Convention relative aux droits de l'enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.621

24 mai 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT

Vingt-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 621ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 18 mai 2000, à 10 heures

Présidente : Mme OUEDRAOGO

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES États parties (suite)

Deuxième rapport périodique de la Jordanie

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 10

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES États parties (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la Jordanie [(CRC/C/70/Add.4); liste des points à traiter (CRC/Q/JOR/2); réponses écrites du Gouvernement jordanien aux questions posées dans la liste des points à traiter (document sans cote distribué en séance, en anglais seulement)]

1.Sur l'invitation de la Présidente, MM. Madi et Al Tal prennent place à la table du Comité.

2.M. MADI (Jordanie) souligne que la Jordanie s'emploie sans relâche à transposer dans son droit interne et ses pratiques les dispositions des instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme auxquels elle est partie, dont la Convention relative aux droits de l'enfant. Une révision du Code pénal et de la loi sur la justice pour mineurs est ainsi en cours, un projet de loi sur la protection de l'enfance est en voie d’adoption et un plan d'action national 1993-2000 pour l’enfance a été mis au point en application de la Convention relative aux droits de l'enfant.

3.Un pays comme la Jordanie, où les enfants représentent près de la moitié de la population, ne peut qu’être soucieux de répondre à leurs besoins présents et futurs pour assurer son développement. Cette tâche immense ne peut s’accomplir sans le concours de la société civile et c'est pourquoi ont été créées l'Équipe nationale spéciale chargée des problèmes de l'enfance et l’Alliance nationale, cette dernière regroupant quelque 600 représentants de la société civile, des pouvoirs publics et des organismes internationaux, avec pour mission d'oeuvrer de concert à la coordination et à la consolidation de la politique nationale en faveur de l'enfance.

4.Ces dix dernières années, le Gouvernement jordanien, en partenariat avec la société civile et avec l’appui d’organismes comme l'UNICEF et l'OMS, a enregistré d'importants progrès dans les domaines de l'éducation et de la santé de l'enfant. Le taux de scolarisation a notablement progressé depuis 1990 pour atteindre 94 % dans le primaire et 72 % dans le secondaire tandis que le taux d'analphabétisme diminuait. Autre évolution importante, un enseignement relatif aux droits de l'homme et aux droits de l'enfant a été introduit dans les programmes scolaires. On a créé un Parlement des enfants composé de 30 garçons et 30 filles, 10 % des sièges étant réservés aux enfants handicapés. La Jordanie accueille en outre chaque année le Congrès arabe de l'enfance qui permet aux enfants de différents pays arabes de se réunir pour débattre de leurs aspirations. Dans le domaine de la santé, la mortalité infantile a diminué, tombant de 64 pour 1 000 en 1980 à 28 pour 1 000 en 1997, et de nombreux centres de santé maternelle et infantile ont été ouverts.

5.La violence à l'égard des enfants sous toutes ses formes est intolérable et la Jordanie ne peut que rendre hommage aux efforts internationaux accomplis dans ce domaine, notamment en matière de lutte contre l’exploitation sexuelle et commerciale des enfants. La Jordanie est relativement épargnée par ce fléau du fait de ses traditions et de sa culture. Le Code pénal jordanien contient plusieurs dispositions qui sanctionnent sévèrement la violence à l'égard des enfants, notamment l’exploitation sexuelle des enfants et la révision engagée durcira encore les peines encourues. Un service a été créé en 1997 à la Direction de la sécurité publique pour traiter les affaires de maltraitance à enfant. Une action de sensibilisation est menée par les médias et dans le cadre de divers ateliers et séminaires.

6.La législation jordanienne du travail fixe à 16 ans l'âge d’admission à un emploi. En 1996, une réforme a introduit des restrictions concernant les conditions de travail des enfants et le type d’emploi qu’ils sont autorisés à exercer. Un plan national de lutte contre le travail des enfants a été institué en 1998 et la Jordanie a ratifié cette année la Convention No 182 de l'OIT.

