NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.114418 août 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1144e SÉANCE [(Chambre A)]

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 24 mai 2006, à 15 heures

Présidence: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Troisième rapport périodique du Liban (suite)

La séance est ouverte à 15 heures 15.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour)

Troisième rapport périodique du Liban [(CRC/C/129/Add.7); document de base (HRI/CORE/1/Add.27/Rev.1); liste des points à traiter (CRC/C/LBN/Q/3); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/LBN/Q/3/Add.1)]

1. Sur l’invitation du Président, la délégation libanaise reprend place à la table du Comité.

2.Mme MANSOUR (Liban) dit que, dans le domaine de la santé, le Liban a adopté une approche pragmatique en choisissant de faire appel au secteur privé afin de pouvoir fournir des services de santé à la totalité du pays.

3.Les enfants palestiniens ont les mêmes droits que les autres et sont pris en charge par les hôpitaux publics qui reçoivent tous les enfants, notamment dans le cadre de programmes de vaccination. Contrairement à ce qu’ont avancé certains membres du Comité, le Gouvernement libanais est parvenu à réduire le taux de mortalité de manière assez considérable. Notamment, le taux de mortalité infantile dans les camps est passé de 40 ‰ à 19,2 ‰. Une étude a permis d’établir que la prise en charge des naissances par des sages-femmes, dans les camps de réfugiés, était à l’origine d’un nombre important de décès de nourrissons. Le Gouvernement a alors décidé de fournir des services médicaux de base dans ces camps pour éviter des problèmes tels que le tétanos et les infections juste après la naissance.

4.Le Liban dispose de 925 centres de santé disséminés sur tout le territoire. Même dans les villages les plus éloignés, on trouve toujours un dispensaire ou une petite clinique. L’État, lorsqu’il n’a pas réussi à mettre en place un centre de santé, essaie de déléguer ces tâches au secteur privé afin que toute la population du Liban puisse être prise en charge. Il y a bien sûr des disparités entre les régions, notamment dans la zone de la Bekaa, et dans le nord.

5.Le taux de malnutrition n’est pas extrêmement élevé. Pour lutter contre l’anémie, les centres de santé fournissent des compléments en fer. Des farines enrichies ont également été mises sur le marché.

6.Dans le domaine de la procréation, le Ministère des affaires sociales et le Ministère de la santé ont lancé un programme conjoint pour fournir des services aux femmes en âge de procréer. Un programme de lutte contre le sida encourageant l’utilisation des préservatifs a également été mis en place.

7.La guerre a laissé des séquelles en matière de santé mentale, notamment chez les adolescents. L’Association libanaise de la santé mentale a entrepris des études sur ce problème, et le Gouvernement a commandé des enquêtes à différentes institutions et leur a demandé de fournir des services dans ce domaine.

8.M. GERBAKA (Liban) dit que, malgré les efforts des autorités et de nombreuses organisations, la maltraitance et l’abandon moral continuent d’entraver la réalisation des droits des enfants. Le Liban a donc jugé nécessaire de s’appuyer sur les compétences de nombreux professionnels, experts et organisations non gouvernementales comme ceux qui constituent l’équipe spéciale chargée par le Conseil supérieur pour l’enfance d’élaborer une stratégie nationale pour la prévention de la violence contre les enfants. Cette équipe pluridisciplinaire est composée de responsables de l’application des lois, de spécialistes de l’enfance, de chercheurs et de membres du corps médical. Cela étant, sans mécanisme de surveillance fiable et sans implication véritable de la société, la violence à l’égard des enfants risque d’empirer. Il a donc semblé indispensable de créer une structure indépendante, compétente et participative pour analyser les informations disponibles et coordonner l’action des différents secteurs concernés, y compris des associations de défense des droits de l’enfant et des organisations non gouvernementales. Cette structure, appelée Observatoire de l’enfance, qui est en cours d’élaboration depuis deux ans, reposera sur une approche participative et intersectorielle. Les autorités locales participeront également à ses activités. L’action de l’Observatoire devrait aussi s’articuler en partie autour de la ligne d’assistance téléphonique pour les enfants mise en place en collaboration avec le Ministère de la justice et le Comité supérieur pour l’enfance.

