NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.114221 août 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante‑deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1142e SÉANCE (Chambre A)

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 24 mai 2006, à 10 heures

Présidence: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Troisième rapport périodique du Liban

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour)

Troisième rapport périodique du Liban (CRC/C/129/Add.7; document de base, (HRI/CORE/1/Add.27/Rev.1); liste des points à traiter (CRC/C/LBN/Q/3); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/LBN/Q/3/Add.1))

1. Sur l’invitation du Président, la délégation libanaise prend place à la table du Comité.

2.M. SOUFAN (Liban) souligne que dans la délégation libanaise des représentants d’ONG figurent aux côtés de fonctionnaires des Ministères de la santé publique, de l’éducation, et de la justice. Les valeurs et principes consacrés par la Charte des Nations Unies sont profondément ancrés dans les traditions et le mode de vie libanais et le Liban est déterminé à promouvoir la cause des enfants et à respecter les engagements qu’il a pris au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant. Son rapport expose les progrès accomplis et les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la Convention. Toute critique constructive sera bienvenue.

3.M. MEKHAEL (Liban) dit que les ONG, la société civile et les enfants ont été associés à l’élaboration du troisième rapport périodique − processus qui a été l’occasion de dresser un tableau objectif de la situation. Des lois ont été promulguées, des conventions ratifiées et des règlements publiés. Des obstacles financiers et politiques persistants ont toutefois entravé l’application de certains textes législatifs, en particulier la loi sur les mineurs et la loi sur l’éducation gratuite. Le Conseil supérieur pour l’enfance a été réactivé et il s’attache à mettre les normes nationales en conformité avec les dispositions des instruments internationaux, tout en assumant une fonction de coordination. Son action est cependant entravée par le manque de ressources financières et de données, notamment sur la situation des enfants marginalisés.

4.La création d’une institution nationale de défense des droits de l’homme donne lieu à un débat au sein de la société et à l’Assemblée nationale. Depuis l’examen de son deuxième rapport périodique, le Liban s’est employé à promouvoir une culture des droits de l’enfant à tous les échelons de la société libanaise, notamment en organisant des séminaires et en produisant des publications. Divers progrès ont été accomplis; en particulier, l’âge de la responsabilité pénale a été relevé et l’éducation est désormais obligatoire jusqu’à 15 ans. En revanche, l’âge minimum du mariage n’a pu être modifié en raison de la diversité des lois relatives au statut personnel, les services publics chargés de lutter contre la marginalisation et l’exclusion ne disposent toujours pas de moyens suffisants et il n’existe pas de véritable stratégie de réinsertion.

5.Le Liban est en train de se doter d’un cadre institutionnel tendant à favoriser la participation des enfants et à assurer une plus large prise en considération de leurs opinions dans l’élaboration des politiques publiques. Une stratégie nationale ayant pour objet de faire face à la maltraitance à enfants, à en déterminer les causes et l’ampleur et à modifier la législation pertinente va être mise en œuvre et il a été proposé de créer un service d’accueil téléphonique à l’intention des enfants.

6.Des efforts sont déployés en vue de réduire encore la mortalité infantile et on s’emploie à améliorer la santé de la procréation. Une politique en faveur des enfants ayant des besoins spéciaux se dessine.

7.Un plan national a été lancé pour lutter contre l’échec scolaire et améliorer la qualité de l’enseignement et la participation des enfants. Tous les enfants n’ont pas accès à l’éducation ou à la culture.

8.Le décret d’application de la loi sur les mineurs, qui institue diverses garanties en faveur des enfants, n’a pas encore été promulgué et la police des mineurs reste à mettre en place.

9.Le Gouvernement s’attache à limiter le travail des enfants et le Liban a ratifié les Conventions nos 138 et 182 de l’OIT. Des équipes d’inspecteurs formés sont dépêchées sur le terrain pour lutter contre ce fléau.

