Nations Unies

CRC/C/SR.1647

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

29 septembre 2011

Original: français

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante- hui tième session

Compte rendu analytique de la 1647 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 22 septembre 2011, à 15 heures

Président: M. Zermatten

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de la République arabe syrienne sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de la République arabe syrienne sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant (CRC/C/SYR/3-4, CRC/C/SYR/Q/3-4, CRC/C/SYR/Q/3-4/Add.1) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation syrienne reprend place à la table du Comité.

2.M. Madi aimerait savoir pourquoi la Syrie, qui a accueilli 1,5 million de réfugiés sur son territoire, n’a pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

3.Il demande quelle est la situation des Kurdes qui ne sont pas inscrits comme étrangers, notamment en matière d’accès à la santé et à l’éducation.

4.M. Gastaud demande des précisions concernant la justice des mineurs, car la lecture du rapport ne permet pas de savoir s’il existe des juridictions spécialisées pour les jeunes délinquants. L’âge de la majorité pénale n’est pas non plus clairement précisé.

5.M me Al-Shehail demande des précisions sur la procédure pénale applicable aux mineurs. Elle s’enquiert de l’existence de mesures de substitution à la privation de liberté pour les délits mineurs et demande quelles sont les peines prononcées à l’encontre de mineurs accusés de crime d’honneur.

6.M me Aidoo s’enquiert des mesures prises par le Gouvernement pour lutter contre les mariages précoces.

7.Elle fait observer qu’il existe des disparités très importantes en termes de niveau de vie entre groupes sociaux et entre régions. Avant la crise actuelle, 30 % de la population syrienne vivait en-dessous du seuil de pauvreté et 11 % dans une situation de pauvreté extrême. Dans ces conditions, il est difficile d’imaginer de quelle manière la Syrie pourra atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement en 2015. Elle demande quelles mesures économiques et sociales sont mises en œuvre pour aider et protéger les enfants pauvres et leur famille. Elle aimerait également savoir si un mécanisme de surveillance et d’évaluation des incidences de la crise actuelle sur les conditions de vie des enfants a été mis en place.

8.M me Wijemanne note que la mortalité des enfants de moins de 5 ans est en recul mais que des enfants continuent de souffrir de malnutrition. La délégation devrait indiquer s’il existe un programme de surveillance de la croissance prenant en compte tous les enfants et si les données révèlent des disparités entre les garçons et les filles. Il faudrait également préciser si l’allaitement maternel fait l’objet d’un suivi et si des mesures sont prises pour lutter contre la distribution de substituts du lait maternel.

9.En ce qui concerne l’éducation, Mme Wijemanne demande si un programme de garde à domicile est prévu pour les enfants de moins de 3 ans et si l’enseignement primaire et secondaire est gratuit et accessible à tous. Enfin, la délégation a indiqué que les couples souhaitant se marier devaient se soumettre à des tests médicaux afin de savoir s’ils étaient porteurs d’une maladie congénitale; que se passe-t-il si les résultats sont positifs?

10.M me Lee, se félicitant des efforts entrepris par la Syrie en faveur de la parité entre les sexes dans l’enseignement primaire, note que, dans l’enseignement secondaire, le taux d’abandon des jeunes filles est plus élevé que celui des garçons et demande des précisions à ce sujet. La délégation pourrait aussi indiquer s’il existe un programme de «deuxième chance» pour permettre aux enfants qui ont abandonné l’école de reprendre leurs études ultérieurement. Certaines institutions, comme les instituts de la charia, acceptent les filles jusqu’à l’âge de 12 ans uniquement, alors que l’éducation est obligatoire jusqu’à l’âge de 15 ans. La délégation pourrait donner des précisions sur le sort de ces jeunes filles.

11.Enfin, Mme Lee demande ce que fait la Syrie pour lutter contre les mariages temporaires et contre la corruption.

12.Le Président demande si la République arabe syrienne a bien levé ses réserves aux articles 20 et 21 de la Convention et si des progrès ont été faits en vue de la création d’un mécanisme de contrôle indépendant.

