NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.737

4 février 2002

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Vingt‑huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 737e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 4 octobre 2001, à 10 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Rapport initial du Cameroun

______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Cameroun [CRC/C/28/Add.16; CRC/C/Q/CAME/1 (liste des points à traiter); réponses écrites (document sans cote distribué en séance en anglais et français); HRI/CORE/1/109 (document de base)]

1.Sur l’invitation du Président, M. DION NGUTE, M. TANTOH CHEBO, Mme ZE, M. NDJODO, M. AKOLLA EKAH, M. NGUIDJOE NYAM, Mme MFOULA, M. KITCHABO et M. NDJOCK prennent place à la table du Comité.

2.M. DION NGUTE (Cameroun) souligne que le Cameroun figure parmi les États parties à la Convention qui, en se pliant régulièrement à l’obligation de présenter un rapport, contribuent à conférer davantage de légitimité à cet instrument. Depuis l’accession au pouvoir de son actuel président, le Cameroun s’est résolument engagé en faveur du respect des droits de l’homme et, dans un contexte international marqué notamment par la persistance des atteintes graves aux droits et à la dignité de l’enfant, il ne manque aucune occasion de se joindre au consensus international concernant la nécessité d’assurer la promotion et la protection des droits de l’enfant.

3.Le Cameroun a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant le 11 janvier 1993. Son rapport initial, établi conformément aux directives générales du Comité, fournit des renseignements sur les diverses mesures prises pour promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant et sauvegarder effectivement les droits de l’enfant et améliorer le cadre juridique, législatif et institutionnel visant à protéger les enfants et à promouvoir leurs droits. Ces mesures procèdent toutes de la politique de renouveau national suivie par le Cameroun, en tant qu’État de droit dont la Constitution consacre le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

4.Dans le même temps, des mesures ont été prises pour garantir les droits de l’enfant à l’éducation et à la santé. En particulier, l’enseignement primaire, déjà obligatoire, est devenu gratuit. Il faut noter à ce sujet que, malgré la crise économique, la part de l’éducation dans le budget de l’État est restée relativement importante. Pour favoriser la survie de l’enfant, le Gouvernement exécute un programme élargi de vaccination; un programme national de promotion de l’allaitement maternel et un programme de lutte contre les maladies diarrhéiques, qu’il s’apprête à regrouper dans une initiative de prise en charge intégrée des maladies infantiles. De plus, le plan national de lutte contre le sida comporte des mesures visant particulièrement les adolescents.

5.Un parlement des enfants se réunit une fois par an depuis 1998, en marge des travaux de l’Assemblée nationale. Il existe également des mesures d’encadrement des enfants handicapés et des enfants en danger moral, privés de liberté ou en situation d’urgence. Pour prévenir l’exploitation économique de l’enfant, le Cameroun a ratifié les Conventions nos 138 et 182 de l’Organisation internationale du Travail et est en train de mettre au point un plan national de lutte contre le travail des enfants. Sans même attendre l’apparition du tourisme sexuel sur son territoire, le Cameroun a adopté une loi réglementant l’activité touristique, dans laquelle il s’engage à respecter les dispositions de la Charte et du Code du tourisme de l’Organisation mondiale du tourisme, en protégeant notamment les enfants. Enfin, pour renforcer la coordination des activités en faveur de l’enfance, il a mis en place une commission nationale pour la protection de l’enfance en danger moral, délinquante et abandonnée et un comité interministériel de coordination des programmes relatifs à la coopération Cameroun-UNICEF, en 1990 et 2001 respectivement.

6.Le Gouvernement camerounais voit cependant son action limitée par l’insuffisance de ses ressources. Il n’en continue pas moins à ne ménager aucun effort pour renforcer la protection et la sauvegarde des droits de l’enfant et entend ratifier, au cours de la cinquante‑sixième session de l’Assemblée générale, les deux protocoles facultatifs à la Convention.

