NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.725

4 octobre 2001

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Vingt-huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 725e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mercredi 26 septembre 2001, à 10 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (suite)

Rapport initial du Kenya

______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Kenya [CRC/C/3/Add.62; CRC/C/Q/KEN/1 (liste des points à traiter); réponses écrites du Kenya (document sans cote distribué en séance, en anglais seulement)]

1.Sur l’invitation du Président, la délégation kényenne, composée de M. Osundwa, Mme Musundi, Mme Mohamed, M. Awuonda, M. Ole Kwallah, M. Wambua Nzioka, Mme Wamae, M. Kandie, M. Sang et M. Waithiru, prend place à la table du Comité.

2.M. OSUNDWA (Kenya) souligne que c’est à la lumière de la Convention que le Gouvernement kényen a élaboré le projet de loi sur l’enfance dont est actuellement saisi le Parlement. Malgré les graves problèmes auxquels il est confronté, notamment la sécheresse, la pauvreté et la pandémie du sida, le Gouvernement accorde une attention prioritaire à la santé de l’enfant, à la lutte contre la mortalité infantile et contre le sida, aux programmes d’alimentation des enfants, à l’amélioration de l’accès à l’eau potable et à l’élimination des mutilations génitales.

3.Divers ministères, départements, ONG, organisations communautaires et organisations religieuses collaborent avec les commissions consultatives de district pour les questions relatives à l’enfance qui sont chargées de coordonner toutes les activités intéressant les enfants dans les différents districts et qui devraient être incorporées dans le futur Conseil national des services pour les enfants. Dans le domaine législatif, le Gouvernement est résolu à harmoniser la législation nationale avec la Convention notamment pour ce qui est de l’âge de la majorité et de l’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe en ce qui concerne le mariage, l’emploi et la justice pour mineurs. Le Gouvernement a continué, en collaboration avec divers partenaires, à faire connaître les principes et dispositions de la Convention à la population et aux personnes qui travaillent avec et pour les enfants. Par ailleurs, la Convention a été traduite en kiswahili, langue officielle du Kenya.

4.Depuis 1963, le Kenya prend, dans les limites des ressources dont il dispose, toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels des enfants, notamment les droits des petites filles, des orphelins, des enfants handicapés, abandonnés ou nés hors mariage, des enfants de familles monoparentales, des enfants qui vivent et travaillent dans la rue, des enfants victimes de mauvais traitements ou d’une quelconque exploitation économique et sociale. Depuis 1990, le Gouvernement met en œuvre un programme national d’action pour les enfants destiné à appliquer la Déclaration du Sommet mondial pour les enfants. Pour ce faire, le Gouvernement reçoit l’appui d’institutions et d’organismes internationaux tels que l’UNICEF, l’UNESCO, l’OIT, la Banque mondiale et le PNUD, et d’organismes nationaux, notamment l’Agence japonaise de coopération internationale et l’Agence allemande de coopération technique. Le Bureau du Vice‑Président a été chargé de coordonner les activités en faveur de l’enfance.

5.Sur le plan judiciaire, les tribunaux pour enfants, dont le projet de loi sur l’enfance prévoit la création, et la Division des affaires familiales de la Haute Cour renforceront la protection de l’enfance notamment en matière d’héritage, de garde et de pension alimentaire. Soucieux de renforcer la protection de l’enfance au sein de la famille et de la société, le Gouvernement a en outre élaboré des projets de loi sur la violence domestique, sur les réfugiés, sur la loi pénale et sur les personnes handicapées. En outre, le Gouvernement met actuellement en œuvre un programme de réorientation des enfants en conflit avec la loi.