13.Il souhaite obtenir des précisions sur l’âge de la responsabilité pénale et demande s’il existe des mesures de substitution à la privation de la liberté. Enfin, il aimerait un complément d’information sur les conditions de détention des mineurs, et savoir notamment s’ils sont séparés des adultes.

14.M . Dalla (République arabe syrienne) indique que les enfants trouvés sont considérés comme Syriens et sont inscrits sur les registres de l’état civil. M. Dalla confirme en outre que les femmes ont besoin d’une autorisation pour voyager avec leurs enfants.

15.Le Code du travail interdit le travail des enfants de moins de 15 ans, qui doivent être scolarisés. Le Ministère du travail a publié plusieurs circulaires et directives sur le travail des enfants, qui énumèrent notamment les tâches interdites aux enfants de 15 ans et plus.

16.Le Président indique que, d’après les informations dont dispose le Comité, dans les zones rurales, de nombreux enfants quittent l’école pour aller travailler et, dans certaines régions, l’emploi du temps scolaire a même été modifié à cette fin.

17.M. Kotrane (Rapporteur pour la République arabe syrienne)rappelle que, même si les lois sont conformes aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et à la Convention no 138 de l’OIT, la pratique est parfois différente; en l’occurrence, il est prouvé que de nombreux enfants travaillent, notamment dans les champs ou comme employés de maison. Ces derniers sont employés chez des particuliers, qui ne sont pas soumis à l’inspection du travail, et sont exposés à la violence et aux mauvais traitements. M. Kotrane demande quelles mesures sont envisagées pour que la loi soit respectée sur le terrain.

18.M me Hamad (République arabe syrienne) répond que les rythmes scolaires sont effectivement assouplis pendant la saison des récoltes, afin de permettre aux enfants dont les parents travaillent dans l’agriculture de suivre les déplacements de leur famille mais que ces aménagements ne visent en aucun cas à faciliter le travail des enfants. La loi interdit l’emploi d’enfants comme domestiques.

19.M. Koompraphant demande si les conditions de vie des enfants qui travaillent comme domestiques dans des familles font l’objet d’un contrôle. En effet, selon les informations dont dispose le Comité, nombre de ces enfants sont victimes de violences sexuelles ou d’exploitation.

20.M. Dalla (République arabe syrienne) déclare ne pas disposer d’informations sur cette question. Le Code pénal réprime la traite des personnes. Les juridictions nationales ont compétence universelle pour ce type d’infractions. La loi de 2010 sur la traite des personnes contient également des dispositions sur la protection des victimes et des témoins.

21.M. Dalla précise que les réserves aux articles 20 et 21 de la Convention ont été levées par le décret no 12 de 2007, qui a force de loi.

22.Il existe un système spécifique de justice des mineurs depuis 1974. L’âge de la responsabilité pénale est fixé à 10 ans. Les peines encourues par les enfants âgés de 15 à 18 ans sont allégées par rapport à celles des adultes. Ainsi, la peine de mort ou l’emprisonnement à vie sont remplacés par des peines de six à douze ans d’emprisonnement.

23.M. Dalla reconnaît que la corruption est un phénomène répandu en Syrie. De nombreuses mesures ont été prises récemment à cet égard et un comité a notamment été créé sous l’égide du Premier Ministre. En outre, la République arabe syrienne a signé et ratifié en 2010 la Convention internationale de lutte contre la corruption, ce qui témoigne de l’engagement du Gouvernement sur cette question.

24.Le Président demande quelles sanctions s’appliquent aux mineurs de moins de 15 ans. Il aimerait aussi savoir dans quelles conditions sont détenus les mineurs de 10 à 15 ans et de 15 à 18 ans condamnés à des peines privatives de liberté, et notamment s’ils sont séparés des adultes.

25.M. Kotrane (Rapporteur pour la République arabe syrienne) demande si les enquêtes et les procès concernant des jeunes âgés de 15 à 18 ans sont assurés par des organes spécialisés pour les mineurs et si ces jeunes exécutent les peines privatives de liberté dans les mêmes centres que les enfants de moins de 15 ans ou avec les adultes.