7.Mme KARP félicite l’État partie de sa décision de ratifier les deux protocoles facultatifs. Elle rappelle que le Cameroun est un pays marqué par une grande complexité ethnique et linguistique, une dualité juridique (coexistence du droit napoléonien et de la common law, compliquée par celle du droit écrit et du droit coutumier), des disparités de développement entre les régions et la persistance de coutumes et traditions rétrogrades, concernant notamment la perception de l’enfant comme un être simplement en devenir dépourvu de droits, et de pratiques discriminatoires concernant l’éducation des filles.

8.Reconnaissant que les directives du Comité ont été respectées lors de l’établissement du rapport et que l’État partie s’y montre souvent autocritique, elle constate toutefois l’absence de renseignements sur l’exploitation et la violence sexuelles et la vente, la traite et l’enlèvement d’enfants. Elle déplore en outre l’insuffisance des statistiques concernant le système de justice pour mineurs, le travail, la maltraitance et les enfants handicapés. Le rapport est très riche en informations sur l’arsenal juridique dont s’est doté l’État partie, mais pas sur la façon dont ces textes sont appliqués.

9.Constatant que la plupart des dispositions législatives citées datent d’avant la ratification de la Convention, Mme Karp demande quelle influence la Convention a réellement eue sur la législation camerounaise et si elle a déjà été invoquée devant un tribunal. Elle aimerait aussi connaître les résultats de l’atelier organisé à Kribi en 2000 pour recenser les textes inadaptés ou obsolètes. Elle demande si la dualité juridique qui caractérise le Cameroun se traduit par des différences concernant l’exercice des droits de l’enfant et si l’État partie envisage d’adopter une loi d’ensemble sur l’enfance qui intègre toutes les dispositions de la Convention.

10.Par ailleurs, elle voudrait savoir si le Cameroun utilise son système d’établissement des statistiques pour évaluer l’application de ses politiques et programmes et pour préparer les amendements à la législation. Elle souhaiterait des précisions sur les mécanismes de coordination des activités intersectorielles concernant les enfants. Constatant que le Ministère des affaires sociales est non seulement responsable de la mise en œuvre de la Convention mais aussi du suivi de son application, elle estime que cette fonction aurait dû être confiée à un organisme indépendant. Enfin, elle demande si le Comité national des droits de l’homme et des libertés s’occupe aussi de promouvoir et de protéger les droits de l’enfant et quels sont les obstacles entravant son action.

11.Mme CHUTIKUL demande si le Plan d’action pour l’application de la Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement de l’enfant dans les années 90 tenait également compte des dispositions de la Convention; elle voudrait aussi savoir qui était chargé de son suivi et de son évaluation. Elle souhaite connaître les mesures envisagées par l’État partie pour lever les obstacles à la mise en œuvre de la Convention et avoir des précisions sur les mécanismes de coordination existants ou prévus aux niveaux local et national, ainsi que sur la participation d’experts ou de représentants d’ONG à leurs travaux. Elle demande notamment qui est responsable de l’application de la Convention au niveau local. De même, elle aimerait connaître les moyens envisagés pour harmoniser la législation avec la Convention. Enfin, elle voudrait savoir si le Comité national des droits de l’homme et des libertés est habilité à recevoir des plaintes émanant d’enfants ou de leurs représentants.

12.M. AL‑SHEDDI demande si le Ministère des affaires sociales, auquel incombe le suivi de la mise en œuvre de la Convention, collabore avec d’autres ministères, notamment ceux de la santé et de l’éducation ainsi qu’avec les ONG. La délégation camerounaise pourrait également indiquer quels résultats ont donné les nombreux plans et stratégies en faveur de l’enfance mis en œuvre au cours des dernières années.

13.Il serait utile de savoir combien de personnes ont été formées dans le cadre des séminaires de formation sur les droits de l’enfant à l’intention des magistrats, policiers, régisseurs de prison et travailleurs sociaux que le Ministère de la justice et celui des affaires sociales organisent depuis le mois d’août 1997 en collaboration avec l’UNICEF.

14.M. CITARELLA demande si, conformément à l’article 45 de la Constitution camerounaise, aux termes duquel les traités ou accords internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois, la Convention prime également sur les lois locales et le droit coutumier, si elle peut être invoquée devant les tribunaux et si les juges judiciaires et administratifs peuvent en appliquer directement les dispositions.

