NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.101928 janvier 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente‑huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA DEUXIÈME PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 1019e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 25 janvier 2005, à 11 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Troisième rapport périodique de la Bolivie

La séance est ouverte à 11 h 40.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de la Bolivie (CRC/C/125/Add.2; rapport complémentaire de la Bolivie, document sans cote distribué en séance, en espagnol seulement; document de base (HRI/CORE/1/Add.54/Rev.1); liste des points à traiter (CRC/C/Q/BOL/3); réponses écrites de la Bolivie (CRC/C/RESP/73 et Add.1))

1.Sur l’invitation du Président, M me Patiňo Durán et M. Moscoso Blanco (Bolivie) prennent place à la table du Comité.

2.Mme PATIŇO DURÁN (Bolivie) souligne que près de la moitié de la population bolivienne a moins de 18 ans et que plus de 50 % des adolescents âgés de plus de 15 ans s’identifient à une des nombreuses communautés ethniques autochtones.

3.Le Code de l’enfance et de l’adolescence, en vigueur depuis 2000, a permis d’améliorer considérablement l’application de la Convention en définissant mieux les rôles des institutions de l’État en matière de protection de l’enfance. La Bolivie est ainsi passée d’un système centralisé à un système de responsabilités partagées entre les différentes branches du pouvoir. Depuis 1996, les autorités locales jouent un rôle essentiel dans la protection des droits des enfants et des adolescents à leur échelon.

4.Parmi les principales réalisations, figurent la mise en place du Régime d’assurance maladie maternelle et infantile (SUMI) en faveur des mères et de leurs enfants de moins de 6 ans, ainsi que du Programme d’assistance aux enfants de moins de 6 ans (PAN), destiné à subvenir aux besoins élémentaires − éducation et alimentation, en particulier − des enfants défavorisés. Le Régime d’assurance maladie maternelle et infantile est déjà accessible à 40 % des enfants concernés, même s’il reste difficile d’en faire bénéficier ceux des zones rurales, alors que le Programme d’assistance aux enfants de moins de 6 ans ne touche encore que 4 % des enfants destinataires. Le taux de non-scolarisation a baissé mais reste élevé parmi les filles en zone rurale.

5.La situation des enfants en conflit avec la loi s’est également améliorée. Le Code de l’enfance et de l’adolescence dispose que la mise en détention d’un mineur ne doit être décidée qu’en dernier recours. Jusqu’à présent il n’existe pas de mesures de remplacement, mais depuis 2004 le Gouvernement travaille activement à leur mise en place, avec l’aide d’experts, ainsi qu’à l’instauration progressive d’une justice pour les mineurs pénalement responsables (c’est-à-dire les adolescents de 16 à 18 ans), qui sont actuellement traités comme des adultes − ce qui pose un nombre considérable de problèmes.

6.La violence contre les enfants reste un grave problème, puisque selon certaines études, 90 % d’entre eux subissent une forme ou une autre de violence, le plus souvent physique ou psychologique mais également sexuelle.

7.Soucieux d’élaborer des politiques résultant d’une collaboration et d’un partage d’expérience avec la société civile, le Gouvernement organise régulièrement avec les acteurs concernés des débats, dont un a notamment été consacré au développement de l’enfant. Les propositions formulées dans ce cadre devraient déboucher sur une politique gouvernementale qui devrait commencer à être mise en œuvre à la mi-2005.

8.On estime à 800 000 le nombre d’enfants qui travaillent en Bolivie, mais dans nombre de secteurs il s’agit purement et simplement d’exploitation et le Gouvernement estime que c’est sous cet angle que le problème doit être abordé. L’âge minimum pour le travail des enfants fixé dans le Code de l’enfance et de l’adolescence, a malheureusement eu pour effet de transformer ces enfants en travailleurs clandestins et donc de favoriser leur exploitation. L’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales ne constitue quant à elle pas une forme de travail mais un crime à combattre.

