NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l'enfant

Distr .

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.1291

7 janvier 2010

FRANÇAIS

Original : ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-septième session

COMPTE RENDU* DE LA 1291e SÉANCE

Tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 17 janvier 2007, à 10 heures

Présidente : Mme LEE

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (suite)

Rapport initial du Timor-Leste (suite)

Rapport initial du Timor-Leste en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

Rapport initial du Timor-Leste en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants

* Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève. Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.08-40157 (EXT)

La séance est ouverte à 10 h 05.

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (point 5) (suite)

Rapport initial du Timor-Leste (CRC/C/TLS/1; CRC/C/TLS/1/Q/1 et Add.1; CRC/C/TLS/2007; HRI/CORE/TLS/1) (suite)

1.À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation du Timor-Leste ont pris place à la table du Comité.

2.Selon Mme LOBATO (Timor-Leste), l’éducation figure parmi les priorités du gouvernement timorais et sa politique est d’augmenter le nombre d’écoles dans les zones rurales. Toutefois, la population rurale est dispersée parmi de petites collectivités éloignées, pourvues d’un faible nombre d’enfants ; ces collectivités locales manquent d’infrastructures et sont difficiles d’accès, mais il est prévu d’installer un réseau routier dans les cinq ans à venir, afin d’offrir l’accès aux zones rurales et permettre la construction de nouvelles écoles. L’Église catholique joue un rôle très important dans l’éducation : en 2007, elle a fait don de fonds pour compléter le versement de 600 000 dollars effectué par les États-Unis au profit du gouvernement timorais pour un programme d’éducation de six mois. L’Église a géré ces fonds, en soutenant particulièrement l’éducation, la santé et des programmes de formation professionnelle.

3.Répondant aux questions du Comité sur la santé, Mme Lobato affirme que des progrès significatifs ont été accomplis au cours des cinq dernières années dans la prestation des soins de santé, grâce aux énormes efforts déployés par le gouvernement, les pays donateurs et les ONG. Presque toutes les villes du Timor-Leste sont actuellement équipées de centres de santé ; un hôpital national est actuellement en cours de réaménagement, et il existe 5 hôpitaux au niveau du district, 67 centres de santé communautaires et 182 dispensaires.

4.D’après M. Vital (Timor-Leste), après l’indépendance, de nombreuses personnes ont regagné leurs communautés d’origine dans les zones rurales. Bien que la construction d’écoles dans des régions reculées et peu peuplées pose des difficultés en termes d’accès et de manque d’infrastructure, le gouvernement timorais a la volonté politique de répondre aux besoins, comme le montre son budget annuel de l’éducation. Une aide financière supplémentaire est venue de la coopération bilatérale et multilatérale, par exemple du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et de la Banque mondiale.

5.La PRESIDENTE demande des éclaircissements sur le statut de l’éducation des filles au Timor-Leste. Le rapport initial indique que le pourcentage d’analphabétisme est plus élevé chez les filles après neuf ans que chez les garçons, ce qui suggère que les filles disposent de moins facilités d’accéder à l’éducation.

6.Mme LOBATO (Timor-Leste) reconnaît que les filles ne disposent pas encore des mêmes opportunités que les garçons. Dans les zones rurales en particulier, des croyances culturelles pluriséculaires perpétuent l’idée que les hommes auraient plus de droits que les femmes, mais le gouvernement timorais est déterminé à lancer des projets pour changer les attitudes de la population à l’égard de l’égalité entre les sexes. L’accroissement de la sensibilisation de l’opinion publique joue un rôle clé et Mme Lobato souligne que le Timor-Leste a bénéficié de l’aide et de la coopération d’autres intervenants pour tenter de surmonter ce problème.

7.Mme AIDOO salue les efforts déployés pour changer les attitudes de la population face à l’éducation des jeunes filles et des femmes. Elle suggère qu’une stratégie efficace serait de créer un programme de développement infantile pour les moins de cinq ans. Ce projet communautaire permettrait aux filles plus âgées (actuellement obligées de rester à la maison pour s’occuper de frères et sœurs plus jeunes) de fréquenter l’école. Il tenterait aussi de remédier au manque d’infrastructures pour les très jeunes, mentionné précédemment.

8.Selon la PRESIDENTE, des recherches ont montré que l’éducation était la clé pour vaincre la pauvreté et que l’éducation des filles jouait un rôle crucial à cet égard. Elle souhaiterait savoir quels sont les plans précis du Timor-Leste pour améliorer l’éducation et si le pays atteindra les Objectifs du Millénaire pour le développement, en ce qui concerne les taux d’alphabétisation.

