NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.117421 novembre 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-troisième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1174e SÉANCE (Chambre B)

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 18 septembre 2006, à 10 heures

Présidence: Mme ALUOCH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique du Sénégal

La séance est ouverte à 10 h 25.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Sénégal [(CRC/C/SEN/2); liste des points à traiter (CRC/C/SEN/Q/2); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/SEN/Q/2/Add.1)]

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation sénégalaise prend place à la table du Comité.

2.M. LO (Sénégal) dit que le Sénégal, qui a adopté une nouvelle Constitution en 2001, s’est doté d’un commissariat aux droits de l’homme et à la promotion de la paix et met en œuvre divers programmes pour la défense des enfants.

3.Dans le domaine de l’éducation, un des projets prioritaires au niveau préscolaire est la case des tout-petits – infrastructure bâtie sur une vision holistique du développement psychomoteur, intellectuel et social de l’enfant –, dont doivent être dotés les 14 000 villages du pays en vue d’offrir aux enfants des services de santé, de nutrition, d’éducation et de nouvelles technologies.

4.Le Gouvernement a porté la part du budget de l’éducation à 40 % du budget global de l’État plaçant ainsi le Sénégal, selon l’UNESCO, au premier rang mondial pour le financement de l’éducation en 2005. Cet important effort budgétaire a eu un impact important: le taux d’accès au préscolaire est ainsi passé de 8 % en 2000 à 20 % en 2005, alors que le taux brut de scolarisation dans le cycle primaire passait de 60 % à 82,5 % sur cette même période et que le taux de scolarisation des filles passait de 67,6 % en 2001 à 80,6 % en 2005, approchant ainsi celui des garçons (84,4 %). Ces efforts, menés dans le cadre du Programme décennal de l’éducation et de la formation, devraient permettre de parvenir à l’éducation pour tous en 2010.

5.La part du budget de la santé dans le budget national a atteint 10 % du budget global de l’État, dépassant les normes de l’OMS et permettant de mener divers programmes concernant l’enfant, dont: le Programme élargi de vaccination; le Programme de prise en charge intégré des maladies de l’enfance; le Programme de prise en charge des épidémies; le Programme de renforcement de la nutrition; le Programme national de lutte contre le paludisme; le Programme national de lutte contre le VIH/sida, contenant une disposition particulière pour les orphelins et enfants rendus vulnérables par le VIH/sida.

6.La généralisation des programmes de vaccination, la supplémentation en fer et en vitamine A, l’iodation du sel, la promotion de l’allaitement maternel exclusif, la surveillance et l’éducation nutritionnelles ont permis de ramener le taux de mortalité infanto‑juvénile de 142,5 ‰ à 121 ‰ entre 2000 et 2005 et celui de mortalité infantile de 63,5 ‰ à 61 ‰ sur la même période. L’insuffisance pondérale et le retard de croissance ont reculé pour revenir respectivement de 90,1 % à 18,4 % entre 1992 et 2000 et de 21,1 % à 19 % entre 1992 et 2000.

7.Le Sénégal a ratifié de nombreuses conventions et promulgué des lois qui protègent les enfants contre les atteintes à leurs droits et à leur intégrité physique. Le vote de la loi relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes, en 2005, marque une avancée notable. Ce texte est en cours d’examen par la Commission de réforme du Code pénal. Le Sénégal a de plus accueilli à Dakar en septembre 2003 la Revue des pairs de l’Afrique de l’Ouest sur la situation des enfants dans la sous‑région.

8.Le Sénégal mène en outre des programmes pour lutter contre la marginalisation et l’exclusion et protéger les enfants de tous les fléaux sociaux. La Direction de la protection des droits de l’enfant, instituée en 2002, a pour mission de promouvoir les droits de l’enfant. Le projet Éducation à la vie familiale dans les daaras (écoles coraniques) contribue à la prise en charge de leurs élèves (talibés) pour leur assurer une meilleure qualité de vie dans plusieurs régions.