9.La législation ne réprime pas spécifiquement la traite d’enfants, mais le Parlement va se prononcer très prochainement sur un projet de loi destinée à combler cette lacune. Des unités spéciales ont cependant été créées au sein de la police pour enquêter sur les cas de traite d’êtres humains et un mécanisme de suivi des adoptions internationales a été mis en place. En outre, les 18 organismes habilités à s’occuper d’adoptions sont tenus d’appliquer rigoureusement la Convention de La Haye sur la protection de l’enfant et la coopération en matière d’adoption internationale.

10.M. MOSCOSO BLANCO (Bolivie) rend hommage à la contribution des ONG boliviennes, qui réalisent un travail inestimable de sensibilisation aux droits de l’enfant et de dénonciation des violations.

11.M. LIWSKI fait observer que la société bolivienne est à la fois très diverse et très contrastée. Toutes les statistiques démographiques et sociales font apparaître des écarts importants entre les régions et des inégalités très marquées entre les hommes et les femmes, ainsi qu’entre les communautés autochtones et le reste de la population. Les autochtones, qui représentent pourtant 49,5 % de la population bolivienne, sont à bien des égards marginalisés ou défavorisés. On constate par exemple que le taux d’analphabétisme chez les femmes autochtones vivant dans les zones rurales est 2,5 fois supérieur à la moyenne nationale. Compte tenu de cette situation sociodémographique, il serait intéressant de savoir quelles sont les mesures mises en œuvre par le Gouvernement pour donner une dimension interculturelle à ses politiques et programmes en faveur des enfants.

12.Le ralentissement de la croissance économique observé depuis 1999 a eu des incidences négatives sur la mise en œuvre des politiques sociales. La baisse du PIB par habitant s’est traduite par une aggravation de la pauvreté dans certains groupes de population et, de façon générale, dans les départements autres que La Paz, Cochabamba et Santa Cruz. Bien que les dépenses sociales aient augmenté, les investissements dans les domaines de la santé et de l’éducation n’ont guère progressé. En outre, le financement des programmes et services destinés aux enfants semble en partie compromis par le risque de réduction de l’aide internationale qui, sous toutes ses formes, représente aujourd’hui près des deux tiers des ressources allouées au financement des politiques publiques.

13.Il serait donc utile que la délégation apporte des précisions sur la stratégie de réduction de la pauvreté de la Bolivie et indique si les principes et dispositions de la Convention sont pris en considération dans la répartition et l’utilisation des ressources externes. Il faudrait également savoir si des mesures ont été prises pour renforcer la transparence et l’efficacité administratives, puisque les résultats des programmes mis en œuvre ne sont pas toujours à la hauteur des investissements réalisés, comme l’atteste par exemple le faible taux de couverture du Programme d’assistance aux enfants de moins de 6 ans.

14.Comme le Gouvernement l’admet dans son rapport complémentaire, les enfants autochtones, les jeunes filles et les enfants handicapés demeurent victimes de discrimination, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la santé. La délégation pourrait dès lors indiquer en quoi consistent concrètement les mesures prises pour corriger cette situation.

15.Par ailleurs, la législation en vigueur dispose qu’un enfant doit porter un prénom et deux noms de famille (ceux de sa mère et de son père) et doit avoir été dûment enregistré à l’état civil à sa naissance pour avoir une identité. Or de très nombreux enfants ne remplissent pas l’une ou l’autre de ces conditions et il serait donc utile de savoir si des mesures sont envisagées pour garantir l’exercice du droit à l’identité.

16.Enfin, la délégation pourrait apporter des précisions sur les violences policières commises dans les postes de police et les lieux de détention ou lors de la répression des manifestations, ainsi que sur les activités menées pour sensibiliser les enseignants et les familles au problème des châtiments corporels.

17.Mme SARDENBERG constate avec satisfaction que le rapport complémentaire suit les directives du Comité et que son contenu est plus analytique et plus critique. Elle demande pourquoi la Bolivie n’a ratifié que très peu des instruments régionaux relatifs aux droits de l’homme alors qu’elle est partie à la plupart des instruments internationaux en la matière.