10.Les droits sociaux des enfants réfugiés palestiniens sont garantis, de même que leur droit à la santé, mais leur exercice demeure difficile en raison de problèmes financiers. Le nouveau plan d’action national tient compte des précédentes observations finales du Comité, lesquelles ont été diffusées auprès de la population.

11.Mme AL‑THANI note avec satisfaction que le Liban a ratifié les Conventions nos 138 et 182 de l’OIT, ainsi que le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, mais déplore que le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants ne l’ait pas encore été. Le Gouvernement libanais a soumis un excellent rapport, analytique et conforme aux directives du Comité, et ses réponses écrites sont riches en informations.

12.Des précisions sur la coopération entre le Gouvernement libanais et la société civile, ainsi que sur la contribution des enfants à l’élaboration du troisième rapport périodique, seraient toutefois bienvenues et il faudrait savoir si la participation de toutes les parties intéressées a progressé entre les deux premiers rapports et le troisième.

13.Le Comité voudrait savoir si la législation interne a été entièrement réexaminée en vue d’en déterminer la compatibilité avec la Convention et comment l’État partie entend surmonter les obstacles financiers et politiques dont il a fait mention.

14.La délégation pourrait indiquer si le Conseil supérieur pour l’enfance s’est doté d’une stratégie précise de mise en œuvre de la Convention et dispose de tous les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Le plan national pour la protection des enfants n’est toujours pas prêt et il serait utile de savoir si un calendrier est prévu et s’il s’inspire des instruments internationaux.

15.Il est regrettable que le Liban ne se soit pas encore doté d’une institution indépendante permettant aux enfants de se plaindre et fonctionnant suivant les Principes de Paris.

16.Le troisième rapport périodique ne semble pas apporter d’informations supplémentaires par rapport au deuxième en ce qui concerne les châtiments corporels et il semblerait qu’aucun texte juridique n’interdise ni ne punisse les châtiments corporels.

17.M. SIDDIQUI demande quelles seront les relations du Centre de recherche, d’information et de documentation avec le Centre de gestion des statistiques, quel organe assure la coordination des différentes actions de collecte d’informations et si des organismes privés interviennent dans la collecte ou le traitement des données relatives aux enfants. Le Gouvernement avait lancé un rapport sur la situation des enfants au Liban, en 2000, mais semble avoir interrompu cette publication et il serait donc utile de savoir pourquoi.

18.Le rapport contient trop peu d’informations sur le sort des groupes vulnérables d’enfants − enfants réfugiés palestiniens, enfants appartenant aux minorités, migrants, orphelins, travailleurs enfants, enfants des rues, enfants victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, enfants en conflit avec la loi et enfants handicapés − et la délégation pourrait donc indiquer si cette carence s’explique par un manque de moyens ou par le fait que l’État délègue un certain nombre de fonctions à des ONG ou à des organismes confessionnels.

19.Il serait intéressant de savoir si l’augmentation des dépenses publiques consacrées aux services sociaux entre 1993 et 1998 a profité aux couches pauvres et aux familles dirigées par une femme, si l’État subventionne les écoles et les centres de soins privés, quels sont les mécanismes mis en place au niveau local pour rendre ces services accessibles aux couches défavorisées et si ces mécanismes relèvent uniquement du service public ou sont dispensés avec l’aide de la société civile. La délégation pourrait aussi indiquer si des mesures sont envisagées pour améliorer le contrôle des dépenses publiques, l’évaluation des résultats et l’utilisation des fonds publics alloués localement, si des audits financiers des administrations locales sont effectués et comment le Gouvernement s’attache à améliorer la qualité et la rentabilité des services sociaux.

20.M. KRAPPMANN demande si toutes les écoles ont adopté des méthodes en vue d’améliorer la participation des enfants, ce que fait le Gouvernement pour promouvoir ces méthodes dans les écoles qui ne les auraient pas encore adoptées et si les enfants réfugiés palestiniens sont eux aussi concernés par ces méthodes. La délégation pourrait aussi fournir des précisions sur l’action menée en direction des parents pour les inciter à écouter davantage l’opinion de leurs enfants, à respecter leurs droits et à encourager leurs enfants à former leur propre jugement et à exprimer leurs opinions.

