Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.83725 février 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente‑deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 837e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mardi 14 janvier 2003, à 15 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (suite)

Rapport initial de l’Estonie (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de l’Estonie [CRC/C/8/Add.45; HRI/CORE/1/Add.50/Rev.1 (document de base); CRC/C/Q/EST/1 (liste des points à traiter); réponses écrites de l’Estonie (CRC/8/Add.45)] (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation estonienne reprend place à la table du Comité.

2.Mme KARP demande si l’État partie envisage de créer un poste de médiateur des enfants et voudrait recevoir des précisions sur les plaintes concernant des enfants.

3.Mme KALJURAND (Estonie) dit qu’aucune décision n’a encore été prise à ce sujet, bien que la question fasse l’objet de beaucoup de débats. En tout état de cause, l’Estonie n’envisage pas à ce stade d’apporter rapidement de modifications au système en vigueur, qui commence seulement à se mettre en place.

4.Mme SARJAS (Estonie) dit que la Stratégie pour la protection des enfants a été lancée sur l’initiative du Ministère des affaires sociales en 2001 et sera financée par le budget de l’État. Un groupe de travail composé de fonctionnaires des différents ministères intéressés, ainsi que des services du parquet, et de représentants des municipalités et du secteur associatif a été créé, afin d’établir le projet de document s’y rapportant, qui sera présenté au Gouvernement, pour examen et adoption, à la fin de janvier 2003. La stratégie vise à renforcer l’application de tous les principes consacrés par la Convention, et chacune de ses composantes (besoins de base, besoins spéciaux, appui de la famille et de la société) est assortie d’une liste d’activités à mener et de mesures à prendre.

5.Mme CHUTIKUL demande si des crédits budgétaires ont été officiellement prévus pour mettre en œuvre cette stratégie.

6.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, demande si des indications précises ont au moins été données quant au montant des ressources nécessaires à l’application de chaque composante.

7.Mme SARJAS (Estonie) dit qu’aucun crédit n’a été expressément ouvert au titre de la Stratégie, mais que les activités seront financées par les différents ministères et municipalités concernés.

8.La loi sur la protection de l’enfance de 1992 a été remaniée non seulement pour renforcer les mesures visant à assurer le bien‑être de l’enfant mais aussi pour mettre en œuvre une politique axée sur le respect des droits de l’enfant.

9.Mme LIIMAL (Estonie) dit qu’il s’agit d’une nouvelle loi‑cadre qui vise à intégrer les différents textes en vigueur, ou en cours d’élaboration, dans tous les domaines (éducation, santé, etc.) concernant les enfants et à en garantir la bonne application. Dans ce contexte, un plan d’action pour la promotion des droits de l’enfant, reflétant les dispositions de la Convention, a été adopté.

10.Mme SARJAS (Estonie) dit que les travailleurs sociaux s’occupant d’enfants sont loin d’être en nombre insuffisant. Il existe dans chaque municipalité au moins un travailleur social − spécialiste ou non des questions de l’enfance. D’après l’enquête menée en 2003, on recense dans la plupart des municipalités plus importantes trois catégories de spécialistes travaillant avec ou pour les enfants.

11.Mme KARP demande pourquoi le Centre de Tallin d’aide aux victimes de crimes sexuels a été fermé.

12.Mme KALJURAND (Estonie) dit que ce centre, qui relevait auparavant de la municipalité, est désormais géré par le secteur associatif et n’a aucunement cessé ses activités. À Tallin, il y a en fait deux centres qui assurent des services aux victimes d’agressions.

13.Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ souhaite des éclaircissements sur le montant des crédits alloués à la santé et à l’éducation des enfants, car les indications fournies dans les réponses écrites de l’Estonie aux questions du Comité ne lui permettent pas de se faire une idée suffisamment précise.

14.Mme LIIMAL (Estonie) dit que le montant des ressources affectées au financement des activités destinées aux enfants (dans les domaines de la santé, de la réadaptation et de l’éducation, entre autres) ne cesse de s’accroître depuis quelques années, grâce notamment à l’augmentation des recettes provenant des cotisations de sécurité sociale. D’autres mesures, dont celles visant à aider les parents à retrouver un travail, ont indirectement eu un effet bénéfique dans ce domaine. Le montant global des crédits en faveur de l’enfance a été augmenté mais le pourcentage alloué aux activités sociales n’a pas évolué en conséquence. Des crédits supplémentaires ont été approuvés par le Parlement afin de corriger ce déséquilibre.

