Nations Unies

CRC/C/SR.1427

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

21 juillet 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante- deux ième session

Compte rendu analytique de la 1427 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 14 septembre 2009, à 15 heures

Président: M. Zermatten

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties

Rapport initial de la Turquie sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports soumis par les États parties (point 4 de l ’ ordre du jour)

Rapport initial de la Turquie sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/TUR/1)

1.À l ’ invitation du Président, la délégation turque prend place à la table du Comité.

2.M. Göğüs (Turquie) dit que sa délégation, consciente de l’importance de la Convention relative aux droits de l’enfant et de son Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, est particulièrement heureuse de participer à la cinquante-deuxième session du Comité des droits de l’enfant. La Turquie, premier pays du monde à avoir dédié une fête nationale aux enfants et signé le Protocole facultatif, est fermement convaincue que les droits de l’enfant occupent une place à part dans le domaine des droits de l’homme. La délégation turque attache en outre une grande importance au dialogue avec le Comité, la Turquie et le Comité partageant un même objectif: construire un avenir meilleur et plus sûr pour les enfants.

3.Les réponses soumises au Comité consistent en une compilation de données statistiques et d’informations relatives à la législation et à la pratique nationales turques, recueillies auprès d’un grand nombre de services administratifs. Il convient de souligner que les réserves à la Convention formulées par la Turquie trouvent leur origine dans des textes fondamentaux comme la Constitution turque ou le Traité de Lausanne. La conscription commence à 20 ans, ce qui empêche effectivement d’enrôler des enfants dans l’armée; et seules les personnes de plus de 22 ans peuvent être recrutées en tant que gardiens de village. La Turquie a progressé dans plusieurs domaines: des mesures ont été prises pour mettre les questions relatives au Protocole facultatif au programme des cours de formation dispensés aux magistrats; les policiers et les militaires turcs suivent une formation sérieuse aux droits de l’homme, y compris les droits de l’enfant. Des mesures ont aussi été prises pour que les enfants inscrits dans les écoles militaires aient effectivement accès à des mécanismes de plainte, et ces écoles font l’objet d’un contrôle rigoureux.

4.L’Institut des services sociaux et de la protection de l’enfance, placé sous l’autorité du Premier Ministre, s’est employé à mieux faire connaître le Protocole facultatif auprès de tous les organismes publics et secteurs concernés, et il a publié des informations le concernant sur son site Internet. Les exportations d’armes ont été soumises à un certain nombre de garanties. D’importants progrès ont été accomplis en matière de protection et de promotion des droits de l’enfant, ainsi qu’en matière de sensibilisation à ces droits, au moyen notamment de l’incorporation de la définition du mot «enfant» dans le Code pénal turc, de la prestation de services de santé à tous les enfants quel que soit leur statut, de la création de comités des droits de l’enfant dans l’ensemble des 81 provinces turques, et avec la création en 2008 d’un comité de suivi des droits de l’enfant au Parlement turc. L’effet positif de ces réformes commence à se faire sentir sur le quotidien des enfants, mais la délégation turque reste pleinement consciente que davantage doit être fait.

5.M. Kotrane (Rapporteur pour la Turquie) dit que le Comité a suivi de près les progrès accomplis par l’État partie dans l’application du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, progrès dont témoignent son rapport initial (CRC/C/OPAC/TUR/1) et, plus particulièrement, ses réponses écrites à la liste des points à traiter. Celles-ci contiennent davantage d’informations que le rapport, qui présente de nombreuses lacunes et qui est trois fois moins long que celles-ci.

6.M. Kotrane remercie la délégation turque d’avoir répondu avec diligence aux questions du Comité. De manière générale, le système constitutionnel et juridique turc répond aux exigences du Protocole facultatif, notamment en ce qui concerne l’âge de l’engagement volontaire dans l’armée, qui ne peut être inférieur à 18 ans. Il voudrait savoir quelles mesures ont été prises par l’État partie pour s’acquitter de ses obligations au titre de l’article 4 du Protocole facultatif, notamment en ce qui concerne le recrutement de personnes de moins de 18 ans par des groupes armés distincts des forces armées turques. Concernant le respect de l’article 4, la seule indication contenue dans le rapport est qu’il ne pose aucune difficulté à la Turquie. La législation turque autre que la législation antiterroriste réprime-t-elle les violations du Protocole facultatif, en particulier de l’article 4? M. Kotrane voudrait également savoir quelles mesures ont été prises par l’État partie pour que les enfants de moins de 18 ans ne soient pas enrôlés par les 60 000 gardiens de villages, et quelles mesures juridiques ont été mises en œuvre pour qu’il n’y ait pas d’enfants soldats, par exemple au sein du Parti des travailleurs du Kurdistan.