9.L’objectif est d’améliorer l’identification des cas de maltraitance, de mieux mesurer l’étendue du problème, de sensibiliser le public, de mettre au point des supports de formation, d’offrir un appui aux professionnels et aux ONG concernés, d’améliorer la coopération entre les différentes entités concernées au Liban et entre le pays et le reste de la région arabe et de contribuer à la création de centres spécialisés de recherche sur la maltraitance. L’une des principales missions de l’Observatoire sera d’élaborer des rapports exhaustifs sur la violence contre les enfants et de suivre les mesures prises au niveau national comme au niveau local pour traduire dans les faits les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il importera aussi d’améliorer la collaboration intersectorielle, qu’il s’agisse de la santé, du droit, de l’éducation ou encore des services sociaux. Une structure juridique sera mise en place. Le projet d’Observatoire pour l’enfance, qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de protection de l’enfance, doit encore trouver des financements. L’Observatoire, qui doit rester une institution indépendante et transparente, apportera une aide précieuse au Conseil supérieur pour l’enfance dans le cadre de la définition de ses priorités en matière de protection de l’enfance.

10.Par ailleurs, le projet de médiateur de l’enfance, présenté il y a deux ans, se heurte toujours à certains obstacles, notamment parce qu’il est parfois perçu comme une atteinte aux prérogatives d’autres institutions. Le projet de ligne d’assistance pour les enfants, conçu il y a plusieurs années, suscite quant à lui un regain d’intérêt depuis 2005.

11.Dans le domaine de la formation et du renforcement des capacités en matière de prévention de la violence et de protection des victimes, il convient de signaler que le Conseil supérieur pour l’enfance a mis en place un atelier à l’intention des ONG travaillant avec les enfants, pour renforcer les capacités des différents acteurs et améliorer leur collaboration.

12.Les accidents sont la première cause de mortalité en dehors de la période néonatale. Les enfants de moins de cinq ans sont principalement victimes d’accidents domestiques, tandis que les adolescents décèdent surtout dans des accidents de la circulation. Le Gouvernement a mis en place un programme visant à réduire le nombre de décès, de visites aux services d’urgence et d’hospitalisations des enfants âgés de moins de cinq ans à la suite d’accidents domestiques, qui s’est révélé très positif, le taux de mortalité des moins de cinq ans ayant nettement diminué. Les autorités ont remporté beaucoup moins de succès en ce qui concerne les accidents de la route, qui font toujours plus de victimes chez les adolescents. Les autorités libanaises s’emploient également à lutter contre les accidents dans les écoles. À cette fin, une institution a notamment été créée pour renforcer la sécurité des enfants à l’école.

13.M. MEKHAEL (Liban) dit que le Liban s’est doté d’un programme national de protection contre les mines terrestres. En 2003 un seul cas d’accident lié à l’explosion de mines terrestres a été recensé, en 2004 six, en 2005 sept. Le Liban dispose également d’un Bureau national qui diffuse des informations sur les zones minées. S’agissant de la santé de la procréation, le Gouvernement tente, par le biais de son programme national, d’agir au niveau local, dans le cadre de programmes de formation et de sensibilisation des adolescents.

14.M. NEHME (Liban) dit que le Gouvernement libanais a mis en place en 1997 un nouveau programme scolaire qui fera l’objet d’une évaluation d’ici à la fin de l’année. Des modifications seront alors proposées. Le poids des cartables des enfants est également un sujet de préoccupation, notamment dans l’éducation primaire.

15.Les enfants sont accueillis à l’école maternelle, jusqu’à l’âge de six ans. Le Ministère des affaires sociales et le Ministère de l’éducation ont lancé une réforme du système en 2006, qui devrait durer jusqu’en 2015, avec 50 maternelles pilotes. Ces activités sont menées en coopération avec les ONG et les collectivités locales.

