Nations Unies

CRC/C/SR.1679

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

30 janvier 2012

Original: français

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante- neuvième session

Compte rendu analytique de la 1679 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 23 janvier 2012, à 10 heures

Président: M. Zermatten

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques du Togo sur la mise en œuvre de  la  Convention relative aux droits de l ’ enfant

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques du Togo sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/TGO/3-4; CRC/C/TGO/Q/3-4; CRC/C/TGO/Q/3-4/Add.1)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation togolaise prend place à la table du Comité.

2.M. Hamadou (Togo) indique que le Togo a été le théâtre d’une crise sociopolitique qui s’est dénouée grâce à la signature en 2006 de l’accord politique global sur l’initiative du chef de l’État. Depuis lors, le climat politique s’est apaisé progressivement; plusieurs partis politiques et organisations de la société civile sont désormais représentés au sein du Gouvernement et la coopération internationale comme les investissements des bailleurs de fonds ont repris. Il y a donc tout lieu d’espérer que les droits des quelque trois millions d’enfants que compte le pays seront mieux protégés à l’avenir, notamment grâce aux politiques sectorielles, programmes et autres projets de développement élaborés par le Gouvernement togolais et mis en œuvre en collaboration avec les partenaires de développement et les organisations de la société civile.

3.L’engagement du Gouvernement s’est traduit par la ratification, depuis 1990, de 17 instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en général et aux droits de l’enfant en particulier, puis par l’adoption, à des fins d’harmonisation avec les normes internationales, de mesures législatives, administratives ou judiciaires. La Constitution de 1992 consacre plusieurs articles à la protection et à la promotion des droits de l’enfant et les dispositions du Code de l’enfant − à l’élaboration duquel ont pris part les acteurs gouvernementaux, les organisations de la société civile, les partenaires du développement et les organisations d’enfants − reprennent les principes de la Convention relative aux droits de l’enfant et de ses deux Protocoles facultatifs.

4.Le Togo a en outre renforcé le cadre institutionnel de la protection des droits de l’enfant en créant une multitude d’instances, comme la Direction générale de la protection de l’enfant, le Comité des droits de l’enfant − qui devrait gagner en autonomie au terme de la restructuration en cours −, la Commission nationale pour l’accueil et la réinsertion sociale des enfants victimes de trafic, le Comité national d’adoption d’enfants au Togo, le Comité directeur national pour l’abolition du travail des enfants au Togo, la Commission nationale des droits de l’homme, le Conseil consultatif national des enfants ou encore les commissions spécialisées dans la protection de l’enfant au niveau communautaire. Des formations sur la Convention, le Code de l’enfant et d’autres instruments relatifs aux droits de l’enfant sont proposées depuis 2006 aux juristes, aux travailleurs sociaux, aux membres d’organisations de la société civile, aux enseignants, aux journalistes, aux chefs traditionnels et communautaires ainsi qu’aux enfants eux-mêmes.

5.Depuis la promulgation, le 11 juin 2009, de la loi sur l’état civil au Togo − qui a porté de trente à quarante-cinq jours le délai d’enregistrement des naissances −, des campagnes de sensibilisation à l’enregistrement systématique des naissances sont menées à l’échelle du pays et les tribunaux délivrent désormais aux enfants non inscrits à l’état civil des jugements supplétifs tenant lieu d’acte de naissance. On estime que, dans le cadre de la campagne nationale lancée dans ce sens en décembre 2011 avec les partenaires de développement, dont l’UNICEF, 150 000 enfants scolarisés dans le primaire devraient ainsi obtenir un acte de naissance.

6.Un numéro vert offrant la possibilité aux enfants de dénoncer les violences dont ils auraient été victimes a été mis en place en 2009 par le Gouvernement, avec l’appui de l’UNICEF, de Child Helpline International et des acteurs du secteur privé. Ce mécanisme d’alerte permet en outre de recueillir des informations relatives aux maltraitances et autres violations et de les centraliser.