21.Les ONG ont certes participé à l’élaboration du rapport du Liban mais il est regrettable qu’elles n’aient pas soumis leur propre rapport pour exposer leurs idées et leur expérience, comme c’est généralement le cas; elles ont peut‑être manqué de moyens pour cela. La délégation pourrait préciser si l’État subventionne les ONG auxquelles sont déléguées des responsabilités publiques et quelle forme prend la coopération entre gouvernement et ONG.

22.Notant avec satisfaction que l’État partie a organisé un colloque sur les châtiments corporels, M. Krappmann demande si les retombées en ont été évaluées et s’il est prévu de consacrer des activités de ce type à d’autres formes de violence dont sont victimes les enfants. Les médecins ont l’obligation de signaler les cas de maltraitance à enfants dont ils ont connaissance mais il faudrait aussi savoir quels autres rôles ils ont à jouer le cas échéant. La délégation pourrait de plus apporter des précisions sur les mesures prises par le Conseil supérieur pour l’enfance au titre de sa stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des enfants et sur les procédures de plaintes dont dispose l’enfant victime de violence. Il serait en outre utile de disposer de données actualisées sur les affaires de crimes d’honneur commis par des mineurs et de savoir quel traitement la justice réserve à pareils mineurs. Enfin, il serait intéressant de savoir si les enfants peuvent faire entendre leur cause devant les tribunaux religieux.

23.Mme OUEDRAOGO déplore la vision segmentée que l’on a de l’application de la Convention au Liban, faute d’approche holistique. La présence de représentants d’ONG dans la délégation est très positive mais il faudrait savoir de quel type d’ONG il s’agit et comment elles ont été choisies.

24.Il est déplorable que l’État partie continue à utiliser l’expression «enfant illégitime», qui nuit d’emblée à une certaine reconnaissance de l’enfant en question.

25.La délégation voudra bien indiquer ce que l’État partie entend faire pour remédier aux graves lacunes dans son système d’enregistrement des naissances, qui privent l’enfant non enregistré d’accès à la santé, à l’éducation et à des services sociaux − problèmes que rencontrent notamment certains enfants palestiniens. Il faudrait aussi savoir si le Liban envisage d’accélérer et de simplifier la procédure d’enregistrement des enfants syriens nés sur son territoire car dans sa forme actuelle elle est longue, et ces enfants ne peuvent être enregistrés qu’en tant qu’étrangers.

26.Au Liban, l’enfant qui naît de mère libanaise et de père étranger ne peut obtenir la nationalité libanaise que s’il n’est pas reconnu par son père, ce qui constitue une violation du droit de l’enfant à la nationalité et la délégation pourrait indiquer ce que l’État entend faire pour remédier à la situation. Les tribunaux religieux ayant compétence pour statuer sur la légitimité des origines familiales de l’enfant, il faudrait savoir si leurs membres sont formés à la Convention et sont respectueux de l’intérêt supérieur de l’enfant.

27.Le Comité aimerait savoir si l’enfant qui change d’identité à l’occasion de son adoption est consulté (s’il est en âge de l’être), si l’enfant adopté a accès aux informations sur la procédure d’adoption et s’il peut connaître ses parents biologiques s’il le souhaite. Se référant au paragraphe 151 du rapport, Mme Ouedraogo estime que le droit de l’enfant à connaître ses parents et à être élevé par eux est bafoué dans le cas des enfants nés hors mariage, dans la mesure où le nom des parents n’est pas mentionné, sauf cas particulier.

28.Mme LEE demande quels droits la loi libanaise reconnaît à un enfant né hors mariage dont il n’a pu être prouvé entre sa naissance et l’âge légal de la maturité qu’il est Libanais. La délégation pourrait indiquer si les mesures prises actuellement pour modifier les dispositions mentionnées dans le paragraphe 132 du rapport déniant à une mère libanaise mariée à un étranger le droit de transmettre sa nationalité à son enfant en cas de décès du père s’appliqueront également aux Palestiniens non enregistrés.

