NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.10211er février 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente‑huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1021e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 26 janvier 2005, à 10 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique du Nigéria

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Nigéria (CRC/C/70/Add.24 et CRC/C/70/Add.24/Rev.2; CRC/C/Q/NIG/2 (liste des points à traiter); CRC/C/RESP/72 (réponses écrites du Gouvernement nigérian))

1. Sur l’invitation du Président, M.  Ayalog , M me Akpan , M me Nwaneri , M me Imavan , M.  Haruna , M.  Omotosho , M.  Adeyemi , M. Ladan , M me Ndaguba , M me Oladiji , M me  Faluyi , M me  Jiprese et M me  Aiyedun ( Nigéria ) prennent place à la table du Comité.

2.MmeAKPAN (Nigéria) se félicite de l’occasion qui lui est donnée de venir présenter les progrès accomplis par le Nigéria sur la voie de la mise en œuvre effective de la Convention et la suite donnée aux précédentes observations finales du Comité (1996) qui atteste l’engagement des autorités nigérianes en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’enfant.

3.Le deuxième rapport périodique décrit la réalité complexe du Nigéria, en mettant l’accent sur les améliorations intervenues à différents niveaux, notamment les progrès lents mais constants réalisés aux fins de l’élaboration de statistiques nationales, et les contraintes qui pèsent sur la mise en œuvre de la Convention.

4.Parmi les principaux instruments administratifs et législatifs de protection des enfants récemment adoptés, on peut citer la loi sur les droits de l’enfant (2003), la loi interdisant la traite des personnes (2003), les lois adoptées par plusieurs États réprimant certaines pratiques traditionnelles néfastes visant les femmes et les enfants en particulier l’excision et des mutilations génitales ou interdisant le mariage des fillettes, promulguées dans le souci d’harmoniser les législations de la Fédération, des États et des autres collectivités locales avec la Convention.

5.Sur le plan institutionnel, le Nigéria a mis en place un Département du développement de l’enfant, un Comité national de mise en œuvre des droits de l’enfant et ses pendants au niveau des États et des autres collectivités locales, le Bureau d’information sur les droits de l’enfant, le Bureau national contre la traite des personnes,et un Conseil national des défenseurs des droits de l’enfant, qui chapeaute les ONG œuvrant en faveur des enfants. Un Rapporteur spécial sur les droits de l’enfant a également été nommé au sein de la Commission nationale des droits de l’homme.

6.Diverses actions ont été entreprises pour faire connaître les principes de la Convention, notamment la publication d’une version simplifiée de la Convention et sa traduction dans les trois langues principales du Nigéria (haoussa, igbo et yoruba), la sensibilisation des décideurs et des parties prenantes à tous les niveaux par des campagnes, des émissions radiotélévisées et des documentaires, l’organisation de réunions à l’intention de groupes cibles, l’organisation de camps de vacances et de concours pour les enfants, la célébration de la Journée de l’enfant (27 mai) et de la Journée de l’enfant africain (16 juin), la production de matériels didactiques et pédagogiques et la création de clubs des droits de l’enfant dans les écoles.

7.Une vaste campagne de sensibilisation et de formation aux dispositions de la Convention et de la loi de 2003 sur les droits de l’enfant est menée en continu en direction des associations et des professionnels concernés par la protection de l’enfance, avec la collaboration d’ONG et d’organisations comme l’UNICEF, l’OIT et l’OMS. La Commission nationale des droits de l’homme a en outre élaboré des manuels de formation.

8.Des efforts ont été déployés ces cinq dernières années pour renforcer la collaboration entre les entités participant à la protection des droits de l’enfant. Le Ministère fédéral des affaires féminines et de la jeunesse assure ainsi désormais, outre ses activités de liaison avec les autres instances et ministères concernés, la coordination des initiatives prises par les institutions de l’ONU et d’autres organisations ou fondations internationales.

9.Des bureaux pour les jeunes, les enfants et les femmes ont été mis en place en 2002 dans les postes de police du pays. Les autorités fédérales et locales ne ménagent aucun effort pour sauver les enfants victimes de la traite, lutter contre le travail des enfants et la maltraitance et réprimer les auteurs de tels crimes. Le pays dispose désormais d’un programme visant à réadapter socialement les enfants des rues et, le cas échéant, à les réintégrer dans leur famille.