7.Des mesures dissuasives ont été prises pour combattre certaines pratiques comme les mutilations génitales féminines, les infanticides visant des enfants handicapés ou malformés ou les mariages forcés ou précoces, qui ont encore cours dans certaines communautés. Depuis l’adoption en 1998 de la loi portant interdiction des mutilations génitales féminines, le taux de prévalence de ces mutilations est passé de 12 % en 1998 à 6,9 % en 2007, pour tomber à 3,9 % en 2010. Une étude est actuellement menée pour évaluer l’impact des mesures prises contre les autres phénomènes.

8.Dans le cadre de la lutte contre les violences sexuelles, des cours d’éducation sexuelle ont été inscrits dans les programmes scolaires de l’enseignement préscolaire, primaire et secondaire. Ils offrent aux élèves le moyen de repérer et de prévenir les risques d’exploitation ou d’agression sexuelle et appellent l’attention des enseignants sur le respect de l’intégrité des élèves et les dangers liés aux comportements déviants. En l’absence de données centralisées sur les violences sexuelles commises sur des enfants, on peut se référer à celles émanant des structures d’accueil, qui révèlent que, pour la période 2008-2010, 117 filles âgées de 2 à 18 ans ont été victimes de violences sexuelles et ont bénéficié d’une prise en charge médicale et psychosociale et de conseils juridiques. Afin d’associer les enfants à la lutte contre les pratiques culturelles néfastes difficiles à maîtriser du fait de leur clandestinité − parmi lesquelles, outre celles mentionnées plus haut, le phénomène des enfants «sorciers» −, le Gouvernement togolais a mis en place le Conseil consultatif national des enfants, représenté dans toutes les régions et préfectures du pays.

9.Des progrès ont été réalisés dans le domaine de l’éducation avec l’instauration, en 2008, de la gratuité de l’enseignement préscolaire et primaire et la réduction des frais de scolarité pour les filles au collège et au lycée. Ces mesures ont eu pour effet de relever le taux de scolarisation des filles de 72 % à 88 % et de faire reculer l’abandon scolaire. En vue d’instaurer d’ici à 2015 l’éducation primaire pour tous comme le prévoit l’objectif du Millénaire pour le développement (OMD no 2), le Gouvernement togolais a adopté un plan sectoriel pour la période 2010-2020. Malgré les nombreux efforts déployés pour accroître le taux de scolarisation dans l’enseignement préscolaire, primaire et secondaire, force est de constater que l’exercice du droit à l’éducation se heurte encore à certains obstacles socioculturels, à l’insuffisance des ressources financières ainsi qu’à la pénurie d’infrastructures et d’enseignants qualifiés. Pour ce qui est de l’éducation des enfants handicapés, la situation est encore plus critique: le Togo a certes opté pour l’éducation inclusive, mais, faute de moyens, les infrastructures restent en général peu adaptées aux enfants souffrant de handicaps «lourds», généralement scolarisés dans des centres ou établissements d’éducation spécialisés privés subventionnés par l’État.

10.De nombreuses mesures ont été prises pour améliorer le niveau de santé des enfants, notamment en leur permettant d’avoir accès gratuitement aux services de soins préventifs ou curatifs. En vue d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement nos 4, 5 et 6 relatifs à la santé, le Togo s’est doté de plans de développement sanitaire − dont le dernier couvre la période 2009-2013 − et a élaboré des stratégies de lutte contre le paludisme, les infections sexuellement transmissibles (IST) et le VIH/sida, ainsi que des stratégies en faveur de la réduction de la mortalité maternelle et néonatale et de la vaccination. Il mène des campagnes de déparasitage, de vaccination et de distribution de vitamine A et de moustiquaires imprégnées d’insecticide et subventionne la césarienne à hauteur de 90 %.

11.Le Gouvernement s’est beaucoup investi dans la prévention et le traitement des IST et du VIH/sida et s’est fixé comme objectif de réduire, voire d’éradiquer, la transmission du VIH de la mère à l’enfant en procédant au dépistage systématique des femmes enceintes. Cette stratégie a contribué à réduire considérablement le taux de transmission, qui est passé de 20 % en 2005 à 7,5 % en 2010. Parallèlement, des séances de dépistage gratuit, anonyme et volontaire sont proposées à l’ensemble de la population.