9.Le projet de lutte contre les pires formes de travail des enfants est mis en œuvre dans neuf départements du pays pour protéger les enfants en situation à risque, améliorer la situation des enfants affectés par les pires formes de travail et d’exclusion et pour renforcer le processus de décentralisation dans le domaine de la protection spéciale des enfants. Le Sénégal collabore au projet IPEC de l’Organisation internationale du travail, en faveur notamment des enfants victimes d’exploitation par la mendicité ou le travail domestique précoce ou exerçant des travaux dangereux dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche. Un centre d’écoute, d’information et d’orientation pour enfants en situation difficile a été mis en place en 2003 à l’intention des enfants victimes de la traite et/ou du trafic et pour lutter contre l’errance, la marginalisation et l’exclusion des enfants.

10.Le Sénégal a entrepris d’autres initiatives importantes en vue de renforcer la protection des enfants, en particulier: l’adoption d’un Plan‑cadre national pour l’élimination du travail des enfants; la promotion de l’enregistrement des enfants à la naissance, dont le taux est passé de 60,9 % à 78,5 %; la lutte contre l’excision et les mariages précoces, qu’un total de 1 531 villages ont déclaré vouloir abandonner; la décision du chef de l’État, en date de juillet 2006, déclarant illégaux les mariages précoces de jeunes filles, dans le cadre de la réforme pénale; la campagne de sensibilisation en faveur de l’abandon de toute forme de violence faite aux enfants lancée par le Ministère de la femme, de la famille et du développement social le 16 juin 2006, qui marque la Journée de l’enfant africain; l’initiative conjointe du Gouvernement, de plusieurs partenaires pour le développement et de la société civile pour le retrait des enfants de la rue, auquel sera prochainement consacré un conseil présidentiel; l’intégration des droits de l’enfant dans les programmes scolaires et dans la formation des auxiliaires de justice.

11.Divers facteurs entravent cependant l’application de la Convention, en particulier: certaines conditions et croyances néfastes; la faible couverture géographique de plusieurs programmes; le retard dans la mise en place d’un observatoire des droits de la femme et de l’enfant; le manque de capacités techniques des divers intervenants; la faible saisine des juridictions aux fins de l’application des textes en vigueur; l’insuffisance des ressources allouées à la protection des droits de l’enfant.

12.Des enquêtes statistiques sur la mendicité, les pires formes de travail des enfants et d’autres fléaux viennent d’être lancées pour tenter d’enrayer ces phénomènes, et des assises nationales sur la mendicité des enfants sont en cours de préparation. De nombreuses initiatives en cours d’exécution visent à renforcer les capacités.

13.M. FILALI note avec satisfaction que depuis l’examen du précédent rapport du Sénégal, en 1995, ce pays a ratifié les deux protocoles facultatifs à la Convention, ainsi que les Conventions nos 138 et 182 de l’OIT et la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant. La délégation voudra toutefois bien préciser si le Sénégal a ratifié la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

14.Le Sénégal s’est attaché à mettre sa législation en conformité avec la Convention relative aux droits de l’enfant, ce dont on ne peut que se féliciter, et a en particulier: fixé à 15 ans l’âge minimum d’admission à l’emploi; interdit l’excision, par une loi de 1999; adopté la loi de 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des personnes.

15.Plusieurs facteurs semblent cependant susceptibles d’entraver l’application de la Convention, en particulier les risques de conflit interne, l’importance de la dette extérieure et la prévalence au Sénégal de certaines coutumes et pratiques culturelles qui continuent d’empêcher les enfants, notamment les filles, d’exercer pleinement leurs droits. À ce propos, malgré la législation qui les interdit, les mutilations génitales continueraient à être pratiquées clandestinement.

16.Le Sénégal n’a pas fourni de renseignements sur une éventuelle amélioration de la situation des élèves des écoles coraniques, les talibés et des précisions à ce sujet sont souhaitables.