10.Les enfants ont de multiples occasions de faire entendre leur voix au sujet de leurs droits et de leur bien‑être, notamment dans le cadre des clubs des droits de l’enfant, du Sommet national pour les enfants, des parlements des enfants institués au niveau de la Fédération et des États, et des programmes de radio ou de télévision consacrés à des sujets les concernant.

11.Le droit des enfants à la survie a été conforté par la création de comités de mobilisation sociale pour la vaccination des enfants contre la poliomyélite et autres maladies infantiles, des projets de lutte contre le paludisme encourageant l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide, la gratuité des soins pré‑ et postnatals pour les femmes et leurs enfants de moins de 5 ans, et la promotion de l’allaitement exclusif pendant les six premiers mois de vie.

12.Mme SMITH se félicite de la présence d’une jeune fille venue représenter le Parlement des enfants. Depuis la présentation du rapport initial, des progrès sensibles ont été accomplis au Nigéria, notamment avec la ratification de la Charte africaine des droits et du bien‑être de l’enfant en 2001 et des Conventions nos 138 et 182 de l’OIT en 2002, la réforme de la législation relative à l’enfance, la promulgation de la loi de 2003 sur les droits de l’enfant, et la coopération efficace instaurée avec l’UNICEF et les ONG, mais beaucoup reste à faire.

13.Le Nigéria, qui ne jouit pas d’une très bonne réputation en matière de droits de l’homme, est constitué d’une mosaïque de peuples et connaît des tensions ethniques et religieuses qui ne sont pas sans conséquences sur la situation des enfants.

14.Il est regrettable que le Nigéria, très concerné par la traite des enfants, n’ait pas encore ratifié les deux Protocoles facultatifs à la Convention. Dans une fédération constituée de 36 États et du Territoire fédéral d’Abuja, garantir l’adoption d’une approche unifiée de la législation relative aux enfants et la cohérence de l’application de la Convention au niveau local semble en outre difficile. D’importantes disparités existent entre garçons et filles (notamment en matière d’éducation), entre le nord et le sud, ainsi qu’entre les différentes régions du pays.

15.La délégation pourrait apporter un complément d’information sur la situation économique générale du pays, en particulier sur la part de l’économie souterraine, ainsi que sur la part du budget national allant aux dépenses destinées aux enfants, et indiquer à quel point la corruption entrave l’application de la Convention.

16.Il faudrait en savoir davantage sur les rapports entre la législation fédérale et la législation des États, ainsi que sur le poids des tribunaux de droit coutumier et de la charia, et connaître le nombre d’États ayant désormais intégré la loi sur les droits de l’enfant, dont les dispositions en matière de participation des enfants sont plutôt bonnes − même s’il est permis de se demander si les enfants sont associés aux décisions les concernant, notamment en matière d’adoption.

17.Tout commentaire additionnel sur les mesures prises pour mettre fin à la pratique des châtiments corporels, encore fort répandue bien qu’interdite, et améliorer la coopération entre les différents ministères en charge des questions relatives à l’enfance serait le bienvenu.

18.Mme LEE s’étonne que les termes «enfant légitime» et «enfant illégitime» apparaissent toujours dans la législation de l’État partie.

19.La délégation pourrait fournir davantage d’informations sur le mandat et les ressources du Parlement des enfants, ainsi que sur ce qui a été fait depuis l’examen du rapport initial pour donner suite aux observations finales publiées par le Comité. Des recommandations avaient notamment été formulées au sujet de l’enregistrement des naissances, et il faudrait indiquer si le Plan d’action pour l’enregistrement des naissances est doté des fonds nécessaires à sa mise en œuvre. Il serait utile de savoir si le Plan national d’action lancé en 1992 est toujours en application ou si un nouveau lui a succédé.

20.Beaucoup de données essentielles font défaut, comme le Comité aura à le souligner lors de l’examen de domaines comme l’éducation, l’intégration des handicapés ou les soins de santé.