7.Quelques statistiques générales figurent dans les réponses écrites à la liste des points à traiter, mais le système de collecte des données de l’État partie ne semble pas satisfaisant. Quelles mesures celui-ci entend-il prendre pour l’améliorer? La Turquie n’a pas signé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, mais dans son rapport, l’État partie indique que certaines dispositions du Statut ont été incorporées dans la législation turque; M. Kotrane voudrait savoir de quelles dispositions il s’agit. En outre, en ce qui concerne la question no 5 de la liste des points à traiter, il voudrait savoir si les tribunaux turcs sont compétents pour connaître des crimes de guerre commis contre des enfants par des ressortissants ou des résidents turcs, lorsque ces enfants sont utilisés dans le cadre d’hostilités à l’étranger.

8.M me  Khattab demande si l’État partie a institué des mécanismes visant à recenser les enfants demandeurs d’asile susceptibles d’avoir besoin d’une protection internationale, et si l’éducation à la paix est une composante des programmes scolaires turcs. En particulier, elle voudrait savoir quelles mesures ont été prises pour faire connaître le Protocole facultatif aux enfants qui ne parlent pas le turc. Des mesures ont-elles été prises pour mieux faire comprendre à la population que les enfants impliqués dans des hostilités sont des victimes et ne doivent pas être stigmatisés? Les professionnels ont-ils reçu une formation sur les questions couvertes par le Protocole facultatif, notamment l’administration de la justice pour mineurs?

9.M. Puras, évoquant l’article 6, paragraphe 3, du Protocole facultatif, voudrait savoir si les enfants impliqués dans des hostilités bénéficient d’une aide spéciale en vue de leur rétablissement physique et psychologique, et de leur réinsertion sociale? Il semblerait que la législation ne prévoie d’indemnisation qu’en cas de dommages résultant d’activités terroristes.

10.M. Filali voudrait savoir, à propos des paragraphes 24 à 28 du rapport de l’État partie (CRC/C/OPAC/TUR/1), si les étudiants inscrits dans les écoles préparatoires de sous-officiers sont considérés comme des réservistes, en particulier au regard de la loi no 3634 sur le service militaire de défense nationale, qui interdit l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans en cas d’urgence ou de mobilisation nationales. À la lecture de ces paragraphes, il semblerait que les jeunes de 15 à 18 ans puissent être enrôlés. Quant aux paragraphes 24 et 26 du rapport, ils n’indiquent pas clairement si les écoles militaires relèvent de la compétence civile ou militaire. Ainsi, on peut se demander si les crimes ou infractions commis dans les écoles militaires relèvent des tribunaux militaires ou civils.

11.M. Pollar souhaiterait obtenir des informations sur les groupes armés qui opèrent sur le territoire de l’État partie et sur l’état d’avancement des négociations entre ces groupes et l’État partie.

12.M. Citarella voudrait savoir dans quelle mesure les professionnels connaissent le Protocole facultatif, notamment dans les écoles militaires, et si l’enseignement du Protocole est prévu dans les programmes scolaires?

13.Le Président voudrait savoir si la Turquie exporte des armes. Des enfants turcs sont-ils impliqués dans un conflit armé? Dans l’affirmative, des mesures de réadaptation peuvent-elle être prises?

14.M me  Maurás P é r e z relève qu’au paragraphe 25 des réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter, il est dit que certains enfants de moins de 18 ans qui ont été capturés par l’armée turque ou se sont rendus appartiennent à des organisations terroristes. Elle voudrait savoir ce que le Gouvernement turc a fait pour ces enfants. Elle voudrait également savoir, à propos des paragraphes 31 et 32 des réponses écrites de l’État partie, quelle est la différence entre les juridictions pénales supérieures pour mineurs et les tribunaux pour mineurs ordinaires, notamment en ce qui concerne les enfants âgés de 12 à 15 ans. Mme Maurás Pérez croit comprendre que les enfants qui appartiennent à cette tranche d’âge ne peuvent pas être jugés au pénal. Elle voudrait savoir si tel est le cas ou si les informations contenues dans le rapport sont inexactes.