7.Les progrès dans le domaine des droits et du bien-être des enfants continuent d'être freinés par le problème de la pauvreté, qui touche encore environ 20 % de la population. Le service de la dette, auquel l'État doit consacrer 20 % de son budget, grève aussi lourdement les budgets sociaux et la Jordanie doit faire appel à des fonds extérieurs pour financer son développement. Enfin, l'instabilité régionale a provoqué des arrivées massives de réfugiés qui font peser une charge supplémentaire très lourde sur l'économie jordanienne.

8.La Jordanie s’est engagée à appliquer intégralement la Convention relative aux droits de l'enfant et mène pour ce faire une politique ambitieuse dans tous les domaines intéressant les enfants. Au mois de mars, elle s'est dotée d'un Comité national des droits de l'homme présidé par la reine Rania et dont les activités feront une place importante aux droits de la femme et de l'enfant.

9.LaprÉsidente invite les membres du Comité à poser leurs questions sur les mesures d'application générale et la définition de l'enfant.

10.Mme EL GUINDI fait observer que les directives générales du Comité concernant l'établissement des rapports n'ont pas été suivies. Elle demande pourquoi la Jordanie a formulé des réserves concernant les articles 14, 20 et 21 de la Convention, si des moyens de substitution permettent de garantir les droits visés par ces articles et si la Jordanie envisage de lever ces réserves.

11.Le Code pénal est discriminatoire à l’égard des femmes et les peines réprimant les infractions sexuelles sur enfant, le viol notamment, sont loin de correspondre à la gravité de ce type d’infraction.

12.Vu l’insuffisance des programmes en faveur de l’enfance, il serait intéressant de savoir si des ressources supplémentaires pourraient être consacrées aux services sociaux malgré les difficultés économiques et politiques du pays. Concernant les mécanismes de coordination, quel est le rôle précis de la Commission nationale et comment est assurée la coordination et la coopération entre les différents mécanismes ? Quel est le rôle des ONG dans l'établissement des rapports et dans la prestation des services que l'État n'est pas en mesure d'assurer, en ce qui concerne en particulier les enfants des rues et les enfants privés de milieu familial ?

13.Mme RILANTONO demande comment s’effectuent la collecte et l'analyse des données relatives aux enfants, notamment au travail des enfants, aux enfants des rues, aux enfants nés hors mariage et aux enfants vivant dans les zones rurales, et quel organisme en est chargé. L'aide internationale servant à financer la majeure partie de l’action en faveur de l’enfance est-elle fournie sous forme de prêts ou de dons ? Le service de la dette semble éroder chaque année un peu plus le budget consacré à l'éducation et à la santé et il serait utile d’avoir des précisions sur ce point.

14.M. DOEK demande pourquoi la Convention n'a toujours pas été publiée au Journal officiel et quel est de ce fait son statut exact en Jordanie. Il aimerait en outre savoir quel est l’état d’avancement du projet de loi relatif aux droits de l’enfant, qui prévoit des mesures importantes contre les mauvais traitements à enfant notamment. Enfin, des précisions seraient souhaitables sur les mesures prises par le Gouvernement - programmes de formation, campagnes de sensibilisation - pour faire connaître la Convention, en particulier aux professionnels appelés à s’occuper d’enfants, comme les travailleurs sociaux, les magistrats et les agents de la force publique.

15.M. FULCI constate que les directives du Comité concernant l'établissement des rapports n'ont pas été suivies et que, sur le fond, le deuxième rapport de la Jordanie se réduit trop souvent à un catalogue de mesures constitutionnelles et législatives ne permettant pas de se faire une idée de l’évolution de la situation réelle des enfants dans l'État partie depuis l’examen du précédent rapport. En particulier, on y cherche en vain les exemples et les données désagrégées indispensables à une bonne perception de la situation. La Jordanie a, comme un nombre grandissant de pays, chargé des diplomates de la représenter devant le Comité, ce qui est regrettable car ses membres souhaitent avant tout dialoguer avec des personnes s’occupant directement des problèmes de l’enfance.