16.S’agissant de la qualité de l’enseignement au Liban, comme dans nombre de pays, les parents ont tendance à considérer que les écoles privées sont meilleures que les écoles publiques, mais le Gouvernement libanais tente de lutter contre ces préjugés. À certains égards, les écoles privées sont en effet plus performantes car elles ont plus de moyens. La guerre a engendré une pénurie d’enseignants dans l’éducation primaire et secondaire publique. Depuis 1997, une série de réformes ont été engagées, mais la plupart des écoles publiques n’ont pas pu appliquer les programmes scolaires prévus, à cause du manque d’enseignants et de moyens.

17.Le Ministère libanais de l’éducation nationale décide du contenu des programmes scolaires. Une étude a été menée en collaboration avec l’UNICEF et des ONG pour évaluer les programmes scolaires, en vue de leur harmonisation. Un système d’évaluation a également été mis en place pour permettre un suivi des écoles et des élèves.

18.Il est moins coûteux pour le Gouvernement de subventionner les écoles privées déjà existantes que de construire de nouveaux établissements scolaires publics, et c’est la raison pour laquelle 378 d’entre elles bénéficient actuellement d’un soutien financier de la part de l’État.

19.L’enseignement public n’est pas totalement gratuit puisque les familles doivent encore prendre à leur charge une partie des frais de scolarité mais un projet de loi élaboré avec l’aide du Bureau régional de l’UNESCO prévoit d’instaurer la gratuité de l’enseignement jusqu’à l’âge de 15 ans dans un premier temps et de 18 ans par la suite. Il convient de noter que les enfants palestiniens ont accès aux établissements d’enseignement public au même titre que les enfants libanais, même lorsqu’ils ne figurent pas sur les registres de l’état civil.

20.Des conseils chargés de la santé ont été mis en place dans les écoles pour dépister d’éventuels problèmes de santé au sein de la population enfantine, dans le domaine de la santé bucco‑dentaire notamment, et mener des campagnes de prévention du tabagisme.

21. M. Mekhael ne dispose pas de statistiques sur l’ampleur du recours aux châtiments corporels dans les écoles mais dit que rien ne semble indiquer que cette pratique soit répandue. Le Conseil supérieur pour l’enfance travaille toutefois actuellement à l’élaboration d’un règlement intérieur type qui interdirait le recours au harcèlement psychologique et aux châtiments corporels dans les établissements scolaires.

22.Le PRÉSIDENT demande si l’État partie s’est interrogé sur les raisons pour lesquelles les services fournis dans les centres de santé, les établissements scolaires et les institutions de protection de l’enfance sont de qualité très inégale. Il souhaite savoir si les ministères compétents ont établi des normes minimales de qualité et mis en place un système de contrôle chargé de veiller au respect de ces normes.

23.Mme LEE voudrait savoir quels sont les problèmes rencontrés par l’État partie dans le cadre de la mise en œuvre de la loi no 220 de 2000 concernant les droits des handicapés et la fourniture de services sanitaires et sociaux aux personnes ayant des besoins particuliers et quelles mesures l’État partie a prises pour remédier à ces problèmes. Elle demande si ce dernier entend garantir la scolarisation des nombreux enfants handicapés dans des établissements d’enseignement général et si le «Comité national des questions relatives aux handicapés» mentionné au paragraphe 296 du rapport à l’examen et le «Comité chargé d’organiser toutes les questions relatives à l’éducation des enfants ayant des besoins particuliers» dont il est question au paragraphe 301 sont une seule et même instance et pourquoi ce dernier comité «n’est toujours pas opérationnel».

24.Mme Lee demande ensuite quelle est la procédure à suivre pour obtenir une carte d’invalidité, pourquoi 57,47 % des enfants ayant des besoins particuliers et titulaires d’une carte d’invalidité n’ont jamais été scolarisés (tableau 27 du rapport périodique) et quel est le sort des petites filles palestiniennes souffrant d’un handicap qui sont manifestement laissées en marge de la société.