15.S’agissant de la définition de l’enfant, on constate que l’âge de la majorité civile diffère de celui de la majorité électorale, de celui de la responsabilité pénale ainsi que de l’âge minimum d’admission à l’emploi. Par ailleurs, si l’âge à partir duquel l’individu peut être enrôlé dans les forces armées ou dans la police est fixé à 18 ans, cet âge peut être abaissé avec le consentement des parents. La délégation camerounaise pourrait indiquer quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour remédier à cette pluralité des âges de majorité.

16.Mme AL‑THANI demande si la loi du 24 juillet 1889 sur la protection des enfants maltraités et abandonnés et la loi du 19 avril 1898 sur la répression des violences envers les enfants ont été actualisées depuis leur adoption, quelles mesures sont prises pour sensibiliser les professionnels qui travaillent avec et pour les enfants aux principes et dispositions de la Convention et pour intégrer cet instrument dans les programmes scolaires.

17.S’agissant de la définition de l’enfant, le fait que la majorité civile soit fixée à 21 ans signifie‑t‑il qu’une personne qui n’a pas atteint cet âge ne peut consulter un médecin ou accomplir d’autres actes de la vie civile sans le consentement de ses parents? La délégation camerounaise pourrait indiquer pourquoi l’âge du consentement au mariage n’est pas le même pour les garçons et pour les filles et quelles mesures sont prises pour lutter contre le travail des enfants sachant que l’âge minimum d’admission à l’emploi est fixé à 14 ans.

18.Mme OUEDRAOGO demande quelle est l’attitude de la population, et en particulier des enfants, à l’égard de la Convention, notamment de l’article 12, sachant qu’en règle générale les enfants africains n’ont guère voix au chapitre. Elle souhaiterait à ce propos savoir combien d’enfants siègent au parlement des enfants, si toutes les régions, les enfants non scolarisés et les enfants qui travaillent y sont représentés et si le Gouvernement envisage d’institutionnaliser ce parlement.

19.Il serait particulièrement utile de savoir si les ONG sont associées à la mise en œuvre de la Convention, si elles ont participé à l’élaboration du rapport, si la population en général et les enfants en particulier, notamment dans le cadre du parlement des enfants, ont eu la possibilité de l’examiner et de formuler des critiques et des observations.

20.Il serait intéressant de savoir si la Convention a été traduite dans les différentes langues nationales écrites, si le Gouvernement a pris contact avec les dirigeants traditionnels et religieux afin de les associer à la diffusion et à la mise en œuvre de la Convention.

21.La délégation camerounaise pourrait indiquer si les droits de l’homme sont enseignés à l’école et si le Gouvernement envisage de fixer un âge jusqu’auquel la scolarité sera obligatoire. À cet égard, le Gouvernement devra tenir compte du fait que l’âge minimum d’admission à l’emploi est de 14 ans. Peut‑être conviendrait‑il d’ailleurs de relever cet âge.

22.Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ demande comment est établi et approuvé le budget national, qui décide du montant des crédits affectés au secteur social et de leur répartition entre les différents ministères. Elle dispose à ce propos d’informations selon lesquelles les crédits affectés au secteur social ont peu de chances d’augmenter à moins que l’État ne s’attaque résolument à la corruption.

23.La délégation camerounaise pourrait donner des précisions sur les stratégies mises en œuvre par le Gouvernement pour lutter contre la pauvreté et alléger le fardeau de la dette dans le cadre de sa coopération avec le FMI et la Banque mondiale. Elle pourrait également donner des informations sur la coopération bilatérale et multilatérale et l’évolution de l’aide au développement dont bénéficie le pays

24.Mme KARP note que, dans le document de base concernant le Cameroun, la population est répartie en trois tranches d’âge: les moins de 15 ans, les 16‑64 ans et les 64 ans et plus. Il serait intéressant d’avoir une catégorie des moins de 18 ans.