16.Il serait souhaitable que la Jordanie, à l'instar de nombreux autres pays arabes, fasse son possible pour lever les réserves qu'elle a émises au sujet de certains articles de la Convention. Par ailleurs, il serait utile de savoir si la Jordanie est satisfaite de l'aide bilatérale ou multilatérale qu'elle reçoit, de l'UNICEF par exemple, aux fins de l’application de la Convention. Toute information à ce sujet pourrait être consignée dans les recommandations et les observations du Comité.

17.Enfin, le Comité a souvent souligné que la mise en œuvre de la Convention n'était pas seulement l'affaire des gouvernements mais de l'ensemble de la société. Outre le rôle déterminant des ONG et des médias dans la diffusion des principes de la Convention, il importe que les enfants sachent qu'ils ont des droits. La Jordanie pourrait-elle indiquer comment ils sont associés, directement, à ce processus ?

18. M. RABAH souhaiterait savoir s'il existe au niveau national une structure spécifiquement chargée des questions concernant les enfants et avoir en outre des précisions sur les services offerts aux enfants à l'échelon municipal. La distinction faite entre enfants jordaniens et non jordaniens a-t-elle des incidences sur le plan des services fournis aux enfants réfugiés, et peut ‑elle être supprimée ? S’agissant du degré de compatibilité des lois internes avec les dispositions de la Convention, il s'interroge sur le poids que conservent les traditions dans les zones rurales; même si elles commencent à être contestées certaines pratiques, comme le crime d'honneur, persistent et ne sont sanctionnées que par des condamnations pénales très légères. Les disparités entre hommes et femmes dans la société jordanienne posent d'autres problèmes, les hommes semblant être systématiquement privilégiés dans de nombreux domaines.

19.Mme TIGERSTEDT-tähtelädemande des renseignements sur la nature des propositions de loi, apparemment nombreuses et ayant nécessairement des incidences budgétaires, formulées par des ONG et en cours d’examen par le Premier Ministre. Elle aimerait savoir si, compte tenu de l'article 4 de la Convention, les questions relatives aux enfants et le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant sont pris en considération lors de l'établissement des budgets et plans publics annuels. Quelles sont les procédures d'élaboration du budget et existe‑t‑il des règles de transparence ? Il serait utile de savoir quelle part du budget est consacrée aux différents secteurs (santé, aide sociale, éducation, etc.) concernant les enfants.

20.Mme KARP demande quand il est prévu de publier la Convention au Journal officiel, ce qui d’un point de vue technique permettrait de lui donner force de loi. Elle aimerait savoir pourquoi l’examen par le Parlement du projet de loi sur les droits de l’enfant, initialement fixé au 8 mai, a été reporté et quand cet examen aura lieu en fin de compte. À ce propos, étant donné que les principaux éléments de la Convention semblent être traités en ordre dispersé dans divers textes législatifs spécifiques, notamment en matière pénale, il serait utile de savoir quels aspects ce projet de loi et les divers textes applicables couvrent précisément et quels amendements il est proposé d’apporter dans ledit projet pour mettre la législation jordanienne pleinement en conformité avec la Convention. Le Comité serait alors en position d’engager un dialogue sur certains points ou sur les lacunes éventuelles de ce projet de loi.

21.Elle aimerait savoir quelles relations l'Alliance nationale pour l’enfance entretient avec l’Équipe nationale spéciale chargée des problèmes de l’enfance sous sa nouvelle forme et avoir des exemples de décisions et mesures adoptées par cette dernière institution et connaître l’impact de son action. Des enfants figurent-ils parmi les membres de l’Équipe nationale spéciale ? Dans l’affirmative, comment sont-ils élus ? Comment garantir qu’ils représentent vraiment l’ensemble des enfants jordaniens ? Enfin, elle se demande pourquoi parmi tous les comités mentionnés n’en figure aucun chargé de promouvoir la participation des enfants et s’il est envisagé d’en créer un.