17.Malgré les efforts de réforme et de sensibilisation entrepris par l’État partie, la différence de l’âge minimum du mariage pour les filles et les garçons demeure un problème. Il est étonnant qu’une fillette de 12 ans victime d’un mariage précoce, ait été condamnée à six mois de prison ferme et à une amende pour abandon du domicile conjugal, alors que l’article 300 du Code pénal interdit le mariage des filles de moins de 13 ans. Il serait utile de savoir si pareille situation est imputable à un manque de formation du personnel judiciaire ou à des résistances culturelles à l’application de la Convention.

18.La législation en matière d’éducation semble ambitieuse, mais l’affectation des ressources n’est pas toujours à la hauteur. Les institutions nationales manquent de personnel spécialisé. La Convention reste à vulgariser et les observations finales ne sont pas diffusées de manière adéquate pour informer le public des travaux du Comité. Des commentaires de la délégation à ce sujet s’imposent.

19.Parmi les failles de la législation sénégalaise, il convient d’insister sur les disparités régionales dans son application et sur l’absence de disposition relative à la délinquance des jeunes filles et à la lutte contre leur exploitation. Il serait au demeurant intéressant de savoir si les juges sénégalais connaissent la Convention et s’en inspirent.

20.La délégation pourrait en outre indiquer si le Commissariat aux droits de l’homme se comporte en une division de droits de l’enfant.

21.Plusieurs formes de discrimination persistent au Sénégal, en particulier entre enfants légitimes et naturels, ces derniers n’ayant pas le droit de rechercher leur paternité ni les mêmes droits en matière de succession, ainsi qu’à l’encontre des enfants malades du sida et des filles enceintes – qui se voient interdire l’accès à leur école.

22.Le principe de la participation de l’enfant, que consacre l’article 12 de la Convention, ne semble pas largement accepté par les autorités et la société sénégalaises. Il faudrait en outre savoir ce que l’État partie entend faire pour sensibiliser la population aux problèmes que sont l’exploitation des enfants et les mauvais traitements à leur encontre, dont les châtiments corporels, qui persistent souvent à cause de la tradition.

23.M. LIWSKI se félicite de l’augmentation sensible des crédits affectés à la santé et à l’éducation ces dernières années, mais croit comprendre que les ressources budgétaires proviennent pour une bonne part de la coopération internationale et qu’un pourcentage élevé du budget est destiné au remboursement de la dette. Il s’interroge donc sur la viabilité à long terme de cette stratégie budgétaire et demande des précisions sur la répartition des ressources budgétaires, les régions rurales les plus vulnérables semblant défavorisées par rapport aux villes.

24.Il aimerait savoir quelles mesures prend le Sénégal, conformément à l’article 37 de la Convention, pour protéger les enfants contre les actes de torture, les peines ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier en cas de privation de la liberté.

25.M. PARFITT demande des précisions sur les compétences respectives des diverses entités nationales s’occupant des droits de l’homme. Il aimerait en particulier savoir si certaines peuvent être saisies de plaintes émanant d’enfants victimes de violation de leurs droits fondamentaux. Notant avec préoccupation que les entités en question sont rattachées au Président de la République, il demande quel est leur degré d’autonomie. Enfin, la délégation pourrait indiquer si les nombreuses ONG qui œuvrent en faveur des droits de l’homme au Sénégal sont associées à l’élaboration des politiques et des lois relatives aux droits de l’enfant.

26.Mme SMITH demande un complément d’information sur le programme de décentralisation des ressources et des compétences en cours d’exécution car certaines régions et municipalités semblent disposer de ressources financières et humaines limitées pour s’acquitter de leurs obligations en matière de protection et de défense des droits de l’homme et de l’enfant.

27.Notant au paragraphe 95 du rapport que l’enfant né hors mariage bénéficie de tous les droits reconnus aux enfants légitimes si les tribunaux connaissent de l’affaire qui enfreint ses droits, elle demande ce qu’il en est de la situation des enfants nés hors mariage lorsque les tribunaux ne sont pas saisis.

