COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT
Cinquantième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1385 e SEANCE*
Tenue au Palais Wilson, Genève,
le mercredi, 21 janvier 2009, à 15 heures.
Présidente: Mme LEE
SOMMAIRE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES ( suite)
Deuxième rapport périodique de la République démocratique du Congo (suite)
Le présent compte rendu est sujet à rectifications.
Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève. Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.
Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.
GE.09-4033 5 (EXT)
La séance est ouverte à 15 h 5.
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)
Deuxième rapport périodique de la République démocratique du Congo (CRC/C/COD/2, CRC/C/COD/Q/2 et Add.1) (suite)
Sur l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation reprennent place à la table du Comité.
M. KOTRANE dit que, conformément au Rapport du Secrétaire général relatif aux enfants et aux conflits armés en République démocratique du Congo (S/2008/693), le nombre de cas allégués de violations graves commises à l’encontre d’enfants a diminué grâce à l’amélioration de la sécurité dans de nombreux domaines. Toutefois, malgré la signature d’actes d’engagement, de telles violations continuent d’être signalées, dont 63 pour cent sont attribués aux groupes Mayi-Mayi, aux milices et aux éléments armés étrangers. Les membres des forces de sécurité congolaises, forces armées et police notamment, sont responsables pour 29 et 8 %, respectivement, des cas avérés. On estime à 3500 au moins le nombre d’enfants présents dans les groupes armés. En dépit des rapports selon lesquels les forces armées nationales ont cessé de recruter des enfants, elles en comptent encore dans leurs rangs. Il demande quelles sont les mesures adoptées par le Gouvernement pour interdire l’enrôlement des enfants.
Des documents d’identité peuvent être obtenus relativement facilement pour les enfants réfugiés qui sont ensuite intégrés aux groupes des minorités nationales. On sait que de graves violations des droits de l’enfant sont commises dans les camps de réfugiés.
Les auteurs supposés de viols sur des enfants sont provisoirement relâchés par les autorités chargées de leur poursuite au pénal, initiative critiquée par les ONG et les observateurs internationaux. Le fait que cela se produise, malgré la législation relative à la violence sexuelle adoptée en 2006, pose la question de l’impunité.
Au paragraphe 223 de son deuxième rapport périodique, le Gouvernement a admis que les arrestations de nombreux enfants ne sont pas enregistrées et il demande ce qu’il advient de ces enfants et la manière dont le Gouvernement prévoit de remédier à la situation.
M. CITARELLA signale que la nouvelle législation promulguée le 10 janvier 2009 prévoit la création d’un système de justice des mineurs doté de tribunaux distincts; il s’interroge cependant quant à l’existence de ressources suffisantes, à la fois financières et humaines, pour y parvenir et dans l’affirmative, il demande combien de temps prendra la mise en pratique de la nouvelle loi. Beaucoup d’enfants sont détenus pendant de longues périodes, en attente du jugement de leur cas. Il souhaite que le Comité dispose d’une copie de la nouvelle législation.
Mme AIDOO dit qu’avec l’expansion et l’évolution des sociétés, celles-ci reconsidèrent leurs pratiques traditionnelles et elles les modifient ou les abolissent si nécessaire. Le Comité invite tous les États parties à mettre un terme aux pratiques traditionnelles nuisibles, conformément à l’article 24 de la Convention et, dans le cas des pays africains, notamment de la République démocratique du Congo, de l’article 21 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant. La pratique de la mutilation génitale féminine (MGF) et des mariages forcés,notamment au sein de la famille élargie, se poursuit, en dépit des peines prévues à cet égard par la législation. Elle s’interroge sur l’existence de poursuites pénales éventuelles dans les zones rurales ou urbaines, et sur la connaissance de la législation par les familles, les animateurs de la communauté et les enfants. Elle demande quels sont les résultats obtenus par le Comité national de lutte contre les pratiques traditionnelles nocives et la mutilation génitale féminine et s’il existe un comité gouvernemental ou un partenariat entre Gouvernement et ONG. Certains indices donnent à penser qu’ils ne sont que virtuels et qu’aucune mesure réelle n’a été adoptée. Compte tenu de la législation existante, quelle mesure complémentaire le Gouvernement peut-il adopter pour éliminer les pratiques traditionnelles nocives et renforcer la protection de l’État vis-à-vis des droits des enfants?
Tel que noté dans le rapport de l’État partie, le problème des enfants accusés de sorcellerie atteint des proportions alarmantes, en particulier dans les zones urbaines. Une grande part des enfants des rues ont été séparés de leurs parents suite à des accusations de sorcellerie, qui de manière troublante, sont souvent formulées par les parents. Les enfants sont souvent contraints d’entrer dans des centres confessionnels où les pasteurs les soumettent à des traitements durs et dégradants, notamment au manque de nourriture, sous prétexte de les exorciser. De tels actes ne devraient pas se poursuivre si l’État partie s’engage à protéger les droits des enfants et elle demande ce que fait le Gouvernement pour mettre un terme à ces pratiques. Bien que la croyance dans la sorcellerie relève d’une conception traditionnelle du monde, elle n’explique en rien des phénomènes objectifs, tels la pauvreté, les maladies infantiles et les décès liés au VIH-SIDA. Que fait le Gouvernement pour enseigner aux parents, aux chefs religieux et aux animateurs de la communauté les causes des problèmes précédemment mentionnés et pour souligner que ceux-ci n’ont aucun rapport avec la sorcellerie? Le Gouvernement a-t-il une stratégie de dialogue avec les chefs religieux en question? A-t-il envisagé d’engager un conseiller spécial pour étudier le problème qui semble se répandre?
