NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.115918 octobre 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-troisième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1159e SÉANCE (Chambre A)

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 11 septembre 2006, à 15 heures

Présidence: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES

Rapport initial du Kazakhstan sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

La séance est ouverte à 15 h 5

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour)

Rapport initial du Kazakhstan sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés [(CRC/C/OPAC/KAZ/1); liste des points à traiter (CRC/C/OPAC/KAZ/1); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/OPAC/KAZ/Q/1/Add.1)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation du Kazakhstan prend place à la table du Comité.

2.Mme JARBUSSYNOVA (Kazakhstan) dit que son pays n’est pas partie à un conflit international et donc que ses ressortissants -adultes comme enfants- ne peuvent être impliqués dans des activités militaires. Le Kazakhstan a néanmoins ratifié en 2001 le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et introduit les principes qui y sont consacrés dans son droit interne.

3.Aux termes de la loi de 2005 sur l’obligation militaire et le service militaire, sont assujettis à la conscription dans les forces armées kazakhes tous les citoyens âgés de 18 à 27 ans. Par ailleurs, le Code des infractions administratives punit la conscription illégale de citoyens, mais la situation ne s’est encore jamais présentée. Par contre, des mesures juridiques visant à interdire l’enrôlement et l’utilisation des personnes âgées de moins de 18 ans ont été définies.

4.L’enrôlement, la formation, le financement ou toute autre forme d’appui matériel, de même que l’utilisation d’un mercenaire pendant un conflit armé ou toute autre opération militaire, sont passibles d’une peine de privation de liberté d’une durée comprise entre quatre et huit ans. S’ils s’accompagnent d’un abus de pouvoir ou s’ils sont commis envers un mineur, les mêmes actes sont passibles d’une peine de privation de liberté d’une durée comprise entre 7 et 15 ans, éventuellement assortie d’une confiscation des biens. Enfin, la participation d’un mercenaire à un conflit armé ou à des opérations militaires est punie d’une peine de privation de liberté d’une durée comprise entre trois et sept ans.

5.Des cours dits de «préparation militaire» sont dispensés dans le cadre de l’enseignement supérieur, à l’occasion desquels les élèves se familiarisent avec les dispositions du Protocole facultatif et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ainsi qu’avec la législation nationale pertinente.

6.D’après les chiffres officiels des services de l’éducation nationale, au début de l’année scolaire 2005/2006, environ 4000 enfants, soit 0,01 % de l’effectif scolaire total du pays, fréquentaient les écoles militaires de tous niveaux et de toutes sortes. On estime que 65 % environ d’élèves sortis de ces écoles deviennent militaires de carrière.

7.Conformément aux lois et règlements en vigueur, l’École militaire «Jas Oulan», [de la jeune garde] accueille des enfants de 12 et 13 ans, et les écoles-internats militaires nationaux - écoles d’enseignement général - des jeunes de 15 et 16 ans, qui ne peuvent cependant pas être enrôlés dans des conflits armés ni participer à des activités de caractère militaire.

8.Une attention particulière est accordée à la diffusion des dispositions du Protocole facultatif, qui prend souvent la forme de tables rondes, conférences et autres séminaires organisés sur le thème de la paix et de la non-violence, de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme international. Les médias jouent un rôle important dans la diffusion de ces principes et participent aux grandes campagnes de sensibilisation à ces questions.

9.Le Kazakhstan est partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son Protocole facultatif de 1967 et a pris en 1996 des décrets pour intégrer dans son droit interne les principes que consacrent ces instruments. En vertu de la législation nationale, les enfants de réfugiés - pour l’essentiel des Tadjiks, des Pachtounes, des Khazars et des Ouzbeks - jouissent du droit à l’éducation au même titre que les enfants kazakhs mais souvent, ce sont leurs parents qui sont réticents à les scolariser et qui préfèrent les faire travailler pour qu’ils contribuent au revenu du foyer. Le Kazakhstan coopère activement avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et les ONG locales et réfléchit à la protection juridique qu’il conviendrait d’apporter aux réfugiés en matière d’éducation.

10.Le PRÉSIDENT demande si des enfants de moins de 18 ans peuvent s’engager dans les forces armées et s’ils peuvent participer à des activités militaires en cas d’urgence, comme certaines sources semblent le sous-entendre.