15.M. Kotrane (Rapporteur pour la Turquie) voudrait des informations complémentaires sur l’enseignement des droits de l’enfant, notamment les dispositions de la Convention et du Protocole facultatif, dans les écoles, en particulier les écoles militaires. Il voudrait savoir quelles mesures ont été adoptées par le Gouvernement pour que des valeurs importantes telles que la nécessité de la paix et de la compréhension entre les peuples soient enseignées aux enfants. Pour ce qui est de l’éducation, il voudrait savoir si la question du retrait de la réserve à l’article 29 de la Convention, et de la réserve correspondante au Protocole facultatif, a fait l’objet d’un débat en Turquie.

16.Le Président souligne qu’il est important de retirer cette réserve, comme le Comité l’a recommandé dans ses observations finales de 2001 (CRC/C/15/Add.152, par. 12).

17.M me  Aidoo salue l’importante contribution de l’État partie aux activités de maintien de la paix des Nations Unies. Elle voudrait savoir si les dispositions du Protocole facultatif sont enseignées aux personnes participant à des missions de maintien de la paix des Nations Unies et si des efforts sont faits pour apprendre à ces personnes comment traiter les enfants impliqués dans des conflits armés.

18.Le Président voudrait savoir quelles mesures ont été adoptées par l’État partie pour interdire le stockage de mines antipersonnel et pour détruire ces armes en toute sécurité.

La séance est suspendue à 15 h 50; elle est reprise à 16 h 15.

19.M. Göğüs (Turquie) dit que la question des mines antipersonnel relève de la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel, et sur leur destruction (Convention d’Ottawa) et non du Protocole facultatif.

20.La réglementation relative aux exportations d’armes est présentée dans la réponse à la question no 14 de la liste des points à traiter (CRC/C/OPAC/TUR/Q/1/Add.1, par. 90 à 92). Le Ministre de la défense a rejeté les demandes d’exportation d’armes vers des pays où des violations graves des droits de l’homme sont commises, notamment des violations des droits de l’enfant, ou vers des régions en proie à des conflits armés.

21.En 2005, le Premier Ministre a annoncé que la Turquie entendait ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Un comité interinstitutionnel a œuvré en ce sens et la Constitution contient désormais une référence à la Cour pénale internationale. Quant au Code pénal, il contient déjà une définition du génocide et des crimes contre l’humanité.

22.Aucun gardien de village n’est âgé de moins de 22 ans, puisqu’il faut avoir effectué son service militaire pour pouvoir exercer cette fonction. Tous les policiers et militaires qui prennent part à des opérations internationales de maintien de la paix bénéficient d’une formation intensive qui porte notamment sur les règles d’engagement, les droits de l’homme et le droit humanitaire, ainsi que sur le Protocole facultatif. Les casques bleus turcs n’ont jamais fait l’objet d’aucune plainte.

23.M. Yesilkaya (Turquie) dit que conformément à la loi no 1111, aucun homme ne peut être enrôlé dans l’armée s’il a moins de 19 ans, y compris en cas de mobilisation générale ou de situation d’urgence. Il n’y a pas d’exception à la règle pour les élèves des lycées militaires. Les garçons de moins de 18 ans ne peuvent être appelés sous les drapeaux.

24.Les élèves des lycées militaires conservent leur statut de civils; ils n’ont pas d’obligations militaires et la législation militaire ne leur est pas applicable. Ils ne peuvent donc pas être traduits devant les tribunaux militaires. Quant aux programmes de ces écoles, ils ont été validés par le Ministère de l’éducation.

25.M. Filali voudrait des précisions sur le statut des élèves des lycées militaires. Il voudrait également savoir si ces écoles sont considérées comme des installations militaires et si les infractions commises par les élèves relèvent des tribunaux militaires ou civils.