22.Mme MOKHUANE souhaiterait des éclaircissement sur les liens entre l’Équipe nationale spéciale chargée des problèmes de l’enfance, l'Alliance nationale pour l’enfance et la cellule de la protection de la famille. Comment la coordination est-elle assurée ? Quelles sont leurs attributions précises ?

23.Des efforts ont certes été entrepris pour mettre la définition jordanienne de l’enfant pleinement en conformité avec la Convention, mais il conviendrait d’éclaircir la question des amendements à apporter à la législation. Quelle est la situation actuelle dans ce domaine ? Comment les enfants sont-ils traités lorsqu’ils s’adressent à la justice ? En ce qui concerne la répartition du budget, quel pourcentage des dépenses sociales est consacré à l’enfance ?

24.M. MADI (Jordanie) souligne que la communauté internationale n’a pas suffisamment conscience du rôle que joue la Jordanie dans une région qui se caractérise par son instabilité. En effet, la Jordanie s’est toujours distinguée pas sa stabilité politique, arrive en bon rang en matière de respect des droits de l’homme et aucune exécution politique n’y a jamais eu lieu. Depuis le début du conflit israélo-arabe, elle constitue la seule force de modération dans la région. Elle accueille systématiquement les réfugiés et compte environ 300 000 réfugiés iraquiens à l’heure actuelle. Elle attend toujours les résultats du Traité de paix signé en 1994 et même si elle ne se situe pas parmi les pays les plus défavorisés, les ressources financières lui font sérieusement défaut.

25.Les autorités jordaniennes ont pleinement conscience qu'elles doivent éliminer la pratique des "crimes d'honneur", condamnée par la reine Rania lors d'une récente intervention télévisée, mais cela suppose, d’une part, de déterminer si ce type de crime mérite d'être sanctionné par une peine maximale ou bien s’il s'apparente à un crime passionnel et, d’autre part, de mobiliser des moyens financiers pour mener une action éducative visant à faire comprendre à la population la nécessité d’éradiquer cette pratique; autrement, tout projet de loi dans ce sens risquerait d’être rejeté par le Parlement. Des suggestions du Comité sur ce point seraient les bienvenues.

La séance est suspendue à 11 h 10; elle est reprise à 11 h 25.

26.M. AL TAL (Jordanie) souligne que le rapport à l'examen est le fruit d'un effort national déployé conjointement par les organisations gouvernementales et non gouvernementales ainsi que par les communautés locales et les organismes de protection sociale. Les ONG et la société civile constituent des partenaires essentiels en matière de sensibilisation aux droits de l'enfant.

27.La Jordanie a ratifié la Convention, qui a été entérinée par un Décret royal en 1994 avant d'entrer en vigueur. Un recueil global de renseignements sur les droits de l'enfant et les droits de l'homme est en cours d’établissement aux fins de publication dans le Journal officiel au titre du programme de sensibilisation aux instruments internationaux et à la Convention.

28. Le service de la dette extérieure et le programme d'ajustement structurel requièrent des sommes considérables, qui réduisent d’autant le budget de l’État. Selon les statistiques les plus récentes figurant dans un rapport du PNUD, la proportion moyenne des ressources affectées à l'éducation (7 %) et aux services de santé (6 %) se situe pourtant à un niveau acceptable. Des ressources sont en outre affectées à un grand nombre d'institutions et d'organisations responsables de la protection de l'enfance.

29.Les réserves formulées à propos de plusieurs articles de la Convention ont été inspirées par un souci de compatibilité avec la loi islamique, 93 % des habitants de la Jordanie étant musulmans. Ainsi la notion d'adoption au sens de la Convention n'est pas conforme à la charia, qui prévoit quant à elle l’institution de la kafalah(protection), appliquée dans plusieurs autres pays islamiques, grâce à laquelle un enfant abandonné ou orphelin peut être pris en charge par une famille tout en conservant son nom d'origine, s'il est connu; un tel enfant n’a légalement aucun droit sur le patrimoine de cette famille mais dans la pratique, une part de l’héritage lui est réservée. Les particularités de chaque État devraient être prises en considération en matière de droits de l'homme.