11.Rappelant les grandes lignes du principe d’extraterritorialité, il souhaite savoir si le recrutement d’un enfant ressortissant d’un pays étranger dans les forces armées kazakhes ou d’un enfant kazakh à l’étranger constitue un crime au regard de la législation de l’État partie et si ce dernier peut émettre un mandat d’arrêt international contre la personne responsable du recrutement de l’enfant.

12.Le Président demande en outre si, pendant l’examen de sa demande de statut de réfugié, un ressortissant étranger peut prétendre à un statut particulier, par exemple à un droit de séjour temporaire qui lui permettrait de résider légalement dans le pays et d’y chercher un emploi pour subvenir à ses besoins.

13.M. SIDDIQUI voudrait savoir si une étude a été menée par les autorités compétentes sur le nombre important de décès et de suicides dans les écoles militaires, qui semblent liés aux mauvais traitements infligés aux internes, et si l’État partie envisage de changer le règlement de ces établissements qui autorise actuellement des jeunes âgés de 16 à 18 ans à manipuler des kalachnikovs.

14.M. KOTRANE demande dans quelle mesure le Protocole facultatif peut être invoqué directement par les tribunaux s’il n’a pas été intégré au droit interne et si le Kazakhstan envisage de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

15.M. KRAPPMANN, notant que les mécanismes d’évaluation périodique de l’état d’avancement de l’application du Protocole facultatif ne sont déployés qu’en partie (par. 4 du rapport), demande si des mesures sont prises pour remédier à cette situation. Par ailleurs, il souhaiterait savoir combien d’enfants réfugiés sont des victimes de conflits armés et quelles mesures sont prises pour aider ces enfants à surmonter les traumatismes qu’ils ont vécus et favoriser leur réussite scolaire, notamment s’agissant de l’accès aux manuels scolaires. Il voudrait aussi savoir ce qu’il est advenu du projet de loi sur les réfugiés qui a été présenté au Parlement puis retiré. Enfin, il demande si les élèves sortant de l’École militaire nationale «Jas Oulan» sont poussés à embrasser la carrière militaire et s’ils sont privilégiés à cet égard par rapport aux enfants qui ont fréquenté les écoles secondaires ordinaires.

16Mme LEE souhaiterait de plus amples informations sur l’aide matérielle accordée aux enfants réfugiés ainsi que sur la formation professionnelle du personnel s’occupant de ces enfants. En outre, elle voudrait connaître le nombre d’enfants au Kazakhstan scolarisés dans une école-internat militaire.

17.Mme OUEDRAOGO, lisant dans les réponses écrites que toute infraction aux droits des élèves est examinée «de la manière prescrite par la loi» (p. 3), prie la délégation de préciser si ladite loi est conforme à la Convention. Elle voudrait en outre savoir si le règlement des écoles-internats militaires autorise les élèves à dénoncer d’éventuels mauvais traitements qui leur seraient infligés à titre de sanctions.

18.Mme ORTIZ, relevant dans le rapport que les élèves de l’école militaire «Jas Oulan» reçoivent un enseignement sur les droits de l’homme, demande quelle est la méthode utilisée pour enseigner cette matière et s’il s’agit d’un cours à part entière.

19.M. KOTRANE souhaiterait des précisions sur l’origine sociale et la situation économique des enfants inscrits dans l’école militaire Jas Oulan. Jugeant prématuré que les enfants y soient admis dès 11 ans, étant donné la vocation militaire de cet établissement, il se demande si l’État partie pourrait porter l’âge d’admission à 15 ans.

La séance est suspendue à 15 h 45; elle est reprise à 16 h 5.

20.Mme JARBUSSYNOVA (Kazakhstan) indique qu’en vertu de la législation kazakhe, les personnes de moins de 18 ans ne peuvent pas être appelées sous les drapeaux, même en situation d’urgence, et qu’aucune violation de ce principe n’a été signalée à ce jour. En outre, le recrutement de mineurs dans des forces armées constitue une infraction pénale même lorsque les faits se produisent hors du territoire kazakh.