La PRÉSIDENTE signale l’existence d’une coutume dans la province du Bas-Congo selon laquelle une nièce est contrainte d’épouser son oncle, pratique qui implique souvent des filles prépubères. S’agissant du programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration, on estime que des milliers d’enfants ont fui les forces armées, sans être officiellement démobilisés. Selon les rapports, seuls 12 % des enfants démobilisés sont des filles, bien qu’elles représentent 40 % des recrues. Les commandants ne s’estiment pas tenus de libérer les filles car ils les considèrent comme les « épouses » des chefs. Elle demande quelle est la stratégie du Gouvernement à cet égard.
M. UPIO KAKURA (République démocratique du Congo) souligne que les forces armées nationales ont pris des mesures pour faire sortir les enfants de leurs rangs et l’on espère que, dans le cadre de la rédaction des accords de paix, le Gouvernement sera en mesure d’agir contre les autres groupes armés. Les incidents avérés qui sont intervenus dans l’est du pays pourront être rapportés au Procureur du Tribunal pénal international et le Gouvernement presse instamment le Haut Commissaire aux droits de l’homme de continuer à envoyer des rapporteurs pour décrire plus amplement la situation et traduire ainsi les responsables devant la justice. Les membres des forces armées impliqués dans des actes de mauvais traitements à l’encontre de femmes et d’enfants à Goma en août 2008 ont été poursuivis et des peines sévères ont été prononcées.
Suite à une affaire dans laquelle le suspect d’un cas de viol avéré avait été relâché sous caution, trois magistrats ont été suspendus de leurs fonctions, arrêtés et jugés. Le manque de magistrats, en particulier dans les régions rurales, entraîne un retard entre le moment où un délit est commis et le procès qui s’ensuit. Pour remédier à une telle situation, le Gouvernement, avec l’aide de ses partenaires, a créé des “audiences foraines”. Le Parlement étudie d’autres réformes du système judiciaire, telles l’octroi de pouvoirs élargis aux tribunaux de police locaux pour leur permettre de juger les cas de violence sexuelle.
Mme KHATTAB (Rapporteuse de pays) demande si les poursuites évoquées plus haut et engagées contre les magistrats ont été rendues publiques, car elles ont un effet très dissuasif.
M. UPIO KAKURA (République démocratique du Congo) signale que le Ministre de la justice a annoncé les mesures adoptées et s’est rendu dans les bureaux du procureur à Kinshasa pour attirer l’attention des magistrats sur le degré de tolérance zéro du Gouvernement en matière d’impunité. Les médias ont également été officiellement informés de l’affaire. Il fournira une copie du Journal officiel du 12 janvier 2009 qui contient le texte de la législation relative à la violence sexuelle.
S’agissant de la stratégie de mise en place du programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR), il remercie la communauté internationale pour son soutien financier et affirme que tant qu’il y aura des conflits armés dans la région, les enfants y seront toujours impliqués, car il y a des zones du pays hors de portée du Gouvernement. Il espère toutefois qu’avec la collaboration des États voisins, tels le Rwanda et l’Ouganda, le conflit dans le nord-est de la République démocratique du Congo prendra fin. Des mesures complémentaires et une coopération accrue s’imposent pour permettre un règlement rapide de la situation.
Mme KHATTAB (Rapporteuse de pays) demande ce que fait le Gouvernement pour améliorer son système de collecte de données.
M. PARFITT souhaite savoir si l’accord bilatéral avec l’Ouganda concerne le recrutement ou l’enlèvement des soldats en République démocratique du Congo par la “Lord resistance army” (LRA).
La PRÉSIDENTE demande comment, compte tenu du faible taux de déclarations desnaissances,le Gouvernement garantit que les enfants enlevés ou recrutés par les forces armées et les milices ne sont pas oubliés.
M. UPIO KAKURA (République démocratique du Congo) dit que le Gouvernement admet les carences du système de déclaration des naissances et qu’il s’emploie à les corriger. Dans un pays sortant d’un conflit et dans lequel de nouveaux conflits se déclarent, il doit relever de nombreux défis. Des campagnes d’éducation sont menées afin d’encourager les parents à déclarer leurs enfants. Chaque ministère collecte des données dans son domaine et le Conseil national des enfants, qui compte des représentants de l’Institut national de statistiques, est responsable de l’harmonisation. Le Gouvernement met en œuvre une série étendue de réformes du secteur public, et toute aide pour améliorer le système de collecte des données sera la bienvenue.
Il a y eu des cas d’enlèvements d’enfants dans le nord-est du pays, mais aucune information confirme que ces enfants auraient traversé la frontière. On croit savoir que la LRA est basée près de la frontière et n’est pas passée au Soudan ou en République centrafricaine.
Mme LUKIANA MUFWANKOLO (République démocratique du Congo) signale que la violence sexuelle à l’encontre des enfants est une réalité, en particulier dans l’est du pays, dans les régions minières et les grandes zones urbaines. Certaines victimes n’ont que quelques mois, notamment dans les zones de conflit. Au nombre des terribles conséquences de la violence sexuelle figurent l’infection par le VIH/SIDA et les invalidités physiques. Le Gouvernement, en collaboration avec ses partenaires de développement et avec les ONG, a donc décidé de faire de la lutte contre la violence sexuelle à l’encontre des femmes et des enfants une priorité nationale. Des conditions de vie médiocres pour les femmes ont une incidence directe sur la protection des droits des enfants.
Quatre domaines d’intervention ont été déterminés et un plan d’action a été établi. Tout d’abord, de grandes campagnes ont été organisées pour une meilleure prise de conscience du problème. Des femmes de différents horizons se sont réunies pour publier une déclaration sur la violence sexuelle et elles ont organisé une pétition qui a recueilli près d’un million de signatures. Une marche contre la violence sexuelle impliquant quelque 150 000 femmes et enfants a été effectuée. Des spots télévisés ont été produits. La dernière campagne, lancée en association avec la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC), concernait la prostitution enfantine.