15.M. KURS (Estonie) dit que le budget de l’éducation a augmenté plus rapidement que celui de l’État et que l’Estonie consacre une part plus importante de son PIB à l’enseignement (6 %) que la moyenne des pays de l’Union européenne (5,2 %), et que les participants à un forum sur l’éducation organisé en janvier 2003 ont même approuvé le principe de porter cette part à 7 %.

16.Mme KARP voudrait connaître les règles applicables aux entreprises et organisations du secteur privé qui fournissent des services destinés aux enfants et si leurs activités sont surveillées en vue de protéger les droits de l’enfant.

17.Mme SARJAS (Estonie) dit que chaque accord passé avec une ONG, par exemple, pour la prestation de services − financés selon le cas par l’État ou les municipalités −, comprend une série de règles à respecter et des modalités de contrôle. Les prestataires du secteur privé sont donc tenus de se conformer aux principes fondamentaux concernant, notamment, la non‑discrimination.

18.Mme KALJURAND (Estonie) précise que le recours à des entreprises privées pour la fourniture de services est une pratique courante et que ce qui importe avant tout, c’est la qualité des prestations.

19.Mme PERTEL (Estonie) dit que cette pratique est notamment en vigueur dans le secteur de la santé, où il est largement fait appel à des médecins et à des hôpitaux privés de même qu’à des ONG pour la mise en œuvre des programmes nationaux.

20.M. KURS (Estonie) signale que dans le domaine de l’éducation également les institutions privées sont amplement associées aux diverses activités, qu’elles sont soumises aux mêmes conditions que les établissements publics et que l’on vérifie qu’elles remplissent bien ces conditions. La coopération avec le secteur privé est par exemple fréquente en ce qui concerne la formation professionnelle, les activités récréatives et les écoles des loisirs. Le concours baptisé «Que les étoiles brillent» organisé chaque année à l’intention des enfants et des adultes en est un bel exemple.

21.Mme SARJAS (Estonie), au sujet de l’aide apportée aux municipalités les plus démunies, dit que des programmes régionaux d’investissement, à l’intention des enfants, des handicapés et des personnes âgées, sont exécutés depuis plusieurs années par le Ministère des affaires régionales. Au nombre de quatre, ces programmes visent les territoires insulaires, les zones rurales, les zones industrielles et une région du sud du pays.

22.Mme LIIMAL (Estonie) dit que, grâce à l’expansion du dispositif de sécurité sociale et aux mesures actives prises en faveur de l’emploi, la pauvreté est en recul depuis 1997. Le principal indicateur utilisé pour mesurer la pauvreté est celui mis au point par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en 1999, qui tient compte de la structure des dépenses des ménages. Il a permis d’établir que 34 % des enfants vivent dans des familles ayant un revenu insuffisant. L’Estonie envisage également d’appliquer l’indicateur utilisé par l’Union européenne pour définir le seuil de la pauvreté (soit 60 % du revenu moyen par membre du ménage) et s’emploie, dans cet objectif, à harmoniser ses données statistiques.

23.Depuis 2000, plusieurs mesures ont été prises pour aider les ménages à sortir de la pauvreté. Le système de prestations aux familles a subi des modifications structurelles visant à mieux protéger les groupes les plus vulnérables, à savoir les ménages dont aucun membre ne travaille, les familles nombreuses (à partir de trois enfants) et les familles monoparentales. Ainsi, l’allocation de maternité (100 % du montant du salaire antérieur) est désormais versée pendant 140 jours au lieu de 128, et le montant des prestations versées aux familles pouvant bénéficier de l’aide sociale (y compris pour le logement) est calculé en ne tenant pas compte du montant des allocations familiales, afin que les familles avec enfant bénéficient d’une aide plus importante que les autres. D’autres mesures d’assistance sont appliquées par les municipalités, sous la forme d’avantages pécuniaires ou de services sociaux.