25.M. MEKHAEL (Liban) convient que de nombreux enfants handicapés sont laissés pour compte, situation qu’il explique par le manque de ressources tant financières qu’humaines et par le fait que les équipements spécialisés coûtent cher. Il précise que les statistiques relatives aux enfants handicapés sont bien en deçà de la réalité parce que, pour des raisons d’ordre culturel, les familles n’entreprennent pas les démarches pour que leur enfant soit reconnu comme tel.

26.Le Ministère des affaires sociales travaille actuellement à l’élaboration d’un texte destiné à réglementer les institutions chargées de la protection de l’enfance et, pour cela, l’opinion des enfants qui bénéficient de ce type de services a été prise en compte à l’occasion d’une enquête menée par des éducateurs sociaux.

27.M. NEHME (Liban) dit que, pour intégrer les enfants ayant des besoins spéciaux au sein de la société, les écoles publiques sont désormais aménagées afin de pouvoir accueillir les handicapés, et des enseignants sont formés à la prise en charge de ces enfants. Des classes spéciales regroupant sur deux années le programme d’enseignement de trois années dans la filière classique ont aussi été créées pour répondre aux besoins éducatifs spéciaux des enfants surdoués.

28.Pendant la guerre, l’École normale et les instituts de formation des enseignants ont été fermés et les personnes qui ont été chargées d’assurer les cours pendant cette période n’avaient aucune qualification pédagogique. Aussi un concours a-t-il été ouvert à tous ces enseignants; les lauréats auront la possibilité de suivre en 2007 une formation à l’École normale, qui a rouvert ses portes.

29.Mme MANSOUR (Liban) dit que la fluctuation des indicateurs sanitaires d’une région à l’autre est due à la pauvreté et au fait que, dans certains districts, les services de santé sont rares, voire inexistants. Pour pallier ce problème, le Gouvernement a mis en place un système d’accréditation des hôpitaux en fonction de la qualité des soins qu’ils dispensent et les centres de soins de santé primaires vont eux aussi être soumis à des normes de qualité dès le mois d’octobre 2006.

30.Mme KEYROUZ (Liban) dit que le Conseil supérieur pour l’enfance peut désormais porter plainte dès lors qu’il a connaissance de sévices sexuels commis à l’encontre d’enfants.

31.Dans le cadre de la kafala, les enfants reçoivent le nom de leur père adoptif et jouissent de tous les droits auxquels peuvent prétendre les enfants biologiques, et notamment du droit d’hériter. Le Liban autorise l’adoption internationale, mais pour éviter que les procédures d’adoption à l’étranger n’aboutissent à la traite d’enfants, un article du Code pénal érige en délit passible d’une peine d’emprisonnement la traite d’enfants donnés à l’adoption.

32.M. RABAH (Liban) dit que l’article 186 du Code pénal libanais, qui autorisait jusqu’à présent les châtiments corporels, va être supprimé, et que des enfants qui avaient été exclus de leur établissement scolaire après s’être plaints d’avoir été victimes de châtiments corporels seront réintégrés. Une nouvelle réglementation interdit de vendre de l’alcool et du tabac à proximité des écoles, et les enfants toxicomanes pourront bénéficier de cures de désintoxication en milieu hospitalier.

33.Pour que les enfants des rues ne sombrent pas dans la délinquance, un centre a été créé en 1999, chargé de les prendre en charge jusqu’à leur majorité et de leur offrir une formation, de manière qu’il puissent se réinsérer dans la société. Ceux qui sont originaires de pays voisins tels que la Turquie, la Syrie, la Jordanie ou l’Iraq se voient octroyer une carte d’identité provisoire tant que les autorités libanaises n’ont pas retrouvé leurs parents à l’étranger.

34.M. MEKHAEL (Liban) précise que l’association qui s’occupe des enfants des rues est financée par le Ministère des affaires sociales. En 2006, elle a accueilli 65 enfants, dont les trois quarts étaient syriens.

35.Mme KEYROUZ (Liban) souligne que la loi interdit dorénavant aux parents de priver les enfants d’école, punition autrefois traditionnelle.