18.Compte tenu de l’instabilité politique qui a régné dans le pays ces 10 dernières années, il serait intéressant de savoir comment les gouvernements successifs ont géré leurs politiques relatives aux droits de l’enfant et s’ils sont parvenus à éviter des changements d’orientations trop fréquents dans ce domaine. Il serait par ailleurs utile que la délégation décrive les moyens législatifs, institutionnels et autres employés pour faire évoluer les mentalités et obtenir que l’enfant soit pleinement reconnu comme sujet de droits malgré le poids de traditions culturelles et religieuses plutôt centrées sur l’adulte.

19.La délégation pourrait en outre indiquer quels mécanismes de coordination ont été mis en place entre les différents ministères et départements ministériels et comment sont répercutées les stratégies mises en œuvre par le Gouvernement aux niveaux départemental et municipal.

20.Elle demande si l’État partie a pris en considération les craintes exprimées par certains de voir certains nouveaux textes à l’état de projet réduire, s’ils étaient adoptés, le champ et l’impact du Code de l’enfance et de l’adolescence et si le risque de retour en arrière est réel.

21.Il reste des aspects de la vision du monde des autochtones qui ne trouvent toujours pas d’écho dans la législation, alors que la Bolivie serait bien placée pour jouer un rôle de chef de file sur le continent dans ce domaine. Même si l’enseignement est bilingue, les programmes scolaires ne font que peu de cas des autochtones, par exemple. La question se pose aussi de savoir dans quelle mesure il est fait une place à la médecine traditionnelle dans les politiques de santé publique et dans quelle mesure les ONG ou les chefs traditionnels autochtones participent à la définition des politiques.

22.La délégation voudra bien indiquer si la stratégie mentionnée dans le rapport complémentaire, qui semble bien adaptée aux problèmes rencontrés par l’État partie, a déjà été adoptée à tous les niveaux et dans quelle mesure elle a été mise en œuvre.

23.Mme SMITH regrette que le rapport complémentaire ait été fourni en espagnol seulement, ce qui l’a privée d’informations précieuses. Elle a été surprise de lire dans les réponses écrites du Gouvernement bolivien que la question de l’enfance, même si elle faisait maintenant partie des préoccupations publiques, n’était toujours pas considérée comme prioritaire et se demande si cette affirmation est toujours vraie. En effet, la question de l’enfance devrait être la première des priorités dans un pays où les très jeunes enfants sont massivement touchés par la malnutrition, car un pays qui n’investit pas dans les premières années de la vie est un pays sans avenir.

24.Le Comité ne s’intéresse pas seulement à la protection de l’enfance, mais aussi à la participation des enfants et au respect de leurs opinions, aspects peu abordés par l’État partie et sur lesquels la délégation pourrait donc apporter des précisions.

25.Mme KHATTAB constate que la responsabilité des questions liées à l’enfance a été transférée à plusieurs reprises d’un organisme à un autre, avec pour seule constante un problème de sous‑financement. Elle espère que le vice‑ministère mis en place par l’État partie sera enfin doté d’un budget suffisant pour l’action en faveur de l’enfance et voudrait savoir s’il sera à même de faire consacrer la notion d’enfant sujet de droits dans la nouvelle Constitution, à la rédaction de laquelle cette instance est appelée à participer en vertu du rôle législatif qui lui est dévolu.

26.Le projet de loi sur les droits liés à la procréation, qui aurait permis à la Bolivie de mieux respecter les engagements qu’elle a contractés, notamment à la Conférence internationale du Caire sur la population et le développement, n’a finalement pas été adopté et il serait bon que la délégation explique les raisons de ce recul.

27.L’institution d’un médiateur est une réalisation majeure, dont il y a lieu de se féliciter, mais ses services ne seraient pas disponibles sur l’ensemble du territoire et l’État partie devrait en outre envisager d’instituer un poste de médiateur chargé spécialement des droits de l’enfant. La Bolivie devrait par ailleurs se doter d’un plan national d’action et d’une stratégie globale de lutte contre la pauvreté réservant une place toute particulière à la condition de l’enfance.

28.Enfin, force est de constater que l’âge minimum du mariage est bas pour les garçons et plus encore pour les filles, ce qui est discriminatoire. De manière générale, la délégation a du reste reconnu que les filles et les femmes et les autochtones étaient victimes de discrimination et d’exclusion, sans expliquer quelles mesures étaient prises pour y remédier, lacune qu’il convient de combler.