6.Malgré les efforts déployés, le pays n’a pas réussi à mettre pleinement en œuvre les droits de l’enfant et la situation des enfants tend même à se dégrader depuis le début des années 90, notamment en ce qui concerne la mortalité, la malnutrition, l’accès à l’eau potable, le logement et la scolarisation. Toutefois, le Gouvernement mettra tout en œuvre pour inverser cette tendance en adoptant une approche fondée sur les droits de l’homme, en mettant en œuvre une stratégie de lutte contre la pauvreté, en coopérant avec les donateurs, la société civile et les organisations communautaires et en promulguant la loi sur l’enfance qui constituera un cadre juridique propice à la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

7.M. CITARELLA se félicite du haut niveau de la délégation kényenne, qui témoigne de l’intérêt que porte l’État partie aux droits de l’enfant et exprime l’espoir que le Kenya pourra à l’avenir remédier aux problèmes qui l’ont empêché de présenter son rapport initial en temps voulu. Il convient de noter avec satisfaction que le Kenya est résolu à mettre pleinement en œuvre la Convention, qu’il collabore avec les ONG dans tous les domaines couverts par la Convention, qu’il s’est, dans une certaine mesure, montré autocritique dans son rapport, lequel a été largement diffusé dans le pays.

8.Il semble qu’en raison de la très grande diversité ethnique, culturelle et religieuse du pays, il soit difficile de faire respecter le principe de l’égalité de tous devant la loi, notamment en ce qui concerne la définition de l’enfant, qui varie selon les groupes et les communautés. En outre, il n’existe pas de base juridique permettant aux autorités d’appliquer directement la Convention. Le projet de loi sur l’enfance qui fixe à 18 ans pour tous l’âge de la majorité, contient également des dispositions relatives à la responsabilité des parents, aux tribunaux pour enfants et à l’adoption. Il serait intéressant de savoir pourquoi le Parlement tarde tant à adopter ce projet de loi. Il est dit dans le rapport qu’il n’y a pas eu de coordination spéciale pour la mise en œuvre de la Convention. Il serait utile de savoir si l’État partie envisage de mettre sur pied un mécanisme de coordination pour remédier à cette situation.

9.On constate avec inquiétude que la situation économique du pays se dégrade. Environ la moitié de la population est au chômage et, d’une manière générale, la part des dépenses sociales dans le budget, notamment les dépenses de santé et d’éducation sont en diminution. Près de la moitié des enfants ne termine pas leur scolarité obligatoire. Environ 40 % des individus ne sont pas enregistrés à la naissance. Cela est d’autant plus inquiétant que les enfants non enregistrés à la naissance peuvent être enrôler dans les forces armées si leur âge apparent est estimé à 18 ans. Il conviendrait également de relever l’âge de la responsabilité pénale qui est actuellement fixé à 8 ans et d’harmoniser l’âge légal du mariage qui varie selon les groupes ethniques.

10.Mme EL GUINDI souhaiterait savoir qui élabore la politique de l’enfance, notamment le plan national d’action en faveur de l’enfance, et qui assure la coordination et le suivi de toutes les activités en faveur de l’enfance, en particulier celles menées par les ONG.

11.Mme CHUTIKUL demande qui était responsable de l’élaboration, ainsi que de l’application et du suivi, du Programme national d’action pour les enfants de 1990. Elle voudrait savoir s’il existe un lien entre les travaux du comité d’orientation mis en place pour établir le rapport de l’État partie concernant la Convention et les activités prévues dans le nouveau programme d’action. Elle voudrait aussi des précisions sur le rôle du Bureau de la Vice‑Présidence et les attributions du Département de l’enfance concernant la Convention et souhaiterait savoir qui sera responsable du plan d’action national qui a été établi pour la prochaine décennie. Se félicitant de la création des commissions consultatives de district pour les questions relatives à l’enfance, elle souhaiterait savoir à quel ministère ces nouveaux mécanismes sont rattachés et quel est leur lien avec le nouveau plan d’action. Elle demande si le Comité permanent des droits de l’homme créé en 1996 continue de fonctionner et s’il s’occupe également des droits de l’enfant. Enfin, elle voudrait savoir ce qu’il en est du poste de médiateur qui devait être créé en 1998 et demande des précisions sur l’état d’avancement du projet de loi sur l’enfance.