26.M. Dalla (République arabe syrienne) dit que l’instruction concernant les jeunes âgés de 15 à 18 ans est menée par un juge pour mineurs. Les mineurs de cette tranche d’âge ne sont pas placés en prison avec des adultes, mais en centre de réadaptation.

27.M. Bakfalouni (République arabe syrienne) dit que la République arabe syrienne manque d’hôpitaux pédiatriques. Elle dispose toutefois de quatre hôpitaux publics pour les femmes et les enfants et de deux hôpitaux pédiatriques, l’un à Alep et l’autre à Al-Hasakeh. Il existe plusieurs projets de construction d’hôpitaux spécialisés, dont l’un est financé par le Japon. De plus, 66 hôpitaux du Ministère de la santé ont un service de pédiatrie. Le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel est appliqué par les hôpitaux privés depuis 2000. Le Ministère de la santé consent d’importants efforts pour améliorer la situation nutritionnelle des enfants. Huit cents centres offrent des conseils en matière de nutrition et un programme de distribution de compléments en fer visant à lutter contre l’anémie, ainsi qu’un programme de distribution de repas dans les écoles sont mis en œuvre. Une campagne nationale de vaccination débutera en octobre 2011 et une campagne ciblant spécifiquement les enfants qui n’ont jamais été vaccinés sera lancée en novembre 2011.

28.M me Hamad (République arabe syrienne) dit que la législation syrienne interdit les châtiments corporels. Le Ministère de l’éducation a rédigé des instructions interdisant les châtiments corporels à l’école et de nombreux enseignants ont été suspendus et sanctionnés pour ne pas avoir respecté cette disposition.

29.L’éducation sexuelle est prévue dans les programmes scolaires, en fonction de l’âge des enfants. Le Ministère de la santé met en œuvre des programmes de sensibilisation à la santé procréative pour les adolescents et il existe des centres de planification familiale qui dispensent des informations dans ce domaine.

30.L’âge du mariage a été porté à 18 ans et la loi autorise le recours aux tests ADN pour établir la filiation.

31.Le Président demande quelle loi interdit expressément les châtiments corporels tels que définis dans l’Observation générale no 8 du Comité sur le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, qui interdit toute forme de châtiments corporels en tous lieux. Le Comité dispose d’informations indiquant que la pratique des châtiments corporels existe dans l’État partie. Il souhaiterait un complément d’information sur cette question.

32.M. Kotrane (Rapporteur pour la République arabe syrienne), notant que la législation ne semble pas interdire les châtiments corporels dans la famille, demande si la loi autorise les parents à frapper leurs enfants comme mesure d’éducation.

33.L’influence de certains dignitaires religieux libéraux pourrait être utilisée pour faire évoluer les mentalités et lutter contre les attitudes discriminatoires traditionnelles à l’égard des femmes, notamment en ce qui concerne les responsabilités respectives du père et de la mère dans l’éducation des enfants et l’attribution de la garde des enfants.

34.M me Hamad (République arabe syrienne) dit que le paragraphe 3 de l’article 28 de la Constitution dispose que nul ne peut faire l’objet de torture physique ou morale ou de mauvais traitements. Le Code pénal prévoit des sanctions contre les auteurs de tels actes et ces sanctions sont alourdies si l’auteur est le responsable légal de la victime. Il est vrai que les châtiments corporels sont autorisés dans la famille à titre de mesure disciplinaire. Cela dit, la législation dispose que les instruments internationaux auxquels la République arabe syrienne est partie priment le droit interne. Il est donc possible de se référer à différents textes juridiques dans ce domaine. Des campagnes de sensibilisation visant à mettre fin à la pratique des châtiments corporels sont menées auprès des enseignants, des juges et des policiers.

35.S’il y a, en République arabe syrienne, des personnalités religieuses libérales et éclairées, les différentes institutions qui traitent des questions relatives à l’enfance et à la famille, que ce soit dans le domaine de la santé, de l’éducation ou de la justice, comptent aussi de très nombreux extrémistes, qui s’opposent à tout changement tendant à affaiblir le modèle patriarcal sur lequel repose la société.