26.M. Yesilkaya (Turquie) dit que la loi sur le personnel des Forces armées turques ne s’applique aux élèves des lycées militaires que dans la mesure où elle leur confère des droits. Ils n’encourent aucune responsabilité au titre de cette loi. Les infractions qu’ils peuvent commettre relèvent de la compétence des tribunaux civils. Seuls les militaires qui travaillent dans ces lycées peuvent être jugés par les tribunaux militaires.

27.Les élèves des lycées militaires suivent un enseignement sur les droits de l’homme et une formation de base sur le droit des conflits armés, y compris sur les dispositions du Protocole facultatif. Un manuel sur le droit des conflits est en cours d’élaboration; il contient les versions turques de 85 instruments internationaux pertinents, notamment la Convention relative aux droits de l’enfant et le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés. Ce manuel sera distribué à l’ensemble des ministères, universités et unités militaires

28.M. Filali dit que la loi no 3634 sur la défense nationale autorise apparemment la mobilisation d’enfants âgés de 15 à 18 ans dans les forces de défense civile en cas d’urgence nationale; elle voudrait savoir si cette loi est toujours en vigueur.

29.M. Çayci (Turquie), répondant à la question précédemment posée par Mme Khattab, dit que des informations sont diffusées sur les sites Web et dans les publications officielles des organes chargés de prévenir l’implication d’enfants dans les conflits armés. Le Ministère de la justice et plusieurs barreaux s’emploient activement à mieux faire connaître ces questions auprès de la population et des professionnels. Le système d’enseignement national est fondé sur une philosophie de promotion de la paix, tant au plan national qu’international. En outre, un forum national composé des comités des droits de l’enfant favorise une meilleure connaissance de leurs droits par les enfants.

30.M me Ortiz voudrait des renseignements sur la contribution des médias audiovisuels à la diffusion des mesures de protection adoptées par la Turquie pour mettre en œuvre le Protocole facultatif, notamment en ce qui concerne l’âge minimum de recrutement. Des renseignements sur la manière dont les médias contribuent aux efforts déployés par l’État pour promouvoir une culture de paix seraient également utiles.

31.M. Çayci (Turquie) dit que la Turquie est un État membre du Conseil de l’Europe et Partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; elle est donc soumise à de nombreux mécanismes de supervision relatifs aux droits de l’enfant. Un certain nombre de programmes gouvernementaux sont déjà appliqués pour mieux faire connaître les droits de l’enfant. Quant aux médias, ils agissent sur leur propre initiative à l’occasion d’événements spéciaux ou de journées commémoratives. Depuis la fondation de la Turquie moderne, une Journée de l’enfant est célébrée chaque année le 23 avril; au cours de la semaine du 23 avril, la presse et les médias portent leur attention sur un éventail d’activités et de questions relatives aux enfants, à la fois aux plans national et international.

32.Le Président demande si les documents utilisés pour faire connaître les droits des enfants sont disponibles dans d’autres langues que le turc.

33.M. Çayci (Turquie) dit qu’il n’y a pas de problème de communication linguistique en Turquie étant donné que chacun comprend la langue officielle. Chaque enfant est tenu de suivre l’enseignement obligatoire en turc; les parents qui n’autorisent pas leurs enfants à apprendre la langue officielle sont passibles de poursuites. Berceau historique de l’Empire ottoman, la Turquie comprend un grand nombre de minorités linguistiques qui sont libres d’utiliser leur propre langue dans la sphère privée, mais le turc est la seule langue officielle de l’administration.

34.M. Göğüş (Turquie) dit que la Turquie, contrairement à la Suisse par exemple, héberge un si grand nombre de minorités linguistiques qu’il serait impossible de conserver le multilinguisme au niveau de l’État. En tout, l’on dénombre 25 minorités linguistiques en Turquie. L’État n’empêche pas les minorités de parler leur langue dans la sphère privée, mais la prestation de services administratifs dans toutes les langues serait une charge considérable.

35.M. Çayci (Turquie) dit qu’il n’existe aucun organisme spécialement chargé de recenser ou de protéger les enfants qui se trouvent en Turquie parce que leurs familles demandent l’asile aux autorités turques après avoir fui des pays en proie à un conflit. Lorsque que de tels cas sont signalés ou détectés, des mesures sont prises par les autorités en application de la législation générale de protection de l’enfance pour protéger les enfants concernés. Par exemple, les enfants originaires de pays touchés par un conflit armé sont séparés des enfants qui n’ont pas le même vécu et se voient accorder une attention spéciale qui répond à leurs besoins particuliers.

