Convention relative aux droits de l’enfant |
Distr. GÉNÉRALE CRC/C/SR. 784 24 juillet 200 2 Original : FRANÇAIS |
COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT
Trentième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 784 e SÉANCE
tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 24 mai 2002, à 10 heures
Président : M. DOEK
SOMMAIRE
EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES ( suite )
Rapport initial du Niger
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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.
Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document , à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.
Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.
La séance est ouverte à 10 h 35.
EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) ( suite )
Rapport initial du Niger [CRC/C/3/Add.29/Rev.162; HRI/CORE/1/Add.45/Rev.1; CRC/C/Q/NIG/1 (liste des points à traiter); CRC/C/RESP/6 (réponses écrites du Niger distribuées en séance, en français et en anglais)]
1. Sur l’invitation du Président, la délégation nigérienne, composée de M. Laouali et de M me Bebert, prend place à la table du Comité .
2. M. LAOUALI (Niger), souligne que depuis la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant le Niger a pleinement conscience des tâches et des responsabilités qui sont les siennes dans ce domaine. Le Gouvernement a ainsi pris un certain nombre de mesures politiques, institutionnelles et économiques visant à donner une suite aux principes formulés dans la Convention.
3. Une Direction de la protection de l’enfant assortie de c omités régionaux et sous-régionaux a notamment été créée et chargée d ’ appliquer le plan d’action pour la mise en œuvre la Convention. L e texte de la Convention a été traduit en plusieurs langue s nationale s afin de la rendre plus accessible. Dans le cadre du travail de sensibilisation effectué, le Gouvernement a fait du 16 juin, Journée de l’enfant africain, une grande journée de mobilisation sociale sur le thème des droits de l’enfant et il déploie beaucoup d’efforts pour associer à son action les chefs traditionnels qui, en Afrique, sont d’importants vecteurs de diffusion de l’information.
4. Le Niger est fermement résolu à mettre en œuvre la Convention malgré les séquelles des dix années ( 1990-2000 ) de situation exceptionnelle liée à l’instabilité politique ayant accompagné la crise économique qu ’ a traversée le pays . Avec le retour à la démocratie, un certain nombre de signes commencent à se faire sentir et le Niger espère pouvoir faire mieux à l’avenir .
5. M me OUEDRAOGO constate avec satisfaction que le rapport du Niger sui t dans une large mesure les directives du Comité et que ce rapport , riche en informations, expose tant les progrès accomplis que les difficultés rencontrées , en indiquant les mesures prises et les infrastructures mises en place. L e rapport est relativement critique et analytique mais les rares données statistiques récentes y figurant ne couvrent pas tous les domaines de la Convention . Il convient de noter que les ONG ont participé à l’élaboration du rapport et que ce rapport a fait l’objet d’une diffusion publique.
6. Elle demande si l’avant-projet de loi sur les mineurs a été finalisé et adopté depuis l’élaboration du rapport et s ’ il a été élaboré sur la base des lois existantes . D es précisions sur la Charte nationale de la jeunesse adoptée en 1998 et sur la Déclaration de la politique nationale de la jeunesse ainsi que sur les progrès accomplis dans l eur mise en œuvre seraient utiles . Est-ce dans ce cadre qu’ a été créé e la Direction de la protection de l’enfan t ?
7. Le rapport n’indique pas clairement quel organisme est chargé du suivi de la mise en œuvre de la Convention. S’agit-il de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou bien d’une autre structure ? Des efforts de coordination ont certes été entrepris mais dans quelle mesure est-il possible de les mener à bien et q uels sont les problèmes rencontrés à cet égard ? Il serait également bon de savoir si la Commission nationale des droits de l’homme est dotée d ’ un bureau ou d ’un point focal chargé de la question des enfants.
8. On ne peut que se féliciter de la participation des chefs traditionnels aux activités visant à assurer la diffusion de la Convention et il serait intéressant de savoir quel les ont été les conclusions des réunions organisées à ce t effet et comment ont réagi les chefs traditionnels, avec lesquels il importe au plus haut point de travailler si l ’ on veut faire évoluer plus rapidement les attitudes sur certaines questions liées
notamment aux traditions. Comment le Niger parvient-il à surmonter les obstacles découlant de conflits éventuels entre la coutume et l’esprit de la Convention ?
