établissements accueillant des enfants handicapés sont à 90 % des établissements privés subventionnés par l’État. Face à cette situation, le Gouvernement s’efforce d’instaurer un système éducatif intégrateur, notamment en facilitant l’accès physique aux établissements d’enseignement. La création récente d’une Direction de l’éducation spéciale témoigne de l’intérêt que l’État partie porte à la question.

7.En ce qui concerne les mariages d’enfants scolarisés, qui sont loin d’être chose courante, il convient de faire la distinction entre les élèves qui se marient sous la pression de leurs parents ou au nom de la culture et de la tradition, en particulier dans les campagnes, et les jeunes filles qui se marient en raison d’une grossesse «accidentelle». La question est toujours réglée au cas par cas, en liaison directe avec l’établissement fréquenté et les parents de l’enfant pour que celui‑ci reçoive une instruction.

8.S’agissant de savoir si un non‑ressortissant a accès au système éducatif indonésien, M. Indrajati Sidi indique que cela ne pose théoriquement pas de problème. Les écoles internationales indonésiennes, autrefois réservées aux enfants d’expatriés, sont maintenant tenues d’accueillir 20 % d’élèves indonésiens.

9.Enfin, le système de prise en charge des enfants en bas âge repose sur les garderies et les jardins d’enfants, qui n’accueillent encore malheureusement qu’un enfant sur cinq du groupe d’âge concerné. La plupart des programmes en la matière sont le résultat d’initiatives communautaires, soutenues financièrement par l’État.

10.Le PRÉSIDENT souhaiterait savoir, en sa qualité d’expert, si au vu du pourcentage élevé de jeunes abandonnant leurs études pour entrer sur le marché du travail, l’État partie envisage de se doter d’une politique visant à leur assurer un emploi au sortir de l’école et quelle est la proportion de diplômés de l’enseignement secondaire réussissant à trouver directement un emploi. Il demande également si, juridiquement parlant, les jeunes filles mariées sous la pression de leurs parents sont considérées comme des enfants ou comme des adultes, auquel cas la Convention serait difficile à appliquer. Enfin, il demande des éclaircissements sur l’application de la réforme du système éducatif dans les madrasas et autres écoles religieuses.

11.M. SIDI (Indonésie) indique que conformément à la nouvelle loi sur l’éducation, aucune distinction n’est faite entre les madrasas (qui constituent environ 20 % des établissements scolaires − primaires, secondaires et professionnels − du pays et accueillent au total quelque 45 millions d’élèves) et les autres écoles. En outre, les élèves peuvent suivre des matières «extrascolaires» (aptitudes fondamentales et sociales, qualifications professionnelles) déterminées en collaboration avec les communautés, en fonction de leurs besoins.

12.Le Gouvernement a également mis en place un programme de coopération entre les écoles et les entreprises en vue de réduire autant que possible le nombre de jeunes chômeurs. Il n’existe pas à l’heure actuelle de statistiques relatives au nombre d’étudiants trouvant directement un emploi après leurs études.

13.M. FILALI demande si les programmes d’enseignement des madrasas sont arrêtés par l’État ou par des collèges privés et si leurs budgets de fonctionnement sont d’origine privée ou publique.

14.M. SIDI (Indonésie) explique que l’État partie s’applique aujourd’hui à rapprocher les modalités de fonctionnement des madrasas et des écoles classiques et à améliorer la qualité de l’enseignement dispensé dans les madrasas et que les cours dispensés par ces deux types d’établissements sont tous supervisés par le Ministère de l’éducation. Même si 90 % des madrasas sont des établissements privés, c’est l’État qui soutient financièrement et assure la formation de tous les enseignants.

15.Le PRÉSIDENT demande, en sa qualité d’expert, si le programme scolaire des madrasas est le même que celui des établissements publics.

16.M. SIDI (Indonésie) répond que les madrasas suivent le même programme d’enseignement que les autres écoles, mais enseignent en plus des matières religieuses.