36.Mme SAMRA (Liban) souligne que toute personne témoin de violences à l’égard d’un enfant peut à tout moment avertir les autorités, qui prennent alors les mesures nécessaires pour protéger l’enfant et punir l’auteur de ces violences. L’État partie s’efforce à cet égard de mobiliser tous les intervenants − enseignants, travailleurs sociaux, forces de l’ordre, médecins et magistrats − et de coordonner l’action de la société civile et du Ministère de la justice. Avec l’aide de la société civile, le Ministère de la justice organise des activités de formation et de sensibilisation à la protection des enfants, notamment à l’attention des travailleurs sociaux et des forces de police. Les commissariats sont équipés de salles spéciales destinées à recueillir la déposition des enfants victimes de violences. La loi du 6 juin 2002 fait l’objet d’un suivi statistique visant à en surveiller l’application afin de corriger les lacunes. Les chiffres sont mis à la disposition des organisations qui s’occupent de la protection des mineurs. Lorsqu’un mineur est placé en détention, cela ne figure pas dans son casier judiciaire. L’État partie coordonne son action avec l’UNICEF et avec toutes les autres organisations qui œuvrent en faveur de la protection de l’enfance. En 2005, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime a aidé l’État partie à mener une étude pour évaluer combien d’enfants avaient des problèmes de drogue.

37.M. MEKHAEL (Liban) souligne que, tenant compte des observations du Comité concernant son deuxième rapport périodique, l’État partie s’attache actuellement à transposer les dispositions de la Convention dans son droit interne.

38.Mme SAMRA (Liban) indique que les juges ont été sensibilisés au contenu de la loi du 6 juin 2002 et recherchent maintenant en collaboration avec les autorités locales des alternatives aux sanctions pénales. En outre, l’État partie a pris conscience de l’aide considérable que la société civile peut apporter pour réserver aux délinquants mineurs un traitement distinct.

39.M. MEKHAEL (Liban) indique que l’introduction de la nouvelle loi a été très positive, à telle enseigne que l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime estime que ce modèle pourrait être suivi dans d’autres pays.

40.Le PRÉSIDENT, préoccupé par le fait que 32 000 enfants sont placés dans des institutions, demande qui prend la décision de placer l’enfant, en particulier s’il s’agit d’un tribunal religieux ou civil.

41.Mme ORTIZ demande combien, parmi les enfants placés, sont en situation d’être accueillis dans une famille d’accueil ou recueillis dans le cadre de la kafala. Elle demande en outre si ce sont les institutions qui examinent le cas de l’enfant et suggèrent au juge une mesure transitoire ou définitive, et qui est responsable du projet de vie des enfants placés.

42.M. KOTRANE se félicite de l’adoption de la loi no 422 du 6 juin 2002. À propos des travaux d’intérêt général évoqués au paragraphe 501 du rapport, il ne partage pas l’avis des ONG selon lequel cette mesure porte atteinte à la dignité de l’enfant. Il insiste sur le fait qu’une telle mesure, imposée par un juge au lieu d’une peine d’emprisonnement, est conforme aux règles de Beijing et à l’esprit de la Convention. Se référant au paragraphe 506 du rapport, il déplore, à l’instar des ONG, qu’il n’y ait pas disjonction de la cause en cas d’infraction commise par un mineur et un adulte. Il estime que les mineurs doivent bénéficier d’une justice spéciale à toutes les phases de la procédure. En outre, il relève que l’enfant n’est pas écouté au cours de celle‑ci et insiste sur le fait que son droit de participer à la procédure doit être respecté. Il demande quelle est la durée maximale de la détention préventive et quelles sont les conditions de détention pour les mineurs. Se félicitant de ce que la loi no 422 traite aussi des enfants en danger, il se demande pourquoi elle ne prévoit pas de devoir de signalement. Selon lui, il ne suffit pas de lever le secret professionnel, il faut aussi que les médecins, les instituteurs et les travailleurs sociaux soient tenus de donner l’alarme lorsqu’un enfant est en danger. Enfin, relevant que cette loi sanctionne la violence «sauf celle qui est tolérée par l’usage», il demande si l’État partie entend supprimer cette restriction.

