NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.103025 mai 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente-neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1030e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 19 mai 2005, à 10 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Rapport initial de la Bosnie‑Herzégovine

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Bosnie‑Herzégovine (CRC/C/11/Add.28; CRC/C/Q/BIH/1 (liste des points à traiter); CRC/C/RESP/85 (réponses écrites de l’État partie); HRI/CORE/1/Add.89/Rev.1 (document de base))

1. Sur l’invitation du Président, la délégation de la Bosnie ‑Herzégovine prend place à la table du Comité.

2.M. NAGRADIC (Bosnie‑Herzégovine) dit que le rapport initial de la Bosnie-Herzégovine a été élaboré par une équipe d’experts de différents ministères et organismes publics et par un petit nombre de représentants d’organisations non gouvernementales. Ce document, finalisé voilà quatre ans, n’a malheureusement pu être soumis au Comité qu’en 2004 et du fait de ce retard, imputable à des problèmes d’organisation interne, bien des informations sont dépassées.

3.Dans le document de base figurent des renseignements à jour sur les institutions et le cadre juridique général de la protection des droits de l’homme. En outre, le Gouvernement s’est efforcé de fournir dans ses réponses écrites des données complémentaires permettant de se faire une idée plus complète et plus fiable de la situation actuelle des droits de l’enfant en Bosnie‑Herzégovine. Depuis 2001, les capacités du pays en matière de collecte et de compilation des données ont été sensiblement renforcées et les conditions de mise en œuvre de la Convention ont bien changé.

4.D’importants changements législatifs et institutionnels sont en particulier intervenus et parmi les textes de loi adoptés, il convient de citer les lois‑cadres de l’État et des entités sur l’éducation primaire et secondaire, la loi sur la protection des droits des personnes appartenant à des minorités nationales, les lois de l’État et des entités portant amendement de la loi sur les réfugiés et les personnes déplacées, la loi sur la protection des enfants en Republika Srpska, les lois des entités sur la protection contre la violence dans la famille, les lois de l’État et des entités sur la procédure pénale et l’exécution des sanctions pénales, la loi sur l’égalité entre les sexes, et la loi sur la protection sociale et la protection de l’enfance dans le district de Brčko.

5.Sur le plan institutionnel, il convient de signaler la création du Ministère des droits de l’homme et des réfugiés, du Bureau du Médiateur de la Republika Srpska, de la Commission des droits de l’homme, de l’Agence pour les normes d’évaluation dans le domaine de l’éducation, du Groupe chargé de la prévention du trafic des êtres humains, du Sous‑Groupe pour la prévention du trafic des enfants et du Conseil pour l’enfance.

6.Depuis 2001 les activités de sensibilisation relatives aux droits de l’enfant et la coopération avec les organisations non gouvernementales, dont le nombre a considérablement augmenté, ont été renforcées. De nombreux séminaires, ateliers et conférences ont été organisés et diverses études et recherches consacrées à différents thèmes touchant aux droits de l’enfant. Les autorités ont dans le même temps adopté plusieurs documents stratégiques, dont le Plan d’action en faveur des enfants (2002‑2010), la Stratégie de développement à moyen terme pour 2004‑2007, le Plan d’action visant à répondre aux besoins des minorités roms et autres minorités nationales en matière d’éducation et la Stratégie de lutte contre le VIH/sida. Les médias ont quant à eux porté une attention accrue aux droits de l’enfant, qu’ils ont contribué à mieux faire connaître, mais leur action reste toutefois relativement limitée et peu ciblée. Beaucoup reste d’ailleurs à faire sur le plan de l’éducation du public.

7.La Bosnie‑Herzégovine ne peut désormais plus se contenter de protéger les catégories d’enfants les plus vulnérables, comme les enfants des personnes déplacées ou des réfugiés, et elle entend appliquer des normes globales et s’attacher à mettre pleinement en œuvre l’ensemble des dispositions de la Convention, notamment celles relatives au droit au repos et aux loisirs et au droit de participer à la vie culturelle et artistique.