12.Mme OUEDRAOGO demande comment, vu la très grande diversité de la population de l’État partie, la Convention a été accueillie par les différentes ethnies et à quelles difficultés s’est heurtée la diffusion de cet instrument. Elle demande si le rapport de l’État partie a été diffusé et quelles observations et critiques il a suscité.

13.En ce qui concerne la définition de l’enfant, elle s’inquiète du fait que l’âge du mariage semble différer selon les coutumes des différents groupes de population et demande ce qui est fait pour prévenir les mariages précoces. Elle aimerait avoir des précisions sur l’application de la loi interdisant la vente d’alcool aux enfants. Enfin, elle demande si la loi relative au recrutement des enfants, qui devait être présentée au Parlement en mai 2001, a été adoptée et si le Code de l’enfance est entré en vigueur.

14.Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ demande pourquoi les projets de loi mentionnés dans le rapport tardent tant à être adoptés et si les différents mécanismes envisagés relèveront des ministères ou du Bureau de la Vice‑Présidence. Elle voudrait savoir dans quelle mesure le Parlement participe au suivi de l’application de la Convention et si le titulaire du futur poste de médiateur sera responsable devant le Parlement ou le Gouvernement. En outre, elle demande si le Parlement a voté des crédits pour faciliter la mise en œuvre des différentes mesures adoptées en faveur de l’enfance et si une estimation des coûts a été effectuée en ce qui concerne la loi sur l’enfance.

15.Par ailleurs, le Kenya n’ayant pas présenté de document de base, elle aimerait avoir un bref aperçu des institutions politiques de l’État partie et demande des précisions sur les affaires de corruption touchant tant le pouvoir exécutif que le pouvoir législatif, dont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, notamment, ont fait état.

16.Mme KARP voudrait connaître les obstacles qui entravent la promulgation de la longue liste de projets de loi énumérés dans le rapport. Elle demande si le nouveau programme d’action national en faveur des enfants a été mis au point en tenant compte de l’expérience acquise dans le cadre de l’application du programme précédent. Elle aimerait en outre connaître les conclusions que l’État partie s’apprêtait à présenter lors du Sommet des enfants qui aurait dû se tenir à New York.

17.Craignant que la Commission kényenne des droits de l’homme n’ait pas les moyens de faire face seule aux besoins spécifiques des enfants, elle suggère qu’un dispositif adapté et aisément accessible soit créé afin non seulement de donner suite aux plaintes déposées par des enfants, mais aussi de suivre l’application de la Convention et de formuler des propositions quant aux politiques à mettre en œuvre. À ce propos, elle aimerait savoir à quel mécanisme les enfants peuvent actuellement s’adresser pour exposer les problèmes qu’ils rencontrent non seulement à l’école mais aussi dans la vie de tous les jours et si des mesures ont été prises pour que la Convention soit appliquée partout dans le pays en intégrant les préoccupations relatives aux droits de l’enfant dans les politiques mises en œuvre au niveau local.

18.Par ailleurs, elle demande si des priorités en matière politique et budgétaire ont été définies pour faire face aux principaux problèmes qui touchent les enfants des régions touchées par la sécheresse, les enfants réfugiés, les enfants des rues, les enfants handicapés et les enfants des communautés pastorales. Elle s’inquiète des conséquences fâcheuses que pourraient avoir les politiques adoptées par le Gouvernement sans établir de distinction entre les enfants ayant des besoins particuliers et les enfants en situation de conflit avec la loi. Enfin, pour ce qui est des imprécisions concernant la définition de l’enfant, elle demande pourquoi, selon les réponses écrites, seuls les enfants de moins de 15 ans qui ont perdu leurs parents sont officiellement considérés comme orphelins.