29.Elle s’inquiète de l’autorité dévolue aux autorités religieuses en matière de mariage, qui pourraient se solder par des mariages précoces et des mariages forcés, notamment de jeunes libanaises vivant à l’étranger de passage au Liban.

30.Mme ORTIZ demande comment l’État partie veille au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant dans les diverses communautés culturelles et religieuses du pays, en particulier avant de le séparer de ses parents.

31.Elle souhaite savoir comment fonctionnent les centres de services de développement, s’ils offrent, aux adultes comme aux enfants, des espaces d’information, par exemple sur l’obtention d’une aide alimentaire, d’une aide pour cause de handicap ou en cas de violence domestique, s’ils couvrent tout le territoire et s’ils dépendent des autorités locales.

32.La délégation voudra bien indiquer pourquoi l’État partie continue à enregistrer des enfants en tant que nés de parents inconnus, ce qui semble constituer une forme d’exclusion très grave.

33.M. KOTRANE se réjouit que le Liban ait signé et ratifié le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, mais aimerait savoir pourquoi l’État partie n’a toujours pas ratifié le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

34.Il s’inquiète de l’absence de mesures visant à harmoniser l’interprétation des lois religieuses avec les droits de l’enfant et aimerait savoir s’il existe entre le Conseil supérieur pour l’enfance et les différents ministères concernés des liens permettant d’harmoniser les politiques en faveur des enfants formulées aux échelons central, régional et local.

35.Alors que la Constitution énonce le principe de l’égalité de tous les Libanais devant la loi, trois types de discrimination à l’égard des enfants subsistent: la discrimination fondée sur l’appartenance religieuse (par exemple, les enfants sont enregistrés dans la communauté religieuse de leurs parents); la discrimination fondée sur les croyances (par exemple, les enfants que l’on oblige à faire partie d’un groupe religieux); la discrimination fondée sur les traditions, le sexe et les origines (par exemple, les citoyens non libanais). Il faudrait dès lors savoir comment le Liban envisage de garantir le principe de non‑discrimination dans l’ensemble de ses politiques et programmes.

La séance est suspendue à 11 h 20; elle est reprise à 11 h 35.

36.M. MEKHAEL (Liban) dit que le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés a été transmis au Parlement pour ratification, mais que ce dernier est très occupé par le dialogue national en cours et n’a pas encore pu l’examiner. La coopération entre le Conseil supérieur pour l’enfance et les différentes commissions du Parlement concernées par les droits de l’enfant en est pour l’instant au point mort. Le Parlement a cependant étudié les précédentes observations finales du Comité (dont le texte a été diffusé à 3 000 exemplaires dans tout le pays) en vue d’en tenir compte dans les différents programmes et plans sociaux, y compris le plan d’action panarabe sur la protection des droits de l’enfant.

37.Les ONG et la société civile ont participé à l’élaboration du rapport et le Ministère des affaires sociales a mobilisé des ressources budgétaires et humaines à cet effet. Le Conseil supérieur pour l’enfance est au demeurant constitué pour moitié de représentants de la société civile et des discussions sont en cours pour le transformer en une instance directement responsable devant le Conseil des ministres. L’élaboration du rapport à l’examen a permis de renforcer les liens entre les différentes institutions œuvrant en faveur des droits de l’enfant.

38.Le Gouvernement s’est attaché à simplifier les principes directeurs régissant la participation des enfants à l’élaboration du rapport. Au départ, il leur a été demandé de choisir les thèmes les intéressant, à la suite d’un débat national auquel ont participé diverses associations et ayant pour but de définir des critères en la matière. Pour assurer une représentation des enfants sur une base démocratique, un comité spécial composé de représentants de ministères et d’ONG a été créé et une ONG suédoise a apporté son concours à cette fin.