43.Mme SAMRA (Liban) précise que la période maximale de détention provisoire est de deux mois pour un mineur et de six mois pour un adulte, cette période étant renouvelable une fois dans les deux cas. Elle indique que les travailleurs sociaux font le lien entre le système judiciaire et la société civile afin de trouver une institution susceptible d’accueillir l’enfant et d’aider à sa réhabilitation. Le juge peut décider de remettre l’enfant à sa famille, à une famille d’accueil ou à une institution. Le traitement des enfants fait l’objet de rapports réguliers.

44.Elle souligne que l’État partie s’efforce de séparer les mineurs des délinquants adultes, notamment en traitant les dossiers séparément, et que les mineurs en détention ont accès à une assistance médicale, les médecins étant habilités à signaler toute trace de sévices.

45.M. GERBAKA (Liban), se référant au «devoir de signalement», souligne que les médecins doivent aussi être formés de manière à pouvoir diagnostiquer la maltraitance. En outre, le médecin qui dénonce une maltraitance risque d’être soumis à des pressions si son allégation se vérifie ou de voir sa carrière compromise s’il s’est trompé. Une équipe pilote a donc été formée pour examiner les cas graves de violence et une formation destinée au personnel médical et paramédical est en préparation.

46.Mme SAMRA (Liban) précise que les juges examinent les cas de violence physique mais aussi de violence morale. Pour ce qui est des conditions de vie dans les institutions, les enfants placés doivent suivre un programme d’enseignement obligatoire mais ils peuvent aussi, en vue de leur réinsertion, suivre une formation professionnalisante. Le certificat obtenu ne mentionne pas que la formation a été suivie en prison.

47.Mme LEE indique que le rapport du Rapporteur spécial sur la vente d’enfants fait état d’une augmentation de la prostitution infantile au Liban. Puisque, selon l’État partie, il ne s’agit pas d’enfants libanais, elle demande si des enfants d’autres pays sont introduits frauduleusement au Liban et si le Code pénal libanais couvre aussi cette forme de traite.

48.Le PRÉSIDENT, saluant la création du «centre d’initiative» mentionné dans les réponses écrites, demande pourquoi cet établissement se situe dans un hôpital public et s’il est séparé de l’hôpital proprement dit.

49.M. KOTRANE, revenant au «devoir de signalement», souligne que l’État partie ne peut se satisfaire d’une disposition générale sur la non‑assistance à personne en danger, qui ne saurait s’appliquer à la maltraitance. Il insiste sur la nécessité d’instituer l’obligation, pour toute personne en contact avec l’enfant, de signaler toute atteinte à l’intégrité physique de celui‑ci au ministère public ou, pourquoi pas, aux autorités sociales.

50.Mme SAMRA (Liban) précise que le Ministère de la santé a accueilli le centre d’initiative dans l’hôpital en question car c’était le seul espace disponible. Le centre se trouve dans une aile distincte et dispose d’une entrée séparée.

51.M. RABAH (Liban) indique que le Ministère de la justice, les responsables de l’immigration et de la sécurité intérieure, et les ambassades des pays concernés ont signé un protocole d’accord pour lutter contre la traite d’enfants et que la loi a été renforcée: les auteurs de ce délit sont désormais passibles de cinq ans d’emprisonnement.

52.Au Liban, aucune disposition législative n’interdit actuellement qu’un enfant travaille comme domestique dans une famille. Les plaintes en la matière sont donc pour l’heure jugées irrecevables.

53.L’administration de la justice pour mineurs fait l’objet d’une toute nouvelle législation, qui permettra progressivement la mise en place d’un système judiciaire, moral et social − et non pénal − de prise en charge des enfants en conflit avec la loi. À cet égard, les différents séminaires organisés par des ONG sur la question devraient permettre d’aller de l’avant. Les agents de police seront formés au traitement des cas de délinquance juvénile. Tous les services à l’intention des enfants seront regroupés en un seul bâtiment, éloigné du Palais de justice, ce qui obligera le juge à se rendre sur place.