8.Mme ALUOCH demande des précisions sur le processus par lequel la Convention relative aux droits de l’enfant a été intégrée dans la législation nationale et sur l’applicabilité de la Convention par les tribunaux nationaux; elle aimerait en outre savoir si le Gouvernement accepterait d’étudier la possibilité de retirer la réserve concernant le paragraphe 1 de l’article 9 si le Comité formulait une recommandation à cet effet dans ses observations finales. Étant donné qu’il n’existait aucun mécanisme indépendant pour le suivi de la Convention au moment de l’élaboration du rapport initial, il serait utile de savoir si le Conseil pour l’enfance créé en 2002 pour mettre en œuvre le Plan d’action pour l’enfance (2002‑2010) remplit aujourd’hui cette fonction. La délégation pourrait préciser qui sont les membres de ce Conseil et comment ils sont nommés et pourrait aussi indiquer s’il est prévu de créer un poste de médiateur pour les enfants.

9.Les explications relatives à la définition de l’enfant ne sont pas toujours très claires dans le rapport à l’examen et il serait donc utile de savoir, par exemple, si la dispense pouvant être accordée par un tribunal à un mineur de plus de 16 ans pour contracter mariage constitue une simple exception ou si elle change quoi que ce soit à l’âge de la majorité, fixé à 18 ans. Il serait également utile d’avoir des éclaircissements sur l’âge de la responsabilité pénale et le type de peines applicables aux mineurs, sur l’âge de fin de scolarité obligatoire et sur l’âge à partir duquel un enfant peut consulter un avocat ou recevoir un traitement médical sans le consentement de ses parents ou encore sur l’âge minimum pour l’achat de cigarettes et d’alcool.

10.La délégation pourrait par ailleurs indiquer quelles mesures sont prises pour s’assurer que les parents sont informés du délai de 60 jours dans lequel ils sont tenus de faire enregistrer la naissance de leur enfant et s’il existe un dispositif pour l’enregistrement passé ce délai.

11.Mme KHATTAB demande quelle serait la réaction du Gouvernement si le Comité lui recommandait dans ses observations finales de créer un ministère de l’enfance. Vu la complexité de la structure de l’État, le Comité aurait besoin d’éclaircissements afin de pouvoir formuler des recommandations ciblées et susceptibles d’être mises en œuvre dans le cadre existant.

12.Une part importante des ressources allouées aux enfants dans différents domaines semblerait être utilisée pour couvrir les dépenses administratives liées au fonctionnement de l’État. Les chiffres donnés dans les réponses écrites ne permettent pas de se faire une idée précise du montant et de la répartition des crédits budgétaires et certaines sources ayant dénoncé un manque de transparence dans les dépenses publiques, il serait utile de faire figurer dans les prochains rapports périodiques une description plus simple et plus claire du budget.

13.Le rapport ne contient pas de données statistiques sur les enfants marginalisés, les enfants touchés par la drogue ou encore les enfants victimes d’exploitation sexuelle. Il ne contient pas davantage de données complètes sur le nombre de mineurs victimes d’infractions pénales et le nombre de mineurs en conflit avec la loi. La délégation pourrait apporter des précisions sur ces points et indiquer si des mesures sont prises pour améliorer le système de collecte de données et d’établissement des statistiques au niveau national.

14.De nombreux enfants ne peuvent bénéficier d’une couverture sociale et médicale gratuite du fait que leurs parents sont au chômage et n’ont pas les moyens de verser des cotisations régulières et il faudrait donc savoir si des mesures sont prises pour corriger cette situation.

15.Les cas fréquents de discrimination fondée sur l’appartenance ethnique, l’origine nationale, la religion, l’affiliation politique, la condition sociale (en particulier le statut de déplacé ou de rapatrié), le sexe ou le handicap constituent un motif de vive préoccupation. Les mesures prises n’ont apparemment eu qu’un effet limité. Les médias, en particulier, ont joué un rôle négatif en alimentant les préjugés et les comportements discriminatoires. Le Comité aimerait donc savoir si le Gouvernement envisage de renforcer son action pour lutter contre la discrimination, et ce par quels moyens. Certaines informations font état d’une ségrégation dans les écoles, où les enfants seraient séparés en fonction de leur origine ethnique. L’adoption d’un programme commun dans le cadre d’une réforme du système éducatif contribuerait non seulement à simplifier les structures actuelles mais aussi à placer tous les enfants sur un pied d’égalité. Il serait à ce propos intéressant de savoir quel est l’état d’avancement de l’initiative lancée par les ministères compétents des deux entités en vue d’établir une base commune dans le domaine de l’éducation.

16.Mme LEE voudrait savoir si le Gouvernement est en mesure d’affirmer, vu la complexité de la structure du pays, que tous les enfants présents sur le territoire national bénéficient d’une protection identique et s’il a la capacité d’influer sur les décisions des deux entités s’agissant de définir les stratégies et politiques tendant à assurer la mise en œuvre de la Convention.