9. M me Ouedraogo se demande si l’on n’assiste pas à une discrimination de fait à l’égard des filles s’agissant de la définition de l’enfant, en particulier de l’âge minimum fixé pour le mariage (15 ans pour les filles, 18 ans pour les garçons) ? Le Niger envisage-t-il de relever cet âge minimum pour les filles , en particulier pour faire face au problème des mariages précoces et des mariages forcés ?
10. Enfin , d es dispositions ont -elles été prises pour faire en sorte que l ’ Organisation de l ’ armée de résistance cesse de recruter des enfants ?
11. M. CITARELLA demande quel est le statut de la Convention en droit interne, en particulier si les tribunaux peuvent se fonder sur ses dispositions , et souhaite savoir si la Commission nationale chargée de la réforme législative en matière pénale et civile a engagé ses travaux, et notamment si la loi sur les mineurs a été approuvée par le Parlement vu que l’État s’était fixé pour objectif de mettre en place les juridictions pour mineurs d’ici à l’an 2000.
12. Il serait bon d’avoir des éclaircissement sur la constatation figurant dans le rapport selon laquelle l’âge du mariage est fixé par le Code civil à 18 ans pour les garçons et 15 ans pour les filles mais « le Code civil est d’application quasi inexistante ». Quels sont les âges fixés par le droit coutumier pour la définition de l’enfant, l’âge du mariage et l’âge d’admission à l’emploi ?
13. M me CHUTIKUL demande si les ONG, les chefs traditionnels et les enfants sont représentés dans les comités régionaux et sous-régionaux pour la survie, la protection et le développement de l’enfant et q uel lien existe entre eux et le Comité national . Il serait bon en outre que la délégation précise ce qu’elle entend par p rogramme d’action national et s’il en existe plusieurs puisque référence est faite à un programme d’action national adopté au lendemain du Sommet mondial pour les enfants de 1990 puis à un autre couvrant la période 2000 ‑2010.
14. Elle voudrait connaître le mandat, le fonctionnement exact et les réalisations de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en particulier de s on sous-comité pour la protection de la femme et de l’enfant . L a Commission nationale chargée de la réforme législative en matière civile et pénale compte- t- elle des représentants du Gouvernement spécialisés dans les questions de l’enfance et des ONG et a-t-elle pour mandat de veiller à la mise en conformité des lois et règlements nationaux avec la Convention ? D es précisions sur la politique nationale de la protection de l’enfant mentionnée dans les réponses écrites seraient également utiles .
1 5 . Enfin, elle aimerait savoir si les ONG bénéficient d ’ un soutien (financier, technique ou moral) de la part du Gouvernement et s ’ il est vrai qu’ elles sont très peu implantées en milieu rural.
1 6 M me AL-THANI salue les efforts menés dans le cadre des divers comités et programmes d’action en faveur de la survie, de la protection et du développement des enfants, mais constate qu’ une approche holistique basée sur les droits de l ’ enfant f ait encore défaut et demande si le Niger envisage de s ’ engage r sur cette voie m aintenant qu’ il a renoué avec une certaine forme de stabilité .
1 7 . À sa connaissance, la Convention n ’ a été traduite que dans deux grandes langues du pays, ce qui peut paraître insuffisant puisque le Niger compte 10 langues nationales . Vu le taux d’analphabétisme élevé du pays, recourt-on à des supports non é crits pour faire connaître la Convention et le rapport à la population ?
1 8 . M me TIGERSTEDT-TÄHTELÄ note avec satisfaction que le Niger a ratifié les principaux instruments relatifs aux droits de l’homme tout en constatant que la situation des droits de l ’ homme y a peu évolué ces dix dernières années , notamment en matière de droits civils et politiques , c e qui amène à
conclure que la mise en œuvre de l a C onvention ne peut qu ’ y être difficile , à plus forte raison en l’absence d’approche fondée sur les droits de l’enfant.
19 . Elle souhaiterait savoir quelles sont les grandes lignes de la stratégie de réduction de la pauvreté et de la politique économique mises en place par le Gouvernement, qui ne peuvent que contribuer à la mise en œuvre de la Convention. Le Gouvernement entend ‑il adopter une politique de décentralisation tendant à déléguer davantage de pouvoir aux régions et municipalités ?