54.M. MEKHAEL (Liban) dit que l’abolition des établissements pénitentiaires pour mineurs est aujourd’hui l’objet d’un débat. Au stade actuel, les autorités libanaises travaillent en coopération avec l’UNICEF pour collecter le maximum de données techniques et à terme, mettre à profit les expériences qui ont pu être menées à l’étranger dans le domaine.

55.Quelque 20 000 enfants − et non 30 000 − sont actuellement placés en institution, dont 6 000 reçoivent une formation professionnelle. Aucun placement dans un foyer ou une famille ne peut se faire sans l’accord des parents. Une étude est en cours, avec le concours d’organisations de la société civile, pour adapter le système de placement et faire une plus large place aux services de l’assistance sociale. Selon le Centre national de la statistique libanais, la pauvreté aurait touché quelque 29 % de la population en 2005 et ne serait plus un phénomène exclusivement rural; il existe aujourd’hui des poches de pauvreté dans les villes, du fait de l’immigration et des nouvelles tendances de la répartition démographique. Le chômage constitue un problème aggravant pour les familles les plus démunies. Dans les camps de réfugiés, les enfants sont encore plus pauvres. Diverses organisations et institutions s’attellent à atténuer le niveau de pauvreté. Le PNUD envisage notamment de financer des petites et moyennes entreprises aux fins du développement.

56.Le PRÉSIDENT demande si les 29 % mentionnés incluent la population vivant dans les camps de réfugiés.

57.M. MEKHAEL (Liban) répond par la négative, mais souligne que les enfants des camps de réfugiés bénéficient depuis peu des mêmes services que les enfants libanais.

58.Mme ORTIZ voudrait savoir, au vu des chiffres mentionnés, si l’État partie envisage, aux fins d’une plus grande conformité avec les dispositions de la Convention, de réviser sa législation sociale pour mettre en place un système de prise en charge des enfants en difficulté qui soit basé sur l’accueil en milieu familial et non sur le placement en institutions fermées.

59.Il serait en outre utile de disposer de précisions sur les formes d’adoption pratiquées respectivement par les tribunaux religieux et les tribunaux civils, sur le nombre de dossiers d’adoption traités par chacune de ces instances, sur le nombre d’adoptions nationales et internationales enregistrées dans le pays, ainsi que sur les circonstances justifiant l’annulation d’une adoption et ses modalités.

60.M. MEKHAEL (Liban) précise que les modalités de l’adoption sont fixées par les lois sur le statut personnel et que les décisions sont généralement prononcées par des organisations sociales, après qu’elles ont reçu, le cas échéant, l’approbation des tribunaux religieux. Le Liban n’a pas ratifié la section de la Convention relative à l’adoption car la pratique de l’adoption n’est pas très répandue dans le pays.

61.Selon les chiffres fournis par les deux institutions chrétiennes essentiellement concernées par l’adoption − il n’y a pas d’adoption dans l’islam −, seule une trentaine d’enfants auraient été adoptés au Liban entre 2003 et 2005. Concernant les adoptions internationales, trois enfants ont été adoptés en France, trois autres ont été adoptés en Espagne et un enfant a été adopté en Autriche.

62.Une fois l’étude sur le placement en institution achevée, les autorités libanaises commenceront, pour se conformer aux dispositions de la Convention, à promouvoir l’adoption en tant que solution de remplacement. Il convient néanmoins de ne pas perdre de vue que la pauvreté des familles reste la raison principale du placement en institution des enfants.

63.M. KOTRANE invite l’État partie à relever l’âge de l’admission à l’emploi, à prolonger l’obligation scolaire et à inscrire dans le Code du travail l’interdiction du travail domestique des enfants pour lutter contre le phénomène − très répandu − du travail des enfants. Parallèlement, il demande comment le Gouvernement entend doter les inspecteurs du travail des moyens humains et matériels nécessaires pour qu’ils puissent mener à bien leur tâche.