12.Les mesures prises dans le cadre de la modernisation de la justice garantissent une bonne protection judiciaire de l’enfant, grâce notamment à la spécialisation des juges dans la justice pour mineurs qui devrait aboutir à terme à la nomination de tels juges dans toutes les juridictions du pays, voire à l’instauration de juridictions pour mineurs à l’échelle nationale. De plus, grâce aux diverses formations organisées à l’intention des magistrats, des officiers de police judiciaire et des avocats et greffiers, les garanties procédurales prévues par le Code de l’enfant sont de mieux en mieux respectées. L’École nationale d’administration (ENA) a, quant à elle, inscrit les droits de l’enfant au programme de cours des élèves magistrats dès 2005.

13.Le Code de l’enfant consacre un titre entier au respect des droits des victimes mineures dans les procédures les concernant et prévoit des sanctions contre les auteurs d’agressions commises sur des enfants. Quant à ces derniers, ils peuvent, directement ou en se faisant représenter, saisir les autorités compétentes pour dénoncer ou signaler les actes délictueux dont ils ont été victimes. En outre, toute personne ayant connaissance de tels actes peut saisir les services sociaux, et ce, anonymement ou non.

14.Le Gouvernement togolais encourage également la protection des enfants dans la sphère privée et met l’accent sur les bienfaits du maintien de l’enfant au sein de la famille, ce qui ne l’empêche pas pour autant de promouvoir l’adoption tout en prenant des mesures pour en encadrer rigoureusement les procédures. Il a également veillé à ce que soit réglementé le statut des familles d’accueil.

15.M. Kotrane (Rapporteur pour le Togo) évoque un certain nombre d’obstacles susceptibles d’entraver la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, parmi lesquels le fait que les enfants représentent près de la moitié de la population togolaise, que l’État partie soit toujours en proie à des conflits et à des tensions et qu’il soit classé parmi les pays à faible taux de développement humain, ce qui a de graves répercussions sur la situation sociale et le niveau de pauvreté.

16.M. Kotrane relève par ailleurs plusieurs aspects positifs, dont l’harmonisation de la législation nationale avec la Convention et d’autres normes internationales pertinentes, qui a notamment abouti à l’adoption de la loi du 6 juillet 2007 portant adoption du Code de l’enfant, de la loi du 23 juin 2009 portant abolition de la peine de mort, dela loi du 11 juin 2009 relative à l’organisation de l’état civil au Togo, de la loi du 13 décembre 2006 portant adoption du Code du travail ou encore de la loi du 3 août 2005 relative au trafic d’enfants au Togo. Il se félicite en outre de l’adhésion de l’État partie à la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dont la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale en 2009.

17.M. Kotrane salue en outre l’institution du Comité national des droits de l’enfant (CNE), l’élaboration et l’adoption du Plan national de lutte contre la traite des personnes, la révision du Plan national de lutte contre le travail des enfants et enfin la création du numéro vert destiné à recueillir les plaintes des enfants.

18.Prenant note avec préoccupation du retard considérable pris par l’État partie dans la révision du Code du statut personnel et de la famille, du Code pénal et du Code de procédure pénale, M. Kotrane demande quelles mesures l’État partie a prises ou envisage de prendre pour réviser lesdits codes, ainsi que pour accélérer la promulgation des textes d’application des nombreuses lois adoptées au cours des dernières années et renforcer le cadre judiciaire et administratif nécessaire à l’application effective du Code de l’enfant.

19.La délégation togolaise est ensuite invitée à indiquer quelles mesures l’État partie a prises ou envisage de prendre pour accélérer l’instauration du Comité national des droits de l’enfant, de quels moyens humains et financiers il entend le doter et s’il a l’intention d’associer aux travaux de ce Comité les principaux acteurs chargés de la protection de l’enfance, notamment des représentants de la société civile.

20.M. Kotrane souhaiterait savoir si l’État partie entend réviser les dispositions de l’article 21 du Code de l’enfant qui dispose que tout enfant étranger qui épouse un Togolais ou une Togolaise peut acquérir la nationalité togolaise,ce qui revient à autoriser le mariage d’enfants étrangers alors que l’âge légal du mariage a été porté à 18 ans pour les garçons et les filles. À ce propos, l’État partie a-t-il mis en œuvre des programmes destinés à faire respecter l’interdiction légale des mariages précoces et forcés, sachant que ces pratiques continuent d’être largement pratiquées dans l’État partie?