2 0 . Dans le rapport , il est indiqué qu ’en matière de soins de santé primaires, les taux de participation sont fixés par les conseils locaux qui doivent tenir compte du coût réel des prestations fournies. La délégation peut ‑elle donner un complément d’information sur ce point ainsi que sur le budget alloué aux soins de santé et au développement social ? Comment le système d’imposition nigérien fonctionne ‑t ‑il ? Quels rapports le Gouvernement entretient ‑il avec les institutions monétaires internationales et la communauté des donateurs ? A ‑t ‑il un interlocuteur privilégié au sein de ces institutions ?
2 1 . M me KHATTAB se dit consciente de l’ampleur de la tâche que la mise en œuvre de la Convention représente pour le Niger puisqu ’il arrive au deuxième rang des pays les plus pauvres du monde, que le taux d’analphabétisme y est très élevé et que les questions relatives au statut personnel sont régies par le droit coutumier.
2 2 . Elle demande comment procède le Gouvernement pour sensibiliser la population à la Convention eu égard aux traditions profondément ancrées dans la culture du pays, s ’ il s ’ en remet à la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour diffuser le texte de la Convention aux enfants et s’il a pporte un soutien financier à cette Commission.
Elle aimerait en outre savoir si un comité interministériel chargé de coordonner les activités des différents ministères concernés (ministères de l’éducation, de la santé, de la culture, de la justice entre autres) a été mis en place.
2 3 . M. AL-SHEDDI demande , vu le coût élevé d ’ une traduction de la Convention dans toutes les langues nationales et le taux élevé d’analphabétisme, s i l e Gouvernement envisage d’autres moyens pour sensibiliser la population aux principes consacrés dans la Convention.
À ce propos , la délégation pourrait indiquer q uels ont été les résultats de la campagne de sensibilisation organisée par le Gouvernement en coopération avec l’UNICEF et diverses ONG. Il serait également intéressant d ’ en savoir plus sur l’accord signé en mars 2000 entre l’UNICEF et l’Association des chefs traditionnels en vue de sensibiliser la population à la Convention.
2 4 . Face à l ’ explosion démographique que connaît le pays, l e Gouvernement a ‑t ‑il sollicité l’aide d’organismes internationaux ou d e pays ayant connu la même situation pour endiguer ce phénomène particulièrement aigu au Niger, où la moitié de la population a moins de 18 ans ?
2 5 . M me SARDENBERG note avec satisfaction que l’élaboration du rapport a été l’occasion d’une vaste consultation au niveau national et d’un débat entre les ONG et les organismes gouvernementaux. Le Niger pourrait mettre en place des comités régionaux chargés de veiller à ce que les principes que consacre la Convention soient respectés au plan local et associer à ce processus les chefs traditionnels, compte tenu de leur rôle fondamental dans le pays.
26.
Elle demande comment le Ministère du développement social de la population, de la promotion de la femme et de la protection des droits de l’enfant coordonne son action dans les différents secteurs dont il est responsable et o ù en sont les travaux de la c ommission chargée d’harmoniser la législation avec les dispositions de la Convention. À ce dernier sujet elle aimerait savoir quels sont les facteurs semblant retarder l ’ entrée en vigueur de l’ordonnance relative à la justice pour mineurs, adoptée en 1999. Qu ’ en est-il en outre de la révision du Code pénal concernant en particulier des sujets aussi sensibles que l’esclavage des enfants ou encore les mutilations génitales féminines ?
2 7 . Une nouvelle institution relevant du Ministère du développement social semble avoir été créée en 1998 alors que le Comité national pour la survie, la protection et le développement de l’enfant est en place depuis 1991; il serait utile que la délégation fournisse des précisions sur ce point. Enfin, le Niger envisage ‑t ‑il de ratifier les deux protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant ?
28 . M me KARP demande si le Niger a l’intention de créer un e structure chargé e d’étudier les divergences entre les dispositions de la Convention et la coutume, qui régit toutes les questions de statut personnel.
Le Gouvernement envisage ‑t ‑il d’harmoniser l’âge de l’admission à l’emploi (actuellement fixé à 14 ans) avec celui de la fin de la scolarité obligatoire (16 ans) ? L’État partie envisage ‑t ‑il de mettre fin
aux mariages précoces et forcés, qui menacent l’intégrité des petites filles astreintes à de tels mariages.
29 . En vertu du Code de procédure pénale, les enfants de 16 ans témoignent devant une instance judiciaire sans prêter serment. Faut ‑il en déduire que pour être considéré comme fiable, leur témoignage doit être corroboré par d’autres ?