19.Mme AL‑THANI demande si l’application des différents droits coutumiers peut avoir pour effet qu’un traitement différent, plus ou moins favorable, soit réservé aux enfants selon leur ethnie devant les tribunaux. Notant que l’ensemble des allocations budgétaires concernant la santé et l’éducation n’ont cessé d’augmenter depuis 1999, elle souhaiterait savoir pourquoi les crédits alloués au programme national de lutte contre le sida accusent une légère diminution et pourquoi la part des services sociaux de base est retombée à 17,4 %, selon les estimations pour 2001/02, alors qu’elle avait atteint 30,1 % en 2000/01.

20.M. AL‑SHEDDI dit que la lenteur du processus de réforme de la législation donne à penser que toutes les questions relatives à l’enfance ne sont pas traitées comme il le faudrait, et souhaite avoir des précisions sur l’application de l’article 4 de la Convention. Se référant au paragraphe 49 du rapport, il demande pourquoi le Parlement n’a toujours pas terminé l’examen du projet de loi sur l’enfance, dont il est saisi depuis 1995. Il voudrait avoir des exemples des cas de discrimination contre des enfants évoqués au paragraphe 102, qui découleraient du fait que dans l’État partie le statut personnel varie selon les groupes de population.

La séance est suspendue à 11 h 20; elle reprend à 11 h 38.

21.M. OLE KWALLAH (Kenya) dit que depuis le remaniement ministériel de juin 2001, le Vice‑Président du Kenya supervise le Ministère des affaires intérieures, du patrimoine national, de la culture et des services sociaux, dont relève le Département de l’enfance. Le Ministère des finances et de la planification coordonne le financement des mesures concernant les enfants, ainsi que les contributions des donateurs. C’est lui qui assure la liaison avec l’UNICEF pour ce qui est du suivi et de l’évaluation des activités prévues dans le plan d’action national pour l’enfance. Enfin, il n’existe pas au Kenya de «protecteur» de l’enfance et de la jeunesse à proprement parler et c’est le Bureau du Directeur des services pour l’enfance qui est considéré comme l’interlocuteur officiel des enfants qui souhaitent exposer leurs griefs.

22.Le projet de loi sur l’enfance, dont on débat depuis 1995, est enfin examiné en seconde lecture par le Parlement, qui devrait l’adopter en octobre 2001. Les membres de la commission qui procède à cet examen faisaient partie de l’équipe réunie à Mombasa, au mois d’août de l’année en cours, pour rechercher les moyens d’éliminer les obstacles à l’adoption de ce texte. Dès son élaboration, le projet s’est en effet heurté à l’hostilité de certaines ONG, qui déploraient l’absence de dispositions relatives à l’application de la Convention, et d’une partie de la communauté musulmane, notamment en ce qui concerne l’article 181. Depuis 1995, des consultations ont été organisées avec toutes les parties intéressées, qui sont enfin convenues que le projet de loi pouvait être adopté. Aucune opposition ne subsiste à ce sujet.

23.M. KANDIE (Kenya) dit que le projet de loi sur l’enfance fixe clairement l’âge de la majorité à 18 ans. Pour que tous les mineurs kényens bénéficient de la même protection et qu’aucun d’entre eux, quel que soit le clan, la famille ou la tribu à laquelle il appartient, ne fasse l’objet de discrimination, il conviendra d’aligner la common law, le droit islamique et les pratiques religieuses sur les dispositions de la loi sur l’enfance, dans des domaines aussi variés que le mariage, le divorce, le droit successoral, les dots, les mutilations génitales féminines, l’emploi ou encore la justice pour mineurs. Toutefois, dès lors qu’elles ne sont pas contraires aux dispositions des textes législatifs, à la morale ou à la règle juridique écrite, les règles coutumières sont tout à fait acceptées au sein de la société kényenne.

24.Pour ce qui est de l’organisation de l’État et du type de gouvernement, le Kenya a hérité du système britannique, fondé sur la common law. Avec plus de 40 partis politiques, le Kenya est une société pluraliste. L’indépendance du pouvoir judiciaire est consacrée dans la Constitution et le pouvoir législatif a un droit de regard sur l’exécutif.