17.M. AZWAR (Indonésie) dit que l’amélioration des conditions sanitaires est l’une des priorités du gouvernement actuel qui, dans le cadre de l’Initiative 2010, met en œuvre divers programmes axés respectivement sur les soins de santé maternelle et infantile, sur l’accès aux soins de santé de base et sur la protection sociale. Dans l’espoir de faire reculer le taux élevé de mortalité infantile, en constante augmentation ces cinq dernières années, on s’emploie à doter chaque district d’un centre de santé communautaire chargé de dispenser des soins de santé de base, de santé mentale et de santé des adolescents et de mettre en œuvre des programmes de vaccination. Les autorités comptent sur la participation active de la collectivité pour ouvrir d’autres installations de soins de santé.

18.Actuellement, quelque 10 millions de pauvres disposent d’une carte leur permettant d’obtenir gratuitement des soins de santé dans les dispensaires et hôpitaux du pays. Même si les résultats ne sont pas encore satisfaisants, notamment en comparaison avec la situation prévalant dans les pays voisins de la région, l’État partie, en partenariat avec les ONG, le secteur privé, les institutions internationales et les universités, ne ménagera aucun effort pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixés.

19.L’Indonésie applique par ailleurs les recommandations de l’OMS en faveur d’un allaitement maternel exclusif de six mois. En réaction aux pressions exercées par les fabricants de lait artificiel auprès des personnels de santé, l’État partie légifère et ouvre, dans la mesure du possible, des salles réservées à l’allaitement sur les lieux de travail.

20.M. LIWSKI souhaiterait connaître le nombre moyen de personnes desservies par un centre de santé communautaire et savoir si l’État partie s’est fixé des objectifs en la matière dans le cadre de l’Initiative 2010.

21.M. AZWAR (Indonésie) fait savoir qu’il existe actuellement un centre de santé pour 30 000 habitants, parfois plus dans les grandes villes. En outre, le pays compte de nombreux petits dispensaires et dans les zones les plus reculées, des centres de santé mobiles. Le Gouvernement affecte également des sages‑femmes en zones rurales. Le problème n’est donc pas tant le nombre des centres de santé en place que l’amélioration de la qualité des services qui y sont dispensés.

22.Selon les estimations des experts, le nombre de cas de VIH/sida en Indonésie s’établirait entre 90 000 et 130 000. Si les relations sexuelles étaient autrefois le principal mode de transmission du virus, la transmission de la mère à l’enfant et par le biais de la toxicomanie est en augmentation depuis quelques années. Le Programme de lutte contre le VIH/sida comporte un volet intitulé «promotion et prévention» qui repose sur l’organisation, avec les ONG, de campagnes de sensibilisation au VIH et de promotion du préservatif, ainsi qu’un volet «traitement» qui vise à accroître la capacité d’accueil des centres de santé et des hôpitaux et à former adéquatement le personnel soignant et les sages‑femmes. L’État partie a récemment demandé l’assistance de la Thaïlande et espère pouvoir produire bientôt un médicament anti‑VIH.

23.Mme AL‑THANI souhaiterait savoir si l’État partie a signé le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel de l’OMS et si les chefs religieux ont été associés aux campagnes d’éducation relatives au VIH.

24.M. AZWAR (Indonésie) dit que l’État partie a signé le Code en question mais que cela n’empêche nullement les industriels de se livrer à des pratiques publicitaires illégales. D’autre part, il n’est pas concevable dans un pays où le poids de la religion est aussi fort de ne pas associer aux campagnes de sensibilisation au VIH/sida les chefs religieux, qui sont parfois davantage écoutés que les responsables gouvernementaux et les médecins.