64.M. MEKHAEL (Liban) dit que, même si la situation économique des familles et l’abandon scolaire précoce restent les principales raisons poussant les enfants à travailler, le Liban a toutefois ratifié la Convention no 182 de l’OIT sur l’abolition des pires formes de travail des enfants et prend actuellement des mesures pour mettre son Code du travail en conformité avec les instruments internationaux en la matière. Le Ministère du travail, par l’intermédiaire d’un comité national spécifiquement créé, travaille également sur la question de la protection du travail des domestiques.

65.Le PRÉSIDENT demande à connaître les échéances exactes du projet à durée déterminée s’inscrivant dans le cadre du programme IPEC de l’OIT pour l’abolition des pires formes de travail des enfants exposé à la page 26 des réponses écrites, notamment concernant la réalisation de l’objectif IV et les mesures prévues dans le cadre du plan pour la sécurité et la santé au travail des enfants affectés à des tâches dangereuses pour fournir aux inspecteurs du travail une formation adaptée à leur domaine d’activité et soustraire à des tâches dangereuses 500 enfants âgés de 7 à 15 ans et les réadapter.

66.M. MEKHAEL (Liban) indique qu’aucun calendrier n’a été fixé en la matière. Faute d’inspecteurs du travail en nombre suffisant, le Ministère du travail ne pourra pas mettre en œuvre en 2006 toutes les dispositions qu’il a arrêtées mais les formes les plus terribles du travail des enfants figurent parmi les objectifs à court terme du Conseil des ministres et de l’OIT.

67.Mme KEYROUZ (Liban) ajoute que le Comité national mis en place a pour objectif de mettre progressivement un terme au travail des enfants. Pour ce faire, le Ministère du travail s’est également doté d’une stratégie à court, moyen et long terme. La délégation ne peut malheureusement pas fournir de dates précises aux membres du Comité mais leur donne l’assurance que le Gouvernement libanais fait de son mieux pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixés.

68.Mme AL‑THANI (Rapporteur pour le Liban) tient à faire remarquer que, compte tenu de la situation difficile que connaît l’État partie, la présentation du troisième rapport périodique du Liban − qui témoigne de son engagement en faveur de la protection des enfants − est digne de louanges. Outre les réalisations et progrès accomplis, les membres du Comité mentionneront dans leurs observations finales les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la Convention. Ils recommanderont notamment à l’État partie de continuer à mettre son arsenal législatif en conformité avec les dispositions de la Convention et de veiller à l’application des nouvelles lois, de faire en sorte que le Conseil supérieur pour l’enfance, principal organe de coordination des politiques en faveur de l’enfance, puisse jouer son rôle et contribuer à la formulation d’un plan national d’action, et de mettre sur pied un système de suivi indépendant, du type médiateur ou instance nationale des droits de l’homme, chargé d’assurer le suivi de l’application des dispositions.

69.Le Comité respecte en outre le caractère plurireligieux de la société libanaise, mais encourage le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à la protection de tous les enfants présents sur son territoire et à la réalisation de leurs droits, notamment concernant l’âge du mariage, les solutions alternatives de placement comme l’adoption et la kafala et le sort réservé aux enfants palestiniens. Il est préoccupé par les difficultés d’accès des enfants issus de familles défavorisées aux services de santé et d’éducation, qui restent très dépendants du secteur privé. Pour conclure, il prend bonne note des nombreuses réformes en cours dans l’administration de la justice pour mineurs.

70.M. MEKHAEL (Liban) renouvelle aux membres du Comité l’assurance de la volonté des autorités libanaises de poursuivre le dialogue franc, ouvert et constructif entretenu, en adoptant pour ce faire une approche fondée sur les droits, de tenir compte des observations exprimées dans l’échafaudage de leurs futurs programmes et politiques et de donner effet aux recommandations qui lui seront formulées au cours des années 2007 à 2011.

La séance est levée à 17 h 50.

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