36.M. Kotrane (Rapporteur pour la République arabe syrienne) dit que l’article 28 de la Constitution ne proscrit pas les châtiments corporels mais la torture et les mauvais traitements. Le fait que le recours aux châtiments corporels dans la famille en tant que mesure de discipline soit toléré est contraire au droit international. L’État partie devrait donc modifier le Code pénal dans ce domaine, ainsi que le Code du statut personnel. En outre, le Comité attend avec impatience la promulgation de la loi relative aux droits de l’enfant.

37.Le Président ajoute que l’État partie doit interdire expressément les châtiments corporels dans toutes les institutions, publiques ou privées, notamment celles qui accueillent des enfants dans le cadre de la protection de remplacement ou en application mesures pénales.

38.M me Hamad (République arabe syrienne) dit que les enfants issus de minorités ont le droit de parler leur propre langue et qu’il existe des écoles dispensant un enseignement dans les langues des peuples minoritaires.

39.Les inspecteurs du travail ne sont effectivement pas assez nombreux, mais il est prévu de créer des postes supplémentaires. Mme Hamad n’a pas connaissance de cas d’enfants migrants qui travailleraient en République arabe syrienne. Tous les domestiques ont plus de 18 ans. La main-d’œuvre étrangère est essentiellement une main-d’œuvre très qualifiée, employée en général dans les compagnies d’assurance et les banques.

40.Certains enfants des rues mendient et les services de protection de l’enfance n’ont pas les capacités nécessaires pour les prendre en charge. Des programmes visant à éliminer le travail des enfants sont mis en œuvre en coopération avec l’UNICEF et avec l’Organisation internationale du Travail (OIT).

41.Les enfants trouvés font l’objet d’une prise en charge différente de celle des orphelins, notamment parce que les orphelins peuvent parfois être accueillis par des membres de leur famille. Le Ministère des affaires sociales réalise une évaluation du système de protection sociale, qui devrait aboutir à des recommandations utiles.

42.M me Al- Shehail demande si l’État partie alloue un budget distinct aux orphelinats et aux centres d’accueil pour les enfants trouvés et souligne qu’il ne faudrait pas séparer ces deux catégories d’enfants. Elle demande si le Gouvernement syrien entend prendre des mesures pour mettre fin à la discrimination dont souffrent les enfants trouvés par rapports aux orphelins.

43.M me Hamad (République arabe syrienne) dit que cette différence de prise en charge existe depuis longtemps, mais qu’il conviendrait peut-être de revoir la politique à ce sujet et de regrouper ces deux catégories d’enfants. Elle transmettra cette suggestion à son gouvernement.

44.Le Président demande si, de manière générale, l’État partie ne pourrait pas développer des solutions de substitution au placement des enfants en institution, telles que le placement de type familial ou communautaire.

45.M. Kotrane (Rapporteur pour la République arabe syrienne), soulignant que les enfants nés hors mariage sont fréquemment placés en institution, estime qu’il faudrait que ces enfants puissent établir leur filiation et retourner dans leur famille ou au moins être placés dans une famille d’accueil.

46.M me Hamad (République arabe syrienne) dit que, outre le placement en institution, il est possible de prendre en charge les enfants abandonnés ou délaissés dans le cadre du système de kafalah. Le Gouvernement étudie les possibilités de mettre en place un système de protection de remplacement moderne, conforme aux normes internationales.

47.Les programmes scolaires ne prévoient pas de matières réservées aux filles ou aux garçons. La cuisine et la couture font partie des cours optionnels et les statistiques montrent que certains garçons choisissent ces options.

48.Les Kurdes qui ne sont pas enregistrés sont considérés comme des personnes dont l’identité est inconnue. De nombreux arabes, notamment ceux appartenant à des peuples nomades, tels que les Bédouins, sont dans ce cas. Le Gouvernement syrien tente actuellement de régler cette question.

49.La loi autorisant les mères syriennes à transmettre la nationalité à leur enfant sera très prochainement promulguée.

50.Le taux de scolarisation des filles dans l’enseignement secondaire et supérieur est plus élevé que celui des garçons. Le taux d’abandon scolaire plus élevé pour les filles que pour les garçons au niveau du primaire peut s’expliquer par les mariages précoces et le Gouvernement organise de vastes campagnes de sensibilisation pour surmonter ce problème.