30.L'Équipe nationale spéciale a pour mission de promouvoir les droits de l'enfant alors que l'Alliance nationale pour l'enfance assure la liaison entre organisations gouvernementales et non gouvernementales. L'Alliance nationale compte plus de 600 membres - particuliers ou représentants d’institutions gouvernementales, d’ONG et d’organisations internationales. Les ONG jouent un rôle très important sur le terrain; elles œuvrent en totale coopération avec le Gouvernement auquel elles soumettent des projets et des programmes pour diffusion aux différents ministères concernés.

31.L’examen du projet de loi sur les droits de l'enfant par le Parlement devait avoir lieu le 8 mai, mais a dû être reporté en raison de la tenue de la conférence de l'Union interparlementaire; le projet sera soumis à la prochaine session du Parlement. Les amendements en matière pénale tendent à durcir les peines frappant les infractions sexuelles sur mineur. L'âge de la responsabilité pénale doit être porté de 7 à 12 ans et l'âge du mariage à 18 anspour les deux sexes. Ce projet de loi a pour objet de regrouper les textes concernant la plupart des droits reconnus à l'enfant dans la Convention. Des exemplaires du projet de loi sont à la disposition des membres du Comité.

32.Le Bureau national de statistique réalise des enquêtes sur certaines questions démographiques et sur les différents secteurs de l'économie mais n'a pas pour attribution de recueillir des données sur certains phénomènes tels que les enfants de la rue. À ce propos, il convient de préciser qu'il n'existe pas en Jordanie d'"enfants de la rue" comme on l'entend en Europe; on y trouve de jeunes vendeurs ambulants dont le Ministère du développement social s'efforce de contrôler et limiter l'activité. La pénurie de statistiques concernant certains secteurs s’explique par le manque de ressources et constitue un problème majeur. Des ONG établissent toutefois certaines statistiques relatives aux enfants.

33. De nombreux réfugiés palestiniens, y compris des enfants, résident depuis longtemps en Jordanie. Conformément aux résolutions de l'ONU, l' Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) est chargé d'aider ces populations. En tant que pays d'accueil, la Jordanie assure également tous les services nécessaires aux enfants, dans les limites de ses ressources. Elle a récemment demandé à l'UNRWA et aux pays donateurs de ne pas réduire le montant de leur assistance dans le domaine de l'éducation notamment. En outre, elle accorde la nationalité jordanienne aux réfugiés palestiniens qui, à ce titre, bénéficient du même traitement que les autres citoyens. On ne peut donc parler de discrimination à l'égard des enfants non jordaniens.

34. Il n'existe pas davantage de discrimination fondée sur le sexe. En ce qui concerne l'âge légal du mariage, le projet de loi à l'étude prévoit de le fixer à 18 ans pour les deux sexes. Dans le domaine de l'éducation, les taux de scolarisation sont plus élevés pour les filles et les femmes à tous les niveaux; même si leur taux d'analphabétisme semble également plus élevé.

35. La Jordanie fera en sorte que son prochain rapport corresponde entièrement aux directives du Comité et a déjà pris des dispositions en vue de la tenue de réunions d'experts sur l'élaboration des rapports qu'elle doit présenter au sujet de l'application des instruments internationaux auxquels elle est partie, dont la Convention.

36. Il existe de nombreux programmes destinés aux enfants, aussi bien à la radio qu'à la télévision et les ONG organisent régulièrement des campagnes de sensibilisation concernant les droits de l'enfant. Le secteur privé joue également un très grand rôle dans ce domaine. La Jordanie s'efforce en outre d'échanger des données d'expérience et des informations avec les autres pays, ceux de la région notamment. Elle est particulièrement reconnaissante à l'UNICEF et à l'OMS de l'aide prodiguée dans ce contexte. De plus, dans le pays se tiennent de nombreux ateliers, séminaires et colloques à l'intention des enfants et de tous ceux qui oeuvrent à la promotion de leurs droits afin de faire connaître et de commenter l'action gouvernementale dans le domaine de la protection de l'enfance.