25.La délégation camerounaise pourrait indiquer quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour enrayer la baisse très préoccupante des indicateurs sociaux et assurer le financement d’organismes tels que la Commission nationale pour la protection de l’enfance en danger moral, délinquante ou abandonnée dont il est dit dans les réponses écrites qu’elle éprouve des difficultés de fonctionnement, faute de moyens.

26.S’agissant de la définition de l’enfant, il serait utile de savoir à partir de quel âge une personne peut consentir à des relations sexuelles, ce que fait le Gouvernement pour sensibiliser les jeunes filles aux méthodes contraceptives sachant que le nombre d’avortements chez les jeunes filles de moins de 18 ans est très élevé et si le Gouvernement envisage de porter à 18 ans l’âge jusqu’auquel les jeunes gens sont protégés contre le mariage forcé.

27.Enfin il serait utile de savoir quels moyens sont mis en œuvre pour faire connaître la Convention sachant que de nombreux camerounais sont analphabètes et ne possèdent pas la radio.

La séance est suspendue à 11 h 15; elle est reprise à 11 h 35.

28.M. NGOUBEYOU (Cameroun) dit qu’après une période de récession économique, les perspectives économiques sont de nouveaux très encourageantes depuis la fin des années 90 au Cameroun et ont permis d’augmenter le montant des crédits affectés au secteur social. Le budget est établi par le Ministère de l’économie et des finances, en consultation avec les autres ministères. Il est ensuite examiné et approuvé par le Parlement.

29.Le Cameroun entretient de bonnes relations avec les institutions de Bretton Woods. Il a notamment bénéficié de l’initiative en faveur des pays très endettés et a mis en œuvre une stratégie de lutte contre la pauvreté. Les sommes économisées grâce au rééchelonnement de sa dette ont été affectées au secteur social notamment à la santé, à l’éducation et aux infrastructures.

30.Le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour lutter contre la corruption, il a notamment créé une commission nationale de bonne gouvernance qui relève du Premier Ministre et est chargée de veiller à une bonne gestion des affaires publiques au sein de l’administration et des différents ministères. Il est également prévu d’étendre progressivement son mandat au secteur privé. De nombreuses branches du secteur des services ont du reste été privatisées, notamment la construction et la maintenance des voies de communication.

31.M. NDJODO indique que les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant priment sur celles du droit interne et que la Convention peut être invoquée devant toute juridiction nationale. Bien que le Cameroun ait entrepris d’intégrer systématiquement les dispositions de la Convention dans la législation interne, certaines contradictions restent possibles. L’atelier organisé à Kribi en décembre 2000 avait précisément pour but de recenser ces contradictions en vue d’une harmonisation complète du droit interne avec la Convention. Un atelier de suivi doit se tenir très prochainement pour évaluer les résultats du premier, les présenter à l’ensemble des juristes du pays et débattre des éventuelles modifications à apporter à la législation. Si les lois de 1889 et 1898 sont encore en vigueur, elles ne restent applicables que dans la mesure où leurs dispositions ne sont pas contraires à celles récemment introduites dans le droit camerounais. De même, le droit coutumier ne s’applique que lorsqu’il est conforme aux dispositions du droit écrit et que toutes les parties en cause sont d’accord pour l’invoquer. Les juridictions coutumières ne peuvent en outre pas connaître des affaires à caractère pénal.

32.L’âge légal de la responsabilité pénale est bien de 18 ans. Pour les mineurs, le régime de responsabilité est variable selon l’âge. Jusqu’à 10 ans, les enfants sont considérés comme totalement irresponsables et ne peuvent pas être poursuivis, quels que soient les faits. Seuls leurs parents peuvent répondre civilement des actes qu’ils ont commis. Les enfants de 10 à 14 ans peuvent être conduits devant une juridiction mais ne peuvent pas être condamnés à une peine. Dans ce cas, la procédure judiciaire a uniquement pour but d’établir la matérialité des faits et de constater que l’enfant en est l’auteur. Le cas échéant, l’enfant peut être remis à ses parents – qui sont enjoints de l’encadrer davantage – ou bien être placé en institution publique de rééducation si on estime que les parents ne sont pas à même d’exercer leur autorité. Les enfants de 14 à 18 ans, enfin, sont reconnus comme pénalement responsables. Ils peuvent être jugés et condamnés à une peine, mais avec le bénéfice de l’excuse atténuante de minorité, en vertu de laquelle les peines prononcées sont automatiquement réduites. Il est également possible de n’appliquer à ces enfants que les mesures spéciales prévues pour ceux de 10 à 14 ans.