21.Concernant les non-ressortissants qui n’ont pas le statut de réfugié, elle indique que les nombreux réfugiés tchétchènes qui ont fui au Kazakhstan ne peuvent pas y demander l’asile car, en vertu des accords de Minsk, les ressortissants d’un pays de la Communauté des États indépendants (CEI) ne peuvent pas obtenir le statut de réfugié dans un autre État membre de la CEI. En revanche, ils ont droit à un permis de séjour provisoire de trois mois renouvelable autant de fois qu’ils le souhaitent.

22.En ce qui concerne les éventuels cas de violations commises dans les écoles-internats militaires, l’oratrice indique que, d’après les statistiques officielles, aucun incident de ce type n’a été signalé depuis 2004. Quant aux cours sur le maniement des armes à feu dispensés dans ces écoles aux élèves dès l’âge de 16 ans, elle souligne qu’ils sont purement théoriques et ne comportent pas d’exercices de tir.

23.Par ailleurs, le Protocole facultatif n’est pas cité nommément dans la législation interne car, comme le Kazakhstan a adhéré à un grand nombre d’instruments internationaux, le législateur a jugé préférable de renvoyer à ces instruments en général, plutôt que de les citer individuellement. La raison pour laquelle le Kazakhstan n’a pas encore adhéré au Statut de Rome est que sa législation doit encore être adaptée afin que le Parlement puisse ratifier cet instrument. Le Ministère des affaires étrangères s’emploie actuellement, en collaboration avec les ministères compétents, à atteindre cet objectif.

24.S’agissant des mécanismes et procédures d’évaluation périodique de l’état d’avancement de la mise en œuvre du Protocole facultatif, il a été jugé nécessaire de diffuser plus largement cet instrument ainsi que la Convention et, à cette fin, une étude a été lancée afin de déterminer dans quelle mesure la population kazakhe connaît les dispositions du Protocole facultatif et de la Convention.

25.D’après les statistiques établies en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, on dénombre 248 enfants réfugiés au Kazakhstan, qui proviennent du Tadjikistan, d’Afghanistan et d’Ouzbékistan et ont vraisemblablement été directement ou indirectement touchés par un conflit armé. Tous ces enfants jouissent des mêmes droits que les enfants kazakhs en matière d’accès aux services de santé et à l’éducation et, en particulier, ils reçoivent les manuels scolaires gratuitement. Depuis le 1er juillet 2006, tous les enfants ont droit à une allocation quel que soit leur statut. Actuellement, le Ministère du travail et de la protection sociale examine la possibilité d’instaurer une aide aux réfugiés ainsi que toute une série d’autres questions. C’est pour cette raison que le projet de loi sur les réfugiés a été retiré. En effet, le Gouvernement doit régler ces questions et mettre la dernière main à ce projet avant de le soumettre au Parlement.

26.Depuis 2004, les établissements primaires et secondaires ont des assistants sociaux et psychologues offrant des consultations individuelles aux enfants qui ont vécu des traumatismes. La formation de ces personnels est assurée par l’Institut supérieur de pédagogie. Enfin, il existe au Kazakhstan un mécanisme impartial chargé d’examiner les plaintes déposées par les enfants, leurs parents ou leur tuteur et cet organe est conforme aux principes consacrés dans la Convention.

27.Mme ORTIZ souhaiterait obtenir un complément d’information sur l’école «Jas Oulan». Elle voudrait savoir pourquoi cette école, qui accueille des enfants dès l’âge de 11 ans, est placée sous la tutelle des forces armées et pourquoi les élèves sont encouragés à mener une carrière militaire.

28.Mme JARBUSSYNOVA (Kazakhstan) explique que l’École militaire nationale «Jas Oulan» a été créée par le Ministère de la défense afin de venir en aide aux enfants dont le père est décédé alors qu’il accomplissait son devoir militaire. La vocation première de cet établissement, entièrement subventionné par l’État, est d’offrir à ces enfants une instruction de qualité jusqu’au niveau secondaire. Cette école n’a pas pour objectif la préparation aux arts de la guerre mais un enseignement général approfondi, qui met l’accent sur l’éducation physique. Les élèves sortant de cette école n’ont aucune obligation d’entrer dans une académie militaire et ceux qui ont fréquenté un établissement secondaire ordinaire ont accès comme eux à une formation militaire supérieure. Le concours d’entrée est difficile, seul un candidat sur trente étant retenu chaque année. S’agissant des raisons pour lesquelles les élèves choisissent d’entrer dans l’année, il est compréhensible qu’un enfant élevé dans une famille où le père, militaire, est mort durant son service, ait envie de faire une carrière militaire pour honorer la mémoire de son père. L’école relève effectivement du Ministère de la défense. Les programmes scolaires sont élaborés en concertation avec ce Ministère et ils sont ensuite approuvés par le Gouvernement.