36.Les enfants capturés et soupçonnés d’appartenir à des organisations terroristes se voient appliquer un traitement spécial, et ils sont présumés innocents. S’agissant du classement des suspects, l’État est bien sûr tenu d’engager des poursuites lorsqu’une infraction au droit pénal turc est commise. Si le suspect est un enfant, des experts évaluent son état psychologique et sa capacité de discernement. Dans certains cas, le suspect se verra simplement appliquer un traitement humanitaire par voie administrative, mais dans d’autres des poursuites pénales pourront être engagées. Ces affaires sont traitées par différents types de tribunaux en fonction de l’âge du suspect et de l’avis des experts.

37.De manière générale, les affaires sont traitées par un tribunal pour enfants, constitué d’un juge unique assisté par des travailleurs sociaux, mais lorsque la capacité de discernement des suspects est établie, les services de police et la justice doivent prendre des mesures appropriées. Les enfants âgés de 12 à 15 ans sont jugés par un collège de juges. Les affaires concernant des enfants de plus de 15 ans sont soumises à un tribunal spécial, établi conformément à la loi de lutte contre le terrorisme et relevant du système général de justice.

38.M. Kotrane (Rapporteur pour la Turquie) dit que le Protocole appelle à la démobilisation et la réinsertion sociale des enfants recrutés ou utilisés lors d’hostilités, mais il ne prévoit nullement leur remise en liberté. Il exige toutefois bien qu’ils bénéficient d’un traitement spécial. Faire juger les personnes âgées de 15 à 18 ans par les tribunaux de droit commun semble contraire aux dispositions du Protocole et de la Convention. Selon des informations reçues par le Comité, la Turquie n’accueillerait les demandeurs d’asile originaires de pays en proie à un conflit armé que s’ils viennent d’Europe. L’absence de mécanisme spécifique garantissant que tous les demandeurs d’asile sont traités conformément au droit international humanitaire est problématique. La Turquie a ratifié les Conventions de Genève de 1949 relatives à la protection des victimes de conflit armé mais elle n’a pas adhéré aux protocoles additionnels de 1977 à ces conventions. Le Gouvernement entend-il remédier à cette situation?

39.Relevant qu’en Turquie le droit international prime le droit interne, M. Kotrane voudrait savoir s’il est possible d’invoquer directement le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et si les enfants qui estiment que leurs droits ont été violés par les autorités ont accès à un mécanisme de plaintes. Le Comité a reçu des informations selon lesquelles quelque 40 enfants kurdes ont été arrêtés alors qu’ils participaient à une procession funéraire. Quel recours peuvent-ils exercer? Les policiers risquent-ils d’être mis en examen s’il est établi qu’ils ont maltraité les enfants?

40.M me Ortiz, revenant sur la question des langues, dit que ce sont les groupes les plus vulnérables qui sont le plus susceptibles de parler des langues autres que le turc. Le Comité ne demande pas à la Turquie de traduire le Protocole dans toutes les langues, mais le Gouvernement devrait fournir des traductions dans les langues les plus courantes. Même si généralement les enfants comprennent le turc, ce n’est pas nécessairement le cas des membres de leur famille.

41.M me Villarán de la Puente, relevant que l’article 4 du Protocole demande à l’État d’empêcher l’enrôlement d’enfants par les groupes armés distincts de ses forces armées, demande ce qu’a fait la Turquie pour déterminer si une telle pratique existe et, le cas échéant, ce qu’elle fait pour la prévenir. Existe-t-il en Turquie des programmes spécifiques de réinsertion sociale à l’intention des enfants qui ont été recrutés par des groupes armés? La délégation devrait expliquer pourquoi les enfants capables de discernement doivent être jugés par des tribunaux antiterroristes. Enfin, quelles mesures ont été prises par la Turquie pour qu’une force disproportionnée ne soit pas utilisée contre les enfants qui manifestent leur soutien à des groupes armés?