21.Quelque 70 % des enfants de l’État partie vivent avec moins de 1 dollar par jour, mais le problème n’est pas tant un problème de pauvreté que de mauvaise répartition des ressources, d’autant plus que, selon le classement par degré de probité décroissant effectué par Transparency International, le Nigéria arrivait au 132e rang sur 133 pays classés en 2003.

22.M. CITARELLA demande comment s’applique la loi relative à l’enfance, finalement approuvée après de nombreuses difficultés, compte tenu de la complexité de l’ordre juridique nigérian, dans lequel coexistent les lois adoptées par le Parlement, la common law, le droit coutumier, les lois des États et la charia. Ce texte ne contient en effet pas de règles directement applicables sur l’ensemble du territoire et doit donc être approuvé État par État, ce qui risque de se traduire par des disparités entre États.

23.Il importe que l’État partie adopte une définition générale de l’enfant applicable à l’ensemble du pays, car les définitions de l’enfant diffèrent actuellement d’un État à l’autre, l’âge de la responsabilité pénale variant ainsi de 7 à 14 ou 16 ans, tandis que l’âge minimum du mariage est fixé à 12 ans pour les filles en certains lieux.

24.M. AL‑SHEDDI voudrait mieux comprendre les mandats respectifs du Département du développement de l’enfance et du Comité pour la mise en œuvre des droits de l’enfant, ainsi que les relations qu’ils entretiennent entre eux et avec les ministères, et savoir en particulier si leur rôle est purement consultatif. Beaucoup d’activités menées dans le domaine des droits de l’enfant semblent axées sur la sensibilisation, certes nécessaire, mais il y aurait beaucoup à faire pour combler les besoins sur le plan de l’infrastructure − hôpitaux, centres sociaux, notamment.

25.On peut se demander comment l’État peut affirmer dans son rapport que 26 % du budget national visent à répondre aux besoins des enfants, alors qu’il admet dans le même temps ne pas disposer de données ventilées sur les crédits alloués à l’éducation. La collecte de données est un élément essentiel, en particulier pour un pays de la taille du Nigéria. La délégation pourrait donc expliquer quels mécanismes statistiques ont été mis en place, si une base de données est disponible, et comment les informations statistiques transmises par les différents organismes sont évaluées. Elle pourrait aussi préciser comment est assuré l’enregistrement des naissances de tous les enfants et s’il est prévu d’améliorer les capacités en la matière.

26.M. FILALI note que plusieurs recommandations formulées par le Comité à l’issue de l’examen du rapport initial n’ont pas été suivies, notamment en ce qui concerne la définition de l’enfant, la collecte de données et la justice pour mineurs. La délégation voudra bien indiquer si elles ont été rendues publiques, si elles ont servi de base pour des travaux, et si le travail de suivi a été fait en association avec les représentants des États du nord, appliquant la charia. Ces derniers posant le plus de problèmes en termes de mise en œuvre effective de la Convention et de la loi relative à l’enfance, il faudrait savoir de quels moyens juridiques dispose l’État fédéral pour assurer le respect des obligations internationales dans les États et éviter qu’ils ne prennent des décisions incompatibles avec les instruments ratifiés.

27.Il s’insurge contre les définitions de la responsabilité pénale applicables au Nigéria, en particulier dans les États qui pratiquent la charia, et contre le principe en vertu duquel (taklif ) la responsabilité pénale est déterminée par la puberté − ce qui revient à pouvoir condamner une jeune fille à des peines très lourdes, y compris à la peine capitale, dès un très jeune âge.

28.M. KOTRANE croit savoir qu’une personne peut être condamnée à des châtiments corporels par un tribunal, ce qui serait contraire à la Convention.

29.MmeALUOCH aimerait que la Présidente du Parlement des enfants explique pour combien de temps et comment elle a été élue, et donne son sentiment sur la représentativité des enfants qui y siègent.

30.L’application de la charia semble discriminatoire à l’égard des femmes, et il serait à ce propos utile de savoir si les femmes poursuivies pour adultère bénéficient d’une aide juridictionnelle.

31.Enfin, la délégation pourrait indiquer si les dispositions et principes de la Convention ont été intégrés dans les programmes scolaires depuis la rédaction du rapport.