24.Le Gouvernement s’efforce en parallèle d’augmenter les revenus des familles en favorisant l’emploi. Un dialogue constructif entre les employeurs de la fonction publique et les représentants des salariés a abouti à un accord à long terme sur l’augmentation régulière du salaire minimum. La législation sur l’emploi s’est par ailleurs enrichie de dispositions qui devraient aider les parents à mieux concilier vie professionnelle et éducation des enfants. Le système d’assurance chômage prévoit désormais le versement d’indemnités dont le montant s’élève à 50 % du salaire précédent pendant les 100 premiers jours et 40 % par la suite.

25.Le Gouvernement estonien a reconnu la nécessité d’appliquer un ensemble intégré de mesures de lutte contre l’exclusion sociale. Les organismes publics élaborent actuellement, en collaboration avec la Commission européenne, un «mémorandum conjoint sur l’inclusion», document de politique générale destiné à mieux prendre la mesure du phénomène de la pauvreté, à recenser les principaux problèmes et à définir les défis de l’inclusion sociale. L’Estonie participe au Programme de lutte contre l’exclusion sociale de l’UE et mène à ce titre des activités visant, notamment, à garantir l’accès au logement pour les groupes vulnérables. Un projet de recherche, dont l’exécution devrait s’étendre sur neuf mois, a été lancé en décembre 2002 pour préciser ces questions. Ses résultats serviront à mettre au point des mesures concrètes qui figureront dans le mémorandum conjoint. Les résultats de l’étude relative à l’impact des prestations sociales sur les mesures de lutte contre la pauvreté et le chômage ont été pris en considération dans l’élaboration du Plan d’action national de lutte contre le chômage pour 2003 et sont également utilisés pour appuyer la réforme en cours des systèmes d’aide sociale.

26.Mme KARP aimerait savoir quels sont les obstacles à la mise en œuvre efficace de la Convention et les raisons pour lesquelles aucun budget n’a été voté pour rendre les écoles accessibles aux enfants handicapés. Elle demande aussi si le système de protection de l’enfance s’applique indifféremment à tous les enfants et, s’agissant des nouvelles aides sociales octroyées à certains groupes particulièrement vulnérables, comment les bénéficiaires potentiels sont informés de ce qu’ils remplissent les conditions requises.

27.Le PRÉSIDENT, prenant la parole en sa qualité d’expert, demande si les dépenses engendrées par les nouvelles aides aux plus défavorisés réduisent d’autant le montant de l’enveloppe globale des prestations sociales, ce qui serait préjudiciable au reste de la population.

28.Mme LIIMAL (Estonie) précise que le système national d’allocations familiales se caractérise par son universalité et que chaque groupe de population continue d’en bénéficier quel que soit son niveau de revenu. En revanche, de nouveaux avantages ont été accordés aux familles monoparentales − dont le niveau d’allocations a doublé ‑ ou encore aux familles élevant quatre enfants ou plus, qui perçoivent désormais une allocation trimestrielle. Il convient également de noter qu’une nouvelle allocation a été créée, destinée aux familles dont trois enfants ou plus sont d’âge préscolaire. D’après une étude récente, ces mesures auraient permis à 12 % des familles nombreuses et à 8 % des familles monoparentales de s’élever de nouveau au‑dessus du seuil de pauvreté. L’octroi des prestations sociales aux plus défavorisés est automatique et se fait sur la base des données enregistrées à l’état civil.

29.Mme KALJURAND (Estonie) dit que les chiffres du recensement de 2000 indiquent que 80 % des personnes résidant sur le territoire national sont de nationalité estonienne. Ce même recensement fait en outre apparaître que les enfants présents sur le territoire sont plus nombreux proportionnellement (84,5 %) que les adultes à avoir la nationalité estonienne. Il existe une procédure de naturalisation − certes lente − qui doit obligatoirement être engagée par le demandeur.

30.Mme KHATTAB, notant le ralentissement de la croissance démographique, demande si l’Estonie a restreint l’octroi de la nationalité à certains types de profession ou à certains groupes nationaux en fonction de ses besoins.

31.Mme KARP souhaiterait savoir quel est le nombre exact d’enfants apatrides sur le territoire et si la nationalité influe ou non sur la jouissance des droits de l’enfant.