25.S’agissant des abus sexuels dont sont victimes les enfants, l’État partie a mis sur pied, avec l’UNICEF, un programme spécifique visant dans un premier temps, à mesurer l’ampleur du phénomène et à former les personnels concernés pour que ces derniers soient en mesure de détecter les cas d’abus sexuels, de les traiter et, le cas échéant, d’orienter les victimes vers des institutions de prise en charge. Un manuel a déjà été élaboré à cet effet.

26.Mme HASTUTI (Indonésie) dit que l’Indonésie comptait 1,5 million de personnes handicapées en 2001, dont 20 % d’enfants. La loi de 2002 relative à la protection de l’enfance met particulièrement l’accent sur la promotion et le respect des droits des handicapés et si ce groupe de la population continue de rencontrer de nombreux problèmes, le Gouvernement indonésien ne ménage aucun effort pour améliorer sa situation et s’est fixé comme priorité absolue la création d’un système fiable d’information sur les enfants handicapés et le renforcement de la capacité des administrations locales à fournir des services aux handicapés et à leur rendre les installations publiques accessibles.

27.M. SENTIKA (Indonésie) dit que l’administration indonésienne délivre gratuitement les certificats de naissance dans un délai de 30 jours à compter du dépôt de la demande par les parents et que le droit à un nom et une nationalité est pleinement reconnu. Il ressort toutefois d’une étude réalisée en 2001 que 25,7 % seulement des enfants âgés de 0 à 5 ans disposaient d’un certificat de naissance, mais le Gouvernement a mis en œuvre un programme en collaboration avec l’UNICEF afin que 75 % des enfants de moins de 5 ans aient un certificat de naissance d’ici à 2006.

28.En ce qui concerne la lutte contre la traite des personnes, l’État partie a adopté un plan national d’action qui comprend quatre volets: élaboration d’une loi visant à réprimer les responsables de la traite, création d’un réseau destiné à favoriser la réadaptation des victimes de la traite dans toutes les provinces, prévention de toutes les formes de traite − en collaboration avec des organisations non gouvernementales internationales − et coopération interinstitutions aux échelons national et international. En 2000, 137 personnes impliquées dans un trafic de personnes ont été traduites devant les tribunaux.

29.M. PUJA (Indonésie) confirme qu’il n’existe aucune définition juridique de la notion de «peuple autochtone» car l’État partie considère que tous les Indonésiens sont des autochtones. Pour ce qui est des non‑croyants, la loi de 2002 relative à la protection de l’enfance garantit expressément le droit de l’enfant à la liberté de pensée et de religion. Toutefois, si l’enfant est libre de pratiquer la religion de son choix, il est tenu de respecter les limites imposées par la loi.

30.M. RASYD (Indonésie) dit que l’Indonésie reconnaît trois types d’adoption (l’adoption d’un enfant indonésien par des Indonésiens, l’adoption d’un enfant indonésien par des étrangers et l’adoption d’un enfant étranger par des Indonésiens) et prévoit des procédures très rigoureuses. Dans le cas d’une adoption par des Indonésiens, les adoptants déposent une demande auprès du tribunal compétent qui procède à l’examen de la situation des futurs parents avant d’approuver ou de rejeter la demande. Dans le cas d’une adoption internationale, les étrangers doivent présenter une demande d’autorisation d’adoption auprès du Département des affaires sociales, qui mène une enquête sur les futurs parents et dispose de trois mois pour se prononcer. Si la demande est acceptée, elle est officiellement entérinée par un tribunal. Quelle que soit la situation, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui prime sur toute autre considération. En 2002, on a enregistré 1 115 adoptions, dont 863 adoptions par des Indonésiens et 252 par des étrangers.

31.Le PrÉsident demande, en sa qualité d’expert, dans quelle mesure l’Indonésie en tant que pays islamique applique la kafala. Il note au paragraphe 215 du rapport que seulement 10 adoptions internationales ont été enregistrées en 1999 et se demande si les statistiques présentées reflètent bien la réalité.