17.Il serait utile de disposer d’informations complémentaires sur le nombre d’habitants et d’étudiants que compte le district de Brčko, entre autres, et de savoir si l’État partie envisage de procéder à un nouveau recensement de la population, qui ferait apparaître les changements démographiques induits par la guerre civile.

18.La délégation pourrait en outre confirmer ou infirmer les informations selon lesquelles les mères n’ayant pas les moyens de s’acquitter des frais hospitaliers obstétricaux ne seraient pas autorisées à déclarer leur enfant.

19.Mme OUEDRAOGO demande ce qu’il en est des 5 060 nouveau‑nés dont la procédure d’enregistrement n’a pas abouti et ce que le Gouvernement entend faire pour que tous les enfants du pays, y compris les Roms, obtiennent un acte de naissance. Elle souhaiterait en outre savoir si le Gouvernement entend mieux protéger le droit à la vie privée des enfants − souvent bafoué par les médecins, au sein du système scolaire et dans les médias −, si les enfants sont à l’abri des informations susceptibles de nuire à leur développement, et en particulier si un comité de censure a été créé pour veiller au contenu des films ou encore des articles de la presse écrite et des médias en général. Elle voudrait aussi savoir si des campagnes de promotion de la lecture ont été mises en œuvre et si les enfants ont facilement accès aux bibliothèques.

20.Compte tenu du peu d’informations figurant dans le rapport au sujet de la torture ou des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Comité aimerait savoir si de tels agissements sont fréquents dans l’État partie, si la pratique des châtiments corporels est répandue et, dans l’affirmative, ce que fait l’État partie pour combattre ces phénomènes et les brutalités policières dont seraient victimes les jeunes délinquants.

21.Mme SMITH demande pourquoi l’État partie a consacré si peu d’attention au problème de la discrimination dans son rapport et quelles mesures il entend prendre pour assurer l’enregistrement par les services de l’état civil des enfants de migrants et de réfugiés au même titre que les autres enfants du pays.

22.Elle souligne que liberté d’expression et respect de l’opinion de l’enfant sont deux choses différentes et demande, se référant au paragraphe 59 du rapport, en quoi il importe de prendre en considération «le souhait d’un mineur» dans une procédure de reconnaissance de paternité.

23.Le Comité aimerait également savoir si les enseignants sont suffisamment sensibilisés à la nécessité d’écouter les élèves et si ces derniers sont invités à prendre part aux décisions les concernant au sein de leur établissement scolaire. À ce propos, il convient de se demander si le fait que les droits et responsabilités des parents sont «personnels et absolus», comme l’indique le rapport, signifie que dans la culture de l’État partie il est normal que les parents exercent une très forte autorité sur leurs enfants, ce au mépris de l’opinion de ces derniers.

24.Mme VUCKOVIC‑SAHOVIC demande si l’État partie entend se doter d’un organisme public central en charge des activités nécessaires à la mise en œuvre de la Convention, actuellement réparties entre plusieurs ministères, dont le Ministère de la justice, le Ministère des affaires étrangères et le Ministère des droits de l’homme, et s’il dispose des ressources humaines et financières suffisantes à cette fin.

25.Un complément d’information sur la situation des Roms serait le bienvenu, notamment sur leur poids démographique dans l’État partie, l’existence d’une stratégie visant à les intégrer dans le système scolaire et leur accès aux soins de santé. Il serait particulièrement utile de savoir quelle est leur place exacte dans l’État partie, dont la Constitution ne garantit une protection qu’aux peuples constitutifs, et notamment s’ils ont le statut de minorité.

26.Étant donné qu’en Republika Srpska l’instruction religieuse est obligatoire, le Comité aimerait savoir si les élèves qui ne se réclament d’aucune religion ont la possibilité de ne pas suivre ces cours ou de les remplacer par un enseignement sur l’histoire des religions, par exemple.

27.M. KOTRANE demande si la Convention a déjà été invoquée devant les tribunaux nationaux et si la réserve formulée au sujet du paragraphe premier de l’article 9 de la Convention n’est pas le signe que, culturellement, peu d’attention est portée au statut de l’enfant au sein de la famille − ce que donnerait également à penser le fait que l’État partie n’a pas ratifié un certain nombre d’instruments internationaux relatifs au statut de l’enfant, en particulier la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Il serait par ailleurs intéressant de savoir si un enfant de moins de 14 ans coupable d’un vol ou d’un crime peut ou non être traduit en justice.