37. Les organismes s'occupant, à des degrés divers, des droits des enfants sont nombreux, au plus haut niveau politique ou sur le terrain, dans les secteurs tant public que privé. Il faut en particulier mentionner : les cellules chargées de la protection de la famille, relevant du Ministère de l'intérieur, qui enquêtent sur toutes les plaintes concernant les violations des droits de l'enfant et prennent les mesures nécessaires pour que les coupables soient punis; l'Alliance nationale pour l'enfance, composée de représentants d'ONG et d'organisations internationales (dont l'UNICEF qui participe à la mise en place des cellules dans tout le pays), ainsi que de représentants d'organismes gouvernementaux, sa mission étant de formuler des recommandations et de présenter des propositions d'amendement aux lois.

38. La création de conseils municipaux d'enfants est une excellente idée, qui sera soumise aux autorités compétentes. La Jordanie est à cet égard entièrement disposée à mettre à profit l'expérience acquise par d'autres pays dans le domaine du renforcement des droits des enfants.

39. La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à poser des questions sur les principes généraux et les libertés et droits civils.

40. M. FULCI estime que le rapport ne contient pas suffisamment de données sur les enfants nés hors mariage, les réfugiés, les minorités ethniques et les disparités entre zones rurales et urbaines. S'agissant des enfants nés hors mariage, il souhaiterait avoir des renseignements sur leurs droits en matière d'héritage, d'entretien, de garde et, de façon générale, sur les responsabilités incombant à leurs parents. Il voudrait en outre savoir si des mesures ont été prises, en coopération avec les autorités religieuses notamment, pour prévenir et combattre toutes les formes de discrimination à l’encontre de ces enfants et sensibiliser la population à la nécessité de les protéger.

41. Rappelant les préoccupations exprimées par le Comité contre la torture au sujet d'actes de torture et de mauvais traitements infligés à des détenus, il demande des éclaircissements sur le cas, signalé par Amnesty International dans son rapport, d’un garçon de 14 ans qui aurait été torturé par des policiers jordaniens en 1997.

42. Mme MOKHUANE demande, à propos de la discrimination à l’égard des femmes, quelles mesures autres que législatives ont été prises pour faire évoluer les mentalités, notamment en ce qui concerne les crimes d'honneur.

43. M. AL TAL (Jordanie) dit que son pays reconnaît et respecte le rôle important joué par Amnesty International et s'est toujours attaché à faciliter sa tâche en faisant preuve d'une transparence totale lors des visites périodiques que cette organisation effectue en Jordanie. S’agissant des auteurs d’actes de torture, ils sont jugés et condamnés. La Jordanie s'efforce par tous les moyens de garantir l'honneur et la dignité de l'homme.

44. En ce qui concerne les minorités, tous les Jordaniens sont égaux devant la loi, quelles que soient leur origine, leur langue et leur religion. Les enfants de toutes les confessions sont donc libres de pratiquer leur foi. Le Conseil des Églises s'occupe de toutes les questions relatives aux différentes religions, sans que le Gouvernement intervienne dans ces affaires.