En second lieu, plusieurs ministres, avec l’aide des partenaires en développement et des ONG, travaillent ensemble à renforcer la législation intérieure et à établir des programmes pour lutter contre l’impunité. Troisièmement, les mécanismes de protection des enfants et des femmes sont renforcés. Des travaux préparatoires sont en cours pour permettre au Conseil national pour les enfants de ne plus être un simple organe symbolique, mais d’agir en tant que défenseur des enfants pleinement opérationnel jusqu’au niveau local. Il joue actuellement un rôle consultatif et fournit un espace de dialogue entre le Gouvernement, les ONG et les partenaires en développement qui servent d’observateurs.
Mme KHATTAB (Rapporteuse de pays) s’interroge quant à la réelle nécessité d’un Conseil national pour les enfants, compte tenu des attributions du Ministère du genre, famille et enfants. Quel est le degré de coopération entre le Ministère des droits humains et le Ministère du genre famille et enfants, et de quelle manière le Conseil s’inscrira-t-il dans cette relation?
M. FILALI (Rapporteur de pays) demande si le fait que les ONG aient un rôle d’observateur dans le Conseil signifie qu’elles ne peuvent y participer activement ou voir leurs programmes pris en considération?
Mme ORTIZ demande pourquoi le Conseil national, les conseils provinciaux et les conseils locaux n’ont pas travaillé auparavant et quelles sont les mesures prises pour assurer qu’ils le font à présent.
Mme LUKIANA MUFWANKOLO (République démocratique du Congo) dit que le Conseil national pour les enfants est nécessaire car il s’agit d’un organe multilatéral, alors que le Ministère implique uniquement le Gouvernement, et qu’il est plus efficace d’agir en partenariat au sein d’un cadre participatif. Les ONG nationales qui travaillent sur les questions d’enfants sont membres du Conseil, tandis que les partenaires en développement, tel le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), sont admis en temps qu’observateurs pour permettre au Gouvernement de tirer profit de leurs compétences. Les conseils locaux sont nécessaires pour régler des questions qui sinon seraient négligées; ils facilitent la collecte des données relatives à la population locale et sont mieux placés pour communiquer l’information et aider les individus à défendre leurs propres droits.
Mme KHATTAB (Rapporteuse de pays) demande de quelle manière le Gouvernement habilite-t-il les provinces à agir au niveau local, car il semble qu’il leur en ait confié la mission mais pas les ressources nécessaires.
Mme LUKIANA MUFWANKOLO (République démocratique du Congo) signale que les difficultés auxquelles fait face la République démocratique du Congo sont si nombreuses qu’il est important de travailler à chaque niveau dans tout le pays avec l’aide des partenaires internationaux; la volonté politique est essentielle. Le Gouvernement espère élaborer une stratégie optimale qui prenne en considération les situations existantes; la pauvreté est le problème le plus urgent à résoudre.
En République démocratique du Congo, les fonctionnaires constituent le groupe le plus important de salariés; leur salaire mensuel, bien qu’encore très faible est passé de 2$E.U. en 2001 à 68$E.U. en 2008. Le Gouvernement est déterminé à traiter progressivement la pauvreté et ses nombreuses conséquences néfastes.
Le Gouvernement s’efforce également de créer pour les enfants un programme de services sociaux de proximité et au niveau local. Les orphelinats relèvent toutefois généralement d’initiatives privées. Le Gouvernement en assure le contrôle avec l’aide de l’UNICEF. Il n’y a qu’un seul orphelinat public; il faudra parvenir à une décision politique en vue d’en créer de nouveaux. Le pays manque également de centres de protection infantiles et de centres sociaux. Des centres d’aide juridique sont actuellement mis en place.
Des ONG confessionnelles contribuent à mettre en œuvre des programmes destinés aux enfants accusés de sorcellerie. En outre, une large gamme de mesures proposées par les ONG chargées du développement, les ONG confessionnelles, les organisations de femmes et les organisations consacrées aux orphelinats et autres enfants vulnérables, sont examinées actuellement par l’Assemblée nationale, et jouissent amplement du soutien des membres du Gouvernement.
Un fonds destiné à la protection des enfants et de la famille a été créé, de même qu’une agence pour lutter contre la violence sexuelle dont le but consiste à fournir aux victimes de meilleurs soins et une indemnisation. Des mesures ont également été adoptées pour donner davantage d’autonomie aux femmes et aux familles.
Toutefois, les problèmes des enfants subsisteront si l’on ne restaure pas la paix et l’unité du pays et si l’on n’élimine pas les bandes armées. Le Ministère du genre, famille et enfants a demandé au Ministère de la justice de classer les crimes de violence sexuelle de masse perpétrés au Congo parmi les crimes contre l’humanité, de manière à ce qu’ils ne soient pas soumis à une loi de prescription; le Ministère de la justice a accepté.
Le Ministère du genre famille et enfants a également demandé la tenue de procès publics pour de tels crimes, en tant que mesure dissuasive. Quelques auteurs de viols sont déjà en prison. Des efforts sont également faits pour identifier les chefs de bandes ou de sections; il est souvent possible d’identifier le groupe responsable d’un crime, mais non ses auteurs en tant qu’individus. Le Ministère s’efforce d’améliorer l’indemnisation des victimes, avec l’aide du Ministère de la Justice.
S’agissant de la question difficile des enfants dans les régions minières, elle signale que quelques initiatives ont déjà été adoptées en conjonction avec l’Organisation internationale du travail (OIT), l’UNICEF et d’autres organisations internationales pour enfants. Des financements ont été obtenus et l’accent a été plus particulièrement porté sur la réintégration des enfants dans les écoles et les familles, en particulier dans la province de Katanga. Le Code du travail s’attaque aux pires formes de travail des enfants, et un comité national de surveillance et de mise en œuvre a été créé.