33.L’âge de la majorité civile, qui s’applique normalement au mariage, est de 21 ans. Toutefois, les législateurs ont été contraints de tenir compte de la coutume, encore vivace, selon laquelle les enfants peuvent être mariés dès 11 ou 12 ans. C’est pourquoi la loi dispose que les filles peuvent se marier à partir de 15 ans et les garçons à partir de 18 ans, avec l’autorisation de leurs parents. En matière électorale, l’âge de la majorité a été fixé à 20 ans de façon à élargir la base électorale compte tenu de la structure démographique de la population.

34.Le PRÉSIDENT demande des précisions concernant la durée de la scolarité obligatoire afin de savoir si celle‑ci coïncide avec l’âge minimum d’admission au travail.

35.M. KITCHABO (Cameroun) indique que la scolarité est obligatoire jusqu’à la fin du primaire.

36.Mme ZE (Cameroun) dit que de nombreuses mesures ont été prises en vue de diffuser la Convention. Une version simplifiée a été élaborée avec l’appui de l’UNICEF et des plaquettes ont été publiées à l’intention des adultes, ainsi que des dépliants pour les enfants. Étant donné que le pays compte de 230 à 250 ethnies, la Convention n’a pas encore pu être traduite dans toutes les langues parlées dans le pays. En revanche, diverses émissions de radio en langues locales ont été consacrées aux droits de l’enfant et à la Convention. La célébration des journées internationales ou nationales telles que la Fête nationale de la jeunesse, la Journée de l’enfant africain ou encore la Journée internationale de la famille est également l’occasion de diffuser la Convention. Les autorités traditionnelles et religieuses, qui continuent de jouer un rôle central dans la vie sociale du pays, sont associées à tous ces événements et à l’ensemble des activités de sensibilisation menées au niveau local ou national. La Convention est par ailleurs inscrite au programme des cours d’instruction civique du primaire et du secondaire. Le rapport initial, quant à lui, a été transmis à toutes les administrations publiques ainsi qu’à un certain nombre d’organismes privés et de nombreuses ONG. Il n’a pas encore été diffusé auprès du grand public mais un programme de vulgarisation est en cours d’élaboration. Le Plan national d’action en faveur de la survie, de la protection et du développement de l’enfant a été évalué et les résultats de cette évaluation ont été communiqués par courrier électronique au siège de l’UNICEF.

37.Diverses instances sont chargées de traiter les plaintes relatives à des mauvais traitements à enfants. Les établissements scolaires sont dotés de services d’action sociale ayant pour mission d’apporter un encadrement psychosocial aux enfants. Il existe en outre des services sociaux de terrain, parmi lesquels des délégations départementales et provinciales, où les enfants peuvent être reçus et écoutés et à travers lesquelles les cas de mauvais traitements sont signalés aux instances compétentes. Depuis 10 ans, les activités de sensibilisation de la population ont été considérablement renforcées. Une stratégie nationale d’éducation à la parenté responsable comprenant quatre volets (vie familiale, maîtrise de la procréation, éducation sexuelle et développement) est mise en œuvre avec l’appui des services sociaux locaux.

38.M. NDJOCK (Cameroun) reconnaît que le suivi de la mise en œuvre de la Convention a été lent à se mettre en place mais souligne que depuis 1995 des efforts importants ont été faits pour coordonner les activités menées par le Gouvernement et la société civile. Bien qu’aucune structure fixe n’ait été chargée de la coordination, il existe une volonté réelle de concertation et de collaboration entre tous les acteurs concernés. Le Ministère des affaires sociales étudie actuellement la possibilité de mettre sur pied un conseil national pour l’enfance, qui jouerait le rôle de coordonnateur. Ce projet, déjà très avancé, devrait aboutir d’ici quelques mois.