21.M. Kotrane, relevant que le principe de non-discrimination consacré par l’article 2.1 de la Constitution ne s’applique qu’aux citoyens togolais, que des groupes d’enfants vulnérables continuent d’être victimes de discrimination et que l’État partie n’a pas pris de mesures suffisantes pour y remédier comme suite aux recommandations formulées par le Comité, demande quelles mesures ont été adoptées pour mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’égard des enfants, en particulier des filles et des enfants handicapés.

22.Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, bien que consacré par le Code de l’enfant, n’est pas réellement incorporé dans la législation ni dans les procédures législatives. La délégation voudra bien indiquer les mesures prises pour mieux faire connaître ce principe aux juges et garantir qu’il est appliqué dans toutes les procédures et décisions administratives et judiciaires, ainsi que dans les politiques, programmes et projets ayant un impact sur les enfants.

23.M. Madi demande comment l’âge des futurs époux peut être déterminé afin d’éviter les mariages précoces, sachant que près de la moitié des enfants togolais ne sont pas enregistrés à la naissance et qu’il est donc difficile d’établir avec certitude l’âge d’une personne. Il aimerait en savoir plus sur l’application de l’article 269 du Code de l’enfant qui dispose que les mariages contractés sans le consentement des futurs époux sont nuls et que tout acte sexuel imposé est un viol, et demande si les enfants issus de ces unions sont enregistrés à la naissance et quel est leur statut. Selon les informations portées à la connaissance du Comité, il arrive que des enfants soient donnés en mariage, en règlement d’une dette ou en échange d’une somme d’argent: que fait l’État partie pour faire cesser ces pratiques?

24.M. Koompraphan tdemande quelles mesures sont prévues par les tribunaux de l’État partie pour protéger les enfants victimes de violence et garantir la prise en considération de leur intérêt supérieur. À cet égard, il aimerait savoir si les personnes reconnues coupables de violence à l’égard d’enfants font l’objet d’un suivi thérapeutique ou de mesures disciplinaires positives, qui viennent compléter les mesures punitives. Il aimerait savoir en outre quelles mesures ont été prises pour améliorer l’indépendance du système judiciaire et renforcer les capacités des juges du tribunal pour enfants de Lomé.

25.M. Pollar demande si le Togo entend ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il demande en outre ce qui est fait pour appliquer dans la pratique les dispositions du Code de l’enfant, malgré le manque de moyens. Il aimerait aussi savoir si le futur Comité nationale des droits de l’enfant comprendra des membres de la société civile et quelles mesures sont prises pour éliminer la pratique des châtiments corporels, qui est profondément ancrée dans la culture.

26.M. Guráň demande si la Commission nationale des droits de l’homme peut être facilement saisie par les enfants car elle n’a reçu que peu de plaintes. Il faudrait aussi savoir si cette institution comprend un service s’occupant exclusivement des plaintes émanant d’enfants, quel est son degré d’indépendance et comment sont sélectionnés ses membres.

27.Enfin, M. Guráň demande si la Convention a été traduite dans toutes les langues nationales et si des campagnes de promotion et de sensibilisation sont organisées.

28.M me Maurás Pérez, notant que près de 20 % des adolescentes âgées de 15 à 19 ans sont mariées, souvent dans le cadre d’unions polygamiques, alors que le Code de l’enfant interdit le mariage des moins de 18 ans, rappelle que la polygamie a des conséquences psychologiques importantes sur les enfants issus de ces unions. Elle relève également que, dans les faits, l’autorité parentale revient très souvent au père, bien que la loi prévoie que la femme a le droit de l’exercer. De plus la répudiation, qui se substitue souvent au divorce, entraîne pour la mère la perte de la garde de ses enfants et les femmes n’ont pas les mêmes droits que les hommes en matière d’héritage. La délégation voudra bien donner un complément d’information sur ces sujets.

29.Enfin, Mme Maurás Pérez demande s’il existe une loi interdisant la violence familiale et si elle vise aussi le viol conjugal.

30.M me Al-Shehail demande si les enfants trouvés sur le territoire national sont considérés comme des nationaux ou des apatrides et si un enfant de père étranger ou apatride et de mère togolaise reçoit la nationalité de sa mère.