51.Mme Hamad n’a pas connaissance de cas de vente d’enfants en Syrie, bien que certains mariages avec des étrangers puissent entrer dans cette catégorie.

52.Le Gouvernement consent d’importants efforts pour améliorer le niveau de vie des familles. Il a augmenté les salaires et mis en place plusieurs fonds, notamment un fonds d’aide aux victimes de la sécheresse et un fonds de soutien aux agriculteurs.

53.Le Président demande en vertu de quel texte l’âge du mariage a été porté à 18 ans et si ce texte est déjà entré en vigueur. Il voudrait aussi savoir quelles mesures l’État partie entend prendre pour mettre fin à la pratique des mariages précoces, des mariages arrangés et des mariages de complaisance.

54.M me Hamad (République arabe syrienne) dit que le relèvement de l’âge du mariage à 18 ans a été l’une des priorités du Gouvernement lors de la rédaction du projet de loi relatif aux droits de l’enfant. Les mariages de complaisance ne sont pas très répandus en République arabe syrienne. Les mariages arrangés entre cousins sont en revanche courants et constituent un réel problème, notamment en termes de santé publique, en raison du risque de maladies génétiques qu’ils entraînent. Des campagnes de sensibilisation sont organisées pour lutter contre ce phénomène, qui ne peut être réglé par l’adoption d’une loi. La question des mariages précoces avec des étrangers fait actuellement l’objet d’études et le Gouvernement prévoit de prendre des mesures, en particulier dans les régions où cette pratique est particulièrement répandue, surtout s’il apparaît qu’elle masque des cas de vente d’enfants et de prostitution des enfants.

55.M me Lee fait observer que la République arabe syrienne a été signalée comme pays de destination de la traite de femmes et d’enfants. Un complément d’information sur cette question serait nécessaire.

56.M. Kotrane (Rapporteur pour la République arabe syrienne) dit que la vente d’enfants au sens du Protocole facultatif concernant la vente d’enfant, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants englobe aussi les mariages forcés d’enfants. La question des mariages précoces et des mariages arrangés a été évoquée par le Comité comme sujet de préoccupation en 2006, lors de l’examen du rapport initial de l’État partie sur la mise en œuvre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/SYR/CO/1, par. 24) car ils masquent une forme de prostitution.

57.M me  Aidoo aimerait savoir si l’État partie a mené des campagnes de mobilisation sociale en faveur du relèvement à 18 ans de l’âge du mariage, pour garantir qu’une fois adoptée et entrée en vigueur, la loi pertinente sera respectée. L’État partie envisage-t-il en outre de poursuivre les personnes qui donneraient leurs enfants mineurs en mariage?

58.M me  Hamad (République arabe syrienne) dit que son pays réfléchit aux moyens de juguler la croissance démographique galopante et travaille à la définition des peines à imposer aux parents en cas de mariage précoce de leur enfant. La Commission syrienne des affaires familiales collabore avec d’autres ministères et des organisations de la société civile à la sensibilisation de la population aux effets néfastes des mariages précoces sur les plans psychologique, physique et social, en publiant régulièrement des documents d’information sur ce sujet.

59.La délégation syrienne n’avait pas connaissance des informations exposées par Mme Lee selon lesquelles la Syrie serait un pays de destination de la traite des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle et lui demande de lui communiquer les données statistiques pertinentes car, si c’était réellement le cas, il faudrait mettre un terme à ces pratiques.

60.Le Président dit que le Comité avait déjà abordé ce sujet avec la délégation syrienne lors de l’examen de son rapport initial présenté au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants en 2006. Il avait notamment déploré la pratique des mariages temporaires ou de complaisance, toujours d’actualité, qui constitue l’une des formes de vente d’enfants. Il est impératif que la République arabe syrienne prenne ces questions très au sérieux.

La séance est suspendue à 16 h 30; elle est reprise à 16 h 50.

61.M me  Hamad (République arabe syrienne) dit qu’un décret-loi sur la traite des êtres humains et la prise en charge des victimes a été adopté il y a peu, qu’une direction chargée de la lutte contre ce phénomène a été instituée et que des foyers d’accueil pour les femmes et enfants victimes ont été créés à Damas en 2008 et à Alep en 2009.