39.Le rapport est donc le fruit de la coopération entre le Gouvernement et les organisations de la société civile et il a fait l’objet d’une diffusion à différents niveaux, ce qui explique que les ONG n’aient pas jugé utile d’établir un rapport parallèle. Des activités de plaidoyer et d’éducation ont été menées en vue de débattre d’éventuels rapports parallèles, car ils sont un moyen d’assurer la transparence. Le principal souci est plutôt de définir un cadre de référence pour l’examen complet de la législation relative à l’enfance, le dernier en date remontant à 1995. La réalisation d’une étude comparative s’impose donc. Des ateliers sur la mise en conformité du droit pénal avec les normes internationales ont en outre été organisés au Parlement; pour garantir les droits des enfants il faudrait instituer un régime de droit exhaustif harmonisant les lois suivies par les 18 groupes confessionnels que compte le pays.

40.Mme KEROUZ (Liban) dit que les relations entre les ONG et le Gouvernement sont caractérisées par la souplesse. Les ONG ont joué un très grand rôle dans l’élaboration du rapport. Les organisations de la société civile qui ont choisi de participer au dialogue ont pu ainsi mettre en lumière les lacunes dans le cadre des comités mis en place.

41.Mme AL‑THANI demande si le fait que les divers groupes confessionnels suivent leurs propres lois, notamment en matière d’âge légal du mariage, n’amoindrit pas l’autorité de l’État.

42.Le PRÉSIDENT constate qu’élaborer un droit national applicable à tous les groupes sera chose difficile et que le Gouvernement pourrait donc énoncer certaines normes pour orienter les groupes confessionnels. Le Comité encourage le Liban à adapter les lois religieuses aux dispositions de la Convention et est disposé à lui apporter son aide à cet effet.

43.M. MEKHAEL (Liban) indique qu’une campagne de sensibilisation dans ce sens a été lancée auprès des responsables religieux, mais que ces derniers ne sont guère enclins à modifier leurs textes. Il convient d’indiquer à ce propos qu’une étude a montré que l’âge moyen au moment du mariage est de 29 ans pour les femmes et de 33 ans pour les hommes et qu’aucun cas de mariages contractés à un âge très précoce n’a été signalé.

44.M. RABAH (Liban) dit que depuis son accession à l’indépendance, en 1943, le Liban s’efforce de trouver par la voie constitutionnelle des solutions aux problèmes que pose l’application de lois différentes par ses 18 groupes confessionnels, dont les traditions sont ancrées dans l’histoire du pays. Les textes sont souvent discriminatoires, mais les tribunaux civils s’efforcent de trouver des solutions respectueuses de l’intérêt de l’enfant, en se saisissant par exemple des décisions des tribunaux religieux, notamment en matière de garde.

45.Depuis 1995, le Ministère des affaires sociales et le Ministère de la justice apportent une aide aux ONG. Pendant longtemps, le Gouvernement n’a pas eu les moyens d’entreprendre certaines actions et il lui a fallu s’en remettre aux ONG.

46.Des campagnes de sensibilisation contre les crimes d’honneur sont menées depuis 10 ans. Aucun mineur n’a été traduit en justice de ce chef. D’énormes pressions ont été exercées pour faire modifier la loi car auparavant les auteurs de tels crimes jouissaient de l’impunité ou bénéficiaient de circonstances atténuantes ou de la clémence des tribunaux.

47.L’enregistrement des naissances se fait sur place pour tout enfant naissant à l’hôpital. Dans les autres cas, les parents disposaient auparavant d’un an pour le faire en se présentant devant le tribunal. Le problème se pose dans le cas des étrangers. Les Syriens doivent faire enregistrer leurs enfants en Syrie selon les lois syriennes. Dans le cas des Palestiniens, l’enfant est enregistré auprès de la Direction des affaires palestiniennes, qui délivre un certificat de naissance. Des responsables des ministères concernés se sont récemment rendus dans les camps de réfugiés afin de faciliter l’enregistrement des enfants et veiller à ce qu’ils jouissent pleinement de leurs droits.