3 0 . M me OUEDRAOGO demande s’il existe des structures d’enseignement préscolaire et si la Convention est enseignée dans les écoles. Les enfants participent ‑ils à la prise de décision les concernant, dans le cadre par exemple, d’un Parlement des enfants ? Enfin, les chefs religieux entrent-ils dans la catégorie des chefs traditionnels mentionnée dans le rapport ?
La séance est suspendue à 11 h 35 ; elle est reprise à 11 h 50 .
3 1 . M. LAOUALI (Niger) dit que lors de la création du Comité national pour la survie, la protection et le développement de l’enfant, chargé d ’ assurer la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant, la question s’ est posée de savoir à quel ministère le rattacher . Pour l’heure, la coordination entre les différents ministères n’est pas sans poser de problèmes : les responsables des politiques de l’enfance ont du mal à se faire entendre et à obtenir les budgets dont ils auraient besoin pour faire progresser les droits de l’enfant dans le pays. Parfois, c’est à force de négociations et de longs plaidoyers qu’ils obtiennent des ministères de la santé, de l’éducation ou de la justice , entre autres , qu’ils changent d’optique et tiennent davantage compte des droits de l’enfant dans leurs politiques.
Les responsables gouvernementaux étudient actuellement la possibilité d’instituer un observatoire des droits de l’enfant ou encore d’instituer la fonction de médiateur des enfants
32. L’amélioration de la situation socioéconomique des familles par la création d’activités génératrices de revenus apparaît comme une condition essentielle à la promotion des droits de l’enfant au Niger. Étant donné l’état de pauvreté dans lequel vivent la plupart des familles, l’accès aux soins de santé et à l’éducation demeure un objectif fondamental. Le taux de scolarisation des fillettes, en particulier, ne pourra augmenter que si des mesures sont prises pour venir en aide aux mères, généralement surchargées de tâches ménagères et sans revenus.
33. Il n’existe pas encore de parlement des enfants mais le Gouvernement a décidé de créer un organe spécialisé, provisoirement appelé « Conseil pour l’enfance », qui devrait en tenir lieu. En outre le Gouvernement a entrepris de mettre en place un cadre national favorisant la participation des enfants. Avec l’appui des Nations Unies et des ONG, il a ainsi établi un réseau de structures travaillant en faveur de l’enfance. Le Ministère du développement social, qui supervise ce projet, souhaite que tous les enfants, scolarisés ou non, puissent y prendre part.
34. M me BEBERT (Niger) explique que deux ans après son adoption l’Ordonnance 99/11 portant création des juridictions pour mineurs était encore mal connue des juges. C’est pourquoi le Ministère du développement social et le Ministère de la justice ont mis sur pied, en 2001, un programme de formation à la prise en charge des mineurs en conflit avec la loi, avec l’appui de l’Association française des
volontaires du progrès (AFVP) et de l’UNICEF. Les séances de formation, qui reposent sur l’étude de cas pratiques, ont lieu tous les trois mois et s’adressent non seulement aux magistrats mais aussi aux officiers de police et aux travailleurs sociaux.
35. La Charte de la jeunesse vise à informer et éduquer les jeunes. Depuis son adoption, en 1998, des structures de jeunes ont été mises en place, sous la supervision du Ministère de la jeunesse. De nombreux jeunes reçoivent actuellement une formation du Service national de la participation afin de pouvoir jouer un rôle actif dans les campagnes d’information et de sensibilisation sur des sujets tels que la protection contre le VIH/sida. Le Programme spécial du Président de la République comprend un projet de formation et de réinsertion, dont bénéficient environ 1 000 jeunes par an.
36. La Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui fonctionne depuis 2001, a entrepris d’élaborer un plan d’action et étudie actuellement les modalités de financement de ses activités - dont la mise en œuvre devrait démarrer prochainement. Les structures du Sous ‑Comité pour la protection de la femme et de l’enfant sont en place mais il n’est pas encore en activité.