25.En mars 2001, un projet de loi a été soumis au Parlement pour examen dans le but de modifier la composition du Comité permanent pour les droits de l’homme. Si la loi est adoptée, le Comité permanent sera doté d’une commission et d’un président choisi parmi les magistrats de la cour d’appel, ainsi que de 7 magistrats de la High Court. Le Comité permanent sera investi de vastes attributions, dont le pouvoir de superviser toutes les activités dans le domaine des droits de l’homme. Il a déjà mis sur pied, en collaboration avec le Ministère de l’éducation, un programme d’éducation aux droits de l’homme au niveau de l’enseignement primaire et supérieur. On peut s’attendre à ce que le Comité permanent se charge de veiller à la mise en œuvre de la Convention.

26.La corruption est endémique au Kenya; aucun secteur n’y échappe. Il n’a pas encore été possible d’obtenir un accord de vues sur le projet de loi contre la corruption mais le processus de consultation se poursuit. Y participent des membres du Gouvernement, les partenaires de développement et la société civile. Le projet de loi portant création de l’institution du médiateur du peuple soumis à l’examen du Parlement en 1998 a été rejeté.

27.Bien des violations des droits de l’homme trouvent leur origine dans les différences culturelles et les pratiques propres à chacune des différentes communautés. La Commission chargée de la réforme constitutionnelle a donc axé son action sur la sensibilisation des Kényens à la question des droits de l’homme. Pour cela, elle a mis en place un programme d’éducation civique de cinq mois reposant sur la diffusion des principes de la Convention, qui lui permettra de recueillir l’opinion des Kényens sur diverses questions en la matière. Quant aux lenteurs du processus législatif, elles ne résultent pas de la mauvaise volonté du Gouvernement mais de l’ampleur de la tâche à accomplir.

28.M. WAITHIRU (Kenya) explique que dans le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté la priorité est donnée au secteur de l’agriculture et du développement rural mais que les services sociaux de base arrivent au deuxième rang des priorités Si les réponses écrites ne mettent pas clairement en évidence la volonté du Gouvernement d’allouer une part importante du budget aux services sociaux, c’est que les chiffres avancés pour 2001/2002 dans le tableau concernant les dépenses récurrentes sont estimatifs. Ils risquent en effet de fluctuer selon l’ampleur des coupes budgétaires annoncées par le Gouvernement. On peut toutefois raisonnablement espérer que la part du budget national allouée aux services sociaux de base avoisinera les 20%. Un plan d’éradication de la pauvreté de 15 ans a été adopté en collaboration avec des députés, des membres de la société civile ou des communautés et des jeunes.

29.Quant à la part du budget affectée au programme national de lutte contre le VIH/sida, dont on déplore qu’elle n’augmente pas, il faut expliquer que les chiffres indiqués dans les réponses écrites sont incomplets et correspondent aux fonds alloués au seul Ministère de la santé. Le sida a été décrété «catastrophe nationale» et c’est le Conseil national de lutte contre le sida, institution nouvellement créée au sein du Cabinet du Président et doté de son propre budget, qui est chargé de coordonner toutes les activités dans ce domaine.

30.M. WAMBUA NZIOKA (Kenya) explique que, pour élaborer le rapport, des consultations ont été menées dans les huit provinces que compte le pays. Elles ont ciblé les adultes qui, de par leur profession, sont en rapport avec des enfants, tels que le personnel médical, les ONG ou encore les chefs religieux. Quant aux enfants interrogés, ils étaient issus de toutes les classes sociales et fréquentaient des écoles publiques. Ces consultations ont également été, pour le Gouvernement, le moyen de mieux connaître l’opinion de ses citoyens et d’obtenir un retour d’information, en particulier sur les problèmes rencontrés par les personnes chargées de la mise en œuvre de la Convention au niveau des districts.