32.Mme KALJURAND (Estonie) souligne que la loi sur les étrangers s’applique indifféremment à tous les étrangers et ne prévoit aucun critère de quelque ordre que ce soit visant à favoriser l’octroi de la nationalité à tel ou tel groupe ou catégorie professionnelle. Qu’ils soient étrangers ou de nationalité estonienne, les enfants jouissent des mêmes droits, ce qui explique que le nombre de demandes d’attribution de la nationalité soit si peu élevé. Les enfants apatrides présents sur le territoire estonien constituent une infime partie des 10 000 personnes qui, d’après les statistiques, résident illégalement sur le territoire.

33.M. KURS (Estonie) dit que la plupart des activités mises en place dans le cadre du programme national d’«Intégration dans la société estonienne, 2000‑2007» ont trait à l’éducation, et notamment à la formation des professeurs de langues et à l’enseignement des langues, à la mise au point de matériels éducatifs et à la définition de programmes scolaires.

34.Mme KARP demande quelle logique sous‑tend la volonté de transformer les anciennes écoles russes en écoles estoniennes, vu notamment que les minorités doivent avoir accès à un enseignement dans leur langue maternelle.

35.M. KURS (Estonie) explique que la décision de faire de l’estonien la langue d’enseignement ne concerne pas les neuf années d’enseignement obligatoire et répond à une demande croissante, de la part de la communauté russophone, d’approfondir la connaissance et l’étude de la langue estonienne pour poursuivre des études supérieures après le secondaire et obtenir de meilleurs débouchés professionnels.

36.Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ demande quelles sont, outre la communauté russophone, les minorités linguistiques du pays. Elle souhaite aussi savoir quel est le pourcentage de Roms au sein de la population, si la liste répertoriant les minorités nationales déposée lors de la ratification de la Convention‑cadre sur la protection des minorités nationales est le reflet exact de la population ou si certaines minorités en ont été omises, auquel cas elle se demande si ces dernières ne risquent pas de se voir priver de certains avantages, dont le droit à un enseignement dans leur propre langue par exemple.

37.Mme HION (Estonie) dit que les Estoniens constituent le groupe de population majoritaire, (68 %), suivi des Russes (25,6 %), des Ukrainiens (2 %), des Bélarussiens (1,3 %) et des Finlandais (0,9 %). Le reste de la population se compose de Tatars, de Lettons, de Polonais, de Lithuaniens et d’Allemands. Bien que le nombre de Roms soit très faible, plusieurs projets sont mis en œuvre en faveur de cette minorité.

38.M. JÄRV (Estonie) indique qu’en Estonie le seul avantage dont bénéficient certaines minorités par rapport à d’autres dépend de leur poids démographique: lorsqu’une communauté compte plus de 3 000 personnes, il lui est possible de créer des institutions culturelles autonomes. Tous les enfants, quelle que soit leur nationalité, ont le droit de bénéficier d’un enseignement gratuit dans leur langue maternelle.

39.Mme KALJURAND (Estonie) signale qu’en juillet 2002 a été adoptée une loi stipulant que, dès lors que 10 élèves appartenant à une même minorité linguistique fréquentent un même établissement scolaire, il est obligatoire de leur enseigner leur propre langue, leur propre histoire et leur propre culture. En outre, dans le cadre du programme national d’«Intégration dans la société estonienne, 2000‑2007», des cours, pour la plupart financés par l’État, sont dispensés le dimanche aux membres d’un grand nombre de minorités dans autant de langues et portent sur leurs culture, littérature, musique et histoire respectives.

40.M. CITARELLA cite un rapport récent de la Commission européenne dans lequel il est dit que les apatrides sont au nombre de 175 000 en Estonie et que leur délivrer des documents de voyage résout d’autant moins leur problème que ces documents ne sont souvent pas reconnus par les pays voisins.

41.Mme KALJURAND (Estonie) fait observer que tous les pays de l’Union européenne et tous les pays voisins de l’Estonie reconnaissent la valeur de ces documents.