En ce qui concerne la question des enfants des rues, elle dit que le Gouvernement a tenté, en collaboration avec les ONG de développement, de transférer les enfants des rues vers d’autres provinces, de manière à ce qu’ils soient moins tentés de retourner vivre dans la rue. Il s’agit-là d’une approche très controversée; le Ministère du genre, famille et enfants privilégie les mesures centrées sur la réinsertion sociale. Enfin, elle souligne que le Gouvernement s’engage à s’atteler au problème des enfants accusés de sorcellerie et qu’il centre ses efforts sur les pasteurs des églises.
M. FILALI (Rapporteur de pays) est d’avis que l’État partie doit de toute urgence prendre à la fois des mesures à court et à long terme pour mettre un terme au travail des enfants dans les mines, notamment en accordant un financement aux familles pour permettre aux enfants d’aller à l’école. Il a été profondément préoccupé d’apprendre que la moitié seulement des enfants de la République démocratique du Congo allaient à l’école, et que celle-ci était souvent un lieu de recrutement pour les groupes armés.
La PRÉSIDENTEsouligne que le travail des enfants et l’absence d’enseignement gratuit sont des problèmes connexes.
Mme KHATTAB (Rapporteuse de pays) estime qu’il serait peut-être préférable de renvoyer les enfants dans leurs familles plutôt que de les déplacer vers d’autres provinces, et elle demande si l’on envisage de réhabiliter les familles dans leur rôle. Elle suggère au Gouvernement la création d’une ligne d’assistance téléphonique gratuite pour les enfants, avec l’aide de Child Helpline International. Elle demande en outre si le Gouvernement a songé à créer des programmes d’éducation à la paix et s’il existe des cas de violations des droits des enfants par les personnes chargées du maintien de la paix.
Mme ORTIZ signale que le Comité aimerait connaître le nombre d’enfants orphelins en République démocratique du Congo et le nombre d’orphelinats.
M. PARFITT demande si le Gouvernement envisage des formes alternatives de soins destinés aux orphelins et aux enfants des rues, telles les familles d’accueil et les soins dispensés par la famille élargie, si la famille proche n’est pas en mesure de les assurer.
Mme AIDOO s’interroge sur l’existence d’une loi nationale interdisant les accusations de sorcellerie et l’endoctrinement des enfants dans les églises. Elle souhaite en outre savoir comment sont traités les parents qui accusent leurs enfants de sorcellerie.
La PRÉSIDENTE estime que le Gouvernement compte trop sur la contribution des ONG et autres organisations; il convient de rappeler que la mise en œuvre des droits des enfants relève de la responsabilité de l’État partie.
Mme LUKIANA MUFWANKOLO (République démocratique du Congo) dit que la crise actuelle dans le pays a débuté avec la dictature de la Seconde République. En l’absence de toute autre assistance, la population à pris des initiatives et créé ainsi elle-même des programmes de services et de soins. Le Gouvernement sait gré aux ONG qui souvent emploient leurs fonds propres ou sont soutenues par les organisations internationales; il en subventionne certaines, directement ou indirectement.
S’agissant de la question du travail des enfants, elle signale que le Comité national de lutte contre les pires formes de travail des enfants, créé en 2008, vient de débuter la mise en œuvre de son programme d’action. Il s’efforce, avec l’aide de l’UNICEF, d’ouvrir des écoles locales dans les régions minières et d’assurer que les enfants les fréquentent. D’autres programmes s’attachent aux activités génératrices de revenus pour les familles, dans une optique de maintien des enfants à l’école.
Comme dans le cas des enfants des rues, elle signale que le Gouvernement cherche d’abord et avant tout à renvoyer les enfants dans leurs familles. Quand cela se révèle impossible, des formes alternatives de soins sont envisagées. Elle apprécie beaucoup l’idée de création d’une ligne d’assistance téléphonique pour les enfants. Des centaines d’enfants s’adressent aux ministères pour y chercher secours, avec l’aide des ONG; une ligne téléphonique pourrait être une solution pratique.
Suite à la guerre, beaucoup d’enfants ont perdu leurs parents et le Gouvernement doit impérativement créer des orphelinats. Fin 2008, le Ministère du genre, famille et enfants a envoyé des représentants dans les orphelinats pour évaluer les conditions en présence et proposer des conseils et des lignes directrices. Il n’a pu atteindre toutes les régions du pays, mais espère être plus efficace à l’avenir.
Il existe en fait une législation relative aux enfants accusés de sorcellerie et un nouveau projet de loi sur ce sujet, actuellement devant le Parlement, doit fournir une approche rigoureuse du problème.
En outre, les initiatives de sensibilisation et d’éducation à la paix, financées par le Gouvernement et les partenaires de développement, ont été lancées dans l’optique de redonner espoir aux enfants, mais la seule solution durable sera le rétablissement de la paix. Des milliers de femmes ont fait appel à la solidarité internationale pour éliminer les bandes armées dans la partie orientale du pays, contre lesquelles le Gouvernement est sans moyen d’action.
L’insécurité et la violence dans la partie est du pays ont débuté avec la création du couloir humanitaire établi dans le cadre de l’ « Opération turquoise », et ont entraîné une déstabilisation complète de la région, une destruction des ressources naturelles, un génocide, des violences sexuelles et des actes de cruauté effroyables, avec des milliers de femmes handicapées à vie et des fillettes de 12 ans enceintes de leurs violeurs.
L’armée congolaise est en cours de réintégration et aura besoin de temps avant de devenir une force cohésive. Les femmes et les enfants congolais lancent donc un appel à la solidarité internationale. Ils demandent la réouverture du couloir humanitaire pour permettre aux rwandais et aux autres réfugiés qui vivent actuellement dans la région de retourner chez eux dans de bonnes conditions de sécurité. Mme Lukiana Mufwankolo propose que les Rwandais puissent bénéficier de l’aide d’une mission des Nations unies, telle la MONUC, et la tenue de négociations entre Rwandais. Les bandes armées restent en République démocratique du Congo car elles ne peuvent rentrer au Rwanda; cette situation ne doit pas être tolérée indéfiniment. Elle ajoute qu’elle est profondément reconnaissante au Comité pour le dialogue engagé.