45. En Jordanie, tous les citoyens, hommes et femmes, sont égaux devant la loi. La Charte nationale et la Constitution énoncent expressément cette égalité, même s’il se peut que dans certains domaines bien spécifiques la pratique ne corresponde pas toujours au droit en raison des traditions. Ce n'est pas parce que la Jordanie est un pays arabe qu'il faut obligatoirement conclure que les femmes ne peuvent pas participer sur un pied d'égalité à la vie de la société et exercer tous leurs droits. Le Parlement doit examiner prochainement un projet de loi tendant à modifier un certain nombre de textes législatifs de manière à éliminer la discrimination fondée sur le sexe. Ces textes portent notamment sur l’emploi, la sécurité sociale, la location de logements, les contrats de mariage, la nationalité et les impôts. Les modifications concernent par exemple le droit pour une veuve de toucher la pension de son mari, le droit pour une femme et ses enfants de se faire délivrer un passeport sans avoir à obtenir l'accord du mari ou du père et le droit pour une femme d'inscrire ses enfants à un régime d'assurance médicale. Un comité royal a de plus été créé par décret en vue de la modification de la législation et des pratiques qui empêchent les femmes et les enfants de jouir de leurs droits. Adopter des lois ne suffit pas, encore faut-il les faire appliquer et une action de sensibilisation aux problèmes posés par les pratiques susmentionnées devra donc être menée par les médias et les organes gouvernementaux ou autres.

46.En ce qui concerne les "crimes d'honneur", un conseil composé de représentants de la Chambre haute et de la Chambre basse va examiner prochainement un projet de loi tendant à modifier la législation de manière à ce que ces actes soient dûment réprimés. Une telle réforme est réclamée par des ONG, les associations féminines et les associations pour la famille.

47.Pour ce qui est des enfants nés hors mariage, leur situation varie selon que leurs parents sont ou non connus et qu'ils ont été ou non reconnus par ceux-ci. Un enfant dont les parents ne sont pas connus est placé sous le régime de la kafalah. Si un enfant n'a pas été reconnu par son père, sa mère, si elle est connue, est mise en prison pour mauvaise conduite sexuelle et l'enfant est placé sous un nom d’emprunt dans un centre, son nom véritable étant cependant consigné dans son dossier. Lorsqu'elle est libérée, la mère peut saisir un tribunal pour récupérer l'enfant. Dans les rares cas où l'enfant est alors reconnu par le père, ses parents se marient et il va vivre avec eux. En tout état de cause, les enfants nés hors mariage sont considérés comme des citoyens jordaniens et jouissent des mêmes droits que les enfants légitimes. Ils sont placés dans des centres par le Ministère de la protection sociale et reçoivent une éducation jusqu'à leur majorité ou jusqu'au moment où un de leurs parents les reconnaît.

48.Mme EL GUINDI estime incompréhensible qu’une femme accouchant d’un enfant conçu suite à un viol soit jetée en prison si l’identité du violeur est inconnue. Pourquoi ne bénéficie‑t‑elle pas d'une assistance ? La loi autorise-t-elle l'avortement en cas de viol ?

49.Elle souhaite savoir si une Jordanienne mariée à un étranger peut transmettre sa nationalité à ses enfants. Dans le cas où les parents sont séparés et où le père n'est pas décédé, la garde de l'enfant peut-elle être confiée à la mère dans l'intérêt de l'enfant ? Le Code pénal ne prévoit pas de peine pour l'homme qui tue sa femme parce qu'elle a eu un comportement non conforme à la tradition. Il n'en va pas de même pour une femme qui tuerait son mari pour les mêmes raisons. Est-il envisagé de remédier à cette discrimination ? Enfin, la peine capitale est‑elle appliquée à un enfant de moins de 13 ans ?

50.Mme KARP constate que, selon la réponse écrite à la question No 6, il faut avoir au moins 18 ans pour pouvoir témoigner devant un tribunal, ce qui semble incompatible avec l'article 12 de la Convention car si les enfants ne peuvent témoigner sur les violations dont ils ont été victimes, on se demande comment les autorités peuvent lutter contre de tels actes ? Est-il envisagé de modifier la législation pertinente ?

51.Elle se félicite de la création du Comité royal contre la discrimination à l’encontre des femmes et des enfants et espère qu’il s'occupera aussi du problème des crimes d'honneur. La mise en place de cellules de protection de la famille est aussi encourageante mais il semblerait que leur champ d'action ait été réduit pour des raisons financières. Au lieu de porter sur la violence dans la famille en général, leurs activités ne concerneraient plus que la violence à l'égard des enfants alors qu’il serait pourtant essentiel de traiter aussi de la violence à l'égard des femmes, d’autant plus que des liens existent entre les deux phénomènes. Par ailleurs, il ne semble pas que de telles cellules aient été implantées en dehors de la capitale, contrairement à ce qui était prévu. N'y a-t-il pas là une discrimination à l'encontre des enfants vivant dans d'autres parties du pays ?