31.M. OLE KWALLAH (Kenya) explique que, s’il existe de nombreuses structures chargées de l’enfance au Kenya, il n’y a pas pour autant un chevauchement des activités. C’est le Ministère des finances et de la planification qui assure la coordination des fonds provenant des donateurs. S’agissant de l’élaboration du rapport, un Comité interministériel a confié au Directeur des Services pour l’enfance, le soin de recueillir des données auprès d’un public aussi large que possible (enfants, société civile et personnes chargées de la mise en œuvre de la Convention dans toutes les provinces du pays, même les plus reculées). Un Plan national d’action pour les enfants a été lancé en 1992 en vue d’atteindre les objectifs fixés lors du Sommet mondial pour les enfants de 1990. Enfin, en collaboration avec l’UNICEF, le Gouvernement exécute actuellement le troisième programme national de cinq ans (couvrant la période 1999-2003).

32.Le PRÉSIDENT demande à la délégation d’apporter des précisions sur les mariages précoces, l’âge minimum pour la consommation d’alcool et l’âge de la responsabilité pénale. En outre, il souhaiterait savoir quel a été le résultat de travaux entrepris par le Gouvernement kényen en prévision de la session spéciale de l’Assemblée générale consacrée aux enfants et si le projet de loi portant création de la Commission des droits de l’homme contient une section à part relative aux droits de l’enfant. Enfin, en l’absence d’un certificat de naissance, comment procède‑t‑on pour déterminer «l’âge apparent» d’une personne en vue de son recrutement dans les forces armées?

33.M. OLE KWALLAH (Kenya) dit que le Kenya figure parmi les premiers pays à avoir communiqué un document récapitulatif des progrès accomplis depuis le Sommet mondial pour les enfants en 1990, qui servira de base à l’élaboration du document final de la session extraordinaire consacrée aux enfants. Le rapport du Kenya faisait apparaître une hausse des taux de mortalité infantile et des moins de cinq ans et une forte poussée de l’épidémie de sida.

34.M. KANDIE (Kenya) confirme que l’âge de la responsabilité pénale est bien de 8 ans, mais qu’avant de prononcer une peine, les tribunaux évaluent si l’enfant est en mesure de comprendre la nature du délit qui lui est reproché. En outre, lorsqu’il s’agit de mineurs, les juges ont tendance à privilégier les peines de substitution. Le processus de révision de la Constitution sera l’occasion, pour le législateur, de réfléchir à cette question. L’âge minimum requis pour acheter de l’alcool est de 18 ans, et des sanctions sont prévues, comme le retrait de la licence d’exploitation, pour les personnes qui ne respectent pas cet âge minimum. Quant à «l’âge apparent» pour le recrutement dans les forces armées, on n’y a recours lorsque la personne n’est pas en mesure de fournir des papiers d’identité et la décision prise par l’équipe de recrutement se fonde sur les résultats d’examens médicaux.

35.Il est vrai que les mariages précoces constituent un réel problème au sein de la société kényenne, mais le Gouvernement tente de les décourager de diverses manières. Des campagnes d’information sont menées pour sensibiliser le public aux effets négatifs de cette pratique et pour éviter que les filles abandonnent l’école trop tôt. Des mesures législatives ont en outre été adoptées pour lutter contre la discrimination dont les filles sont victimes dans bien des domaines. L’Association kényenne des femmes magistrats intervient dans de nombreux cas pour empêcher les mariages précoces.

36.La Commission nationale des droits de l’homme sera investie de vastes attributions, dont le pouvoir d’examiner les plaintes déposées par des particuliers estimait que leurs droits fondamentaux ont été violés et invoquait les dispositions des conventions internationales relatives aux droits de l’homme auxquelles le pays est partie devant les tribunaux nationaux.