32.Mme CHUTIKUL a du mal à saisir les rôles respectifs des différents échelons du Comité pour la mise en œuvre des droits de l’enfant, dont la structure nationale a été décrite, mais qui semble aussi présent au niveau des États et au niveau local, sans que les liaisons entre ces différents niveaux aient été clarifiées. Il y aurait lieu de préciser également les relations entre cette instance et la Commission nationale de planification, à laquelle a été dévolue la surveillance de la mise en œuvre du Plan national d’action, au sujet duquel il serait bon de savoir s’il a été évalué depuis 1992, si des indicateurs ont été mis au point, et quelles directives sont données au niveau des États. Une autre structure dont il conviendrait de détailler le rôle est le Bureau spécial pour les femmes et les enfants, dont on peut s’étonner qu’il soit supervisé par une structure policière.

33.Vu qu’en 2001 le taux d’enregistrement des naissances n’était que de 28 % en moyenne nationale et de seulement 10 à 15 % dans le nord, il faudrait savoir si les enfants sans documents d’identité peuvent bénéficier de tous les services sociaux de base et être scolarisés.

34.MmeKHATTAB engage le Nigéria, qui s’apprête à accueillir le quatrième Sommet de l’Union africaine, à inscrire à son ordre du jour les droits de l’enfant africain, en particulier la lutte contre le trafic d’enfants − dont la réussite passe par des efforts de coopération régionale. Il lui faudrait également envisager dans ce cadre comment donner davantage de pouvoirs au Comité africain sur les droits et le bien‑être de l’enfant, qui a besoin de soutien et d’orientations.

35.Il conviendrait de préciser si les diverses initiatives que mènent les épouses de certaines personnalités influentes, sur lesquelles un complément d’information serait le bienvenu, reçoivent un appui politique, et à quel point elles font l’objet d’une coordination avec les actions gouvernementales et la lutte contre la discrimination. Beaucoup reste à faire dans ce domaine et il faut espérer que le nouveau Code de l’enfance relèvera l’âge du mariage et protégera de la même manière les garçons et les filles face aux abus, puisqu’à l’heure actuelle les abus sur garçons constituent un crime mais ceux commis sur une fille un simple délit.

36.Plus que la charia en soi c’est la manière dont elle est appliquée qui pose problème, car certains pays arrivent à concilier charia et droits de la femme et de la fillette. Il serait à ce propos intéressant de savoir si les hommes adultères sont traités comme les femmes adultères, si des mesures sont prises pour faire disparaître la polygamie, et comment l’État s’emploie entre‑temps à protéger les droits des femmes concernées par les mariages polygames.

37.M. KRAPPMANN se félicite de l’existence de clubs sur les droits de l’enfant et demande s’ils se créent à l’initiative des enfants ou bien des administrations scolaires, auquel cas on pourrait craindre qu’il ne s’agisse plus d’une nouvelle forme d’éducation que d’un véritable forum pour les enfants. Il voudrait aussi savoir si les conseils de classe existent dans tous les établissements d’enseignement, s’ils sont regroupés en une association à l’échelle nationale et s’ils prennent part aux processus décisionnels au sein des établissements.

38.MmeOUEDRAOGO demande quelles activités l’État partie a menées à l’occasion de la Journée de l’enfant africain, dont le thème portait en 2004 sur l’enregistrement des naissances, et a saisi cette occasion pour évaluer l’impact des programmes en place dans ce domaine. Elle voudrait savoir quel rôle le Parlement des enfants a joué dans l’élaboration du rapport à l’examen et quelle suite sa jeune Présidente entend donner aux débats qu’aura suscités sa présentation.

39.La délégation pourrait indiquer si le Nigéria a procédé à une évaluation du Programme national d’éradication de la pauvreté, dont les résultats n’ont pas été concluants, dans quelle mesure les droits de l’enfant ont été pris en considération lors de son élaboration, notamment si le Gouvernement s’est efforcé de coopérer avec les chefs traditionnels et religieux pour promouvoir les droits de l’enfant dans les régions les plus opposées aux principes consacrés par la Convention.

40.Enfin, le Comité apprécierait des informations complémentaires sur les efforts entrepris par l’État partie pour appeler l’attention de la population en général et en particulier des directeurs de vidéoclubs et de cybercafés sur le fait que les mineurs peuvent avoir accès par ces médias à des matériels dont le contenu risque de nuire à leur développement.