42.M. Çayci (Turquie), reconnaissant l’utilité de la participation des organisations non gouvernementales (ONG) au dialogue entre le Gouvernement et le Comité, note que certaines d’entre elles ont déclaré qu’aucune personne âgée de moins de 18 ans, même soupçonnée de terrorisme, ne devait être détenue. On ne comprend pas bien si ces ONG contestent certaines dispositions du droit turc ou leur application dans la pratique.

43.En réalité, il ne s’agissait pas seulement, en l’espèce, d’une participation à des processions funéraires. Les services de police et les autorités judiciaires disposent d’enregistrements vidéo d’enfants en train d’allumer des incendies et de commettre des agressions ou des violences. Lorsque de tels cas se produisent, le Gouvernement doit se fier aux conclusions des autorités judiciaires et non à celles des ONG ou de la presse, aussi respectables soient-elles. C’est aux psychologues et sociologues mandatés par les tribunaux et non à la presse ou aux ONG qu’il incombe d’apprécier la responsabilité pénale des enfants; et lorsque ceux-ci sont déclarés responsables de leurs actes, rien dans la Convention ou le Protocole n’empêche l’État de les poursuivre.

44.Les lois et règlements turcs sont conformes au Protocole, mais des erreurs sont effectivement commises dans la pratique; cela étant, l’État veille à ce que tout fonctionnaire, civil ou militaire, qui a violé la loi fasse l’objet de poursuites pénales. Le Gouvernement est conscient de la nécessité de préserver de bonnes relations entre l’État et la société. Le Gouvernement fait régner la discipline au sein de la police en menant régulièrement des activités de diffusion et en faisant en sorte que pour chaque opération de police, les policiers reçoivent des règles d’engagement propres à la mission et un code de conduite leur indiquant comment traiter les personnes et les biens pendant la mission. Il reste que des erreurs sont toujours possibles et, selon la nature de l’erreur commise, le Gouvernement prend toutes les mesures correctives, disciplinaires ou pénales qui s’imposent.

45.M. Göğüş (Turquie) dit qu’un service social de conseil téléphonique pour les enfants, les femmes et les handicapés a été créé en 2002. Opérationnel dans 20 provinces, ce service offre des conseils et une aide psychologique, juridique et financière aux femmes et aux enfants exposés à la violence ou en danger.

46.M. Çayci (Turquie) dit que si les autorités turques sont informées de la présence sur le territoire turc d’une personne accusée d’une infraction au droit pénal international et, en particulier, à un traité auquel la Turquie est partie, une enquête est diligentée. Toutefois, si l’infraction en question n’est réprimée que par la législation interne d’un autre État, la Turquie n’aura qu’une compétence limitée.

47.Le Président demande si les enfants ayant pris part à un conflit armé avant d’arriver en Turquie bénéficient d’une prise en charge autre que celle prévue par la loi sur la protection de l’enfance. Il souhaite savoir comment ces enfants sont identifiés, pris en charge et, le cas échéant, renvoyés dans leur pays d’origine.

48.M. Yeşilkaya (Turquie) dit qu’en vertu de la loi sur la protection de l’enfance, les tribunaux peuvent prendre des mesures en vue de la protection, de la prise en charge et de l’éducation des enfants qui ont été impliqués dans des conflits armés; ces mesures sont financées par l’État si nécessaire. Les enfants peuvent être placés en internat ou dans des écoles spéciales; dans certains cas, l’État déplacera l’enfant si aucune école adaptée n’est disponible dans la localité où il réside. Conformément à la loi sur la mise à l’épreuve, les agents de probation sont tenus d’offrir une aide psychologique aux victimes d’infractions, y compris celles qui ont été impliquées dans un conflit armé.

49.La collecte de données reste problématique en Turquie, mais le Ministère de la justice met sur pied un nouveau système, le Réseau judiciaire national, qui fournira des informations détaillées sur les règlements et statistiques judiciaires. Par conséquent, l’information relative aux enfants victimes d’infractions sera à l’avenir enregistrée par le Réseau judiciaire national, et les données relatives aux autres enfants continueront d’être compilées par l’Institut turc de statistique.