32.M. HARIYADHI (Indonésie) dit que l’État partie considère l’adoption d’un enfant indonésien par des étrangers comme une solution de dernier recours et souligne que ce type d’adoption n’est autorisée que depuis peu. Il rappelle les principes de l’islam selon lesquels les liens qui unissent un enfant adopté à ses parents biologiques ne peuvent être rompus et les parents adoptifs doivent normalement avoir la même religion que l’enfant adopté.

33.Le PrÉsident demande, en sa qualité d’expert, si la pratique des châtiments corporels reste courante à l’école et si les parents d’enfants délinquants ont toujours la possibilité de demander leur placement dans un établissement correctionnel.

34.M. HARIYADHI (Indonésie) dit que les châtiments corporels ne sont plus autorisés à l’école et l’État partie privilégie désormais d’autres moyens de faire régner la discipline et de promouvoir les valeurs morales des enfants. Les parents n’ont plus la possibilité de demander le placement de leurs enfants en établissement correctionnel. Seuls les tribunaux peuvent prononcer un placement. Les jeunes gens en situation de conflit avec la loi peuvent être conduits dans un établissement correctionnel par la police en attendant le jugement du tribunal compétent.

35.Mme SMITH, appuyée par Mme ALUOCH, fait observer que si les informations figurant au paragraphe 454 (al. c) du rapport à l’examen − qui traitent de la possibilité, pour les parents, de demander le placement de leur enfant dans un établissement correctionnel − sont erronées, il convient d’y apporter un rectificatif.

36.M. HARIYADHI (Indonésie) explique que l’Indonésie procède actuellement à une vaste réforme de son système juridique et qu’il arrive que des lois nouvellement adoptées ne soient pas immédiatement suivies d’effets car elles ne sont pas suffisamment connues du grand public. C’est notamment le cas de la loi concernant le placement d’un enfant difficile en établissement correctionnel. Le Gouvernement s’attachera à l’avenir à faire mieux connaître ces lois.

37.M. FILALI demande ce qui explique que la loi sur les tribunaux pour mineurs de 1997 ne soit pas appliquée. Il déplore que l’âge de la responsabilité pénale, fixé à 8 ans, ne soit pas en harmonie avec celui que préconisent les instruments internationaux relatifs aux droits de l’enfant et que les jugements concernant des mineurs soient rendus en séance publique, ce qui va à l’encontre des principes régissant la protection de l’enfance. Il constate avec préoccupation que les peines infligées aux enfants sont parfois trop lourdes, comme en témoigne la condamnation d’un enfant à l’emprisonnement à vie en octobre 1998, et voudrait savoir si des recours judiciaires s’offrent aux enfants qui estiment avoir été trop sévèrement punis.

38.Il demande un complément d’information sur la situation des enfants dans les zones de conflits armés et aimerait savoir si les dispositions de la loi martiale reconduite dans la région d’Aceh, ou encore de la loi antiterroriste, s’appliquent aux enfants.

39.Enfin, il serait utile d’obtenir des informations plus précises sur les mesures prises, le cas échéant, pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants, sur la situation des enfants réfugiés du Timor oriental et leur prise en charge ou encore sur les conditions de détention des enfants, qui seraient inhumaines.

40.Mme SMITH demande s’il est question de relever l’âge de la responsabilité pénale et si l’État partie n’envisage pas, plutôt que de construire des cellules à part destinées aux enfants, de remplacer les peines de prison infligées aux jeunes délinquants par des peines de substitution. Elle souhaite enfin savoir si l’Indonésie reconnaît aux enfants réfugiés des droits identiques aux autres enfants en matière d’éducation, de santé et de protection sociale notamment.