Mme KHATTAB (Rapporteuse de pays) dit que selon le paragraphe 8 des réponses écrites (CRC/C/COD/2/Q/Add.1), 176 000 $E.U. ont été attribués aux ONG en 2008; elle souhaite savoir s’il s’agissait d’un versement non récurrent ou d’un budget annuel. Elle aimerait également savoir quel pourcentage de la totalité du budget social ce chiffre représente.
M. UPIO KAKURA (République démocratique du Congo) signale que le budget de l’État est modeste par rapport aux besoins du pays. Le Gouvernement est néanmoins déterminé à accroître la part de ses ressources destinée aux programmes sociaux. Il est souvent difficile à un ministère d’obtenir les fonds nécessaires auprès de l’État. Les demandes de financement des ONG ne peuvent être toujours satisfaites. En fait, plus de 250 ONG travaillent au problème des enfants séparés de leur famille; beaucoup reçoivent des subventions directes comme des formes d’aide indirectes, tels des allégements fiscaux.
Le nouveau Code de protection de l’enfant prévoit, à l’encontre des parents qui accusent leurs enfants de sorcellerie, des sanctions pénales qui impliquent une forte amende ou 3 ans d’emprisonnement. Le Code a déjà été adopté et il incombe aux juges de le faire respecter.
Mme AIDOO demande si les enfants pourront invoquer la loi à l’encontre de leurs parents qui les accusent de sorcellerie, ou à l’encontre des pasteurs qui les ont trompés à des fins d’exorcisme.
M. UPIO KAKURA (République démocratique du Congo) signale que le nouveau Code de protection de l’enfant contient une définition partielle de la torture, applicable aux enfants. Une définition plus large figure dans le projet de loi actuellement devant le Parlement. Les enfants accusés de sorcellerie peuvent chercher de l’aide auprès des ONG, par l’intermédiaire des ministères ou des autorités judiciaires. Le Code prévoit la création de tribunaux pour enfants; ceux-ci n’étant pas encore instaurés, les cas impliquant des enfants sont encore entendus par les tribunaux classiques ou par les juges de paix.
Les enfants sont de mieux en mieux informés de leurs droits et certains ont de fait contribué à élaborer le rapport adressé au Comité des droits de l’enfant.
M. FILALI (Rapporteur de pays), note que le Code pénal ne contient aucune définition de la torture et il demande donc si le projet de législation qui inclut une définition de la torture recourt à celle contenue dans la Convention relative à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou si cette définition est simplement associée à d’autres définitions de la violence. Il souhaite savoir en particulier si l’État partie envisage de prendre en considération la torture en tant que crime distinct.
M. UPIO KAKURA dit que l’intention est effectivement de pénaliser la torture en elle-même, en tant que crime distinct; elle n’est actuellement considérée que comme une circonstance aggravante. Toutefois, le nouveau Code de protection de l’enfant définit spécifiquement la torture comme une souffrance mentale ou physique infligée intentionnellement dans le but d’obtenir des informations. Le projet de loi soumis actuellement au Parlement qui ratifie la Convention contre la torture inclut la définition contenue dans cet instrument
Mme LUKIANA MUFWANKOLO (République démocratique du Congo) signale que le Gouvernement, en consultation avec la MONUC, a établi un programme pour sensibiliser davantage le personnel de la MONUC aux problèmes de violence sexuelle et de prostitution enfantine. Le Gouvernement a réclamé l’application de peines judiciaires et non de simples sanctions administratives à l’encontre de tout membre du personnel de la MONUC coupable de tels actes. Compte tenu des énormes difficultés qu’affronte le pays, ce que l’on attend de la communauté internationale est l’élaboration d’un vaste programme de reconstruction semblable au Plan Marshall; les efforts du seul Gouvernement congolais n’y suffiront pas.
La séance est suspendue à 16 h 30 et est reprise à 16 h 55.
M. UPIO KAKURA (République démocratique du Congo) signale que comme le concept congolais de la famille est plutôt large, lorsque des enfants doivent être pris en charge , leurs familles élargies sont souvent tout-à-fait disposées à s’occuper d’eux, mais qu’il ne faut pas confondre de telles pratiques avec des adoptions officielles. La nouvelle loi relative à la protection de l’enfant et le Code de la famille ont établi des règles relatives à l’adoption proprement dite.
Mme ORTIZ demande si le Gouvernement est disposé à ratifier la Convention de la Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.
M. UPIO KAKURA (République démocratique du Congo) dit que le pays s’apprête à ratifier cet instrument. Il ne voit aucun obstacle à une telle ratification. L’autorité centrale en matière d’adoption sera le Ministère de la Justice.
M. KISESA TANGU BALAK (République démocratique du Congo) signale que le Gouvernement a accru le nombre des districts sanitaires ou zones de santé de 306 à 515 dans un effort pour fournir des services sanitaires plus proches de la population et les rendre ainsi plus abordables et plus accessibles. L’État effectue régulièrement des campagnes d’information pour tenir la population avertie des maladies enfantines et il mène des campagnes de vaccination deux ou trois fois par an. Les taux de couverture vaccinale pour les principales vaccinations telle le BCG, le dcaT et la rougeole vont de 82 à 94 %. Avec l’aide de l’UNICEF, le Ministère de la santé a construit des milliers de latrines et d’éviers sur 300 puits, pour contribuer ainsi à réduire à 13 % le taux d’incidence de la diarrhée. Il a également mené des campagnes de sensibilisation au VIH/SIDA auprès de milliers d’enseignants et a distribué de grandes quantités de préservatifs masculins et féminins. Le nombre de ménages qui utilisent du sel iodé est passé de 72 % en 2000 à 97 % en 2008, et plus de 11 millions d’enfants reçoivent des suppléments en vitamine A. Entre 2006 et 2007, le taux d’infection au VIH a augmenté de 2,2 % à 3,2 %. La thérapie antirétrovirale a été étendue au cours des dernières années et est actuellement disponible dans 140 zones de santé.