28.M. FILALI aimerait savoir s’il existe un projet de réforme de l’administration visant à la simplifier, ce qui faciliterait la mise en œuvre de la Convention, car en l’état actuel des choses, la répartition des tâches et des ressources ne semble pas très bien orchestrée.

29.Il convient de se demander si l’État partie s’attache à instaurer une culture de la paix reposant sur des programmes de sensibilisation à la tolérance en vue de rapprocher les communautés et de favoriser la réconciliation nationale. On ne peut à ce propos que déplorer que les enfants de réfugiés et de personnes déplacées soient victimes de discrimination, notamment dans les domaines de la santé et de l’enseignement.

30.M. KRAPPMAN constate que le pays souffre encore des séquelles de la guerre civile et que la structure même de la République de Bosnie‑Herzégovine est un pis-aller. La réconciliation nationale lui semble impossible tant que perdurera la culture dite d’impunité, se traduisant par le fait que les responsables des atrocités commises pendant la guerre sont encore en liberté. Il est nécessaire que les responsables politiques, les hauts responsables de l’administration ou encore les parents se confrontent à leur passé s’ils veulent assurer le bien‑être de la jeune génération.

31.M. SIDDIQUI demande quelle contribution l’État attendrait de la communauté internationale au cas où il serait décidé de simplifier sa structure étatique dans le souci d’une coexistence harmonieuse de tous les groupes de population.

32.M. ZERMATTEN demande s’il est vrai, comme le laissent à penser diverses ONG, que la violence familiale est culturellement admise, tant au sein de la société que de la famille, que les mères sont effectivement fréquemment contraintes de tolérer la violence à leur égard ou à l’encontre de leur enfant pour ne pas menacer l’inébranlable cellule familiale, et si la délégation dispose de données ventilées sur ce phénomène. Il serait également intéressant de savoir si des programmes de sensibilisation à cette problématique ont été mis en place car ils constitueraient le seul moyen d’éradiquer ce fléau et surtout de mettre un terme à l’idée reçue selon laquelle les châtiments corporels sont bénéfiques tant pour l’enfant que pour la vie de famille.

33.Mme ANDERSON demande si le Plan d’action national en faveur de l’enfance et le plan de développement à moyen terme ciblent spécifiquement les enfants vivant au-dessous du seuil de pauvreté. La délégation pourrait par ailleurs fournir des informations actualisées sur les activités de déminage entreprises dans le pays.

La séance est suspendue à 11 h 20; elle est reprise à 11 h 35.

34.M. NAGRADIC (Bosnie‑Herzégovine) rappelle que la structure constitutionnelle pour le moins complexe de la Bosnie‑Herzégovine est issue des accords de paix de Dayton, toujours en vigueur, sur la base desquels l’État est constitué de deux entités politiques: la Fédération de Bosnie‑Herzégovine, majoritairement peuplée de Bosniaques et de Croates, et la Republika Srpska, à peuplement essentiellement serbe. Le terme «Fédération» figurant dans le nom de l’une des deux entités contribue sans doute à semer la confusion dans l’esprit de la communauté internationale. Depuis 2000 existe en outre le district administratif spécial dit de Brčko, dont le rapport parle peu car il venait d’être créé au moment de sa rédaction. La Bosnie‑Herzégovine a fait partie de la Yougoslavie jusqu’à son accession à l’indépendance, en 1992.

35.Elle a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant en 1993. Dans un premier temps, deux rapports séparés destinés au Comité ont été rédigés par les deux entités, et ce n’est qu’ultérieurement, avec la création du Ministère des droits de l’homme au niveau de l’État central, que les deux rapports ont été fusionnés et qu’un rapport unique a été élaboré au nom de la République de Bosnie‑Herzégovine. Plusieurs domaines relèvent pour l’essentiel de la compétence des entités, voire des cantons, et certaines compétences n’ont que récemment été transférées à l’État avec la création d’institutions conjointes de coordination, dans le souci de respecter les arrangements constitutionnels.