42.Mme RIISALO (Estonie) dit qu’en vertu de la loi sur la protection de l’enfance toute personne qui se rend compte qu’un enfant est en situation de détresse sociale est tenu d’en informer les services sociaux ou la police. Elle précise que le tableau 8 des réponses écrites récapitule le nombre d’enfants signalés aux services sociaux pour la première fois en raison de la fragilité de leur situation, ce qui ne veut pas pour autant dire qu’ils doivent être placés dans une famille d’accueil ou une institution. Seuls les enfants dont les parents biologiques ont été déchus de leur autorité parentale par une décision de justice peuvent être placés. Lorsqu’un enfant est retiré à la garde de ses parents par un travailleur social, la procédure veut que dans les 10 jours suivant la séparation d’avec les parents soit rendue une décision de justice qui entérine ou rejette le choix dudit travailleur social. En vertu du Code de la famille, la séparation ne peut intervenir que dans les cas où la santé ou la vie de l’enfant est en danger, et en aucun cas en raison de la pauvreté de la famille biologique.

43.Le placement en structure d’accueil ne peut excéder trois mois; passé ce délai, il faut rechercher une autre solution, en privilégiant l’adoption. C’est à un tribunal, que reviennent les décisions d’adoption. Le Ministère des affaires sociales intervient uniquement dans les affaires d’adoption internationale, et même dans ce cas ne se substitue pas aux tribunaux. Tout enfant adopté par des ressortissants estoniens acquiert automatiquement la nationalité estonienne. Les familles qui prennent en charge des enfants en attente d’adoption sont une tradition déjà ancienne en Estonie et on cherche à la développer encore. C’est ainsi que l’allocation versée à ces familles a été augmentée. Les familles adoptives bénéficient quant à elles d’une toute nouvelle allocation d’un montant égal à celui de l’allocation de naissance.

44.Une autre formule en plein développement depuis quelques années est le placement en familles d’accueil des enfants qui, pour diverses raisons légales, ne peuvent pas être adoptés. Cette solution doit être préférée au placement en institution; elle nécessite un accord entre collectivité locale, famille d’accueil et, dans toute la mesure possible, famille biologique.

45.Au sujet des enfants placés en institution, dont certains jugent le nombre très élevé, elle fait valoir que sur l’ensemble des enfants privés de leur environnement familial, 77,8 % sont placés dans une famille contre 22,2 % vivant en structures d’accueil, ce chiffre incluant en outre certains enfants qui ne restent dans cette structure que la semaine et passent le congé de fin de semaine en famille. Les enfants résidant en foyer pour enfants de type familial disposent de facilités d’enseignement, dans les locaux mêmes ou à proximité immédiate.

46.Concernant l’examen périodique du placement, les familles qui accueillent des enfants en attente d’adoption font rapport au tribunal deux fois par an, et les familles d’accueil procèdent à un tel examen chaque année en concertation avec un travailleur social et, dans la mesure du possible, la famille biologique de l’enfant. Les enfants placés en institution bénéficient, eux, de la protection d’un décret du Ministère des affaires sociales de 1996, qui leur garantit le droit à des relations avec les membres de leur famille et leurs proches ainsi qu’à un examen périodique de leur placement.

47.Mme PERTEL (Estonie) dit que le système d’assurance‑santé estonien est basé sur le principe de la solidarité et assure une protection non seulement aux cotisants mais aussi aux enfants jusqu’à leur dix‑neuvième anniversaire, aux retraités, et aux femmes enceintes à partir de la douzième semaine de grossesse, soit une couverture presque universelle.

48.Plusieurs programmes sont mis en œuvre à l’échelle nationale dans le domaine de la santé, notamment le programme de prévention du VIH et des MST, qui en est à sa troisième phase depuis 1992 et a contribué à l’inversion observée en 2002 de la courbe des contaminations par le VIH. Un programme pour la santé de la reproduction a été lancé pour la période 1999‑2009 et le pays compte désormais un réseau bien implanté sur le territoire de centres de conseils gratuits dans lesquels des associations de planification familiale dispensent des services aux jeunes, et ce sans que l’accord de leurs parents ne soit nécessaire. Cinq de ces centres peuvent pratiquer le dépistage anonyme et gratuit du VIH.