48.M. MEKHAEL (Liban) souligne que le Secrétaire général du Conseil supérieur pour l’enfance adresse des recommandations aux différents ministères en vue de combler les lacunes constatées dans l’élaboration de politiques, en particulier en cas d’incompatibilité avec les dispositions de la Convention. À la création du Conseil en 1994, il a été décidé que le Ministère des affaires sociales serait doté d’un groupe de techniciens chargés de gérer le budget du Conseil. Instituer un organe indépendant pourrait être judicieux, mais l’idée n’était pas que ce Conseil soit une structure parallèle au Gouvernement mais que les ministères continuent d’être les garants de l’application des lois relatives à l’enfance.

49.Des comités techniques spéciaux ont été mis en place aux fins de l’élaboration du plan d’action national, en collaboration avec le Conseil supérieur pour l’enfance, qui suit les directives du Comité des droits de l’enfant. Toutes les institutions publiques ont été priées de collaborer avec ces comités techniques. Les ONG, les universités, les syndicats et les associations de professionnels de la santé ont été invités à participer au processus. Des réunions préliminaires ont été organisées pour faire comprendre les principes de base de l’intérêt supérieur de l’enfant et les recommandations du Comité des droits de l’enfant. Il est prévu de mettre au point un plan en faveur de l’éducation pour tous, ainsi qu’un plan d’information pour les médias, à l’exécution desquels seront associés les enfants. Le Ministère des finances a été sollicité pour évaluer les besoins financiers et allouer éventuellement les crédits budgétaires nécessaires.

50.L’UNICEF devait apporter un soutien à la gestion des données statistiques, mais certains problèmes l’en ont empêché. Sur les 237 indicateurs concernant la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, 173 ont été établis et ils seront affichés sur le site Web du Conseil supérieur pour l’enfance afin d’en assurer la large diffusion.

51.Des lacunes persistent s’agissant des données relatives aux enfants marginalisés et à la violence contre les enfants. Un cadre a été mis en place en collaboration avec l’UNICEF pour entreprendre une étude ayant pour objet de déterminer l’ampleur de ces phénomènes mais les problèmes rencontrés par le Bureau de l’UNICEF au Liban en ont limité le champ. Le Gouvernement entend favoriser la constitution d’un réseau pour la collecte de données sur la situation des enfants, notamment au niveau local, avec la collaboration des municipalités, des ONG et des centres de santé.

52.M. SOUFAN (Liban) précise que le principe de base au Liban est la représentation des groupes religieux. L’article 7 de la Constitution dispose que tous les Libanais sont égaux devant la loi et jouissent des mêmes droits civils, économiques et sociaux. La Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme sont consacrées dans la Constitution et intégrées au droit interne. Le fait que l’article 7 précité ne mentionne pas les étrangers ne signifie pas que le Liban vive en vase clos. Le système fondé sur les groupes religieux, qui a un caractère provisoire, n’est pas parfait mais il vaut mieux engager un dialogue en vue de pallier ses insuffisances que d’en faire table rase. Le Liban est doté d’un ensemble de lois qui donnent effet au principe de non‑discrimination.

53.Les réfugiés palestiniens relèvent de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine pour le Proche‑Orient (UNRWA), mais le Liban entend apporter son concours à la recherche de solutions, dans les limites de ses moyens − conformément à l’article 4 de la Convention.

54.Le PRÉSIDENT souligne que le Comité ne porte aucun jugement négatif sur la coexistence de différents groupes religieux au Liban. Une société multireligieuse n’est pas un sujet de préoccupation en soi; ce que le Comité a voulu mettre en lumière est la responsabilité des autorités libanaises de veiller à ce que les droits de l’enfant soient connus et garantis dans tous les groupes religieux.

55.M. KOTRANE dit que le Comité comprend fort bien que la Constitution vise les seuls ressortissants. Ce sont d’autres textes législatifs qui doivent être adoptés pour assurer le principe de non‑discrimination entre ressortissants et étrangers. La promulgation d’un code de l’enfance, en cours d’élaboration, permettra sans doute d’établir un dénominateur commun de droits pour tous les enfants, sans distinction de nationalité ou de religion.