La séance est suspendue à 11 h 30; elle est reprise à 11 h 45.

41.MmeNWANERI (Nigéria) dit que l’idée de créer un Parlement des enfants au Nigéria, inspirée par le Sommet mondial pour les enfants, s’est concrétisée par une première réunion organisée en décembre 2000 par l’UNICEF et le Bureau d’information sur les droits de l’enfant, à l’issue de laquelle ont été élus 148 jeunes parlementaires, soit deux garçons et deux filles pour chacun des 36 États et le Territoire de la capitale fédérale (Abuja). Ces jeunes sont habilités à soumettre aux autorités un certain nombre de résolutions et de projets de loi, dont les plus marquants concernaient le recours à des campagnes systématiques de vaccination et l’utilisation obligatoire de moustiquaires imprégnées d’insecticide dans les pensionnats.

42.En tant que Présidente du Parlement des enfants, Mme Nwaneri envisage, comme suite à l’examen du rapport, de convoquer une session dès son retour en vue de débattre des grandes lignes du Plan d’action national en faveur de l’enfance pour 2005.

43.Les clubs des droits de l’enfant en place dans les écoles sont systématiquement associés à la définition des programmes relatifs à l’enfance au niveau des États et, à l’occasion de ces rencontres, les écoliers sont sensibilisés aux droits que la Convention leur confère.

44.MmeAKPAN (Nigéria) précise que les activités du Parlement des enfants sont financées directement sur le budget du Ministère fédéral des affaires féminines et que les ONG et l’UNICEF apportent un soutien financier à son fonctionnement.

45.M. ADEYEMI (Nigéria) fait observer que le Gouvernement fédéral ne peut inciter les États à appliquer la législation fédérale que dans le cadre du Conseil national des États − qui rassemble le Gouvernement fédéral et les gouvernements des États pour faire le point sur les conventions et traités internationaux adoptés par la Fédération et coordonner les politiques dans les différents domaines − qui s’est notamment penché sur les questions relatives à la politique de l’enfance. Quatre États ont déjà adopté une loi relative à l’enfance et 20 autres sont sur le point de le faire, tandis que les 12 restants en sont au stade de la rédaction d’un projet de loi.

46.L’âge de la majorité varie considérablement en fonction des États, mais tous entendent par «enfant» tout mineur âgé de moins de 14 ans.

47.Lorsqu’une disposition d’une loi d’un État est en conflit avec une disposition de la Constitution, c’est cette dernière qui prime. De plus, en cas d’atteinte à la dignité humaine, de torture ou de traitement inhumain ou dégradant, les dispositions de la Constitution ne sont en aucune circonstance susceptibles de dérogation.

48.On peut espérer que d’ici la fin de l’année 2005, tous les États auront adopté une loi relative à l’enfance, qui abolira les châtiments corporels en tant que peine judiciaire, mais non dans le système éducatif − même si cette question est elle aussi réglementée. Actuellement, seul le Principal d’un établissement scolaire peut recourir à cette méthode disciplinaire, et le Ministère de l’éducation a adopté plusieurs arrêtés pour rappeler aux enseignants qu’ils n’étaient pas autorisés à le faire. Interdire cette pratique au sein de la famille nécessitera un travail de sensibilisation des parents en vue d’induire un changement de comportement de leur part et un changement de mentalité au sein de la société tout entière. Des parents ont été poursuivis en justice et condamnés pour avoir infligé un traitement violent à leur enfant.

49.M. FILALI demande si le Conseil national des États a voix au chapitre avant même la ratification des conventions et traités internationaux par l’État fédéral.

50.Mme AKPAN (Nigéria) dit que la ratification des traités relève exclusivement du Conseil exécutif fédéral, qui rassemble les ministres et est dirigé par le Président, et que c’est à l’Assemblée nationale qu’il appartient d’adopter les lois relatives à leur application. Un traité n’a toutefois force de loi sur l’ensemble du territoire qu’une fois que chacun des États l’a adopté.

51.Mme SMITH demande si les États sont libres d’élaborer leurs propres lois en matière pénale − et d’appliquer la charia − ou si c’est une compétence exclusive de l’État fédéral.