49.Les études régulièrement consacrées à la consommation d’alcool et de drogues font apparaître que ce problème est toujours plus préoccupant en Estonie, raison pour laquelle une stratégie de prévention a été mise au point pour 1997‑2007. La stratégie multidisciplinaire de lutte contre la drogue pour 2002‑2012, qui est venue la compléter, comprend, outre un volet prévention, des mesures contre la criminalité connexe ou visant à réduire l’offre de stupéfiants. Le thème de la consommation excessive d’alcool fait partie intégrante des programmes scolaires et le sujet est abordé avec les enfants par diverses organisations non gouvernementales, aussi bien dans le cadre scolaire qu’en dehors.

50.Par ailleurs, l’État tente de limiter le nombre de morts violentes chez les jeunes par le biais de campagnes annuelles de sécurité routière mais aussi par des efforts de prévention des suicides. L’Estonie détient un triste record en Europe, même si le taux de suicide chez les jeunes a chuté de 10 points entre 1999 et 2001.

51.À noter enfin la formulation par divers ministères, en coopération avec des ONG, d’une politique concertée pour la santé mentale, actuellement en cours d’examen au Parlement.

52.Mme KASEMETS (Estonie) dit que les détenus mineurs sont séparés des détenus adultes. Comme tous les détenus, ils sont visés par la loi sur les peines d’emprisonnement, qui consacre le droit à des contacts avec le monde extérieur, notamment par le biais des journaux, de la radio et de la télévision, mais aussi de la correspondance et des appels téléphoniques, dont le contenu ne peut être examiné que sur autorisation d’un tribunal. Tous les détenus peuvent par ailleurs recevoir des visites, certaines surveillées, d’autres non. Des autorisations de quitter la prison sont parfois accordées, à hauteur de 21 jours, fractionnables, par an.

53.M. KURS (Estonie) ajoute qu’une stratégie de lutte contre la délinquance axée sur un large éventail de mesures de prévention est mise en œuvre sur l’ensemble du territoire et qu’un expert a été nommé pour coordonner les actions en la matière.

54.Mme SARJAS (Estonie) dit que depuis quelques années, à l’initiative du Ministère des affaires sociales, des centres de services aux victimes de violences, dont les enfants, sont peu à peu mis en place à l’aide de fonds tirés sur le budget de l’État. L’Estonie participe aussi activement à un groupe de travail des pays baltes sur les enfants en danger. Deux centres proposant des services spécialisés aux victimes de violences, l’un situé à Tallinn, l’autre à Tartu, ont été créés dans ce cadre.

55.Mme KARP demande si les services proposés se limitent à l’assistance et au traitement ou s’ils comprennent aussi un mécanisme de recueil des plaintes, d’enquête et de recherche de preuves. Elle aimerait en outre connaître la marche à suivre pour déposer plainte en cas de violences, en particulier pour les personnes qui ne résident pas à Tallinn ou à Tartu. Les victimes ont‑elles affaire à des équipes de professionnels spécialement formés? Il serait par ailleurs intéressant de savoir si les châtiments corporels font partie des violences interdites par la loi et quel est le sentiment du grand public vis‑à‑vis de cette pratique.

56.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, constate que dans ses réponses écrites l’État partie a fourni des chiffres sur les violences sexuelles mais pas sur les violences physiques dont les enfants sont victimes, et n’a pas non plus indiqué dans quelles proportions ces violences étaient le fait respectivement de membres de la famille et de personnes extérieures.

57.Mme KALJURAND (Estonie) dit que les violences sexuelles sont rarement le fait d’un membre de la famille et que dans la majorité des affaires l’auteur des violences est une personne extérieure.

58.M. KINK (Estonie) dit que la lutte contre la violence à l’égard des enfants fait partie des priorités de la stratégie nationale de prévention du crime. Quatre villes estoniennes disposent déjà de centres spécialement destinés aux enfants victimes de violences, qui peuvent y être entendus et recevoir une assistance sociale en fonction de leurs besoins. Le témoignage de ces enfants est enregistré sur bande vidéo, si bien qu’ils n’ont pas à être interrogés plusieurs fois ni à comparaître durant la procédure − ce qui leur évite des traumatismes psychologiques supplémentaires. Le Gouvernement veille de plus à sensibiliser et former les policiers, juges et procureurs qui ont affaire à des enfants maltraités. Ces efforts ne sont encore déployés que dans les grandes villes, mais il est prévu de les étendre à l’ensemble du pays.