31.Elle aimerait en outre savoir quelles mesures ont été prises pour que les enfants handicapés aient accès à des soins et des services appropriés et si des campagnes ont été organisées pour promouvoir une image positive du rôle que peuvent jouer les personnes handicapées dans la collectivité.

32.M. Cardona Llorens, notant que le rapport indique que la part du budget alloué à l’enfance est en baisse depuis 2006, demande des informations actualisées sur le budget prévu pour 2012. Relevant avec préoccupation que de nombreux facteurs font obstacle à l’enregistrement des naissances, il demande s’il est envisagé de délivrer gratuitement les certificats de naissance afin d’inciter les parents à faire les démarches nécessaires à l’enregistrement de leur enfant. Enfin, près de 90 % des enfants interrogés en 2006 disent avoir subi des châtiments corporels, bien que cette pratique soit interdite par la loi. Certaines de ces affaires ont-elles été portées devant les tribunaux?

33.M me Aidoo, saluant les efforts faits par l’État partie pour faire connaître la Convention et sensibiliser la population, les parlementaires et les dirigeants locaux à ses dispositions, se demande si ces mesures sont suffisantes au regard des problèmes persistants. Elle demande si l’État partie entend consacrer des moyens humains et financiers à la diffusion et à l’application du Code de l’enfant.

34.Mme Aidoo souhaite savoir si les pouvoirs publics ont mis en place un cadre de coopération avec les nombreuses organisations non gouvernementales présentes au Togo. Selon le rapport de 2008 de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme (A/HRC/10/12/Add.2), les femmes qui défendent les droits de l’homme sont stigmatisées et font l’objet de pressions de la part de la population et des autorités locales. Que fait l’État partie pour remédier à cette situation?

35.M. Gastaud demande pourquoi le Comité national des droits de l’enfant n’est toujours pas opérationnel. Il aimerait également savoir quelles seront les attributions respectives de la Commission nationale des droits de l’homme, du futur Comité national des droits de l’enfant et du Conseil consultatif national des enfants.

36.Enfin, il demande si la «ligne verte» pour la protection de l’enfant est accessible depuis toutes les régions, si elle est fréquemment utilisée et quelle suite est donnée aux appels.

37.M me Wijemanne demande si l’État partie a mis en place un système de collecte de données ventilées par sexe et par origine géographique. Elle aimerait également savoir si l’État partie a augmenté la part du budget alloué à la santé et à l’éducation.

La séance est suspendue à 11 h 15; elle est reprise à 11 h 40.

38.M. Hamadou (Togo) reconnaît qu’il y a eu du retard dans l’adoption de certains textes, mais indique que le Code de la famille et des personnes est à l’examen à l’Assemblée nationale et qu’il sera adopté sous peu. Le nouveau projet de code pénal, qui traite largement des violences faite aux femmes, est également à l’étude.

39.La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) est une institution constitutionnelle indépendante, qui a une mission générale de protection des droits de l’homme et qui a été accréditée avec le statut «A» par le Comité de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Il n’y aura pas de chevauchements entre ses activités et celles d’organes placés sous la tutelle d’un ministère. De la même manière, les prérogatives de la CNDH sont distinctes de celles du Conseil consultatif national des enfants.

40.M. Kotrane (Rapporteur pour le Togo) dit que la CNDH manque de moyens humains et matériels pour recevoir les plaintes des enfants. En effet, elle n’est pas connue au-delà de Lomé et ses membres ne sont pas assez spécialisés. Il conviendrait donc de la doter de moyens supplémentaires pour qu’elle puisse faire connaître son existence dans tout le pays et être plus efficace.

41.M. Hamadou (Togo) dit que des groupes de juristes parcourent le pays pour vulgariser la Convention et faire connaître la CNDH. Lorsque la population connaîtra mieux ses droits, grâce à ce type d’action et grâce à la traduction dans les langues locales des textes relatifs aux droits de l’homme, elle sera davantage en mesure de les revendiquer. Les enfants sauront qu’ils peuvent saisir la CNDH, notamment via la ligne verte gratuite «Allo 111». De plus, la CNDH est désormais dotée du pouvoir de se saisir directement des cas de violations des droits de l’homme dont elle a connaissance.