41.M. CITARELLA déplore l’absence de loi consacrant le principe de non‑discrimination à l’égard des enfants appartenant à un groupe autochtone, insistant sur le fait que bien que la délégation nie l’existence de tels groupes en faisant valoir que la population indonésienne dans son ensemble est autochtone, il est bien indiqué au paragraphe 113 du rapport que la loi no 39 de 1999 sur les droits de l’homme ne reconnaît pas explicitement les droits des enfants des groupes autochtones. Il convient donc de se demander si l’Indonésie s’est au moins dotée d’une loi qui protégerait les minorités et les groupes ethniques.

42.Il aimerait par ailleurs savoir si un enfant de moins de 8 ans peut faire l’objet de poursuites pénales en application de la loi sur les tribunaux pour mineurs de 1997 et si l’État partie envisage de procéder à un examen de la compatibilité de cette loi avec les dispositions générales relatives à la protection de l’enfance en Indonésie.

43.M. LIWSKY, déplorant qu’aucune mesure n’ait été adoptée pour prévenir l’impunité des auteurs de sévices à enfant, demande ce que l’État partie entend faire pour pallier ce problème.

44.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, se demande pourquoi l’État partie a prévu la possibilité pour les juges de tribunaux pour mineurs d’imposer à ces derniers des amendes, puisque l’on peut aisément imaginer que les mineurs ne disposent pas de moyens financiers suffisants pour les payer. Il souhaite en outre savoir quelles mesures l’État partie entend prendre pour faire baisser d’une manière générale le nombre de peines de prison infligées aux jeunes délinquants et plus précisément celui des mineurs détenus avec des adultes, et pour éviter que les enfants ne soient contraints par l’armée officielle ou par des groupes armés rebelles de rendre certains services au péril de leur vie. Il souhaite savoir si l’État partie a adopté des programmes de prise en charge des enfants victimes de conflits armés.

La séance est suspendue à 16 h 52; elle est reprise à 17 h 10.

45.M. RASYD (Indonésie) dit que la loi sur les tribunaux pour mineurs de 1997 prévoit certes la possibilité pour le juge d’engager une action pénale contre un enfant de 8 ans et plus, mais qu’il ne faut pas pour autant en déduire qu’elle aboutit automatiquement à une condamnation, au contraire. En effet, seuls les enfants âgés de 12 ans et plus s’exposent à une peine. Leurs cadets sont placés dans un centre de réadaptation sociale, le but étant de corriger et non de punir. Il convient de noter que le Gouvernement est conscient de la nécessité d’harmoniser toutes les lois relatives à la protection de l’enfance.

46.M. PUJA (Indonésie) dit que le nombre de personnes déplacées dans la région d’Aceh a considérablement diminué depuis la reconduction de la loi martiale en novembre 2003. Le Gouvernement s’attache en outre tout particulièrement à fournir une assistance humanitaire aux habitants de cette région et veille à ce que le droit à l’éducation des enfants y soit respecté. Pour cela, il a octroyé 5 000 bourses, reconstruit de nombreuses écoles et nommé de nombreux enseignants. Il aide également à mettre en place des programmes de réunification familiale et de conseil aux enfants traumatisés. L’armée ne compte aucun enfant dans ses rangs, mais cela ne serait pas le cas des groupes rebelles armés.

47.L’Indonésie prépare actuellement son deuxième Plan d’action national sur les droits de l’homme, qui sera mis en œuvre sur la période 2004‑2009; la ratification des deux Protocoles facultatifs à la Convention ainsi que celle du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en constituent des éléments prioritaires et elles devraient intervenir d’ici à 2005 ou 2006.

48.Concernant les attentats de Bali, le Gouvernement a accordé une bourse aux 39 étudiants indonésiens qui figuraient parmi les victimes survivantes. Il convient enfin de rappeler que l’Indonésie ne compte pas d’autochtones sur son sol, sauf à considérer que tous les habitants sont des autochtones. Toute mention à des autochtones dans le rapport initial ne peut donc être due qu’à un malentendu ou à une erreur de traduction.