29.Mme OUEDRAOGO aimerait avoir des éclaircissements sur les mécanismes de dépôt de plainte accessibles aux enfants. Elle voudrait en outre savoir si, dans les écoles militaires, les enfants peuvent porter plainte pour des cas de violation de leurs droits.

30.Mme JARBUSSYNOVA (Kazakhstan) dit que les élèves des écoles militaires ont comme les élèves des autres écoles la possibilité de porter plainte. Les plaintes peuvent être déposées par eux, à titre individuel, ou par leurs parents ou leur tuteur si l’enfant est orphelin et ce, conformément aux normes de la Convention sur les droits de l’enfant. Elles peuvent être présentées aux organes du Ministère de l’éducation nationale ou à un mécanisme spécial pour les enfants. Une ligne téléphonique a été mise en place à cet effet. En outre, dans le cadre des structures des droits de l’homme, il existe un bureau consacré aux enfants. Le Gouvernement collabore également avec des organisations internationales en vue de créer un poste de médiateur pour les enfants. Enfin, depuis janvier, il existe au sein du Ministère de l’éducation un Comité de protection des droits de l’enfant qui vient en aide aux enfants dont les droits ont été bafoués.

31.Le PRÉSIDENT demande des précisions sur le nombre d’écoles militaires.

32.Mme JARBUSSYNOVA (Kazakhstan) répond qu’il y a une seule école militaire nationale «Jas Oulan» et trois écoles-internats militaires.

33.Mme LEE demande en quoi consiste la formation militaire intensive que reçoivent les enfants.

34.Mme JARBUSSYNOVA (Kazakhstan) explique que la formation militaire intensive consiste en des cours d’éducation physique.

35.M. KOTRANE demande si les normes disciplinaires appliquées à l’école «Jas Oulan» sont de nature militaire.

36.Mme JARBUSSYNOVA (Kazakhstan) indique que cette école dispose de règles de discipline internes mais qu’il ne s’agit pas d’une discipline militaire.

37.Le PRÉSIDENT demande si le Kazakhstan envisage de régulariser la situation des ressortissants étrangers qui ne peuvent pas retourner dans leur pays pour des raisons d’insécurité mais qui ne jouissent cependant pas du statut de réfugié dans l’État partie.

38.Mme JARBUSSYNOVA (Kazakhstan) explique qu’il existe déjà un mécanisme pour les personnes qui ne peuvent pas obtenir de statut de réfugié en vertu des accords de Minsk. Elles doivent s’adresser aux services de la Présidence de la République et faire une demande particulière en vue de régulariser leur situation au Kazakhstan et d’obtenir la nationalité kazakhe.

39.Mme OUEDRAOGO demande si le service militaire est toujours obligatoire ou si la loi sur le service national civil est désormais en vigueur. Elle se dit préoccupée par le nombre élevé de suicides parmi les appelés.

40.M. TIMOSSHENKOV répond qu’en 2005, deux lois ont été adoptées sur l’obligation militaire et le service militaire, qui ont annulé l’ancienne loi. Le service militaire se fait désormais sur la base de la conscription ou de l’engagement volontaire. Au total, 65 % des membres des forces armés sont des volontaires. En ce qui concerne les suicides, il s’agissait de militaires professionnels. Les adolescents, qui ne sont pas assujettis à la conscription, ne sont pas concernés par ce phénomène.

41.Le PRÉSIDENT remercie les membres de la délégation kazakhe pour les explications données sur la façon dont le Protocole facultatif est mis en œuvre dans l’État partie. Il informe la délégation kazakhe que le Comité va formuler des observations finales qui seront rendues publiques à l’issue de la session en cours.

La séance est levée à 16 h 55.

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