52.M. ADEYEMI (Nigéria) dit qu’en matière pénale les États ont compétence pour légiférer au même titre que le Gouvernement fédéral, mais qu’en cas de conflit c’est la loi fédérale qui prime. Les États ont donc la possibilité d’appliquer la charia.

53.Le projet de Code pénal en cours de finalisation devrait mettre fin à la discrimination observée en cas d’abus sexuels, qualifiés de délits s’ils sont perpétrés contre des filles mais de crimes dans le cas des garçons.

54.M. LADAN (Nigéria) dit que, dans les États du nord, un enfant de 7 ans révolus mais de moins de 18 ans qui a commis un acte tombant sous le coup de la loi du talion (qisâs) en vertu de la charia peut voir sa peine commuée en un placement en maison d’éducation surveillée pour un maximum d’un an si au moment des faits il n’avait pas atteint l’âge de la puberté (taklif ).

55.Il convient de signaler que trois hommes ont été poursuivis et condamnés pour adultère dans le nord du pays. Les jeunes femmes avec qui ils ont commis l’adultère ont été condamnées à 100 coups de fouet.

56.Les autorités s’efforcent de concilier le droit coutumier, le droit écrit et la charia pour tout ce qui touche à la protection des femmes et des enfants, comme en témoigne le projet de révision des lois fondées sur la charia mis en œuvre par la Banque mondiale, l’UNICEF et le Ministère fédéral des affaires féminines, dont la première phase vient de s’achever.

57.MmeALUOCH demande si les femmes condamnées en vertu de la charia et qui ont formé un recours peuvent prétendre à une aide juridictionnelle et si les droits de leurs enfants sont protégés tout au long de la procédure, parfois très longue.

58.M. LADAN (Nigéria) dit que trois femmes condamnées à mort par lapidation en application de la charia dans les États de Kebbi, Zamfara et Sokoto ont été acquittées après avoir fait appel auprès de la cour d’appel de la charia de l’État où elles avaient été condamnées, grâce à l’aide juridictionnelle dont elles ont bénéficié après l’intervention d’ONG et du Ministère fédéral des affaires féminines.

59.MmeKHATTAB demande si les femmes ne parvenant pas à obtenir le soutien d’ONG ou du Ministère fédéral des affaires féminines bénéficient aussi d’une aide juridictionnelle.

60.MmeJIPRESE (Nigéria) dit qu’en vertu de la loi sur l’aide juridictionnelle quiconque n’a pas les moyens d’engager un avocat peut prétendre à cette aide, et que le Ministère fédéral des affaires féminines veille au respect de ce principe lorsque la personne concernée est une femme.

61.Mme LEE demande s’il s’agit d’une loi fédérale applicable à l’ensemble du pays.

62.La délégation pourrait en outre indiquer ce que fait l’État partie pour combattre l’abandon et la négligence dont sont victimes les enfants et envisage d’adopter une loi interdisant les mutilations génitales féminines applicable à l’ensemble du pays.

63.L’absence de politique globale en faveur des enfants handicapés est regrettable. La délégation pourrait indiquer combien d’enfants handicapés compte le pays, pourquoi le taux d’analphabétisme des fillettes handicapées est supérieur à celui des garçons handicapés, pourquoi le nombre d’enfants handicapés est beaucoup plus élevé chez les 12‑17 ans que dans les autres groupes d’âge, et pourquoi le recensement de 1991 n’a porté que sur les handicapés de moins de 15 ans.

64.La scolarité est obligatoire mais n’est pas gratuite, et selon l’UNESCO les dépenses en matière d’éducation ont baissé alors qu’elles ont augmenté dans d’autres domaines, tandis que le budget de l’éducation varie considérablement d’un État fédéré à l’autre. Le taux de scolarisation demeure très bas et la formation des enseignants est insuffisante.

65.Mme SMITH demande des précisions sur le mécanisme de plaintes de la Commission nationale des droits de l’homme, qui n’a été saisie que d’un très petit nombre de cas de sévices à enfant, et voudrait savoir si les enfants y ont vraiment accès grâce aux antennes locales dont la Commission est dotée. En outre, le rapport donne à penser que porter plainte sans passer par les tribunaux est difficile, mais on ne voit pas quelle relation ils entretiennent avec la Commission nationale.