La PRÉSIDENTE demande, en l’absence d’une stratégie spécifique en matière de santé, quelle est la nouvelle politique envisagée par le Gouvernement. Les enfants non déclarés à la naissance peuvent-ils être vaccinés et comment sont-ils dénombrés dans les statistiques? Le faible taux de pratique de l’allaitement maternel exclusif a-t-il un lien avec le taux élevé de mortalité infantile?
Mme SMITH demande si l’accès limité des enfants aux services sanitaires tient au fait que ces derniers sont trop onéreux ou inaccessibles, et si le manque de médecins est imputable à leur émigration.
M. KISESA TANGU BALAK (République démocratique du Congo) estime que les principaux obstacles à la fourniture de soins de santé ne tiennent pas à un manque de personnel médical, mais plutôt au conflit qui sévit dans la partie orientale du pays. Les services sanitaires ont été interrompus dans la zone de conflit et il est difficile d’assurer la couverture des campagnes de vaccination pour le grand nombre d’enfants déplacés par les affrontements.
Mme KHATTAB (Rapporteuse de pays) demande si le recul de la couverture vaccinale entre 2007 et 2008 est imputable aux incidences du conflit intérieur.
M. UPIO KAKURA (République démocratique du Congo) dit que l’accroissement de la violence dans l’est du pays et dans le Nord-Kivu en particulier, a certainement un impact sur le manque d’efficacité de nombreux programmes sanitaires mis en place dans l’ensemble du pays.
M. LUYELA LOYEL (République démocratique du Congo) signale que le rapport relatif à la stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté du Gouvernement a pour objectif majeur d’améliorer l’accès aux services sociaux, en particulier à l’éducation, de manière à réduire la vulnérabilité des enfants. Le rapport souligne que l’enseignement devrait être obligatoire et gratuit et il insiste sur l’importance de réhabiliter l’école et de recourir au partenariat public- privé. Selon la Constitution, l’enseignement primaire est obligatoire et gratuit dans les écoles publiques. En 2006, un fonds national pour la promotion de l’éducation a été créé par décret présidentiel, et le Gouvernement mobilise actuellement des capitaux pour sa mise en œuvre.
M. KRAPPMANN dit que bien que les intentions du Gouvernement visant à assurer un enseignement obligatoire et gratuit aux enfants congolais soient louables, le Comité estime plus utile de savoir selon quels plans spécifiques le Gouvernement espère satisfaire ses objectifs. Il se dit préoccupé par le fait que le fonds national pour la promotion de l’éducation a été mis en place par décret présidentiel et non par le biais de procédures législatives. Cela signifie-t-il qu’il manque de transparence et d’une assise solide pour son budget?
72.Mme KHATTAB (Rapporteuse de pays) demande dans quelle proportion le fonds national pour la promotion de l’éducation est-il financé par le Gouvernement et pour quelle part l’est-il par d’autres partenaires? Est-il déjà opérationnel? La Banque mondiale soutient-elle des programmes d’enseignement spécifiques dans le pays? La délégation devrait fournir davantage de détails sur le programme relatif à l’enseignement des filles. Existe-t-il des écoles et des programmes amis des filles?
La PRÉSIDENTE demande de quelle manière le Gouvernement garantit l’absence de discrimination dans le système scolaire. Les enfants Batwa ont-ils accès à l’éducation?
M. LUYELA LOYEL (République démocratique du Congo) signale que le fonds national pour la promotion de l’éducation a pour objectif de recueillir les ressources nécessaires pour assurer un enseignement efficace à tous les enfants. Une campagne en faveur des inscriptions scolaires lancée en 2003 a accru les taux annuels d’inscription de quelque 20 %. Plus de 6 millions d’enfants de 3 à 5 ans sont inscrits dans l’enseignement préscolaire, mais le taux national est encore faible pour ce groupe d’âges. Bien que les taux d’inscription dans les programmes préscolaires soient élevés dans les zones urbaines, la grande majorité de la population vit dans les régions rurales.
Mme AIDOO est préoccupée par le fait que l’enseignement préscolaire est dispensé essentiellement par des établissements privés, avec une participation minimale de l’État. Le Comité aimerait savoir si le Gouvernement envisage de s’impliquer dans un programme holistique et communautaire de développement de la petite enfance qui aiderait les enfants à acquérir les compétences d’apprentissage, et les parents à connaître les questions fondamentales de protection infantile.
M. LUYELA LOYEL (République démocratique du Congo) dit que le Gouvernement a mis en place au cours des trois dernières années un programme destiné à l’éducation des filles et que ce programme a été étendu pour encourager la fréquentation scolaire des deux sexes. Il a eu pour effet d’accroître les taux d’inscription. Au niveau préscolaire, les effectifs de filles et de garçons sont identiques.
M. KRAPPMANN, tout en se réjouissant des taux élevés d’inscription, signale que le Comité est particulièrement préoccupé par les taux d’abandons très importants dans les écoles congolaises. Moins de la moitié des enfants inscrits restent jusqu’au niveau 5, et seule une très faible minorité d’élèves sortent diplômés des écoles secondaires.
La PRÉSIDENTE souhaite connaître le rapport enseignant/élèves.
M. LUYELA LOYEL (République démocratique du Congo) en réponse à la question précise que pour l’année scolaire 2006/07, le rapport enseignant/élèves était de 1 pour 38 en moyenne; il est plus élevé dans les régions surpeuplées de l’est et plus faible dans les régions moins peuplées de l’ouest.
Mme KHATTAB (Rapporteuse de pays), note que les parents paient souvent les enseignants “sous la table” et elle demande ce qui est fait pour améliorer leurs salaires.