56.M. MEKHAEL (Liban) dit qu’un débat sur la question de savoir s’il vaut mieux mettre en place une institution nationale des droits de l’homme, conforme aux normes internationales en la matière, ou une institution de type médiateur − comme prévu initialement − ou encore ces deux institutions simultanément, est en cours au Liban.

57.Mme AL‑THANI dit que les problèmes se posant dans le domaine de la santé mentionnés dans les précédentes observations finales du Comité demeurent des sujets de préoccupation. Malgré les actions engagées en vue d’améliorer le système de santé, le taux de mortalité ne décroît que très lentement et la malnutrition et l’anémie restent répandues dans certaines couches de la population, alors que dans le même temps d’autres couches de population souffrent d’obésité. Le système de soins repose en grande partie sur le secteur privé et l’assurance maladie est toujours chère, ce qui explique pourquoi tous les habitants ne sont pas couverts et les disparités régionales restent très marquées.

58.Un complément d’information sur les services de santé pour adolescents et de santé de la procréation serait bienvenu. Les efforts d’éducation sexuelle et de sensibilisation au VIH/sida sont à saluer, mais les centres d’accueil pour adolescents ne sont apparemment pas accessibles à tous et les jeunes ne savent pas tous comment se protéger contre les maladies sexuellement transmissibles, ce qui amène à demander si les initiatives menées ont fait l’objet d’une étude d’impact. Un complément d’information sur le thème de la santé mentale serait aussi le bienvenu. Le taux de suicide des jeunes est en hausse, tout comme le tabagisme et la consommation d’alcool et de drogues. S’il est bon de mener des campagnes de sensibilisation, plus important encore est de doter le pays d’un réseau fourni de professionnels de la santé mentale formés au dépistage précoce des troubles mentaux.

59.Alors que les accidents de la route sont moins nombreux que par le passé, ils sont plus meurtriers et il serait donc utile de savoir si ce phénomène est imputable à une gravité accrue des accidents ou à des difficultés dans les services d’urgence hospitaliers.

60.Enfin, la délégation voudra bien faire part des éventuels progrès accomplis en matière de déminage car, comme le Comité l’a souligné au cours de son dialogue avec Israël, les mines antipersonnel représentent un réel problème de santé publique dans le sud du Liban.

61.Mme OUEDRAOGO demande un complément d’information sur les enfants des rues et les enfants se livrant à la mendicité, qui sont visés par la loi no 422 de 2002 sur les mineurs en conflit avec la loi et en danger, car selon certaines sources ces enfants sont davantage traités comme des délinquants que comme des victimes à aider. La délégation pourrait préciser si tout est mis en œuvre non seulement par des ONG mais aussi par les services publics pour retrouver leur famille, les soigner et les réinsérer. Les lacunes des services de réadaptation évoquées par la délégation seraient à préciser. Il y aurait de même lieu de détailler la procédure permettant aux mineurs de porter plainte auprès des autorités compétentes en cas de violation de leurs droits, en précisant quelles sont ces autorités et si les enfants ont connaissance de ce droit que leur confère la loi no 422.

62.M. KRAPPMANN relève que le Gouvernement libanais a des objectifs ambitieux dans le domaine de l’éducation, notamment celui de porter de 12 à 15 ans l’âge de la fin de la scolarité obligatoire, mais que davantage de renseignements sur ce point s’imposent. Force est de constater qu’à l’heure actuelle tous les enfants ne vont pas à l’école, puisqu’on compte près de 10 % d’abandon scolaire dans la sixième classe. L’État partie doit prendre des mesures pour que tous les enfants achèvent le cycle de la scolarité obligatoire de neuf ans et donner une deuxième chance de scolarisation à ceux qui ont abandonné l’école ou n’y ont jamais été. Il serait aussi utile que la délégation donne des précisions sur les modalités de l’enseignement professionnel.