66.Des précisions seraient bienvenues sur les conditions de détention des mineurs, non seulement dans les prisons mais aussi dans les autres établissements pour jeunes délinquants.

67.M. KOTRANE voudrait savoir si le Gouvernement s’attache à réduire le nombre d’enfants placés en institution, notamment en proposant d’autres formes d’accueil aux enfants privés de milieu familial. Il serait intéressant de savoir pourquoi le Nigéria n’a ratifié aucun instrument international relatif à l’adoption.

68.La délégation pourrait fournir des renseignements sur les mécanismes prévus pour faciliter la recherche en paternité, sachant que la loi reconnaît ce droit aux enfants nés de père inconnu, indiquer comment l’intérêt supérieur de l’enfant est pris en considération dans les procédures de divorce, puisque le rapport ne fournit aucun exemple à ce sujet et que l’on ignore par exemple sur quels critères se fonde le juge pour statuer sur la garde de l’enfant.

69.Mme KHATTAB demande si la lutte contre les mutilations génitales féminines est plus efficace aux niveaux local, fédéré ou fédéral étant donné que les lois en vigueur en la matière n’ont pas une portée nationale. Même si la question fait désormais l’objet d’un débat public, il ne semble pas exister de services d’aide pour les fillettes et les femmes refusant de se soumettre à ces pratiques ou qui en sont victimes. Il faudrait au demeurant savoir ce qui est fait pour améliorer la condition de la femme, et en finir avec les mutilations génitales féminines ainsi qu’avec le faible taux de scolarisation des fillettes, les mariages forcés et d’autres pratiques discriminatoires.

70.Des campagnes de sensibilisation contre la violence familiale seraient utiles, car la police semble faire preuve de tolérance à l’égard des coupables de tels actes de violence.

71.Enfin, la délégation pourrait indiquer si le Nigéria fait appel à la coopération régionale et internationale pour lutter contre le trafic et l’exploitation sexuelle des enfants.

72.Mme ANDERSON demande s’il existe un plan d’action en faveur des enfants orphelins, en particulier les orphelins du sida, et des autres enfants vulnérables, et si la loi relative à l’enfance établit une distinction entre les enfants en conflit avec la loi et les enfants ayant besoin de protection, ces derniers étant, selon le rapport, inclus dans la même catégorie que les jeunes délinquants.

73.Mme AL THANI voudrait savoir quelle est l’attitude de la société à l’égard des enfants handicapés, car selon certaines sources ils seraient fortement stigmatisés et négligés par leurs familles, qui les considèrent comme porteurs de malchance. Les ONG leur viennent en aide, mais le Gouvernement devrait les soutenir dans cette tâche et adopter une stratégie globale pour subvenir aux besoins élémentaires des enfants handicapés.

74.La situation est alarmante dans le domaine de la santé et il faudrait en savoir plus sur les mesures prises pour y remédier. Les services de santé présentent de grandes disparités entre les régions du nord et du sud, ainsi qu’entre les zones rurales et urbaines. Les taux de mortalité infantile et maternelle sont extrêmement élevés. La couverture vaccinale a beaucoup baissé, tombant de 30 % en 1999 à 11,3 % en 2003. La population est très mal informée et la malnutrition est un problème très préoccupant. Le rapport fait état d’initiatives en faveur de l’allaitement maternel, notamment dans le cadre du projet «Hôpitaux amis des bébés», mais aucune précision n’est donnée sur le nombre d’enfants effectivement nourris au sein.

75.Le sida est un grave problème et il serait utile de cerner les vulnérabilités propres aux orphelins du sida, dont la situation est dramatique puisqu’ils risquent d’être exclus du milieu scolaire ou sont davantage exposés au trafic d’enfants. Des campagnes de prévention sur le VIH/sida sont entreprises, mais la majorité des femmes et des enfants ne savent pas encore comment éviter la contamination. Le Gouvernement doit renforcer la sensibilisation dans ce domaine.

76.Une action s’impose en outre pour améliorer l’assainissement et l’approvisionnement en eau potable, en particulier dans les zones rurales, car plus de la moitié de la population n’y a pas encore accès.