50.Le Président demande si la Turquie retirera sa réserve au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

51.M. Göğüş (Turquie) dit que par essence, les réserves ne sont pas définitives et peuvent être réexaminées si les conditions sont réunies. Dans le cadre du train de réformes qu’elle met en œuvre afin d’intégrer l’Union européenne, la Turquie a déjà retiré certaines de ses réserves à des conventions internationales, notamment certaines réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

52.M. Yeşilkaya (Turquie), répondant à la question de M. Filali concernant la loi no 3634, dit que ce texte de 1939 est toujours en vigueur, mais qu’il a été remplacé par la loi militaire no 1111 pour ce qui concerne la procédure d’engagement dans l’armée. La Constitution dispose également qu’en cas de conflit entre une loi interne et un traité international ratifié par la Turquie, c’est l’instrument international qui prime, ce qui vaut pour la Convention relative aux droits de l’enfant et son Protocole facultatif. La récente loi sur la mobilisation et l’urgence a également remplacé la loi no 3634, qui a ainsi été abrogée par la législation plus récente qui rend son application impossible.

53.M. Filali fait observer que pour abroger une loi un État partie doit prendre des mesures législatives expresses.

54.M. Kotrane (Rapporteur pour la Turquie) voudrait savoir si un texte distinct des lois nationales sur le terrorisme et des instruments internationaux ratifiés par la Turquie réprime l’utilisation d’enfants dans un conflit armé.

55.M. Çayci (Turquie) dit que dans le passé, la Turquie n’a adopté aucune loi reprenant les dispositions d’instruments internationaux récemment ratifiés. Le droit turc ne contient donc pas de dispositions spécifiques qui érigent en infraction et répriment l’implication d’enfants dans les conflits armés, mais il contient déjà les dispositions nécessaires pour prévenir ce type de comportement. Ainsi, les articles 220 et 314 du Code pénal interdisent le développement stratégique de tout groupe armé, notamment la conspiration, le fait d’armer un groupe, le terrorisme et l’insurrection. Dans la mesure où la législation de l’État partie contient des dispositions précises réprimant chacune de ces phases, celle-ci ne présente pas de lacunes d’un point de vue technique. Cela étant, il n’y a pas de disposition spécifique concernant la mise en œuvre du Protocole facultatif.

56.M. Göğüş (Turquie) rappelle que conformément à l’article 90 de la Constitution, la Convention relative aux droits de l’enfant et son Protocole facultatif sont partie intégrante du droit interne depuis que la Turquie les a ratifiés. Ces deux instruments prévoient des sanctions en cas d’implication d’enfants dans un conflit armé.

57.M. Kotrane (Rapporteur pour la Turquie) note qu’une disposition expresse devrait néanmoins être adoptée par le Parlement. Il salue la volonté affirmée par la Turquie de signer le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et de finaliser la ratification d’autres instruments internationaux. Il note la volonté de l’État partie de prendre toutes les mesures pénales et disciplinaires nécessaires pour régler des questions en suspens concernant le Protocole facultatif et encourage l’État partie à envisager d’établir une institution indépendante des droits de l’homme et un bureau du médiateur chargé d’examiner les plaintes concernant des violations des droits de l’enfant. Dans ses observations finales, le Comité invitera l’État partie à incorporer dans sa législation interne des références précises aux infractions visées dans le Protocole facultatif, et recommandera que les enfants ayant commis de telles infractions soient, aux fins de traitement, systématiquement séparés des adultes.

58.M. Göğüş (Turquie) souligne de nouveau que son pays est fermement résolu à améliorer la situation en ce qui concerne les droits des enfants. Cette résolution découle principalement de la volonté de voir les enfants jouir des normes les plus élevées dans tous les aspects de leur vie quotidienne. La présente réunion a mieux mis en lumière les domaines qui doivent retenir l’attention de la Turquie et qui devront se voir accorder la priorité lorsque de nouvelles mesures seront prises pour promouvoir les droits de l’enfant. Il ne fait pas de doute, s’agissant des droits de l’enfant, que les points sur lesquels la Turquie est la plus ouverte à la critique ont trait au degré d’efficacité avec lequel les règles et règlements nationaux sont mis en œuvre dans la pratique. La Turquie peut faire des progrès en matière de mise en œuvre des droits de l’homme; la consultation et la coopération entre toutes les parties prenantes l’aideraient à surmonter les difficultés de mise en œuvre. Les échanges avec le Comité seront un aspect important de tout futur débat sur les droits de l’enfant au niveau national.

La séance est levée à 17 h 55.