36.Même si la structure constitutionnelle devait être simplifiée, la situation sur le terrain resterait d’une grande complexité en raison de la diversité culturelle, religieuse et ethnique du pays. Aux trois peuples constituants que sont les Bosniaques, les Croates et les Serbes s’ajoutent 17 minorités reconnues par la loi, ainsi que les personnes qui font valoir leur droit de ne pas déclarer d’appartenance à un quelconque peuple. Quatre grands groupes religieux sont présents sur le territoire − musulmans, chrétiens orthodoxes, catholiques et juifs − et y côtoient quelques groupes religieux de moindre taille comme les baptistes ou les Témoins de Jéhovah. Cette question est régie par la loi sur la liberté religieuse, promulguée en 2004.

37.La situation diffère dans les deux entités en matière d’instruction religieuse. En Republika Srpska, l’instruction religieuse est une matière obligatoire, si les parents de l’élève y consentent, et porte principalement sur la religion orthodoxe. L’islam et la religion catholique peuvent aussi être enseignés dans certains établissements disposant d’enseignants compétents en la matière. Dans l’ensemble, l’instruction religieuse participe d’approches différentes selon les régions et même selon les établissements scolaires. Cette instruction est complétée par un enseignement de l’histoire des régions du pays, abordé dans le cadre de matières comme la sociologie mais aussi dans une matière nouvellement introduite intitulée «Démocratie et droits de l’homme».

38.Le processus de réconciliation prendra du temps et un travail de sensibilisation doit être accompli, ce dont les autorités sont pleinement conscientes. Le Gouvernement et le Parlement ont adopté un certain nombre de mesures et de documents relatifs aux séquelles du conflit, plus particulièrement des années 1992‑1995, dans les différentes parties du territoire. Le pays s’organise pour qu’à l’avenir la réconciliation devienne une évidence et le meilleur moyen d’y parvenir est de renforcer les institutions étatiques.

39.C’est dans cet esprit qu’a été élargi le Conseil pour l’enfance, organe consultatif chargé de coordonner toutes les activités de mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui est rattaché au Conseil des ministres mais compte aussi des représentants des ministères des entités et du secteur non gouvernemental. Le Conseil de la presse, créé en 2003, est chargé de formuler des lignes directrices à l’intention des médias sur l’application de la Convention et le respect du Code de déontologie des journalistes. Le Conseil pour l’enfance s’emploie actuellement à élaborer, en coopération avec Save the Children Norvège, un projet de code d’éthique sur les comportements vis‑à‑vis des enfants, dans lequel il sera notamment question des mauvais traitements et de leur prévention.

40.Les Roms sont reconnus en tant que minorité mais leur nombre exact est inconnu car le dernier recensement remonte à 1991, alors que la Bosnie‑Herzégovine faisait encore partie de la Yougoslavie et d’importants mouvements migratoires se sont produits depuis − en particulier pendant la guerre. Les Roms opposent au demeurant une grande résistance à toute forme d’enregistrement et c’est donc aussi leur mode de vie même qui les empêche de figurer dans les statistiques. Selon des données estimatives émanant de la quarantaine d’organisations non gouvernementales roms ou travaillant avec des Roms présentes dans le pays, leur nombre serait de 30 à 60 000, ce qui ferait d’eux la minorité la plus nombreuse.

41.Les enfants roms sont dans une situation plus difficile que les autres enfants du pays et des efforts sont déployés pour éliminer les préjugés à leur encontre. Le Conseil des ministres a ainsi adopté voilà quatre ans un plan‑cadre pour la résolution des problèmes des Roms et approuvé en 2004 un document intitulé «Répondre aux besoins éducatifs des Roms et des autres minorités» qui a débouché sur un plan d’action dont la mise en œuvre a débuté à la dernière rentrée scolaire et qui fera l’objet d’un suivi et d’une évaluation dans une semaine lors d’une réunion du Conseil rom. Cette réunion devrait déboucher sur une stratégie globale en faveur des Roms sur laquelle les organisations roms seront invitées à réagir. Force est toutefois de reconnaître que c’est un véritable cercle vicieux car faute de qualifications professionnelles la majeure partie des Roms sont sans emploi et n’ont donc pas les moyens d’envoyer leurs enfants à l’école, lesquels ne peuvent donc acquérir de qualifications professionnelles.

42.Sur ce dernier point comme sur d’autres, la délégation aimerait pouvoir dire que tous les obstacles seront levés dans les meilleurs délais, mais pareille entreprise nécessite des moyens dont la Bosnie‑Herzégovine ne dispose pas à ce jour en raison d’une situation économique difficile qui constitue un obstacle majeur à la bonne mise en œuvre des textes adoptés et c’est pourquoi elle est très reconnaissante à des structures comme l’UNICEF, le Conseil de l’Europe ou la Commission européenne de l’appui qu’elles lui apportent.