52.Les crimes d'honneur visent non seulement les femmes qui ont eu des relations sexuelles hors mariage mais aussi les femmes victimes de viol. Pourquoi les femmes sont-elles seules à lutter contre les crimes d'honneur ? Que fait-on pour changer les attitudes des hommes à cet égard et faire comprendre aux maris et aux pères que leur devoir est de protéger leur épouse ou leur fille ? Au lieu d'emprisonner les femmes violées, il faudrait les aider pour qu'elles n'aient pas à craindre d'être tuées ou de voir leur vie ruinée.

53.Mme RILANTANO note que le Code pénal prévoit des peines de six mois à trois ans de prison et des travaux forcés contre quiconque a encouragé un avortement ou laissé quelqu'un inciter une femme à avorter. Quelle est le nombre d’affaires de ce type portées devant les tribunaux ? Y a-t-il des avortements clandestins ? Enfin, quel est le pourcentage des enfants déclarés à la naissance dans les zones rurales et les zones urbaines, respectivement.

54.M. RABAH demande pourquoi les affaires de traitements cruels envers les enfants sont considérées comme relevant de la sécurité publique plutôt que du Ministère de la justice ou du Ministère du développement social,par exemple.

55.M. DOEK estime que les réserves de la Jordanie concernant les articles 20 et 21 de la Convention ne sont pas nécessaires. L'article 21 concerne les mesures que doivent prendre les États parties qui admettent et/ou autorisent l'adoption. Rien n'oblige donc un État partie à autoriser l'adoption. Quant à l'article 20, il dispose que la "protection de remplacement peut notamment avoir la forme … de la kafalah de droit islamique, …". Sur ces plans, les régimes appliqués par la Jordanie ne sont donc nullement incompatibles avec la Convention.

56.Le Gouvernement jordanien envisage-t-il de modifier le régime applicable aux enfants nés hors mariage ? Ce n'est pas parce que le comportement des parents est jugé "inacceptable" qu'il faut punir les enfants. Le fait que des parents appartiennent à un groupe religieux non reconnu a-t-il des effets sur les droits de l'enfant en ce qui concerne par exemple l'accès à l'enseignement ou aux services sociaux ?

57.Mme MOKHUANE indique que d'après certaines informations, une femme non musulmane épousant un musulman ne peut hériter des biens de son mari. Dans un tel cas, les enfants peuvent-ils hériter desdits biens ? Par ailleurs, la délégation jordanienne pourrait-elle donner des précisions sur la situation des bahaïs ? Quels sont les critères qui font qu'une religion est ou non reconnue ? En Jordanie, le nombre d'accidents de la route est élevé et nombre des victimes sont des enfants, comment peut-on dès lors parler de respect du droit des enfants à la survie et au développement ?

58.Mme KARP demande si la recommandation du Comité concernant le retrait des réserves aux articles 20 et 21 a donné lieu à un débat en Jordanie et, dans l’affirmative, quels en ont été les résultats et quels arguments ont été avancés contre le retrait des réserves ?

59.Le Comité avait en outre recommandé à la Jordanie d'effectuer une étude sur la violence intrafamiliale. Une telle étude a-t-elle été réalisée et, dans l'affirmative, quelles en ont été les conclusions et quels sont les types d'actes de violence identifiés ? Enfin, des dispositions ont‑elles été intégrées dans la nouvelle législation pour empêcher les châtiments corporels dans le cadre familial ? Les châtiments corporels sont interdits dans les écoles mais des mesures sont‑elles prises pour faire respecter cette interdiction. Des plaintes ont-elles été déposées ? Ont-elles donné lieu à des enquêtes ?

La séance est levée à 13 heures.

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