28.Elle souhaite savoir s’il existe une loi pour faire respecter le droit de l’enfant d’être entendu, notamment à l’école, à l’hôpital et dans les tribunaux, et s’il existe une disposition générale précisant qu’il doit être tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant en toutes circonstances.

29.M. ZERMATTEN demande ce qu’il en est du conflit en Casamance qui, malgré la signature d’un accord de paix, a entraîné des déplacements importants de familles et d’enfants. Il souhaite savoir quelles sont les mesures prises par l’État pour venir en aide aux déplacés et remettre en état les écoles et les dispensaires dans les zones touchées par le conflit.

30.Il serait intéressant de connaître les résultats obtenus dans le cadre du plan national d’enregistrement des naissances et la suite donnée au projet de code de l’enfant mentionné par l’État partie dans son rapport.

31.Le fait que les châtiments corporels, qui sont interdits à l’école, continuent d’être pratiqués dans la cellule familiale, ce qui est préoccupant, le Sénégal reconnaissant toujours le droit de correction pour la personne qui a la garde ou la charge de l’enfant.

32.Il serait utile de savoir si la Direction de la protection des droits de l’enfant relève uniquement du Ministère de la famille ou de plusieurs ministères, ce qui permettrait d’assurer un meilleur suivi des initiatives menées pour promouvoir et défendre les droits de l’enfant.

33.La PRÉSIDENTE demande si le fait que la Convention n’a été invoquée qu’une seule fois par un juge en janvier 2004, selon les réponses écrites, est imputable à la réticence des juges ou à leur ignorance des dispositions de la Convention.

34.Notant que la délinquance des jeunes filles n’est pas suffisamment couverte pas la législation nationale et que peu d’études y sont consacrées, selon le paragraphe 162 e) du rapport, la Présidente demande pourquoi l’État partie met davantage l’accent sur la délinquance des jeunes filles que sur celle des garçons.

La séance est suspendue à 11 h 27; elle est reprise à 11 h 37.

35.M. LO (Sénégal) dit que le doublement et plus du budget de l’État entre 2000 et 2006 doit davantage aux efforts de recouvrement des impôts et des taxes et à l’élargissement de la base fiscale qu’aux bailleurs de fonds internationaux. Le Sénégal a engagé un processus viable et durable d’assainissement budgétaire. Le Gouvernement a déployé des efforts de décentralisation dans le cadre du programme national de développement local et a procédé à un transfert de compétences et de ressources aux collectivités locales: ces dernières gèrent elles-mêmes leur budget d’investissement dans les domaines de l’éducation et de la santé, participent activement aux divers plans en matière de protection et de défense des droits de l’enfant et jouissent d’une grande autonomie de gestion. Elles élaborent leur budget, avec l’appui de l’État pour leurs investissements, et peuvent nouer des partenariats et emprunter des ressources à l’extérieur.

36.Mme SMITH demande comment les collectivités locales peuvent fixer leurs propres priorités si les ressources qui leur sont attribuées au titre de la décentralisation sont réservées à une utilisation précise.

37.M. LO (Sénégal) répond que la destination des ressources est ciblée en fonction des problèmes de chaque région. Cela n’empêche pas les collectivités de fixer leurs priorités au niveau local.

38.Le Sénégal a fait beaucoup d’efforts pour réduire son endettement et plusieurs pays ont annulé sa dette à la condition que les sommes correspondantes soient réinvesties dans le domaine social. Le Ministère de la femme, de la famille et du développement social a ainsi reçu en 2006 des ressources exceptionnelles qui vont lui permettre de mieux protéger les droits de l’enfant, notamment de lutter contre une des pires formes de travail des enfants: la mendicité.

39.La situation s’est nettement améliorée en Casamance depuis les accords de paix de décembre 2004. Les réfugiés commencent à rentrer de Gambie et de Guinée Bissau. L’État fait reconstruire leurs villages ainsi que les écoles et les postes sanitaires. Il convient de signaler que même pendant les 22 années de conflit le taux de scolarisation en Casamance est resté le plus élevé du pays.