42.Le Président demande de quelle autorité dépendent les juristes qui vulgarisent la Convention.

43.M. Hamadou (Togo) répond qu’ils dépendent d’organisations de la société civile. Le Gouvernement ne peut adopter aucun texte sans concertation préalable avec les organisations de la société civile, qui sont très actives au Togo. Il convient à cet égard de rappeler que le Gouvernement est composé de représentants de la majorité, de l’opposition et de la société civile. Celle-ci a d’ailleurs été largement associée à l’élaboration du rapport sur la mise en œuvre de la Convention.

44.M. Kotrane (Rapporteur pour le Togo) fait observer que certains défenseurs des droits de l’homme font parfois l’objet de brimades et de stigmatisation, notamment les défenseuses des droits des femmes, qui sont taxées de briseuses de ménages et de mauvaises mères.

45.M. Hamadou (Togo) répond que la plupart des pays africains sortent de régimes autocratiques et que l’apprentissage de la démocratie prend du temps.

46.M me Aidoo demande si l’État partie envisage de créer un cadre de coopération avec la société civile pour l’élaboration des politiques et des programmes et s’il entend financer les organisations de la société civile qui ont des compétences techniques dans le domaine de la protection des droits de l’enfant, mais pas de moyens financiers.

47.M. Hamadou (Togo) dit que le Gouvernement ne finance pas directement ces organisations car il ne veut pas qu’elles perdent leur indépendance. Il compte sur l’appui que peut leur apporter le Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

48.S’agissant de la coopération, il existe un mécanisme, à savoir le Document complet de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP), qui permet au Gouvernement, aux différents partenaires du Togo et aux organisations de la société civile de collaborer.

49.M me Azambo (Togo) dit que la mise en place du Comité national des droits de l’enfant (CNE), prévue par le Code de l’enfant de 2007, fait partie d’un vaste chantier ouvert par le Ministère de l’action sociale et de la solidarité nationale. Le projet de décret prévu par le Code de l’enfant a été élaboré et doit faire l’objet d’amendements par tous les acteurs concernés, à savoir le Gouvernement, les organisations de la société civile et les enfants.

50.Afin de renforcer la coordination de la mise en œuvre de la Convention au niveau national, des cadres de concertation regroupant tous les ministères, les organisations de la société civile et les partenaires de développement ont été mis en place aux niveaux national et régional pour traiter des questions sociales, sanitaires et éducatives. Les cadres régionaux sont eux-mêmes décentralisés au niveau des préfectures. L’appui de l’UNICEF a été sollicité pour l’élaboration d’outils de collecte de données sur les enfants. Une fois ces outils validés, l’UNICEF a apporté une aide pour la formation à leur utilisation.

51.Actuellement, pour pallier l’insuffisance de la coordination, les acteurs s’occupant de thèmes spécifiques, tels que la traite ou l’adoption, se regroupent pour discuter dans le cadre d’organes consacrés à des questions en particulier, comme la Commission nationale pour l’accueil et la réinsertion sociale des enfants victimes de trafic.

52.Le Président juge préoccupant que le Comité national des droits de l’enfant, censé être l’instrument opérationnel de l’application du Code de l’enfant, soit en chantier depuis quatre ans.

53.Les politiques sectorielles doivent être coordonnées et il faudrait savoir comment le Document de politique nationale de protection de l’enfant, qui existe depuis 2008, s’articule avec les politiques sectorielles.

54.M me Nores de García (Rapporteuse pour le Togo) demande si le projet relatif à la protection de l’enfant mis en place avec l’UNICEF porte sur toutes les dispositions de la Convention et des Protocoles facultatifs ou seulement sur la question de la traite.

55.M. Gastaud demande de quelle manière le Comité national des droits de l’enfant, les cadres de concertation, la CNDH, et le Conseil consultatif national des enfants coexisteront et se concerteront pour mettre en œuvre la Convention.

56.M. Hamadou (Togo) dit que la coordination se fait de manière harmonieuse sur le terrain. Le travail semble avancer lentement car le Togo a besoin de temps pour mettre en place un cadre solide et efficace. Le pays a traversé d’importantes difficultés. Il a connu une suspension de sa coopération pendant près de vingt ans, période pendant laquelle il n’a pu compter que sur ses propres ressources, et il a été victime de catastrophes naturelles. Il est aujourd’hui engagé dans un processus d’apaisement général et il existe un dialogue permanent entre les autorités et les organisations de la société civile, associations et syndicats.