37.Le PRÉSIDENT, constatant que la loi sur les enfants et la jeunesse n’établit pas de distinction entre les enfants ayant des besoins spéciaux et les délinquants juvéniles, demande si le nouveau projet de loi sur l’enfance contient des dispositions dans ce sens. Il fait observer que sans cela, des enfants qui n’ont pas commis de délit mais ont simplement des problèmes de comportement ou vivent dans des situations qui les rendent particulièrement vulnérables (comme les enfants des rues) risquent d’être arrêtés ou détenus alors qu’ils auraient besoin d’une assistance et d’une protection particulières. À cet égard, il demande des précisions sur la manière dont ces enfants sont actuellement traités.

38.M. OLE KWALLAH (Kenya) dit que son pays a bénéficié d’une assistance technique de l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) visant à aider les responsables du système de justice pour mineurs à établir une classification des mineurs en conflit avec la loi. En outre, diverses mesures de déjudiciarisation ont été prises en vue de permettre aux enfants de réintégrer leur famille ou leur communauté grâce à l’intervention rapide de divers acteurs, notamment de la société civile, avant toute action en justice. Un programme visant à renforcer cette approche dans trois zones pilotes (Nairobi, Nakuru et Kisumu) est actuellement mis en œuvre avec l’appui de la JICA et de Save the Children‑UK. De plus, la JICA a accepté de prendre en charge la formation de 27 personnes sur trois ans, à compter de 2000. La formation, qui se déroule à l’Institut des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants en Asie et en Extrême‑Orient (INAFEI), porte précisément sur les méthodes de classification des enfants et des jeunes délinquants et vise, à travers un renforcement des compétences dans ce domaine, à améliorer la manière dont sont traités les mineurs ayant des besoins spéciaux.

39.M. CITARELLA s’interroge sur la portée des nombreuses dispositions constitutionnelles et légales relatives à l’intérêt supérieur de l’enfant étant donné que, d’après le rapport, ce principe est de plus en plus difficilement respecté. Il demande par ailleurs des informations supplémentaires concernant le problème de l’enregistrement des naissances, sachant que le taux très élevé de naissances non enregistrées ne peut qu’avoir des conséquences négatives pour les enfants, notamment sur le plan de l’accès à l’éducation et aux soins de santé. Enfin, il se déclare préoccupé par le recours encore fréquent aux châtiments corporels, notamment dans les écoles et dans la famille, et souligne que le problème de la torture et des traitements cruels ou inhumains est un problème général, qui concerne l’ensemble de la population, et doit être abordé comme tel.

40.Mme CHUTIKUL fait observer que le plan national d’action ne devrait pas être assimilé à un plan pour la mise en œuvre de la Convention. En ce qui concerne le mariage précoce, elle note le rôle prépondérant accordé à l’éducation dans la lutte contre ce phénomène. Constatant cependant qu’aucune loi relative à la scolarité obligatoire n’est mentionnée dans le rapport, elle demande si la scolarité est effectivement obligatoire et, le cas échéant, à partir de quel âge. En ce qui concerne la violence dans la famille, elle souhaiterait savoir quelles sont les mesures de prévention et de réhabilitation existantes. Elle demande par ailleurs des précisions sur les dispositions prises en vue de permettre et d’encourager la participation des enfants, notamment chez eux, à l’école et dans le système de justice pour mineurs.

41.Mme EL GUINDI demande quels sont les responsables politiques ou les organismes auxquels incombe la prise des décisions relatives aux enfants. Elle souhaiterait également des précisions sur le problème de l’enregistrement des naissances et ses incidences sur la situation des enfants.

42.M. AL SHEDDI demande en quoi certaines lois relatives au statut personnel peuvent conduire à une discrimination contre les enfants, comme l’indique le rapport, et quelles sont les dispositions prises pour éviter que cela ne se produise.