40.M. FILALI demande si des investissements sont faits en Casamance, en particulier dans les domaines intéressant les enfants, et quelles mesures sont prises pour améliorer le pouvoir d’achat des habitants de cette région.

41.M. LO (Sénégal) explique que le Gouvernement a créé l’Agence nationale pour la relance des activités économiques et sociales en Casamance, qui met en œuvre un programme composé de différents volets tels que déminage, reconstruction des villages et renforcement des capacités de subsistance des habitants. En outre, la Casamance est bénéficiaire des trois programmes de lutte contre la pauvreté qui sont en cours au Sénégal.

42.La coordination de la mise en application de la Convention est assurée par la Direction de la protection et de la promotion des droits de l’enfant. Ce service dépend du Ministère de la femme, de la famille et du développement social, mais ses activités intéressent aussi plusieurs autres ministères. Le Comité national de l’enfant, organe pluridisciplinaire formé de représentants du Gouvernement et de la société civile, s’occupe également de coordonner et d’encourager les activités en faveur de l’enfance. Il y a aussi le Commissariat aux droits de l’homme, habilité à recevoir des plaintes, le Médiateur, chargé de traiter les conflits entre l’administration et les particuliers, la Commission interministérielle des droits de l’homme, organe pluridisciplinaire consultatif, et le Comité sénégalais des droits de l’homme, formé de responsables gouvernementaux, de députés et de représentants de la société civile, qui reçoit également des plaintes. Enfin, le Gouvernement est en train de mettre en place l’Observatoire national des droits de la femme et de l’enfant, un mécanisme indépendant de surveillance et de suivi qui sera représenté dans toutes les régions.

43.Mme NDIAYE DIAKHATE (Sénégal) indique au sujet de la fillette de 12 ans condamnée à six mois de prison ferme pour abandon du domicile conjugal que, trois jours après son placement en détention, la Cour d’appel a décidé de la remettre en liberté provisoire en attendant d’examiner son recours sur le fond. Il s’agit d’une affaire sans précédent car en principe un mineur de 12 ans ne peut être condamné, l’âge de la responsabilité pénale étant fixé à 13 ans, et il n’est pas exclu que le juge concerné fasse l’objet d’une sanction. Le mariage précoce n’est pas illégal, seule la consommation du mariage avant l’âge de 13 ans est interdite par l’article 300 du Code pénal. Le mariage forcé est interdit par la Constitution de 2001 mais il reste à l’ériger en infraction pénale. Le Sénégal sait que sa législation prévoit un grand nombre d’âges minimums différents et il s’emploie à l’harmoniser pour retenir uniquement l’âge de 18 ans.

44.Tous les juges connaissent la Convention relative aux droits de l’enfant, car un module spécial lui est consacré dans leur programme de formation. Cet instrument a été invoqué à plusieurs reprises devant les tribunaux; si l’État partie n’a cité qu’un seul exemple, c’est parce que celui-ci constituait une nouveauté: il s’agissait d’un cas de contrebande et bien que le placement en détention soit obligatoire pour ce type d’infraction, le juge s’y est opposé en invoquant la Convention.

45.L’article 245 du Code pénal interdit la mendicité, sauf si elle est pratiquée par une personne accompagnant un aveugle, ou par des parents avec leurs enfants. Il est néanmoins prévu de supprimer ces exceptions.

46.Mme KHATTAB demande des précisions sur la différence entre enfants des rues et talibés.