77.MmeORTIZ relève que les programmes d’aide aux familles sont nombreux mais demeurent insuffisants, en particulier en faveur des familles monoparentales et des fratries d’orphelins. La délégation pourrait préciser si les cinq millions d’orphelins que compte le Nigéria, dont un million d’orphelins du sida, sont pris en charge par leur famille élargie, confiés à une famille d’accueil, adoptés, ou livrés à eux‑mêmes. L’État partie ne fournit pas non plus d’informations sur l’adoption nationale ou sur la raison pour laquelle le Nigéria ne veut pas adhérer à la Convention de La Haye sur l’adoption internationale.

78.M. CITARELLA relève qu’en raison des différences entre la législation fédérale et celle des États fédérés, ces derniers ne sont que deux ou trois à avoir instauré la scolarité obligatoire et gratuite dans les écoles primaires.

79.L’administration de la justice pour mineurs présente de graves lacunes. Plus de 6 000 enfants seraient actuellement détenus, le plus souvent avec des adultes. La détention avant jugement est en outre anormalement longue − jusqu’à six ans, selon certaines sources − et certains États sont dépourvus de tribunaux pour enfants. Enfin, il est inadmissible que les enfants puissent être soumis à des peines telles que l’amputation ou la flagellation.

80.Mme OUEDRAOGO demande comment les enfants sont protégés dans le cadre de l’adoption informelle sous la forme d’un accueil par la famille élargie, qui constitue en soi une bonne solution mais peut favoriser le trafic et l’exploitation des enfants. À ce propos, le rapport ne mentionne aucune initiative de sensibilisation au problème de la traite d’enfants, malheureusement très répandue en Afrique.

81.Des mesures seraient nécessaires pour lutter contre la vente de médicaments illicites dans la rue, car cette pratique peut avoir des conséquences néfastes sur la santé, en particulier pour les enfants. La médecine traditionnelle reste très populaire, surtout parmi les plus pauvres, et elle a des avantages, mais il serait opportun de la soumettre à un certain contrôle, notamment en ce qui concerne les règles d’hygiène et les produits utilisés.

82.Bien qu’interdite par la Charte africaine des droits et du bien‑être de l’enfant, la mendicité demeure courante et il serait donc utile de savoir si le Gouvernement s’efforce de sensibiliser la population aux dangers de cette pratique, par exemple en collaboration avec les chefs religieux.

83.Enfin, la délégation pourrait indiquer si des mesures sont prises − notamment en coopération avec le HCR − pour protéger les enfants réfugiés qui sont exposés à l’exploitation sexuelle, aux violences et à la prostitution dans les camps.

84.M. KRAPPMANN insiste sur l’insuffisance des programmes de formation professionnelle − qui semble limitée à certains secteurs −, en particulier face à la montée du chômage. Il serait intéressant de savoir si les jeunes ont accès à un service d’orientation professionnelle, si on les aide à passer de l’école au marché du travail, et si une forme d’éducation de rattrapage est offerte à ceux qui ont été scolarisés partiellement ou pas du tout.

85.M. FILALI demande des précisions sur la formation des juges, qui semble différer pour les juges des tribunaux de première instance et ceux des juridictions d’appel, en particulier dans les États appliquant la charia. Il est préoccupant de constater que certains jugements rendus par les tribunaux pour enfants sont exécutoires même si une procédure d’appel est en cours.

86.Le PRÉSIDENT demande s’il existe un plan d’action en faveur des enfants des rues visant à les aider à avoir accès à l’éducation et aux soins de santé et à les protéger contre la violence. Il constate que les mesures de lutte contre la toxicomanie sont insuffisantes, puisque ce problème ne fait que s’aggraver.

87.Il s’enquiert des programmes mis en œuvre pour aider les nombreuses personnes déplacées à cause des affrontements intercommunautaires. Dans le rapport, il est dit que les ONG s’emploient activement à prévenir ces affrontements par des initiatives de médiation et de réconciliation, mais il serait intéressant de savoir aussi ce que fait le Gouvernement, non seulement en matière de prévention mais aussi pour remédier aux graves conséquences de ces conflits sur les enfants.

La séance est levée à 13 heures.

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