37. L’Association des chefs traditionnels contribue activement à la promotion des droits de l’enfant au Niger. Depuis 1999, elle prend part à la J ournée de l’enfant africain et a signé, en 2000, un protocole d’accord avec l’UNICEF par lequel elle s’est engagée à soutenir les programmes de vaccination, d’information sur le VIH/sida et de lutte contre le mariage précoce et le travail forcé des enfants. Étant très proche de la population et très écoutée, elle a déjà obtenu des résultats appréciables dans de nombreuses régions, notamment sur le plan de l’accès des fillettes à l’éducation. Les associations de chefs religieux sont elles aussi consultées sur toutes les questions concernant les enfants; elles participent à la Semaine des droits de l’enfant en intervenant sur ce thème. Elles coopèrent par ailleurs avec le FNUAP dans le domaine de la santé génésique et soutiennent les mesures visant à lutter contre le mariage précoce.
38. Un recueil de textes publié en 2000 fait apparaître les nombreuses contradictions que la coutume présente par rapport à la Convention relative aux droits de l’enfant et à la Charte africaine du droit et du bien ‑être de l’enfant. Or les magistrats appliquent plus souvent la coutume que le droit positif et c’est pourquoi le Gouvernement met actuellement l’accent sur la formation des juges, notamment aux niveaux régional et local. L’adoption d’un code de la famille semble constituer à long terme le seul moyen efficace de promouvoir les droits des femmes et des enfants. Un projet de code avait été élaboré il y a quelques années à l’initiative du Ministère des affaires sociales mais il a été massivement rejeté, faute d’un travail suffisant de sensibilisation. Le Ministère s’efforce donc à présent de mettre sur pied une stratégie de préparation à l’adoption d’un code de la famille.
39. Selon la Constitution, le Code pénal et le Code électoral, l’âge de la majorité est bien de 18 ans. Des réformes sont en cours pour arrêter une définition unique de l’enfant, dans tous les domaines.
40. M. CITARELLA demande des éclaircissements sur la définition de l’enfant.
41. M. LAOUALI (Niger) dit que la coexistence de différentes sources de droit explique en grande partie la persistance d’incohérences dans la définition de l’enfant au Niger. La mise en conformité de la législation nationale avec les dispositions des instruments internationaux pertinents devra être précédée d’une harmonisation des âges minim a au niveau national, notamment en ce qui concerne le consentement au mariage, la scolarité obligatoire et l’admission à l’emploi.
42. L’Organisation de résistance armée qui a été active dans le nord du pays comptait des enfants dans ses rangs mais elle est à présent dissoute. Le problème de l’enrôlement des mineurs n’a cependant toujours pas été résolu. Dans les prytanées, des enfants sont parfois enrôlés dès l’âge de 14 ou 15 ans et avant de signer le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le Gouvernement devra donc prendre une décision concernant le sort des écoles où les enfants sont formés au maniement
des armes. Comme dans la plupart des pays de la région ayant ratifié le Protocole, il devra soit supprimer les prytanées soit modifier le contenu de leur enseignement.
43. M me BEBERT (Niger) explique que comme le Comité national pour la survie, la protection et le développement de l’enfant, les comités régionaux se composent de représentants du Gouvernement, de la société civile et d’organisations internationales présentes dans le pays; ils sont en général présidés par le préfet de région et ont pour membres des cadres techniques des ministères ainsi que des représentants des ONG et associations œuvrant en faveur de l’enfance. Leurs membres reçoivent une formation organisée par le Comité national, avec lequel ils entretiennent par la suite des échanges réguliers, notamment à l’occasion de la J ournée et de la S emaine de l’enfant. Lorsque de nouveaux textes sont adoptés ou de nouvelles activités mises en place, le Comité national envoie un certain nombre de délégués sur le terrain pour informer les membres des comités régionaux.
44. À ce jour, un seul p lan d’action national pour la survie, la protection et le développement de l’enfant a été adopté, en 1992; il a été évalué en 2000 en vue de l’élaboration du rapport de fin de décennie. Le Gouvernement s’apprête à élaborer un nouveau plan d’action national, compte tenu des résultats de la section extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies tenue récemment à New York.
45. La commission chargée de la réforme du code pénal relève entièrement du Ministère de la justice et n’est composée que de magistrats. En ce qui concerne le rôle des ONG nationales, qui sont pour la plupart concentrées à Niamey, il convient de noter que seulement quatre ou cinq d’entre elles sont très actives dans le domaine du travail des enfants. Dans le cadre du programme IPEC/BIT, certaines ont bénéficié d’un appui pour venir en aide aux enfants orpailleurs ou employés dans des abattoirs et aux enfants des rues, en les scolarisant et en leur donnant une formation professionnelle.