9.Selon Mme LOBATO (Timor-Leste) rendre l’école obligatoire est la première priorité du gouvernement. A titre d’incitation et de geste de bonne volonté, celui-ci offre une aide concrète sous la forme de bourses, de livres, de chaussures, d’uniformes et de repas scolaires chauds. Il gère aussi un programme d’alphabétisation et d’initiation à l’arithmétique pour environ 2 000 adultes, avec de bons résultats.

10.M. FILALI s’intéresse à la qualité de l’enseignement dispensé au Timor-Leste et souhaiterait connaître la taille des classes, les méthodes pédagogiques et les procédures de recrutement des enseignants. Il demande s’il existe une grille appropriée des salaires pour assurer le maintien à son poste du personnel enseignant, et si tous les manuels scolaires sont imprimés au Timor-Leste.

11.Mme LOBATO (Timor-Leste) répond qu’il y a 35 à 40 étudiants pour un enseignant. Bien qu’il ne soit pas prévu de recruter immédiatement de nouveaux enseignants, le gouvernement timorais reconnaît la nécessité d’en former davantage. Tous les enseignants actuels ont suivi un programme de formation continue tous les après-midi, une première promotion de 80 enseignants a récemment passé et obtenu son diplôme à la fin du programme. En ce qui concerne les matériaux d’enseignement, le gouvernement timorais reçoit une aide financière substantielle du Portugal et du Brésil et il alloue des fonds budgétaires pour l’impression de manuels et autres matériels didactiques.

12.Répondant aux questions restantes concernant la santé, M. LICINIO BRANCO (Timor-Leste), déclare que, en dehors du nouveau programme communautaire de soins de santé, le gouvernement timorais promeut la santé familiale dans les médias, avec l’aide de bénévoles locaux. Cela inclut l’organisation de vaccinations, la planification familiale, les soins prénatals, les soins maternels et infantiles. En conséquence, la couverture vaccinale s’améliore et la sensibilisation aux questions de santé progresse. En outre, des femmes ont mis en place des groupes de soutien mutuel à l’échelle des communautés locales, avec l’aide d’ONG, pour s’occuper de la santé maternelle et infantile. L’allaitement maternel est également encouragé et des membres de la police nationale travaillent, à l’échelle locale, avec l’UNICEF pour sensibiliser les écoliers contre l’alcool, les drogues et la pornographie.

13.Selon M. CITARELLA, les États qui ont ratifié le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants ont l’obligation d’introduire les délits mentionnés par ce protocole dans leur législation nationale. Il note que le Timor-Leste n’a pris aucune mesure pour introduire ces infractions dans son Code pénal depuis sa ratification du Protocole facultatif, ce qui implique que le Protocole n’est pas encore appliqué dans ce pays.

14.Mme LOBATO (Timor-Leste) déclare que son gouvernement prendra ses remarques en considération et essaiera d’améliorer ou d’adopter des lois nationales nécessaires afin de s’assurer que le Protocole facultatif soit pleinement appliqué. Toutefois, elle demande à nouveau aux membres du Comité de faire preuve de compréhension envers la situation au Timor-Leste. Le gouvernement timorais souhaite vivement travailler très étroitement avec le Comité pour s’assurer que la priorité soit accordée à la rédaction et à l’adoption des lois les plus importantes dès que possible.

15.Mme Smith déclare que, même si le Comité comprend les problèmes du Timor-Leste, ce pays doit introduire une telle législation, car il a ratifié la Convention et ses Protocoles facultatifs. Elle demande que le Timor-Leste présente un plan indiquant dans quel ordre vont être introduits les différents éléments de la législation nécessaire pour satisfaire aux exigences de la Convention et ses Protocoles facultatifs.

16.M. Kotrane s’associe pleinement aux commentaires de l’oratrice précédente. Il salue les mesures préparatoires très positives déjà prises par le Timor-Leste, mais constate que ce pays a fait très peu d’efforts pour appliquer effectivement la Convention et ses Protocoles facultatifs. Le Comité n’a toujours pas reçu de rapport adéquat sur les étapes prévues par le Timor-Leste pour mettre en œuvre les mesures préconisées dans les documents précités.