47.Mme DIOP (Sénégal) explique que les talibés sont des enfants qui étudient dans les écoles coraniques, les daaras, mais qui, très souvent, sont contraints par leur marabout à mendier dans la rue. Dans l’optique de la lutte contre les mendicité des enfants, on ne les considère pas comme des talibés mais comme des mendiants afin d’éviter toute considération religieuse. La mendicité des enfants est un phénomène qui ne cesse de s’aggraver car la population sénégalaise donne volontiers. C’est pourquoi l’État s’efforce d’instaurer un nouveau modèle de daara, notamment en fournissant une aide matérielle aux marabouts qui s’engagent à ne pas envoyer les enfants dans la rue. Un projet est consacré à l’introduction d’un enseignement trilingue (langue maternelle, français et arabe) et d’une formation professionnelle dans ces institutions. En outre, la loi de 2005 sur la traite des enfants, qui prévoit de lourdes peines pour toute personne qui obligerait un enfant à mendier, sera mise en application après la tenue des assises nationales sur les enfants des rues, à laquelle participeront tous les acteurs concernés.

48.M. ZERMATTEN demande si les daaras ont un statut privé ou public et quelle influence peut exercer l’État sur les marabouts.

49.Mme DIOP (Sénégal) répond qu’il existe des daaras informelles, qui bénéficient d’un appui du Ministère de la femme, de la famille et du développement social si leur marabout accepte de coopérer, et que l’État s’efforce de mettre en place des daaras modernes sous son contrôle.

50.Mme SMITH demande si le Gouvernement a un droit de regard sur l’enseignement dispensé dans les daaras qui sont sous le contrôle du Ministère de l’éducation,.

51.M. FILALI voudrait savoir pourquoi le Sénégal ne s’occupe pas du problème des talibés en tant que tel comme le recommande en particulier le chercheur sénégalais Saliou Saar, auteur d’une étude sur les enfants mendiants. En effet , les maîtres coraniques qui exploitent les enfants ne les envoient pas seulement mendier, ils les font aussi travailler dans les champs, par exemple. Ils sont puissants mais il faut s’attaquer aux structures mêmes et à l’ordre qu’ils ont établis.

52.M. LO (Sénégal) dit que les daaras étant le plus souvent des établissements privés et informels, les enfants qui y sont scolarisés ne sont pas pris en compte dans les statistiques, ce qui explique que le taux de scolarisation du Sénégal ne soit que de 80,2 %.

53.Dans le cadre de la lutte contre la mendicité et contre les personnes qui envoient les enfants mendier, l’État fournit des vivres, des vêtements et des médicaments, entre autres, aux daaras modèles, à savoir celles qui n’envoient pas les enfants dans la rue.

54.Mme VUCKOVIC demande pourquoi les maîtres coraniques qui exploitent des enfants ne sont pas poursuivis et punis.

55.M. LO (Sénégal) dit que la loi 2005-02 a été votée pour sanctionner les personnes qui se livrent à l’exploitation des enfants par la mendicité, le travail précoce ou par d’autres actions. Il est apparu que les enfants mendiants ne venaient pas tous des daaras. Certains viennent de pays limitrophes du Sénégal. C’est ce qui avait motivé la décision du Président de créer une structure d’accueil pour les enfants de la rue, le centre Ginddi, qui mène depuis trois ans des actions en collaboration avec la brigade des mineurs, se rendant notamment dans les lieux où sont rassemblés ces enfants pour les recueillir et tenter de les rendre à leur famille ou de les insérer dans une structure de formation professionnelle. Le Sénégal a signé des conventions avec les pays d’origine de ces enfants des rues pour organiser leur retour chez eux. Ces actions sont menées avec l’appui de l’UNICEF, de l’OIM, de Plan Sénégal et d’autres partenaires.

56.La Ministre de la femme, de la famille et du développement social a plaidé devant le chef de l’État en faveur de la répression des mariages précoces car ils sont sources de problèmes, dont celui de la fistule obstétricale, contre laquelle une campagne est en cours. Le Président a donné des instructions pour que soit sévèrement réprimés les mariages précoces, et un projet de texte est en cours d’élaboration. Grâce à cette mesure, des familles ou des jeunes filles concernées font désormais appel aux services du Ministère, qui envoient des agents pour empêcher ces mariages.

57.M. FILALI estime qu’il faudrait mettre sous la protection directe du Procureur les jeunes filles menacées de mariage précoce.