46. M. LAOUALI (Niger) dit que la prise en compte de la situation des femmes et des enfants dans le document de stratégie de réduction de la pauvreté au Niger a été jugée insuffisante par le Gouvernement, qui a obtenu de pouvoir réviser ce document pour mieux y intégrer les objectifs de l’égalité entre les sexes et de la promotion des droits de l’enfant.
47. Comme dans certains autres pays africains, on observe une forte concentration des ONG nationales dans les grandes villes et, surtout, une absence de spécialisation qui fait qu’à vouloir s’occuper à la fois des femmes, des enfants, de l’environnement, de la santé, au bout du compte rien de concret n’est réalisé. Le Gouvernement est conscient de ce problème et s’efforce de trouver les moyens d’encourager les organisations nationales à travailler davantage en zone rurale. Les activités menées dans ce cadre en collaboration avec le p rogramme IPEC, le Ministère du développement social et le Ministère du travail et de l’emploi correspondent à une stratégie d’ensemble qui consiste à privilégier, par des mesures de « discrimination positive », les ONG qui acceptent de s’installer dans les campagnes, en leur apportant un appui technique pour la présentation de demandes d’assistance aux donateurs et autres partenaires du développement. Le problème est cependant bien réel, comme en témoigne le fait que, au moment de mettre en place un réseau, seule une vingtaine d’ONG - de taille moyenne et avec très peu de moyens techniques et d’expertise - ne s’occupant que des enfants ont pu être identifiées.
48. M me BEBERT (Niger) dit que la politique nationale du développement social adoptée en 1999 intègre quatre politiques sectorielles, dont la politique nationale de protection de l’enfant qui comporte deux volets : protection juridique (avec l’harmonisation des dispositions y relatives) et protection sociale (notamment des enfants ayant des besoins spéciaux). Elle n’a toutefois pas encore été mise en application, les plans d’action pour 2001 et 2002 n’ayant pas été adoptés par le Gouvernement.
49. La Convention a été traduite en quatre langues, avec l’aide de l’UNICEF, mais l’instabilité politique et sociale du pays, et l’immobilité des cadres qui en a résulté, a entravé la diffusion de ce document.
50. M. LAOUALI (Niger) dit qu’en raison du taux élevé d’analphabétisme et du caractère encore très vivace de la tradition orale, la diffusion du texte de la Convention se fait dans le cadre d’activités (formation, émissions de radio et télévision) et de manifestations (comme la Journée de l’enfant) très diverses. Ce qui importe au premier chef est donc de former les responsables de cette diffusion qui assureront eux ‑mêmes le relai , l ’idéal restant cependant de faire traduire la Convention dans les 10 langues du pays. Il convient toutefois de souligner que même si le texte n’a été publié que dans deux langues, environ 80 % des Nigériens y ont déjà accès, par l’intermédiaire de personnes qui savent lire .
51. M me OUEDRAOGO demande s’il existe une coalition d’ONG et comment le Gouvernement coordonne l’action de ces organisations afin d’en tirer le meilleur parti. Elle remarque que l’article 8 de la Constitution nigérienne garantissant l’égalité ne couvre pas toutes les situations envisagées dans la Convention et demande si des mesures sont prévues dans la réforme de la législation pour combler ces lacunes. Elle aimerait connaître les dispositions prises par le Gouvernement pour favoriser l’intégration sociale des enfants nés hors mariage, ainsi que pour éliminer la discrimination à l’égard des filles en matière de propriété foncière, d’héritage et de succession. Elle se demande si le nombre élevé d’avortements clandestins et d’infanticides résulte de la mauvaise application ou de la non acceptation par la population des programmes de planification familiale.
52. Elle voudrait en outre savoir comment le Gouvernement entend appliquer les décisions de la session extraordinaire de l’Assemblée générale concernant la nécessité de prendre en considération les vues de l’enfant et souhaite connaître les efforts déployés en vue d’enregistrer toutes les naissances, y compris chez les populations nomades, et pour décourager les mariages précoces et forcés. Elle demande également comment le respect du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est assuré dans les situations de divorce, de polygamie et d’adoption informelle et, enfin, si des activités ont été entreprises pour décourager le recours à la violence dans la famille.