43.Mme DUDERIJA (Bosnie‑Herzégovine) explique qu’en vertu de la Constitution les instruments internationaux ratifiés par la Bosnie‑Herzégovine font partie de son ordre juridique interne et priment sur la législation nationale. Les normes consacrées par les instruments internationaux ratifiés ont été incorporées dans toutes les lois adoptées au cours des quatre dernières années. Le système judiciaire est maintenant totalement indépendant du pouvoir exécutif et s’appuie sur une police réformée. Les tribunaux commencent à appliquer effectivement la Convention, qui a déjà été invoquée à plusieurs reprises dans des domaines non visés par la loi interne, en particulier à l’initiative du Bureau du Médiateur − qui est doté d’un département chargé de l’enfance.

44.La Bosnie‑Herzégovine applique la définition de l’enfant figurant dans la Convention, à l’exception de l’âge de la responsabilité pénale, fixé à 14 ans. Les mineurs de 14 à 18 ans peuvent se voir imposer des sanctions pénales, en particulier en cas de crime grave, alors que les mineurs de 14 ans ne peuvent faire l’objet que de mesures correctives ou, comme le prévoit le nouveau Code de procédure pénale de 2003, de mesures sociales. Les ressources nécessaires pour faire bénéficier les jeunes délinquants et leurs parents de programmes d’accompagnement social font souvent défaut mais la bonne coopération instaurée ces dernières années en la matière avec des organisations non gouvernementales et des centres sociaux a permis de surmonter cette difficulté.

45.Dans le cadre de la planification concertée entre les deux entités, des mesures conjointes ont été adoptées, notamment le plan d’action pour l’enfance, le plan pour la prévention de la traite d’êtres humains, la stratégie de lutte contre la pauvreté et la stratégie contre le VIH/sida. D’ici à la fin de l’année, l’institution chargée de promouvoir l’égalité des sexes devrait en outre finaliser un plan de protection en faveur des filles qui prévoit des mesures spéciales de protection en faveur de certaines catégories de filles, dont les filles réfugiées et les filles des zones rurales.

46.L’enregistrement des naissances a constitué un grave problème pendant et après la guerre car cette formalité était censée être accomplie dans les 60 jours suivant la naissance alors que de nombreuses femmes étaient dans l’impossibilité de se rendre sur le lieu d’enregistrement. C’est pourquoi il est actuellement procédé, avec l’aide de la communauté internationale, en particulier une subvention de l’Union européenne, à l’enregistrement de tous les habitants non encore inscrits, ce dans le cadre d’un projet mettant en œuvre des procédures simplifiées qui devrait permettre à tous les habitants de se voir délivrer un document personnel.

47.Mme RADIC (Bosnie‑Herzégovine) dit qu’un nouveau cycle d’enseignement primaire, qui porte à neuf ans la durée de l’enseignement obligatoire a été introduit au début de l’année scolaire 2004/2005 en application de la loi‑cadre sur l’enseignement primaire et secondaire de juillet 2003. Ce nouveau cycle coexiste pour le moment avec le cycle de huit ans maintenu en parallèle dans certains cantons. L’âge d’entrée dans le cycle primaire est donc désormais de 5 ans ou de 6 ans, selon les cantons.

48.Les solutions choisies en matière d’instruction religieuse diffèrent entre cantons et entre entités. L’article 11 de loi sur la liberté religieuse fait obligation aux écoles d’encourager le dialogue entre les religions et interdit toute mesure susceptible d’entraîner des restrictions à la liberté religieuse. Ce texte encourage l’apprentissage des différentes religions et c’est sur cette base que les élèves peuvent suivre un cours d’instruction religieuse, si eux‑mêmes ou leurs parents le souhaitent. Les enfants qui choisissent de ne pas suivre le cours d’instruction religieuse ne doivent faire l’objet ni d’un traitement différent ni d’une quelconque discrimination. Les collectivités locales sont tenues de détailler très précisément le contenu des cours d’instruction religieuse, mis au point par les ministères compétents avec l’aide des diverses communautés religieuses et régis, actuellement, par quelque 20 à 30 lois cantonales. L’instruction religieuse est facultative mais si l’élève choisit de la suivre, les notes obtenues figurent dans son carnet de notes. L’étude d’autres religions figure déjà dans d’autres matières inscrites au programme. De nombreux établissements, notamment en Fédération de Bosnie‑Herzégovine, enseignent à titre de matière obligatoire l’histoire ou la culture des religions et des différents groupes religieux, dont celui auquel appartiennent les élèves qui y sont scolarisés.