Rapport initial du Timor-Leste en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/TLS/1; CRC/C/OPAC/TLS/1/Q/1)

17.M. HORNAI (Timor-Leste) déclare que, au moment de la ratification du Protocole facultatif, le Timor-Leste disposait déjà d’une loi nationale en vigueur interdisant aux enfants de moins de 17 ans de prendre part à un conflit armé. Le gouvernement timorais a déployé de grands efforts pour diffuser des informations sur les dispositions du Protocole au niveau national et au niveau du district et souligner l’importance du respect des principes qu’il incarne. À cette fin, des informations ont été diffusées dans les langues officielles du Timor-Leste (portugais, tetum) et dans ses langues de travail (anglais, indonésien), par le biais des médias nationaux et locaux, électroniques et imprimés, grâce aux chaînes de télévision et de radio. Malgré sa volonté politique, la situation du Timor-Leste et en particulier la crise militaire majeure de l’année 2006 l’ont empêché d’appliquer pleinement les dispositions du Protocole. Toutefois, en 2001, le pays a adopté une loi interdisant à toute personne, n’appartenant pas à la police nationale ou aux forces armées, de posséder des armes.

18.Suite à la crise militaire de 2006, le Timor-Leste a rédigé un projet de loi concernant les arts martiaux et une législation est en place pour appliquer les dispositions du Protocole en ce qui concerne la protection des droits des victimes et les auteurs d’infractions. Selon la loi, le Bureau du Procureur Général représente l’État dans les procédures judiciaires afin de protéger les droits des victimes, tandis que le Bureau du Provedor, organisme indépendant créé en vertu de la Constitution, a un rôle plus général, celui de représenter les intérêts des citoyens et de lutter contre les abus du pouvoir. Un certain nombre d’ONG sont activement engagées dans la défense des victimes des violations des droits de l’homme. La prostitution a été définie comme une infraction pénale dans le Code pénal. Le gouvernement, qui à l’époque était au pouvoir depuis à peine six mois, n’a épargné aucun effort pour améliorer la législation du pays, il a déjà élaboré quelque 33 projets de loi, y compris une loi sur l’adoption, qui a été soumise au Conseil des ministres et au Parlement national.

19.M. Citarella note que, ces dernières années, le Timor-Leste a été le théâtre de conflits à la fois intérieurs et internationaux. Elle souhaiterait savoir si le gouvernement timorais a un plan spécifique pour faciliter la récupération et la réhabilitation des enfants victimes de ces conflits.

20.Selon Mme LOBATO (Timor-Leste), les enfants ne participent plus à des conflits armés au Timor-Leste. Par contre, ils sont souvent impliqués dans des activités criminelles sans armes, tels que des jets de pierres et des incendies criminels. Le gouvernement timorais a élaboré un projet de loi sur la justice pour mineurs, afin de traiter ces problèmes. Un certain nombre d’ONG locales et internationales ont aidé le gouvernement timorais à soutenir les enfants victimes d’exploitation ou d’agressions sexuelles, d’inceste et de viol. Le gouvernement timorais a également élaboré un projet de loi régissant les arts martiaux et les associations sportives, qui a été adopté par le Conseil des ministres et est actuellement examiné par le Parlement.

21.Mme Al-Thani déclare que, selon le rapport, certains enfants des zones rurales se voient refuser l’accès à l’éducation et à l’emploi. Qui est responsable de ces mesures, et qu’est-il fait pour changer la situation?

22.Mme LOBATO (Timor-Leste) déclare qu’en ce qui concerne le déni de services aux enfants-soldats démobilisés, le rapport décrit la situation telle qu’elle était en 2004. Le gouvernement timorais ne dispose malheureusement pas d’une image claire de la situation actuelle.

23.M. Zermatten (Rapporteur du Comité pour le pays) demande si les associations d’arts martiaux sont des groupes armés informels, auquel cas elles seraient couvertes par le Protocole facultatif. Ou bien s’agit-il de gangs qui se livrent à des activités criminelles ? Ils tomberaient alors sous le coup de la future loi sur la délinquance juvénile. Est-ce que ce sont simplement des clubs sportifs qui ont parfois dérivé vers des activités violentes ou illégales ? Il est important pour le Comité de comprendre la façon dont le gouvernement timorais considère ces groupes.

24.Mme Al-Thani note que des groupes d’arts martiaux seraient impliqués dans l’exploitation de certains enfants. La nouvelle loi permet-elle de les interdire définitivement, ou simplement de réglementer leurs activités ?