M. UPIO KAKURA (République démocratique du Congo) signale que dans le cadre de la nouvelle politique gouvernementale, les salaires des enseignants ont été augmentés. Les contributions volontaires des parents ne sont pas autorisées, sauf si elles sont destinées à des améliorations d’ordre général à l’école. Le défi actuel tient à que les parents inscrivent leurs enfants, à ce que l’enseignement soit gratuit, et à ce que les élèves n’abandonnent pas leur scolarité. En collaboration avec l’UNICEF et avec d’autres partenaires, le Gouvernement distribue du matériel scolaire pour alléger la charge financière des familles; jusqu’à présent, les résultats de cette initiative ont été positifs. Le Gouvernement est pleinement conscient de l’impossibilité d’un développement durable sans un enseignement de qualité.
Mme AIDOO demande s’il existe des institutions chargées de la formation des enseignants impliqués dans les programmes préscolaires ou de développement de la petite enfance. A sa connaissance, seuls 20 % d’entre eux sont réellement qualifiés. Elle souligne toute l’importance du développement de la petite enfance qui contribue à améliorer les résultats des élèves et à assurer qu’ils n’abandonnent pas l’école. Il est essentiel d’encourager la parité entre les sexes dans les programmes de développement de la petite enfance, de manière à ce que les filles aient la possibilité de s’inscrire dans les écoles primaires. D’où la nécessité de veiller à ce que de tels programmes ne soient pas exclusivement laissés au secteur privé.
M. UPIO KAKURA (République démocratique du Congo) dit qu’il existe en fait un programme gouvernemental pour la petite enfance, mais qu’incontestablement le système est plus développé en milieu urbain; des efforts sont faits pour ouvrir des écoles maternelles et même des garderies en zones rurales, destinées également aux enfants qui ont des handicaps physiques, psychomoteurs et mentaux.
La PRÉSIDENTE demande si les programmes scolaires incluent des cours relatifs aux droits de l’homme, aux droits de l’enfant et à l’éducation pour la paix.
M. UPIO KAKURA (République Démocratique du Congo) répond que de tels cours, déjà dispensés dans certaines écoles, doivent être proposés dans tout le pays à partir de l’année scolaire 2009/10.
M. KASHAMA NGOIE (République démocratique du Congo), à propos d’une question relative à l’application de la loi de création des tribunaux pour mineurs, signale que le texte fixe une date limite de deux ans pour que ces tribunaux deviennent opérationnels. En vertu de la loi, l’âge de la responsabilité pénale à part entière est fixé à18 ans et son seuil à 14 ans, de manière que les enfants en situation de conflit avec la loi entrent dans la tranche des 1418 ans.
Au nombre des autres innovations figurent: l’introduction d’un médiateur, qui pourra résoudre les cas sans recourir aux tribunaux; la création de brigades de police spéciales chargées des mineurs; la fixation de l’âge du mariage à 18 ans; et la prolongation de la date limite de déclaration des naissances à l’état civil de 30 à 90jours.
M. FILALI (Rapporteur de pays) note qu’une taxe est semble-t-il perçue lors de la déclaration d’une naissance, ce qui peut représenter une charge financière considérable pour certains parents. N’est-il pas possible de déclarer une naissance gratuitement? Il demande aussi ce qui arrive aux enfants dont la naissance n’a pas été enregistrée.
M. KASHAMA NGOIE (République démocratique du Congo) explique que la déclaration d’une naissance est gratuite mais qu’une taxe est perçue pour obtenir une copie ou un extrait de l’acte. En 2002, le Gouvernement a lancé une initiative visant à garantir que tous les enfants sont déclarés. Dans un certain nombre de régions, les parents qui n’avaient pas déclaré leurs enfants dans le délai précédemment imparti de 30 jours ont été autorisés à le faire sans verser d’amende. L’initiative s’inscrit dans un programme national d’action actuellement en voie d’achèvement.
Mme ORTIZ souhaite savoir si une amende quelconque est perçue pour avoir donné intentionnellement des informations inexactes lors de la déclaration d’une naissance.
Mme AIDOO signale que dans son pays, le Ghana, nettement plus petit que la République démocratique du Congo, il a été décidé d’octroyer aux parents un délai d’un an pour déclarer leurs enfants. Trois mois semblent trop courts. Elle souhaite en outre savoir si la République démocratique du Congo dispose de services d’état civil mobiles, initiative qui fonctionne très bien dans son propre pays.
M. UPIO KAKURA (République démocratique du Congo), en réponse à la question posée par M. Citarella, dit que les enfants non déclarés peuvent aller à l’école et ont droit aux services de soins de santé. Toutefois, ces enfants posent un problème lorsque leurs parents vont les déclarer car ceux-ci doivent alors fournir une forme quelconque de preuve. S’agissant d’une observation formulée par Mme Aidoo, il estime que la mise en place d’un système décentralisé de déclaration des naissances, permettrait de se conformer plus facilement au délai de 90 jours. Il souligne la nécessité d’améliorer le système des archives afin d’éviter la destruction des données, par exemple par le feu, comme cela s’est produit dans un bureau de l’état civil qui a fait l’objet d’un incendie criminel.
M. FILALI (Rapporteur de pays) demande si des dispositions légales spécifiques règlementent les soins dispensés aux enfants par les membres de la famille élargie ou de la communauté.
M. UPIO KAKURA (République démocratique du Congo) signale que les enfants qui vivent dans le même ménage et appartiennent à la famille élargie jouissent d’une protection juridique. Les adultes sont soumis à une obligation légale de soin à leur égard. Les enfants sans liens familiaux sont souvent pris en charge au titre d’une forme de solidarité communautaire.