49.Des données fiables sur les coûts de l’enseignement public et privé sont désormais disponibles dans un document relatif à la fonction publique en Bosnie‑Herzégovine entrepris en application d’un mémorandum d’accord conclu avec la Commission européenne. L’analyse financière y figurant devrait déboucher sur des recommandations destinées à garantir la transparence, l’équité, l’efficacité et la viabilité financière à long terme des huit secteurs sur lesquels porte ce document, dont l’éducation.

50.Mme KHATTAB demande si l’éducation préscolaire est toujours inexistante dans les zones rurales.

51.Les chiffres élevés concernant la consommation d’alcool, de tabac et de stupéfiants chez les adolescents sont préoccupants. La proposition en vue de l’élaboration d’une stratégie nationale que le Conseil pour l’enfance a soumis au Conseil des ministres a certes été approuvée, mais il est étonnant que ce dernier ait chargé le Ministère des affaires civiles de coordonner cette stratégie car l’approche nouvelle et innovante mentionnée dans les réponses écrites − qui consiste à mettre un frein à la demande, à mettre l’accent sur la prévention et à sensibiliser les enfants à ces problèmes − ne relève a priori pas de ce ministère. La délégation pourrait aussi apporter des précisions sur les mesures prises pour combattre le VIH/sida, dont les chiffres sont préoccupants et montrent la fréquence de comportements à risque parmi les adolescents.

52.Le Comité est préoccupé par les actes de violence à l’encontre des rapatriés et des réfugiés, au nombre d’un million, ainsi qu’envers leurs biens, lieux de culte ou signes religieux distinctifs. La Bosnie‑Herzégovine étant signataire du Protocole facultatif à la Convention concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le Comité est très préoccupé par la disposition de la loi sur la défense de la Fédération de Bosnie-Herzégovine aux termes de laquelle en cas de menace de guerre imminente ou en temps de guerre, les membres de la Présidence de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine peuvent appeler sous les drapeaux les personnes âgées de 16 ans et des éclaircissements sur ce point seraient donc souhaitables.

53.Mme ALUOCH déplore l’absence, hormis quelques informations peu précises fournies dans les réponses écrites, de renseignements sur la formation dispensée aux magistrats affectés aux chambres pour mineurs dont toutes les juridictions de Bosnie‑Herzégovine sont dotées − à défaut de tribunaux spéciaux. La délégation pourrait à ce propos apporter des précisions sur la montée préoccupante de la délinquance juvénile mentionnée dans le rapport, qui indique en outre que ces quatre dernières années les tribunaux ont évité de recourir au placement en centre éducatif fermé en raison des problèmes posés par l’application de ce type de mesure. Le Comité aimerait donc savoir s’il existe des solutions de remplacement si la trentaine de mineurs contre lesquels les tribunaux ont cependant prononcé ce type de mesure ont été purement et simplement remis en liberté en l’absence de structures pouvant les accueillir. Si tel est le cas, la forte augmentation de la délinquance juvénile pourrait y être en partie imputable. Enfin, il est préoccupant de lire dans les réponses écrites que les jeunes délinquants sont emprisonnés avec les adultes dans les deux entités et dans le district de Brčko, car cela les expose à de mauvaises influences.

54.Mme LEE demande des précisions sur les raisons pour lesquelles toujours plus d’enfants sont placés en institution, y compris des enfants ayant leurs parents. La délégation pourrait également préciser pourquoi les données désagrégées figurant à la page 9 des réponses écrites font apparaître un si grand nombre d’enfants retardés dans leur développement psychologique ou dont les conditions familiales constituent une entrave au développement, et s’il s’agit d’enfants privés de leurs parents ou placés en institution.

55.Selon des rapports de l’UNESCO, le nombre d’enseignants n’ayant pas les qualifications requises est en augmentation en Bosnie‑Herzégovine, ce qui pose la question d’un éventuel lien entre ce phénomène et les forts taux d’absentéisme et d’abandon scolaire, notamment dans le primaire.