62.Il est vrai qu’en raison de la sécheresse, 45 % des écoles du pays n’ont plus accès à l’eau potable et doivent être approvisionnées par camions-citernes. D’après les statistiques officielles, 90 % des zones rurales et 99 % des villes sont desservies par les réseaux d’alimentation en eau potable.

63.Les enseignants des écoles itinérantes reçoivent une formation spéciale pour enseigner dans des classes à plusieurs niveaux et perçoivent un meilleur salaire en raison des difficultés supplémentaires liées à leurs conditions de travail et à l’itinérance.

64.La politique d’ouverture économique actuelle a pour objet de garantir la justice sociale dans les régions les moins développées et donc les plus désavantagées. Des programmes destinés à relever le niveau de vie des familles, élaborés conjointement par le Ministère de l’agriculture et le Ministère de la santé, sont mis en œuvre dans six provinces de l’est et du nord du pays. Ils se concentrent sur trois domaines principaux: planification de la famille, éducation et formation, et emploi. De nombreux organismes publics et des organisations internationales ont apporté leur concours à la mise en œuvre de ces programmes, et il faut espérer que les sanctions économiques imposées à la République de Syrie ne seront pas trop préjudiciables à la population.

65.M me  Halabi (République de Syrie) dit que les forces israéliennes empêchent les autorités syriennes de mettre en œuvre la Convention dans le Golan syrien occupé. Elles imposent notamment l’hébreu comme langue d’enseignement dans les écoles, violant ainsi le droit des enfants à l’éducation et faisant fi de leur appartenance nationale et ethnique et de leur identité culturelle. Israël bafoue aussi le droit à la santé des habitants du Golan syrien occupé en s’opposant à ce qu’un hôpital y soit construit sous les auspices du Croissant-Rouge syrien. Les enfants sont en outre exposés au risque d’être blessés ou tués par une mine.

66.Enfin, dans le Golan syrien occupé, la définition de l’enfant diffère selon qu’il s’agit d’Israéliens (pour lesquels l’âge de la majorité est fixé à 18 ans) ou de Syriens (considérés majeurs à 16 ans).

67.M me  Lee voudrait savoir pourquoi des fillettes de 12 ans sont placées dans des écoles coraniques alors que, compte tenu de leur jeune âge, elles devraient être scolarisées dans un établissement d’enseignement classique.

68.M me  Hamad (République arabe syrienne) dit que cette situation ne touche pas seulement les filles et que les écoles coraniques se différencient des autres écoles uniquement par l’enseignement religieux qu’elles dispensent en plus des autres matières. Les enfants scolarisés dans les écoles coraniques ont donc un programme plus chargé que les élèves des écoles ordinaires. Les établissements d’enseignement secondaire confessionnels offrent quant à eux une autre voie pour accéder à l’université et sont un des moyens pour les jeunes musulmans de poursuivre leurs études.

69.En République arabe syrienne cohabitent deux systèmes de prise en charge des enfants privés de soins parentaux, à savoir la kafalah de droit islamique, instituée par le décret-loi no 107 de 1970, et l’adoption qui est pratiquée par les chrétiens et régie par la loi sur la famille. La seule distinction entre ces deux systèmes réside dans le fait que, dans le cadre de la kafalah, les enfants gardent leur nom d’origine et n’ont pas le droit à la succession. C’est le Ministère des affaires sociales qui est compétent pour examiner les dossiers de kafalah et d’adoption et d’effectuer ensuite le suivi du placement. L’agrément n’est pas systématiquement accordé aux familles, certaines d’entre elles pouvant être déclarées inaptes.

70.Le Président demande si, dans la pratique, une famille chrétienne peut adopter un enfant musulman ou une famille musulmane un enfant chrétien.

71.M. Dalla (République arabe syrienne) dit ne pas avoir connaissance de telles pratiques. Il ajoute qu’en vertu du décret-loi no 107 de 1970, les enfants trouvés sont considérés comme musulmans.