39.La première session du Parlement des enfants s’est tenue en 1998 à Yaoundé, avec l’appui de l’UNICEF. Les sessions suivantes ont été progressivement étendues à d’autres provinces et en 2001, pour la première fois toutes les provinces y étaient représentées. Le Parlement des enfants compte 180 titulaires et 20 suppléants élus par les enfants eux‑mêmes et représentant toutes les couches de la population, y compris les groupes minoritaires ou défavorisés. Il devrait être institutionnalisé très prochainement.

40.De façon générale, les mentalités ont beaucoup évolué depuis quelques années et la population est aujourd’hui très favorable à la mise en œuvre de la Convention. Cet instrument est largement connu, et parfois même cité par les parents eux‑mêmes, y compris dans les zones rurales. Les ONG ont été associées à l’ensemble du processus d’élaboration du rapport. Elles ont pris part aux consultations préalables organisées au niveau interministériel ainsi qu’aux ateliers de validation auxquels étaient conviés des représentants des administrations publiques, des autorités traditionnelles et religieuses, de la société civile et des enfants eux‑mêmes. En septembre 2001, le Ministère des affaires sociales a organisé une table ronde publique en vue d’annoncer la présentation du rapport au Comité.

41.M. MFOULA (Cameroun) souligne que des programmes d’éducation aux droits de l’homme sont mis en œuvre tant dans le système formel en particulier dans les écoles et dans le cadre de formations à l’intention des professionnels de divers secteurs que dans le système informel (notamment par l’intermédiaire des médias). Un plan d’éducation aux droits de l’homme, qui devra définir des objectifs et stratégies ainsi que des groupes cibles, est en cours d’élaboration. Un centre sous‑régional des droits de l’homme et de la démocratie a en outre été créé à Yaoundé avec l’appui du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Son premier atelier, organisé en mars 2001, a porté précisément sur l’éducation en matière de droits de l’homme.

42.Le Comité national des droits de l’homme et des libertés, créé en 1990, constitue un organe indépendant, même si ses ressources émanent principalement de l’État. Il reçoit les plaintes concernant les violations des droits de l’homme et enquête sur celles‑ci. Il s’efforce par ailleurs d’appeler l’attention des pouvoirs publics sur les problèmes existants afin de les inciter à prendre des mesures appropriées ou à mettre en application les dispositions pertinentes des conventions relatives aux droits de l’homme. Jusqu’en 1999, il ne rendait compte de ses activités qu’au Président de la République et au Premier Ministre. Depuis, il a décidé de divulguer largement ses activités et de rendre publics ses rapports annuels. Il met actuellement en œuvre un programme de coopération avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui devrait permettre de renforcer et d’améliorer son action en matière de formation et d’information.

43.M. DION NGUTE (Cameroun) indique que le Gouvernement, par le biais de ses programmes de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, a engagé un processus de réforme de l’appareil policier. En matière de droits de l’enfant, le Cameroun a adopté une démarche globale; le Cabinet du Premier Ministre assure la coordination en harmonisant les propositions des différents ministères concernés.

44.Mme KARP demande quelles mesures l’État partie a prises pour lutter contre les «coutumes et traditions rétrogrades» mentionnées dans le rapport. Le Cameroun entreprend‑il des campagnes de sensibilisation et d’éducation du public? Dans l’affirmative, associe‑t‑il à ces campagnes des chefs religieux ou de tribu?

45.Les régions du nord du pays semblent faire l’objet d’une discrimination de fait, qui se traduit par un faible taux de scolarisation, un taux élevé de mortalité des enfants de moins de 5 ans, d’une couverture vaccinale moindre ainsi que d’un accès restreint aux soins de santé. Les enfants de ces régions sont donc défavorisés par rapport aux autres petits Camerounais. Le Gouvernement a‑t‑il déjà mis en œuvre des politiques en vue de combler le fossé entre les diverses régions? La délégation pourrait‑elle fournir davantage d’informations sur le projet éducatif mis en œuvre en faveur des Pygmées, qui a dû s’interrompre faute de moyens?