25.Mme LOBATO (Timor-Leste) répond que ces groupes d’arts martiaux sont en fait des associations sportives et culturelles informelles. Durant les récents remous politiques, ils ont été manipulés par les différentes factions et incités à commettre des actes illégaux. Ces groupes ne sont pas armés ; les enfants qui en sont membres ont tendance à s’identifier avec leurs dirigeants, qui, actuellement, n’ont aucun statut officiel. Le gouvernement timorais a décidé d’adopter une loi sur les associations d’arts martiaux afin de fournir un cadre pour l’exercice de leur droit d’association et faire en sorte que ces groupes et leurs dirigeants soient plus responsables des actions de leurs membres. Le projet de loi est de nature réglementaire et ne vise pas à les interdire définitivement.

26.M. Filali demande si la nouvelle loi interdira l’usage et la possession d’armes et de munitions, ou régira simplement les activités quotidiennes des associations.

27.Mme LOBATO (Timor-Leste) répond que le projet de loi en question régule exclusivement les activités des groupes d’arts martiaux. Une réglementation en vigueur interdit la possession et l’utilisation d’armes et de munitions. Le gouvernement timorais a récemment proposé de la remplacer par un acte législatif.

Rapport initial du Timor-Leste en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants (CRC/C/OPSC/TLS/1)

28.M. LICINIO BRANCO (Timor-Leste) déclare que le gouvernement timorais manque actuellement d’informations concernant la vente d’enfants, mais travaillera en étroite collaboration avec les services sociaux sur le sujet. Un groupe de travail sur la traite des êtres humains existe depuis près de cinq ans, mais sa mise en place formelle a été retardée en raison des développements politiques récents. Néanmoins, plusieurs mesures ont été prises pour lutter contre la traite des enfants. Le gouvernement timorais a actualisé son Code pénal afin de les mettre en conformité avec les traités internationaux, et plusieurs agences gouvernementales ont engagé des discussions avec des institutions internationales telles que la Mission intégrée des Nations Unies au Timor-Leste (MINUT), le Fonds des Nations Unies pour la femme (UNIFEM), l’Organisation des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en vue de l’adoption d’instruments plus efficaces. Des membres de la police, du Service de l’immigration et des forces armées ont reçu une formation, et le gouvernement timorais a mené des campagnes de sensibilisation pour lutter contre la traite, notamment en vue de prévenir la corruption.

29.Selon Mme AIDOO, les réponses de la délégation sous-estiment les problèmes rencontrés par la Commission en raison de l’absence de données et de statistiques. Elle exhorte le gouvernement du Timor-Leste à entreprendre un certain nombre d’études et d’enquêtes pour recueillir des informations sur la vente d’enfants, la traite des enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Le rapport ne contient aucune information sur les endroits où ces problèmes se posent, les groupes impliqués ou le nombre de personnes touchées ; ces données sont pourtant nécessaires si le gouvernement timorais veut mettre au point des stratégies. La Direction nationale des statistiques devrait être directement impliquée ainsi que le Secrétariat d’État au Travail et à la Solidarité. Elle espérait que la collecte de telles informations aurait été également l’une des priorités de la Commission Nationale pour les Droits de l’enfant, créée en juin.

30.M. CITARELLA considère que le Comité manque également d’informations sur les implications juridiques des infractions en vertu du Protocole facultatif, par exemple la vente d’un enfant par ses parents à un étranger, ou l’adoption illégale d’un enfant par un étranger.

31.Mme LOBATO (Timor-Leste) lui répond qu’à ce jour elle n’a eu connaissance d’aucun cas de parents ayant vendu leurs enfants à des étrangers. Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de dispositions dans le droit pénal interdisant de telles pratiques, et ce problème sera examiné de façon plus approfondie quand le Timor-Leste aura rédigé son nouveau Code pénal afin de renforcer les règles interdisant et réprimant la vente d’enfants. Elle souligne, que trois semaines auparavant, les ministères de la Justice, des Affaires étrangères et de l’Administration Interne se sont mis d’accord pour surveiller les frontières en vue de protéger les enfants qui risquent de devenir des victimes de la traite.

32.La PRESIDENTE demande à la délégation quelles mesures ont été prises pour combattre l’exploitation sexuelle des enfants et la prostitution enfantine.