56.M. KRAPPMANN dit que le pourcentage d’enfants pauvres dans l’État partie dépasse sans doute les 20 % de moyenne mentionnés dans un rapport de la Banque mondiale car dans la plupart des pays les enfants souffrent davantage de la pauvreté que le reste de la population du fait que les parents doivent partager leur revenu avec leur famille, ce qui fait tomber le revenu par habitant sous le seuil de pauvreté. Même si le budget de la nation ne permet guère de faire plus financièrement en faveur des familles en difficulté économique, il est permis de se demander quelles mesures sont prévues pour relever le niveau de vie des enfants et de leur famille. La même question se pose quant aux mesures envisagées pour compenser les désavantages que connaissent les enfants confrontés à cette situation.

57.Il serait intéressant de savoir ce que les autorités ont l’intention de faire pour lutter contre l’abandon scolaire, qui a pris des proportions alarmantes, et pour aider les jeunes sortis de l’école qui ne trouvent pas de travail.

58.M. LIWSKI souligne que l’organisation du système de santé pose le problème de la coordination entre l’organisme central chargé de la politique de santé publique et les 10 cantons et 84 municipalités de la Fédération. Il convient en effet de se demander comment le système de soins de santé primaires est organisé au niveau local et comment l’organisme central en assure le bon fonctionnement grâce, entre autres, au financement, à la fourniture d’une assistance technique et au contrôle. Le rapport indique que l’assurance maladie ne couvre qu’une infime partie de la population infantile, ce que corroborent certaines sources selon lesquelles 59 % des enfants de Bosnie‑Herzégovine n’en bénéficieraient pas. On peut se demander si des modifications de la structure de l’assurance maladie permettraient d’en augmenter la couverture.

59.S’agissant de l’allocation pour enfant à charge, elle semble insuffisante pour assurer la couverture nécessaire. La délégation est invitée à préciser les données figurant sur ce point au paragraphe 214 du rapport, ainsi qu’à expliquer au Comité si cette allocation joue un rôle particulier auprès des enfants victimes de la guerre et, dans l’affirmative, lequel.

60.Le Comité souhaiterait aussi en savoir davantage sur l’allaitement maternel, qui concerne 8 % des nourrissons, ainsi que sur la politique en matière de santé sexuelle et procréatrice menée en direction des adolescents et sur la santé mentale de ces derniers. Des renseignements sur le taux de suicide chez les adolescents ces dernières années seraient utiles. La délégation pourrait en outre apporter des précisions sur la formation professionnelle des équipes de santé, y compris sur ses aspects juridiques.

61.Il serait bon de savoir dans quelle mesure l’article 39 de la Convention, qui traite de la réadaptation physique et psychologique et de la réinsertion sociale, est appliqué, notamment, aux enfants victimes de la guerre et on ne peut qu’encourager les autorités de Bosnie‑Herzégovine à faire bénéficier les enfants nés pendant ou après la guerre de politiques actives consistant à mettre en place des dispositifs fondés sur les notions de justice, d’aide et de réparation.

62.Mme OUEDRAOGO est préoccupée par le peu de ressources disponibles pour traiter du cas des réfugiés et des personnes déplacées et améliorer les conditions de vie qui sont les leurs, notamment dans les centres d’hébergement collectifs − où les enfants cohabitent avec des malades chroniques. Ces centres étant voués au démantèlement, il faudrait savoir ce qui est prévu pour reloger la population qu’ils abritent et améliorer les conditions de vie des personnes réfugiées et déplacées en général. Des cas d’exploitation sexuelle et de violence à l’égard des enfants ayant été dénoncés dans ces camps, la réinstallation semble la meilleure solution. La délégation pourrait en outre indiquer quelles dispositions sont envisagées en vue d’harmoniser la législation relative aux réfugiés et aux personnes déplacées au niveau des deux entités et des cantons et de la mettre en œuvre dans les faits.

63.Le Comité aimerait également savoir si des dispositions sont prévues pour faire adopter le Code de commercialisation des substituts du lait maternel par le Parlement de Bosnie‑Herzégovine, dans le cadre d’une loi, et imposer des sanctions aux contrevenants, et si des mesures sont envisagées pour faire respecter effectivement la législation sur la protection de la maternité et obliger les employeurs à l’appliquer. Il serait également intéressant de savoir si le Gouvernement envisage d’éduquer la population en matière de pratiques optimales liées à l’allaitement maternel.

La séance est levée à 13 heures.

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