46.Vu que le droit coutumier repose sur l’accord des parties, quelle importance est accordée à l’opinion de l’enfant dans un système qui privilégie l’intérêt des parents? Il manque de toute évidence au système juridique camerounais une disposition de caractère général qui protégerait le droit de l’enfant à être entendu dans toute affaire le concernant, quel que soit le domaine concerné. Le Cameroun entend‑il pallier ce manque? À l’école, l’enfant participe‑t‑il à la prise de décisions le concernant? Pour une plus grande participation des enfants à la vie sociale, le Gouvernement entend‑il créer des conseils municipaux pour enfants sur le modèle du Parlement des enfants? À ce propos, il serait intéressant de savoir si une suite à été donnée aux propositions du Parlement des enfants.

47.Selon des sources dignes de foi, la situation des droits de l’homme au Cameroun est très préoccupante, militants des droits de l’homme, dirigeants de l’opposition et ONG dénonçant des cas de tortures, de disparitions et d’exécutions extrajudiciaires. Malgré plusieurs demandes de clarification formulées par le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme et le Parlement européen, l’enquête sur la disparition de neuf jeunes gens en janvier 2001 n’a donné aucun résultat. Le Gouvernement fait‑il son possible pour enquêter sur les allégations de torture et d’abus de pouvoir qu’on impute au Commandement opérationnel, qui aurait interpellé les jeunes gens en question peu avant leur disparition?

48.On ne peut que se féliciter que le Ministère des affaires sociales ait mis en route une enquête sur la violence à l’école et au sein de la famille – et de plus amples renseignements sur ses conclusions seraient utiles – mais un rapport de l’UNICEF et de EMIDA, ONG présente au Cameroun, a révélé que la violence était omniprésente dans ces deux sphères. Il semblerait en outre que les enfants hésitent à témoigner, de peur de représailles. Le Gouvernement entend‑il mettre en place une structure indépendante pour recueillir les plaintes des enfants? Les parents sont‑ils encouragés à recourir à des méthodes autres que les châtiments corporels pour discipliner leur enfant? Le Cameroun entend‑il interdire les châtiments corporels au sein de la famille de la même manière qu’il a interdit le recours à cette pratique dans les établissements scolaires?

49.Mme Karp souhaite également savoir en quoi consistent les placements dits administratifs, et qui en assure le suivi. Compte tenu de l’ampleur que prend la traite des petites filles dans le nord du pays, le Cameroun envisage‑t‑il d’adhérer à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale?

50.Enfin, qu’entreprend le Gouvernement pour faire face à la pénurie de bibliothèques qui touchent certaines régions du pays?

51.Mme CHUTIKUL demande quelles mesures concrètes le Gouvernement a prises en vue de la protection des enfants contre toute forme de violence et de la prévention de ce phénomène. Existe-t-il des programmes de réadaptation pour les enfants victimes? La délégation pourrait‑elle donner des précisions sur le plan d’action national de lutte contre les mutilations génitales féminines adopté en décembre 1998 ainsi que sur les mesures concrètes prises depuis son adoption et les résultats obtenus?

52.Il n’existe pas de dispositions particulières incriminant les mutilations génitales féminines, mais dans le rapport il est indiqué que les auteurs de cet acte peuvent être poursuivis en application de l’article 277 du Code pénal qui punit de 10 à 20 ans quiconque cause à autrui la privation permanente de l’usage de tout ou partie d’un membre, d’un organe ou d’un sens. Cet article a‑t‑il été appliqué dans les faits pour poursuivre des personnes pratiquant l’excision?

53.Mme AL-THANI demande quel est le sort des 450 000 enfants handicapés que compte le pays, et déplore la pénurie de personnel qualifié pour leur encadrement, d’établissements spécialisés. Elle regrette également que seule une part infime du budget soit consacrée à cette catégorie d’enfants. Le Gouvernement envisage-t-il de changer sa politique en la matière?