63.L’éducation n’est pas gratuite pour tous. Les parents doivent parfois prendre à leur charge des droits d’inscription, payer les livres, les matériels et les transports scolaires, qui ne sont pas à la portée de toutes les bourses. La qualité de l’éducation laisse en outre à désirer: le nombre d’enseignants dûment formés n’est pas suffisant, en particulier dans les zones rurales, et les programmes scolaires approuvés par l’État ne sont pas toujours respectés. Ces problèmes conduisent certaines familles des classes moyennes et supérieures à inscrire leurs enfants dans des écoles privées, dont le Comité se demande si les méthodes pédagogiques et les buts de l’éducation sont contrôlés par l’État. Le Comité croit en outre savoir que le niveau de qualification exigé des enseignants de l’enseignement préscolaire est trop bas et aimerait donc savoir comment est assurée la qualité de cet enseignement.

64.Mme ORTIZ note que, selon le paragraphe 188 du rapport, les parents ne peuvent être privés de la garde de leurs enfants mineurs ou séparés d’eux que sur décision d’un tribunal, alors qu’il est dit au paragraphe 172 que du fait des difficultés économiques croissantes les centres de services de développement décident le plus souvent d’approuver les demandes de placement en institution, si bien que des enfants y sont placés sans qu’un juge ait décidé de séparer l’enfant de sa famille. Elle souligne que placer un enfant en raison de la situation financière de sa famille − chose apparemment courante au Liban − est contraire à la Convention. En cas de difficultés financières, la réponse à apporter est sociale et économique.

65.L’État partie voudra bien indiquer quelles mesures il entend prendre pour donner la priorité aux mesures autres que le placement en institution, telles que la kafala, le placement en famille d’accueil ou le retour dans la famille, et préciser les mécanismes mis en place pour protéger les enfants placés en institution, par définition particulièrement vulnérables, contre les abus, et leur permettre de demander secours ou de dénoncer des violations de leurs droits. Un projet de vie doit en outre être défini pour chaque enfant et un suivi individuel mis en place, avec réexamen périodique du placement.

66.L’islam ne permet pas l’adoption et la question se pose donc de savoir si la mesure dans laquelle les droits et l’intérêt supérieur de l’enfant sont respectés dans la kafalaa fait l’objet d’une évaluation. S’agissant des groupes chrétiens, il s’agit de savoir en quoi les adoptions approuvées par les tribunaux religieux diffèrent des adoptions approuvées par les tribunaux civils. L’État partie est encouragé à ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Les mesures qu’il a prises pour éviter que l’adoption ne devienne un objet de commerce méritent d’être saluées.

67.Le PRÉSIDENT demande s’il est vrai que la kafala ne se pratique pas pour les enfants palestiniens et que ces enfants sont donc systématiquement placés en institution.

68.M. SIDDIQUI note avec inquiétude que selon les informations dont il dispose, au Liban l’extrême pauvreté gagne du terrain, les inégalités s’accroissent et les disparités entre zones rurales et zones urbaines s’accentuent. Il se demande si tous les filets de sécurité voulus ont été mis en place et si les objectifs du Millénaire pour le développement ont été pris en compte.

69.M. KOTRANE se félicite de la bonne coordination entre l’État partie et le HCR et l’UNRWA tout en regrettant que le Liban n’ait pas ratifié le Protocole relatif au statut des réfugiés, ce qui fait que des enfants de réfugiés et des mineurs non accompagnés sont expulsés, en violation du droit international.

70.M. SOUFAN (Liban) dit que, sans être partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son Protocole de 1967, le Liban a signé avec le HCR un mémorandum d’accord, en cours d’amendement. L’adhésion éventuelle à ces instruments est étudiée sérieusement dans le pays et a fait l’objet d’un atelier en 2005. Il s’agit là d’une décision à mûrement réfléchir, compte tenu des intérêts nationaux, de la petite taille du pays et de ses capacités d’intégration limitées.

La séance est levée à 13 h 5.

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