57.M me Azambo (Togo) dit que la collaboration avec l’UNICEF concerne tous les domaines de la protection de l’enfant et non seulement la traite. La révision de la loi relative à la protection sociale des personnes handicapées, qui est en cours, vise à prendre en compte les dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Parallèlement, des activités de sensibilisation de la population sont menées et des commissions spécialisées de protection de l’enfant sont mises en place au niveau des communautés.

58.Le Conseil consultatif national des enfants, qui vient d’être créé, regroupe des enfants issus de toutes les préfectures du Togo. Sa mission consiste principalement à amener les enfants togolais à participer activement à la lutte contre les violences qui leur sont faites et à faire des propositions qui seront transmises aux décideurs. Les membres du Conseil consultatif étant majoritairement des élèves, ils sont plus actifs en période de vacances scolaires.

59.La ligne verte «Allo 111» est en phase d’expérimentation et est pour l’instant basée uniquement à Lomé. Cela signifie que, si elle peut recevoir des appels de tout le pays, l’accompagnement des victimes qui se trouvent ailleurs que dans la capitale n’est pas assuré de manière satisfaisante. Une première évaluation a été réalisée et les recommandations sont en cours de mise en œuvre. La ligne sera ensuite étendue à tout le territoire national.

60.Le Président aimerait savoir si le Conseil consultatif national des enfants peut donner un avis sur toutes les questions qui concernent les enfants et si ces derniers sont par exemple consultés sur les dotations budgétaires et les projets législatifs. Il aimerait également savoir si le nouveau Code pénal et le nouveau Code des personnes et de la famille consacrent le droit des enfants d’être entendus dans les procédures les concernant.

61.M me Azambo (Togo) explique que des organisations d’enfants ont été associées à l’élaboration du Code de l’enfant, avant la création du Conseil consultatif, et qu’il a été tenu compte de certaines de leurs observations. Le Code de l’enfant de 2007 prévoit que l’enfant doit être entendu par le juge dans toute affaire le concernant.

62.M me Tebie (Togo) dit que plusieurs programmes et projets de sensibilisation sont menés auprès des chefs traditionnels et religieux afin de lutter contre les traditions socioculturelles qui veulent que la jeune fille se marie pour éviter le vagabondage sexuel. Des programmes de lutte contre l’abandon scolaire des filles ont été élaborés avec les partenaires de développement et la société civile; le projet «Because I am a girl» est actuellement mis en œuvre pour favoriser la scolarisation des jeunes filles et lutter contre les mariages précoces.

63.M. Madi estime qu’un tribunal devrait pouvoir annuler tout mariage forcé d’enfants de 12 à 17 ans.

64.M me Aidoo demande ce qui est fait pour prendre en considération le rôle des hommes dans la pleine réalisation des droits des filles de moins de 18 ans.

65.M. Hamadou (Togo) dit que les activités de sensibilisation visent tant les hommes que les femmes et que la difficulté majeure à laquelle se heurte le Gouvernement togolais est la pression sociale exercée sur la famille de la victime, qui appartient souvent à la même communauté que l’auteur de l’infraction, communauté qui juge les pratiques coutumières comme normales. M. Hamadou explique que faire comprendre aux personnes qu’elles commettent une infraction au regard de la loi, faire connaître les dispositions de certains instruments relatifs aux droits de l’homme et faire en sorte que la population n’en perçoive pas les dispositions comme une entrave à sa liberté mais comme une garantie de la réalisation de ses droits et une amélioration de ses conditions de vie sont des activités qui s’inscrivent dans la durée.

66.M. Kotrane (Rapporteur pour le Togo) souligne avec préoccupation le retard pris dans l’abrogation des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes et la résolution du problème de la répudiation, qui oblige la femme à retourner chez ses parents et qui lui fait perdre la garde de ses enfants. Il aimerait savoir s’il existe des programmes de sensibilisation visant à changer les stéréotypes sur les rôles des pères et des mères. Tout en saluant la ratification de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et l’adoption des décrets no 2008-103/PR et no 2008/-104/PR du 29 juillet 2008 réglementant les procédures d’adoption et du règlement du 24 octobre 2008 définissant les fonctions et les membres du Comité national d’adoption, M. Kotrane regrette que ces textes ne soient pas alignés sur les normes internationales et que la priorité ne soit pas donnée à l’adoption nationale, souvent très onéreuse pour les familles togolaises.