59.Mme KALJURAND (Estonie) ajoute que les pouvoirs publics attachent une grande importance à l’information et à la sensibilisation du public, ce qui se traduit notamment par de vastes campagnes d’affichage ou la diffusion de messages télévisés.

60.M. KURS (Estonie) signale que le Chancelier de justice a organisé en 2002 une table ronde, composée notamment de représentants des Ministères de l’éducation, de la justice et des affaires sociales, en vue d’adopter des mesures concertées contre la violence à l’école. Diverses initiatives ont déjà été prises, mais il faudra patienter quelques années pour en observer les résultats.

61.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, demande si ces mesures visent la violence infligée à des enfants par des membres de l’institution (professeurs ou autres) ou la violence qui sévit parfois entre les élèves eux‑mêmes.

62.Mme KARP souhaiterait savoir s’il existe une stratégie nationale de lutte contre la violence à l’école ou bien si chaque établissement décide des mesures à prendre, et si les enfants eux‑mêmes y sont associés d’une quelconque manière. Par ailleurs, qu’advient‑il des enfants violents? Sont‑ils expulsés en vue de protéger leurs camarades et, dans l’affirmative, bénéficient‑ils d’une rééducation?

63.M. KURS (Estonie) répond que tous les cas de violence à l’école peuvent être signalés à la direction de l’établissement concerné, aux services sociaux, aux autorités locales ou à la police. Les accords issus de la table ronde organisée en 2002 par le Chancelier de justice constituent l’amorce d’une stratégie de portée nationale.

64.Mme KALJURAND (Estonie) dit que le Chancelier de justice, qui a inscrit la protection des droits de l’enfant au rang de ses priorités, pourrait préconiser en 2003 l’adoption de directives d’application obligatoire, qui auraient un impact bien plus fort qu’une simple stratégie nationale. Pour ce qui est des enfants violents, l’expulsion n’est pas une solution, et des exemples récents montrent que l’on obtient de meilleurs résultats en s’efforçant de résoudre intelligemment les problèmes sous‑jacents.

65.M. KURS (Estonie) précise qu’en Estonie il existe dans les établissements d’enseignement de tous niveaux des mécanismes qui permettent aux élèves de donner leur avis à propos des questions les concernant. Il reste toutefois beaucoup à faire pour améliorer la participation des jeunes.

66.Mme KARP demande si des enfants ont participé à l’élaboration du rapport de l’État partie.

67.Mme KALJURAND (Estonie) répond que le rapport a été établi par le Comité estonien de l’UNICEF. Il n’est pas certain que des enfants aient été consultés, mais cette suggestion sera prise en compte pour l’élaboration du rapport suivant.

68.M. CITARELLA demande s’il est prévu de créer des tribunaux spéciaux pour mineurs. Sachant qu’en Estonie l’âge de la responsabilité pénale est fixé à 15 ans, il se demande également quels types de sanctions encourent exactement les enfants délinquants âgés de 13 à 15 ans. Est‑il exact qu’ils peuvent être placés en centre fermé?

69.Mme KASEMETS (Estonie) dit qu’il n’est pas prévu, pour le moment, de créer des tribunaux spéciaux pour mineurs, car le volume des affaires de ce type ne l’exige pas, mais qu’une attention particulière est accordée à la formation des magistrats qui sont en contact avec des enfants.

70.Mme RIISALO (Estonie) souligne qu’un enfant ne peut être placé dans un centre fermé que sur décision de justice. Si l’enfant a entre 12 et 15 ans, le placement ne peut être ordonné que pour une période maximale d’un an, et la décision est réexaminée chaque année. Par ailleurs, une assistance sociale doit obligatoirement être fournie.

71.Mme CHUTIKUL demande ce qu’il advient des enfants impliqués dans des affaires de prostitution.

72.Mme KALJURAND (Estonie) dit qu’aucun cas de prostitution ou de traite d’enfants n’a été signalé.

73.Mme KARP se dit confiante dans la bonne volonté des autorités estoniennes en ce qui concerne la protection des droits de l’enfant. La mention de certains déficiences dans les conclusions du Comité ne visera qu’à encourager l’Estonie à poursuivre le travail important accompli en une dizaine d’années depuis son accession à l’indépendance.

La séance est levée à 18 heures.

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