72.M me  Hamad (République arabe syrienne) dit que des mesures sont prises pour garantir les droits des enfants handicapés mais que les ressources manquent pour créer un environnement réellement propice à leur développement. Les nouveaux bâtiments répondent tous aux nouvelles normes en matière d’accès des personnes à mobilité réduite mais il serait trop coûteux d’aménager tous les anciens bâtiments publics.

73.Deux promotions d’étudiants ont déjà obtenu le mastère en sciences de l’éducation spécialisé dans l’enseignement aux enfants ayant des besoins spéciaux, mais cela n’a pas suffi pour combler le manque de ressources humaines dans ce domaine. Aussi des formations accélérées sont-elles dispensées en collaboration avec des organisations de la société civile pour la prise en charge des handicapés.

74.La Syrie a accueilli en 2010 la septième édition de l’Olympiade régionale de handisport, qui a contribué à donner une autre image des handicapés au sein de la société syrienne.

75.M me Halabi (République arabe syrienne) dit que la République arabe syrienne n’est pas partie à la Convention relative au statut des réfugiés car cet instrument ne traite pas en priorité de la question du droit au retour et ne correspond donc pas à la situation des réfugiés palestiniens dans le pays. La République arabe syrienne s’efforce toutefois de protéger les droits des nombreux réfugiés palestiniens présents sur le territoire, comme peut en attester l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, et a signé à cette fin un mémorandum d’accord avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

76.M me Hamad (République arabe syrienne) dit que la création de l’unité de protection de la famille a pris du retard pour diverses raisons, mais qu’elle est désormais en place, possède son propre budget et sera bientôt opérationnelle. La mise en place de l’Observatoire national contre la maltraitance des enfants, en est au stade de projet pilote: il existe pour l’heure 12 centres, qui fournissent des données qui serviront à dresser un bilan du travail accompli à la fin de l’année, notamment grâce aux informations fournies par les antennes locales de l’Observatoire dans les postes de police ou les hôpitaux. On espère que les résultats seront encourageants et que cette initiative sera poursuivie afin d’étendre ces centres à tout le territoire. Il est en outre prévu de mettre en place un numéro d’assistance visant à apporter un soutien aux familles, avant la création d’une véritable ligne téléphonique pour l’enfance, qui sera à même de recevoir et de traiter les plaintes.

77.Le Président demande si la définition de la violence familialeenglobe le viol conjugal.

78.M. Dalla (République arabe syrienne) répond que le viol conjugal n’est pas expressément interdit et que la législation mériterait d’être modifiée à cet égard. La définition de la violence à l’égard des femmes englobe la violence physique, mais aussi psychologique ou symbolique − laquelle fait référence aux stéréotypes sociaux dont les femmes sont l’objet. Le Ministère de l’éducation a inclus dans les programmes scolaires certaines des questions visées par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant, le but étant de promouvoir une culture sans violence, fondée sur la reconnaissance des droits de chacun. La charia, qui est source du droit, est souvent invoquée pour justifier des comportements qui ne sont pas en adéquation avec les enseignements de l’islam et les changements peuvent prendre du temps, car les idées novatrices se heurtent à une résistance de la part de certains groupes.

79.M me Hamad (République arabe syrienne) explique que la part du budget national allouée aux activités en faveur de l’enfance est répartie entre cinq ministères, dont le Ministère de l’éducation et le Ministère de la santé, principaux pourvoyeurs de services à l’enfance. Le Ministère de l’éducation reçoit un cinquième du budget national − ce qui couvre les dépenses relatives à l’éducation, mais aussi les services de santé scolaire, entre autres. En République arabe syrienne, l’enseignement est gratuit, tout comme les soins de santé et divers services sociaux. Il est pour l’heure difficile de déterminer avec précision la part des ressources budgétaires destinées aux enfants, mais il est prévu d’améliorer la méthode d’établissement du budget de manière à savoir quels montants sont consacrés aux différents programmes et activités. En 2011, 2 milliards 200 millions de livres syriennes ont été consacrées à des programmes de vaccination des enfants. Le Gouvernement subventionne également les études supérieures des médecins qui se spécialisent dans les services à l’enfance.