Mme KHATTAB (Rapporteuse de pays) dit que la grande qualité de la délégation est un signe de l’engagement renforcé de l’État partie vis-à-vis de l’amélioration de la vie des enfants, en accord avec les exigences de la Convention, mais elle souligne qu’en dépit du conflit armé et de ressources limitées, la République démocratique du Congo est tenue de protéger les enfants contre les abus et les violences, d’aider à la réadaptation des victimes et de traduire les auteurs en justice.
Le Comité recommande à l’État partie: d’instituer un organe chargé des questions relatives aux enfants qui soit plus adéquatement défini et mieux pourvu en ressources; d’accélérer la création d’un cadre légal adéquat compatible avec la Convention; d’améliorer la connaissance de la loi, de former des spécialistes à sa mise en œuvre et d’allouer des ressources à cette fin; et enfin, d’instaurer un mécanisme de surveillance, conformément aux Principes de Paris, dont la mission sera clairement en faveur des enfants. Un plan national d’action avec des objectifs temporels et des ressources financières et humaines adéquates pour sa mise en œuvre, devrait privilégier les enfants marginalisés, notamment ceux affectés par la discrimination sexuelle, les conflits armés, la pauvreté et le VIH/SIDA. Un partenariat de travail systématique devrait être conclu avec les ONG. Des mécanismes devraient être mis en place pour garantir le droit des enfants à être entendus. Lors des affectations budgétaires, les enfants devraient constituer une priorité. Un système fiable de données, ventilées selon les domaines possibles de discrimination, devrait être créé pour faciliter la définition de directives. Les provinces devraient être autonomes et recevoir davantage de ressources. Une amélioration de la prise de conscience devrait être poursuivie et un environnement favorable à la mise en œuvre des droits de l’enfant devrait être crée.
Les instruments légaux qui interdisent et pénalisent la discrimination fondée sur l’appartenance sexuelle, la région d’origine ou sur d’autres motifs, sont essentiels. L’adoption de mesures éducatives et antidiscriminatoires est urgente. Le Gouvernement devrait faire mieux connaître toute l’importance d’un changement des comportements.
Le droit à la vie est sérieusement menacé. Une action concertée s’impose pour assurer que les enfants grandissent dans un environnement favorable. La notion d’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas mise en pratique en tant que principe directeur dans l’ensemble des activités qui les concernent. La définition de l’enfant doit être mise en conformité avec la Convention dans un certain nombre de domaines. La déclaration des naissances à l’état civil est très rare et le Gouvernement doit faire en sorte que chaque enfant soit déclaré à la naissance. Le droit à l’éducation est gravement entravé et les crédits alloués à l’enseignement sont insuffisants. Les enseignants devraient percevoir des salaires décents; les coûts cachés de l’éducation devraient être éliminés et la qualité de l’enseignement améliorée. Il faut proscrire la présence de forces armées dans les écoles et en faire des lieux sûrs, notamment à Ituri et au Nord-Kivu. Garçons et filles devraient être encouragés à aller à l’école et à ne pas abandonner leur scolarité. Les programmes d’éducation à la paix et de développement de la petite enfance dans les zones rurales devraient être prioritaires.
Le droit aux soins de santé est gravement en péril. Davantage de ressources humaines et financières devraient être affectées à l’amélioration des indicateurs de santé, telle la mortalité maternelle et infantile, les taux de vaccination et l’alimentation. L’accent devrait être mis sur les soins de santé primaires, en particulier dans les régions affectées par le conflit. Des normes minima devraient être fixées et appliquées aux praticiens privés. L’attention devrait être accordée aux adolescents et aux droits à la santé de la reproduction, avec un accent mis sur la corrélation entre la violence fondée sur l’appartenance sexuelle et le VIH/SIDA, et entre les enfants atteints du VIH/SIDA, l’analphabétisme et la transmission mère-enfant.
La protection spéciale est un domaine dans lequel une action concertée immédiate s’impose sur toute une série de questions. Le Gouvernement devrait observer les recommandations de l’Étude du Secrétariat général des Nations Unies sur la violence contre les enfants. Il devrait mettre en place un cadre légal et faire largement connaître la loi, concevoir une stratégie de protection de l’enfant, créer un mécanisme de base de données pour établir des rapports, assurer l’application de la loi par des poursuites pénales, et maintenir ses efforts pour éliminer l’impunité. Il devrait également s’attaquer aux causes profondes des diverses formes de violations des droits de l’enfant et centrer son attention sur les enfants au travail, les enfants déplacés à l’intérieur du pays, les pratiques nuisibles, telles la mutilation génitale féminine et les mariages précoces.
Les enfants qui travaillent dans les zones minières de la région de Katanga devraient retourner à l’école. Le Gouvernement devrait coopérer avec les ONG afin que les enfants des rues reviennent dans leur famille. Il devrait en outre chercher à désarmer, démobiliser et réinsérer les enfants, y compris les filles, qui ont été impliqués dans les forces ou les groupes armés. Un nouveau système de justice des mineurs devrait être mis en place, inspiré par l’observation générale n°10. Enfin, le Gouvernement devrait œuvrer avec les chefs religieux et les médias à changer les comportements dominants en ce qui concerne les enfants.
M. UPIO KAKURA (République démocratique du Congo) remercie le Comité pour le dialogue constructif engagé. Sa délégation a dûment noté les recommandations formulées, dont certaines transparaissent déjà dans la loi sur la protection des droits de l’enfant, et dans un certain nombre de mesures auxquelles sa délégation s’est référée, et qui seront traitées dans le prochain rapport périodique. L’amélioration de la situation des enfants constitue une condition indispensable au développement du pays et en dépit de la situation actuelle difficile, la République démocratique du Congo s’efforcera au maximum de satisfaire à ses obligations au titre de la Convention. Il adresse un appel à tous les États parties à la Convention pour contribuer à rétablir la paix en République démocratique du Congo, de manière à ce que cette dernière puisse employer ses abondantes ressources à assurer la pleine réalisation des droits des enfants.
La séance est levée à 18 h 10.
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