67.M. Kotrane note avec préoccupation que, malgré le projet de lutte contre le travail des enfants par l’éducation, mené avec le Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC), des milliers d’enfants travaillent. Il s’agit surtout de filles, employées comme domestiques dès l’âge de 9 ans, qui n’ont ni jour de repos ni rémunération et sont parfois victimes de violences physiques, verbales et sexuelles. M. Kotrane s’inquiète également de la situation des enfants porteurs sur le marché central de Lomé et des enfants exposés aux insecticides et pesticides dans le secteur agricole. Il aimerait donc connaître les mesures et programmes adoptés pour mettre progressivement terme au travail des enfants et à leur exploitation économique.

68.M me Herczog, regrettant que les enfants ne constituent pas un groupe cible séparé dans les stratégies de réduction de la pauvreté, aimerait connaître les mesures prévues pour lutter contre la pauvreté des enfants et améliorer leur niveau de vie ainsi que leur accès au jeu, aux loisirs et aux activités récréatives.

69.M. Pollar s’enquiert des mesures prises pour lutter contre les pratiques traditionnelles préjudiciables, notamment les mutilations génitales féminines. Il demande si des accords de coopération ont été conclus avec les pays frontaliers du Togo pour que les mutilations ne soient pas pratiquées de l’autre côté de la frontière.

70.M. Pollar aimerait également connaître les mesures prises pour prévenir les mariages précoces, qui peuvent s’apparenter à une vente d’enfants lorsque la dot de la mariée représente un intérêt économique. Il aimerait savoir si le Code pénal définit la vente des enfants et en savoir davantage sur la conclusion de mariages comme moyen de payer ses dettes.

71.M. Cardona Llorens dit que la meilleure façon de lutter contre les infanticides et la stigmatisation des enfants handicapés est de mener une politique d’insertion de ces enfants, notamment par une éducation inclusive qui permet aux enfants valides et handicapés de grandir ensemble et de se respecter. Il note avec préoccupation que les mineurs et les adultes partagent les mêmes locaux de détention, que l’absence de personnel formé à la prise en charge de délinquants mineurs entraîne souvent des maltraitances et qu’il n’y a que deux juges pour enfants dans tout le pays. Il s’enquiert des mesures prises pour garantir le droit des enfants placés en détention à l’éducation, à la santé, au jeu et aux activités récréatives.

72.M. Koompraphant aimerait savoir ce qui est entrepris pour garantir un partage équitable des responsabilités familiales entre hommes et femmes, dans un système majoritairement polygame.

73.M me Varmah, notant avec préoccupation que les enfants ont difficilement accès aux antirétroviraux et que les orphelins du sida ont été laissés de côté dans le plan stratégique de lutte contre le sida (2007-2010), demande si le nouveau plan de lutte contre le VIH/sida et les infections sexuellement transmissibles inclura les enfants et les adolescents vulnérables, si des mesures de prévention sont envisagées auprès des futures mères et des femmes enceintes et si des mesures de prévention de la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant sont prévues. Elle aimerait connaître les mesures prises pour protéger les enfants et les adolescents contre le VIH/sida et savoir pourquoi il n’est pas prévu d’inclure l’éducation au VIH/sida à tous les niveaux d’enseignement. Elle demande si des campagnes de sensibilisation au VIH/sida d’adressant à l’ensemble de la population ont été organisées.

74.M me Maurás Pérez appelle de ses vœux la mise en œuvre de plans nationaux visant à accroître les investissements dans l’éducation, et ce avec des ressources nationales et non uniquement grâce à la coopération internationale. Elle s’enquiert de l’existence de plans spéciaux permettant de former, superviser et sanctionner les enseignants pour mettre un terme à l’exploitation économique et sexuelle d’élèves par leurs enseignants. Enfin, elle demande des précisions sur la pratique des châtiments corporels à l’école.

La séance est levée à 13 heures.