49.Mme HASTUTI (Indonésie) dit que les initiatives de l’État en faveur des personnes déplacées sont multiples: secours d’urgence, notamment distribution de nourriture, mais aussi conseil psychosocial dans des centres spécialisés dans l’accueil des personnes ayant subi un traumatisme (dans trois provinces), ou encore envoi de travailleurs sociaux et mesures incitatives pour favoriser la prise en charge des enfants déplacés par les communautés. Des foyers d’aide sociale proposant aux déplacés des services complets, notamment des services de conseil psychosocial, des services de santé et des activités éducatives, ont été mis en place aux Moluques et le seront sous peu dans la région d’Aceh. Là encore, malheureusement, les ressources budgétaires limitées font que les besoins sont encore loin d’être tous couverts.

50.M. SIDI (Indonésie) reconnaît que plusieurs centaines d’enseignants ont fui les zones de conflit, entraînant une pénurie de personnel qualifié, tout particulièrement en Aceh. Soucieux du maintien des services éducatifs sur l’ensemble des territoires, le Gouvernement a toutefois entrepris de recruter et de former plus de 700 enseignants dans les communautés locales. Il a aussi envoyé plus de 150 tonnes de livres scolaires dans la région d’Aceh et construit de nouvelles écoles dans les zones sécurisées. La sécurité reste, il est vrai, un problème qui entrave la poursuite des classes dans certaines zones, et certains cours doivent se dérouler sous des tentes, dans des camps de fortune, du fait des activités des groupes séparatistes.

51.En 2004, d’importants programmes similaires impliquant également recrutement d’enseignants dans les communautés locales, construction d’écoles et envois de livres, seront mis en œuvre en Papouasie, en partenariat avec les autorités locales et le secteur privé. D’une manière générale, la priorité sera accordée en cette année 2004 à la partie orientale de l’archipel.

52.Les réfugiés originaires du Timor oriental y retournent massivement, le nombre de familles déplacées étant tombé de 4 500 initialement à 400 aujourd’hui. Dans l’intervalle, l’État met bien sûr tout en œuvre pour assurer une éducation aux enfants réfugiés.

53.M. AZWAR (Indonésie) ajoute que l’État a aussi à cœur de maintenir dans les zones de conflit un niveau de santé satisfaisant et a pour ce faire mis en place un programme spécial. C’est dans cet esprit que les activités du centre de soins de santé d’Aceh ont été maintenues. De même, alors que dans le reste du pays la fourniture gratuite de médicaments et de compléments alimentaires et le placement du personnel soignant − médecins et infirmières − est du ressort des pouvoirs locaux, dans les zones de conflit, c’est le Gouvernement central qui assume ces responsabilités.

54.Au sujet des personnes déplacées suite au référendum du Timor oriental, notamment, dont certaines peuvent être traumatisées par la perte de membres de leur famille par exemple, il ajoute qu’elles bénéficient de services de soins de santé non seulement physique mais aussi mentale.

55.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, fait observer que certaines questions sur la justice des mineurs restent sans réponse. Il invite la délégation à confirmer ou infirmer qu’il n’existe pas de réelle alternative à l’emprisonnement dans l’État partie. L’État partie construirait, selon les informations qu’il a fournies, de nouveaux centres de détention alors que c’est là un moyen de lutte contre la délinquance très coûteux, et la plupart des mineurs délinquants seraient envoyés en prison, une proportion importante d’entre eux étant même détenus avec des adultes, ce qui appelle une action urgente.

56.Mme VUCKOVIC‑SAHOVIC, relevant à la page 96 du rapport complémentaire que les mineurs de moins de 12 ans ne peuvent pas être condamnés à la peine capitale ni à la réclusion à perpétuité, demande s’il faut en conclure que les mineurs de plus de 12 ans, eux, peuvent l’être.

57.M. CITARELLA souhaiterait savoir si la loi et le décret antiterroristes, qui prévoient des dérogations notables aux garanties judiciaires, sont aussi applicables aux mineurs.