43.Mme KARP dit que mandat de la Commission kényenne des droits de l’homme est en réalité trop vaste pour que les questions relatives aux enfants puissent recevoir toute l’attention voulue. Elle souhaiterait savoir si la Convention relative aux droits de l’enfant peut être invoquée devant les juridictions nationales et si des décisions de justice se fondant sur les dispositions de la Convention ont déjà été prononcées. Notant que le témoignage d’un enfant n’est recevable que si sa déposition est confirmée par un autre témoignage, elle s’interroge sur les raisons motivant et justifiant le maintien d’une telle condition, qui tend à priver les enfants de leur droit d’être entendu et de recevoir une protection adéquate lorsqu’ils ont été victimes de violations. L’opinion de l’enfant est-elle par ailleurs prise en compte lorsqu’il fait l’objet d’une mesure de placement?

44.Le recours aux châtiments corporels comme mesure pénale sera-t-il aboli dans le nouveau Code? Bien que cette pratique soit déjà interdite dans les écoles, il semblerait que de nombreux enfants kényens soient toujours victimes de violences à l’école. Quelles sont les mesures prises ou prévues en vue de mettre fin à cette situation? Des dispositions vont-elles également être prises sur le plan légal pour interdire les châtiments corporels dans la famille? Les enfants peuvent-ils avoir accès à un système de plainte? Enfin, les programmes scolaires concernant les droits de l’homme mentionnent-ils expressément les droits définis dans la Convention relative aux droits de l’enfant?

45.Mme TIGERSTEDT-TÄTLELÄ souhaiterait savoir si des études ont été consacrées aux incidences négatives des programmes d’ajustement structurel sur les enfants. Le principe de la participation aux frais en matière d’éducation et de santé ayant nécessairement pour conséquence de limiter l’accès des personnes démunies aux services de base dans ces domaines, est-il prévu d’instaurer un système de tarification qui tienne compte des revenus de chacun? La TVA, dont le taux actuel est de 20 %, s’applique-t-elle uniformément à tous les produits, y compris les denrées alimentaires? Le gouvernement étudie-t-il la possibilité de recourir à certaines mesures fiscales propres à favoriser une répartition plus équitable des revenus?

46.Mme OUEDRAOGO se demande si le rôle des chefs adjoints de district ne pourrait pas être valorisé et si leur travail d’enregistrement des naissances ne pourrait pas être mieux rémunéré de façon à éviter les risques de corruption et à encourager les parents à faire enregistrer leurs enfants. Elle souhaiterait par ailleurs savoir quelles sont les dispositions ou lois prévues dans le cadre de la réforme législative en cours en ce qui concerne la discrimination contre les femmes et la nationalité des enfants de mère kényenne et de père étranger. Enfin, elle demande des précisions sur les mesures prises en vue de contrôler l’accès des enfants aux informations pouvant leur être nocives. À cet égard, elle souligne la nécessité de mettre en place une réglementation des moyens de communication individuels, tels que les cassettes vidéo et Internet.

47.Le PRÉSIDENT s’interroge sur les conséquences des affrontements ethniques de 1997 pour les enfants. A‑t‑on constaté depuis ces événements des cas de discrimination fondés sur leur appartenance ethnique, notamment sur le plan de l’accès à l’éducation et aux services sociaux? Notant que la famille élargie joue un rôle de moins en moins important au sein de la société kényenne, il se demande comment est perçu ce changement et, s’il est considéré comme négatif, quelles mesures sont prises pour y faire face. D’après le rapport, le nombre d’enfants se trouvant en prison avec leur mère serait particulièrement élevé. Or les enfants vivant en milieu carcéral sont exposés à diverses formes de mauvais traitements. Ne serait-il pas possible dans certains cas d’éviter l’incarcération des mères de jeunes enfants? En ce qui concerne la violence dans la famille, comment fonctionne concrètement le système de prévention et de répression? Qui signale le plus souvent les mauvais traitements infligés aux enfants? Enfin, le placement en famille d’accueil restant très souvent informel, quelles mesures permettent de garantir que l’intérêt supérieur de leur enfant est effectivement pris en compte?

La séance est levée à 13 h 5.

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