54.Comment explique‑t‑on que le taux de fréquentation scolaire soit bien plus élevé pour les garçons que pour les filles, que le taux d’illettrisme soit bien supérieur au sein de la population féminine et que la mortalité des enfants de moins de cinq ans soit bien plus élevée dans les zones rurales que dans les villes? Enfin, le Gouvernement prend‑il des mesures afin de remédier au problème de l’enregistrement des naissances, dont le taux n’avoisine que 50 %?

55.M. CITARELLA demande si le Cameroun entend abaisser l’âge de la majorité civile à 18 ans. Face à la multitude de cas de mariages forcés de fillettes dans le nord du pays, le Gouvernement a‑t‑il pris des mesures de lutte contre cette pratique et contre la traite d’enfants?

56.Mme OUEDRAOGO souligne qu’il est très important de fixer officiellement l’âge du début et l’âge de la fin de la scolarité obligatoire, et de faire coïncider ce dernier âge avec celui de l’admission à l’emploi, afin de donner aux parents des repères pour l’éducation de leurs enfants.

57.La délégation pourrait‑elle donner des informations sur le fonctionnement de la Commission nationale de contrôle des films et des enregistrements? Exerce‑t‑elle une censure sur les cassettes vidéo importées, le contenu de caractère violent ou pornographique de certaines ne convenant pas à un jeune public? Quelles sont les normes en vigueur pour l’ouverture des vidéoclubs?

58.Les enfants nés hors mariage, toujours plus nombreux sont‑ils enregistrés, en particulier lorsque la paternité n’est pas reconnue? L’article 312 du Code civil traite de la présomption de paternité, qui implique le rattachement de l’enfant au père légal. Faut‑il en déduire qu’en dehors du mariage, ce n’est pas le cas? D’après le rapport, il n’existe pas encore de dispositions légales ou réglementaires permettant à l’enfant naturel non reconnu de prétendre à une pension alimentaire. Compte tenu de la recrudescence des naissances hors mariage, l’État partie envisage‑t‑il de faire respecter le droit des enfants naturels à la pension alimentaire?

59.Enfin, le recouvrement de la pension alimentaire en cas de divorce est lui aussi source de conflits, certains pères semblant ne pas percevoir la nécessité de s’occuper d’un enfant dont ils n’ont pas la garde, et hésitant de ce fait à verser la pension dont le montant a été fixé par les tribunaux. L’État partie a‑t‑il pris des mesures pour faire connaître aux pères les droits de leur enfant?

60.Mme Ouedraogo souhaite savoir si, dans le cadre de la réunification familiale, le Cameroun a envisagé une coopération bilatérale avec certains pays en vue d’éviter les déplacements et les non‑retours illicites d’enfants. Le Cameroun a‑t‑il finalement adopté le Code de la famille, à l’élaboration duquel il a consenti de vastes efforts?

61.Le système actuel d’adoption est préoccupant en ce qu’il ne prévoit aucun mécanisme institutionnel de contrôle ou de suivi préadoption ou postadoption. Le Cameroun prend‑il des mesures pour protéger les droits des enfants dans le cadre de l’adoption «informelle», courante en Afrique, et envisage‑t‑il d’adhérer à la Convention de La Haye sur l’adoption internationale?

62.Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ indique que dans ses observations finales, le Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a noté avec préoccupation qu’en raison de la féminisation croissante de la pauvreté, de plus en plus de femmes et de filles se livraient à la prostitution et étaient ainsi exposées à l’exploitation. De plus, ce Comité s’est dit préoccupé par la persistance des pratiques culturelles et des stéréotypes profondément ancrés relatifs aux rôles et responsabilités des deux sexes dans tous les domaines, qui empêchent les femmes d’exercer l’ensemble de leurs droits fondamentaux. Le Cameroun a‑t‑il pris des mesures en vue de combattre l’exploitation des femmes, les pratiques culturelles et les stéréotypes en question? Enfin, ce même Comité a souligné que les programmes d’ajustement structurel faisaient obstacle à la mise en œuvre pleine et entière de la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, alors que la délégation semble se féliciter des effets bénéfiques de cette privatisation. La situation au Cameroun aurait‑t‑elle changé?

La séance est levée à 13 h 5.

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