29.M. CITARELLA demande quelle est la place de la Convention dans l’ordre juridique interne et si ses dispositions ont déjà été invoquées devant les tribunaux dans la pratique. Le Code de l’enfance et de l’adolescence se fonde sur le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, mais certaines des nouvelles règles qu’il édicte n’ont pas été mises en œuvre, en particulier, le Conseil national de l’enfance qu’il prévoit n’a pas encore été mis en place.

30.Il n’est pas normal que l’âge d’admission à l’emploi soit fixé à 14 ans car il est incompatible avec la poursuite de la scolarité obligatoire jusqu’à son terme. L’âge du consentement aux relations sexuelles est trop bas (12 ans), de même que l’âge minimum du mariage, fixé à 16 ans pour les garçons et à 14 ans pour les filles, sachant que le juge peut même accorder une autorisation spéciale de se marier à un âge encore plus jeune.

31.Mme VUCKOVIC‑SAHOVIC se félicite des progrès accomplis dans la collecte de données, mais constate qu’il n’existe toujours pas de dispositif adéquat dans ce domaine, alors qu’il est indispensable de disposer de données ventilées pour adapter au mieux les politiques et stratégies. L’État partie a aussi des efforts à faire sur le plan de la diffusion de la Convention et de la formation.

32.L’absence de définition de la torture dans le Code pénal est sans doute l’une des raisons qui explique les incidents de 2003, sur lesquels des enquêtes ont été ouvertes, avec le concours du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Des brutalités policières ont aussi été recensées. Il serait utile que la délégation fournisse des précisions et indique si dans les efforts déployés pour sortir de la situation de 2003 une place a été faite à la formation des fonctionnaires des services de police.

33.M. KOTRANE note que des efforts législatifs importants sont faits et encourage l’État partie à poursuivre son travail d’alignement de sa législation sur la Convention.

34.La délégation pourrait fournir des renseignements plus précis sur les médiateurs locaux, établis en 1999, en vertu de la loi sur les municipalités. La Bolivie a ratifié la Convention no 33 de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, mais il serait intéressant de savoir si elle compte ratifier d’autres Conventions de La Haye.

35.La Bolivie a également ratifié plusieurs conventions de l’OIT, mais compte tenu du type de travail qu’exercent couramment des enfants boliviens, dans les plantations ou en tant que domestiques, il serait important de ratifier également la Convention no 29 concernant le travail forcé ou obligatoire.

36.Pareillement, il est utile d’avoir ratifié le Protocole facultatif à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, mais les droits de l’enfant étant indivisibles et indissociables il conviendrait de ratifier aussi le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

37.Les données statistiques font défaut, s’agissant en particulier des handicapés, des autochtones et d’autres groupes particulièrement vulnérables.

38.Une loi a accordé aux adolescents âgés de 16 à 18 ans le droit de participer à la vie politique, ce dont on ne peut que se féliciter, mais beaucoup reste à faire pour garantir la participation de l’enfant de manière plus globale et la délégation pourrait indiquer à ce propos si l’État partie a adopté un plan d’ensemble visant à promouvoir la participation des jeunes, en prévoyant par exemple des initiatives de type conseil de classe, parlement des enfants, entre autres.

39.Le PRÉSIDENT demande à la délégation de préciser la teneur du paragraphe 72 du rapport, en expliquant quels vides juridiques ont été constatés dans le Code de l’enfance et de l’adolescence et où en sont les projets de loi préparés pour remédier aux problèmes.

40.La délégation pourrait également préciser où en est la mise en œuvre du système des médiateurs locaux, car selon certaines informations les médiateurs ne seraient en place que dans une municipalité sur trois. Il faudrait aussi savoir comment ce système fonctionne et s’il est doté de ressources suffisantes, car des sources font état d’un taux de renouvellement du personnel préoccupant et d’un niveau de formation insuffisant. Au niveau national, la délégation voudra bien indiquer si le Bureau du Médiateur pour les droits de l’homme est habilité à traiter des questions liées à l’enfance, et, le cas échéant, s’il dispose d’une division spécialisée à cet effet.

La séance est levée à 12 h 55.

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