58.Il aimerait savoir si les enfants peuvent saisir directement le Président.

59.Vu l’absence apparente de mécanisme distinct pour la collecte d’informations sur la santé et le bien-être, ainsi que d’indicateurs permettant de connaître la situation en matière de santé des enfants, la délégation voudra bien indiquer si des mesures sont envisagées et si la mortalité élevée des femmes dans les zones rurales est imputable aux méthodes d’accouchement.

60.La pratique des mutilations génitale est toujours vivace dans les régions de Matam, Kolda et Tambacounda et il faudrait savoir quelles mesures sont prises pour réprimer les personnes qui s’y livrent.

61.La délégation pourrait en outre préciser ce qu’il en est du dépistage du sida, quel est le nombre d’enfants atteints et comment ils sont pris en charge.

62.Alors que l’éducation est obligatoire jusqu’à 16 ans, les enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux, dont les enfants déplacés, ne bénéficient pas d’une prise en charge suffisante. Des commentaires sur ce point seraient bienvenus. La délégation pourrait aussi indiquer si le problème des enfants victimes du conflit mauritano-sénégalais de 1989 est définitivement réglé.

63.Un complément d’information sur les mesures envisagées pour remédier à l’insuffisance du nombre d’écoles de formation professionnelle, à l’absence d’infrastructures de loisirs, au défaut d’enseignement de qualité et aux carences en matière de formation des enseignants est souhaitable.

64.Des statistiques sur les enfants handicapés et des informations concernant leur prise en charge seraient utiles.

65.Il serait également utile de savoir ce que fait le Sénégal pour protéger les petites filles employées comme bonnes, qui commencent à travailler dès l’âge de 6 ans, ne vont pas à l’école, sont souvent victimes de viols, ont des grossesses précoces et subissent des violences morales. Par ailleurs aucune information sur le tourisme sexuel n’a été fournie.

66.La délégation voudra bien indiquer si l’éducation et la réadaptation des enfants détenus sont assurées dans les établissements pénitentiaires et si ces enfants y sont séparés des détenus adultes.

67.Il faudrait aussi savoir si des mesures sont prises pour sensibiliser les jeunes aux effets néfastes des drogues, sachant que la pauvreté les conduit souvent à la toxicomanie.

68.Mme VUCKOVIC note avec étonnement que la législation sénégalaise dispose que l’auteur d’un viol ou d’abus sexuels sur un enfant de moins de 13 ans ne peut bénéficier de mesures de grâce, ce qui donne à penser que l’auteur de tels crimes sur un enfant de plus de 13 ans serait susceptible de bénéficier de pareilles mesures. Des éclaircissements sur ce point seraient souhaitables.

69.La délégation voudra en outre bien préciser le sens de l’expression «enfants en danger moral» employée dans les réponses écrites.

70.Il serait par ailleurs utile de préciser si la vente d’alcool aux enfants de moins de 18 ans est interdite et quelles mesures prend le Gouvernement en la matière.

71.M. LIWSKI demande ce qui est fait en matière de prévention de la violence institutionnelle.

72.Il voudrait savoir si des données statistiques sur la situation des talibés et son évolution selon les régions sont recueillies et quels sont les résultats du Programme de renforcement de la nutrition.

73.La délégation pourrait fournir des renseignements sur le fonctionnement des comités locaux, leur composition et leur degré d’autonomie s’agissant des budgets liés à la décentralisation, et indiquer s’ils ont la possibilité de faire payer certains services.

74.Tous les enfants ne semblent pas avoir accès au Programme élargi de vaccination, ce qui est préoccupant. Il faudrait savoir en outre où en est la Stratégie nationale en matière de santé de la reproduction, s’il existe un programme en matière de santé mentale dans le cadre du programme de décentralisation des services locaux et si les adolescents sont invités à participer à l’élaboration des programmes qui les concernent, notamment en matière de santé mentale et de santé de la reproduction.

La séance est levée à 13 heures.

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