53. M me AL ‑THANI souhaite connaître les mesures prises pour lutter contre l’exclusion et l’abandon des enfants handicapés et pour faire évoluer les mentalités dans ce domaine.
54. M me SARDENBERG demande s’il existe des dispositions visant à garantir le droit de l’enfant à la liberté d’expression dans les villes aussi bien qu’en zone rurale et comment est organisée la fête traditionnelle du Wassankara , qui permet aux enfants de s’adresser indirectement aux adultes. Elle souhaite savoir si les chefs traditionnels sont associés aux efforts visant à favoriser la participation des enfants à la vie de l’école et, de façon générale, à la vie politique et sociale.
55. Constatant que la discrimination à l’égard des filles continue de poser un grave problème, dans le domaine de l’éducation notamment, qui est aggravé par le fait que les femmes forment le groupe social le plus touché par la pauvreté, elle aimerait que la délégation commente cette situation et, en particulier, explique les réserves émises par le Niger concernant la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
56. M. CITARELLA demande si les enfants réfugiés ou migrants font l’objet d’une discrimination. Il aimerait savoir si des mesures ont été prises pour lutter contre les infanticides, qui représentent un tiers des affaires portées en justice, et si des données sont disponibles sur la proportion de naissances dûment enregistrées. En ce qui concerne le respect des vues de l’enfant, il voudrait des précisions sur le fonctionnement et la supervision des organisations de jeunes appelées « fadas » .
57. M me KHATTAB souligne que le poids des coutumes et de la tradition est beaucoup plus lourd que celui de la religion s’agissant de la discrimination à l’égard des filles et voudrait connaître les mesures
prises pour appliquer les décisions de la Conférence de Dakar sur l’éducation pour tous et l’initiative du Secrétaire général de l’ONU sur l’éducation des filles, demandant à ce sujet si l’État partie a sollicité l’assistance de l’UNICEF, de l’UNESCO, de la Banque mondiale ou d’un autre organisme des Nations Unies.
58. Elle aimerait en outre des précisions sur les informations relatives à la liberté sexuelle et aux relations sexuelles précoces, qui semblent en contradiction avec le fait que 96 % des Nigériens pratiquent l’Islam - qui interdit aux filles toute sexualité avant le mariage. Enfin, au sujet de l’environnement familial, elle voudrait savoir s’il est réellement possible, compte tenu de l’importance des pratiques coutumières, de pénétrer dans le domicile des parents lorsqu’il s’agit de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant .
59. M me KARP souligne qu’il importe que le Comité national pour la survie, la protection et le développement de l’enfant compte un représentant du Ministère des finances pour garantir que toutes les ressources voulues seront dégagées. En ce qui concerne les services aux enfants privés de leur environnement familial, elle demande si l’État partie envisage de décentraliser les institutions concernées. Par ailleurs, elle recommande de mettre au point des services d’information, d’assistance et autres, visant à éviter aux jeunes mères, y compris en préservant leur anonymat et leur vie privée, de se trouver dans cette situation où les plonge le désespoir et où la seule solution, à leurs yeux, consiste à tuer leur enfant.
60. M me TIGERSTEDT ‑TÄHTELÄ estime que l’État partie se doit d’effectuer une analyse de la situation concernant les enfants victimes de discrimination. Au sujet de la dégradation de la cellule familiale , elle voudrait savoir comment la situation se caractérise au Niger par rapport aux nombreux autres pays du monde également touchés par ce phénomène. En ce qui concerne la liberté d’information, elle demande s’il existe des publications et des bibliothèques destinées à la jeunesse.
61. M me CHUTIKUL demande à quel point et comment les hommes en général et les pères en particulier, du plus haut niveau de décision jusqu’aux plus petites communautés, sont sensibilisés au grave problème que constitue la discrimination à l’égard des filles et s’ils sont associés aux activités visant à faire évoluer les mentalités, ainsi qu ’ à celles concernant la planification familiale par exemple. Elle voudrait de plus savoir si l’État partie envisage d’inclure une majorité de femmes dans le Comité national.
62. Le PR ÉSIDENT , parlant en sa qualité d ’ expert, demande comment s’explique le nombre très important d’infanticides et quel est le but recherché par l’État partie en traduisant les mères en justice. Par ailleurs, il voudrait des informations sur les effets du divorce - garde des enfants et statut de leur mère notamment.
La séance est levée à 13 h 5 .
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