80.Le Président demande si l’État partie a mis en place une institution nationale des droits de l’homme ou une unité de contrôle du respect des droits de l’enfant.

81.M me Halabi (République arabe syrienne) répond que chaque ministère est doté d’une section spécialement consacrée au suivi des relations internationales et aux questions relatives aux droits de l’homme. Le Ministère des affaires étrangères est l’instance de liaison entre l’État et la communauté internationale pour ce qui touche aux questions relatives aux droits de l’homme. Il est prévu de créer prochainement un conseil supérieur des droits de l’homme qui sera composé de représentants du Gouvernement et de la société civile.

82.Le Président demande comment un enfant né hors mariage est enregistré auprès des services de l’état civil et s’il est vrai qu’une mère célibataire doit, afin d’obtenir l’autorisation d’enregistrer son enfant, être entendue par la police au sujet des circonstances de la naissance.

83.M. Dalla (République arabe syrienne) répond que le Code du statut personnel fait obligation aux pères d’enregistrer la naissance de leurs enfants. Un juge peut procéder à l’enregistrement d’un enfant né hors mariage ou d’un enfant abandonné, et il n’est nullement nécessaire que les mères se présentent aux services de police.

84.M me Varmah (Rapporteuse pourla République arabe syrienne) se félicite des efforts déployés par l’État partie en vue d’améliorer le sort des enfants syriens et le respect de leurs droits et espère que la situation dans le pays reviendra très bientôt à la normale.

85.M. Kotrane (Rapporteur pourla République arabe syrienne) salue l’ouverture d’esprit et la franchise qui ont caractérisé le dialogue et se félicite des nombreuses mesures positives prises sur le plan législatif et politique en faveur des droits de l’enfant. Il relève toutefois une contradiction entre les mesures prises par le Gouvernement par l’intermédiaire de la Commission syrienne des affaires familiales et la direction prise par certains courants politiques extrêmes qui font obstacle aux réformes législatives, particulièrement celles concernant les droits de l’enfant. Se pose également le problème de la réserve à l’article 14 de la Convention et de la création d’une institution nationale indépendante de protection des droits de l’homme. Une telle institution devrait être créée en conformité avec les Principes de Paris et habilitée à traiter les plaintes émanant d’enfants. Il conviendrait aussi de prendre des mesures pour permettre aux mères syriennes de transmettre leur nationalité à leurs enfants. Il faudrait également travailler à améliorer la situation des mineurs délinquants et prendre des mesures pour résoudre la question du travail des enfants. Enfin, M. Kotrane invite l’État partie à appliquer les recommandations formulées au sujet de la mise en œuvre des deux Protocoles facultatifs.

86.M me Hamad (République arabe syrienne) remercie les membres de la délégation de la pertinence de leurs observations et souligne que la République arabe syrienne traverse une période difficile, dont les effets ont entravé certains des progrès réalisés en faveur des droits de l’enfant. Elle espère que le Comité tiendra compte, dans ses observations finales, des diverses difficultés, notamment budgétaires, que connaît le pays ainsi que des conséquences de l’occupation israélienne du Golan syrien.

87.Mme Hamad met en garde le Comité contre les informations parfois erronées que relaient les médias à propos de son pays. À ce sujet, elle tient à indiquer que la mort d’Hamza Ali al-Khateeb et de Tamer Mohamed al-Shar’i est accidentelle et qu’ils n’ont pas été torturés, ni emprisonnés, mais retrouvés morts suite à un échange de coups de feu dans la rue. On ne sait pas ce qui est advenu de Hussam Ahmed al-Zu’bi. En conclusion, elle assure le Comité que son pays est fermement résolu à faire son possible pour améliorer la situation des enfants, en collaboration avec la société civile et les autres parties prenantes.

88.Le Président,après avoir invité la délégation à communiquer par écrit toute information supplémentaire concernant le sort de ces enfants, remercie tous les participants et assure la délégation que le Comité n’a pas pour habitude de se laisser indûment influencer par les médias, mais qu’il a à cœur de voir la situation des enfants s’améliorer durablement dans le pays.

La séance est levée à 18 h 5.