58.M. RASYD (Indonésie) explique que les textes interdisent d’imposer la peine capitale et la réclusion à perpétuité aux enfants de moins de 12 ans et prévoient pour l’ensemble des mineurs l’imposition d’une peine égale à la moitié de la peine qui serait prononcée à l’encontre d’un adulte pour les mêmes faits. Dans le cas d’un mineur, un crime normalement passible de la peine de mort est puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de 10 ans. Reste que dans l’interprétation qu’ils font de ces dispositions, les juges sont en général bien moins sévères. Dans le prochain rapport périodique, il y aura lieu d’insister davantage sur la pratique réelle des tribunaux, qui, grâce à un important travail de sensibilisation des magistrats aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, se révèlent aujourd’hui bien plus avancés et progressistes que les textes de loi qu’ils doivent appliquer.

59.En vertu de la loi, les services d’un avocat sont obligatoires pour toutes les personnes accusées de faits passibles de cinq ans d’emprisonnement et plus et facultatifs pour les personnes encourant une peine moins lourde, mais dans la pratique la plupart des accusés se font assister d’un conseil.

60.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, note en s’en félicitant que l’État partie a fait de l’élimination du travail des enfants sa priorité pour les cinq années à venir, mais aimerait connaître les moyens qu’il a mis en œuvre pour parvenir à un tel résultat et savoir si dans ce combat l’État central peut compter sur la pleine collaboration des autorités locales.

61.M. SUDARYANTO (Indonésie) dit que son pays sait parfaitement que le travail des enfants et la pauvreté sont étroitement liés et a donc choisi d’allier lutte contre le travail des enfants et lutte contre la pauvreté. Pour l’aspect spécifiquement lié à la lutte contre le travail des enfants, les efforts s’articulent autour de campagnes de sensibilisation et d’interventions directes dans les entreprises en vue de retirer les enfants des sites. Menées avec les autorités locales, ces opérations sont complétées par le versement d’aides financières aux parents.

62.M. FILALI remercie les membres de la délégation pour les éclaircissements qu’ils ont apportés qui permettent au Comité de mieux mesurer le chemin parcouru par l’État partie et son engagement, réel, pour la réforme. Il salue en particulier la volonté que l’Indonésie a exprimée de lever sa réserve à la Convention.

63.Au nombre des domaines dans lesquelles persistent des difficultés, il convient d’insister sur la mise en œuvre effective de la loi sur la protection des enfants et la coordination de l’action en faveur de l’enfance et la collecte puis l’évaluation de données. Il souligne en outre que la future commission nationale devrait être conforme aux Principes de Paris et que le texte de la Convention et tous les documents issus du dialogue avec le Comité devraient faire l’objet d’une large diffusion.

64.Parmi les autres points devant retenir toute l’attention des autorités indonésiennes, figurent également la coopération avec les organisations non gouvernementales, la répartition des crédits budgétaires, la décentralisation en tant que stratégie de réalisation des droits de l’homme, l’intégration des principes de non‑discrimination et d’intérêt supérieur de l’enfant dans la législation interne et leur application effective, la formation des responsables de l’application des lois, les services d’éducation et de santé, la violence dans les écoles, l’exploitation économique des enfants, l’implication d’enfants dans les conflits armés et la situation des enfants déplacés ou réfugiés.

65.M. HARIYADHI (Indonésie) remercie les membres du Comité de ce dialogue riche d’enseignements, qui ne fait que commencer, et lui donne l’assurance que leurs observations finales seront étudiées avec tout le sérieux qu’elles méritent. Il les invite solennellement à se rendre en Indonésie dès qu’ils le souhaiteront pour se faire une idée plus précise de la situation. Il remercie enfin l’UNICEF, auprès de qui l’Indonésie a toujours trouvé un soutien très précieux et avec qui elle souhaite continuer à travailler en étroite coopération.

La séance est levée à 18 heures 5.

-----