33.M. HORNAI (Timor-Leste) déclare que les procureurs font tout leur possible pour lutter contre la prostitution et la création de réseaux de prostitution. En accord avec la police, ils ont pris des mesures pour contrôler le fonctionnement des maisons de tolérance et enquêter sur les personnes et les organisations engagées dans le proxénétisme. Le Code pénal indonésien souffrait d’un certain nombre de failles dans ce domaine; par exemple, il prévoyait que les personnes étaient responsables si elles employaient des prostituées ayant moins de 17 ans, mais cela signifiait qu’entre 17 et 18 ans cette activité n’était pas punie par la loi. Les juges, les procureurs et les avocats ont reçu une formation à ce sujet avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour le développement (PNUD). Le projet de nouveau Code pénal, soumis au Conseil des ministres, contient des dispositions sur l’exploitation des personnes impliquées dans la prostitution. Les différentes infractions qui relèvent de la catégorie globale de la prostitution n’ont pas encore été définies, mais des études ont été menées, et les tribunaux peuvent statuer sur toutes les infractions connexes.

34.Mme LOBATO (Timor-Leste) rappelle les liens étroits entre la prostitution et la pauvreté. Le Code pénal contient des dispositions selon lesquelles la prostitution et le proxénétisme constituent un crime. Pour citer un exemple récent, un étranger est actuellement en détention parce qu’il attend d’être jugé pour son implication dans un réseau de prostitution. Le nouveau Code pénal contiendra des dispositions plus spécifiques pour punir de tels actes.

35.La PRESIDENTE précise que le Comité est davantage préoccupé par l’absence de criminalisation visant l’exploitation des enfants pour des services sexuels, que par la criminalisation de la prostitution ou de son organisation.

36.Mme AIDOO souligne que, en signant le Protocole facultatif, le Timor-Leste s’est engagé à se conformer à ses dispositions, qui obligent les États à introduire une législation visant à prévenir l’exploitation des enfants et leur prostitution. Elle aimerait savoir si les autorités ont fourni une assistance psychologique, sociale ou autre aux enfants victimes de la traite ou de la prostitution, et quelles sont les mesures légales de protection en faveur des enfants victimes qui ont été invités à témoigner au sujet de leur propre cas.

37.Mme Smith rappelle à la délégation que, pour être en conformité avec le Protocole facultatif, la législation du Timor-Leste interdisant la prostitution des enfants doit couvrir les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans. Le Protocole facultatif ne concerne pas l’interdiction de la prostitution, mais l’exploitation des enfants.

38.Mme KHATTAB (Rapporteuse suppléante pour le pays) sait que la réduction de la pauvreté prend du temps avant que l’on obtienne des résultats, mais un pays ne peut pas attendre d’avoir fait des progrès dans la lutte contre la pauvreté avant de prendre des mesures pour protéger les droits des enfants. Il existe un ensemble minimum de mesures que le pays peut commencer immédiatement à mettre en œuvre. La lutte contre la prostitution repose sur l’éducation. Les États pauvres doivent s’assurer en priorité que les enfants vulnérables ont accès à une éducation gratuite et de qualité et n’abandonnent pas l’école. Il est important de sensibiliser les familles pauvres et leurs enfants aux bienfaits de l’éducation afin qu’ils n’aient pas recours à la prostitution. Lutter contre la prostitution au moyen de sanctions pénales ne suffit pas.

39.Mme Ortiz demande des renseignements sur les réseaux de protection des enfants qui, selon la délégation, existent dans plusieurs districts. Elle aimerait savoir qui est impliqué dans ces réseaux, quelles initiatives ont été prises, comment ils sont formés. Et comment les enfants ont appris à se défendre contre l’exploitation, le trafic d’être humains, la prostitution et la pornographie.

40.M. POLLAR souligne que, dans son propre pays, l’Ouganda, la tendance est de dépénaliser la prostitution et de se concentrer sur la pénalisation de l’exploitation sexuelle des enfants.

41.Mme LOBATO (Timor-Leste) déclare que le Secrétariat d’État au Travail et à la Solidarité est chargé de réfléchir à ces questions. Un certain nombre d’ONG actives dans ce domaine ont reçu l’appui financier du gouvernement. Dans la mesure du possible, le Secrétariat d’État au Travail et à la Solidarité apporte une aide aux victimes. Sept Défenseurs Publics fournissent une assistance juridique aux personnes qui ne peuvent pas se permettre de payer un avocat; trois autres ont été formés. Un département de la police a également suivi une formation pour apprendre à traiter ces questions.

42.Compte tenu du grand nombre de lois qui attendent d’être adoptées, le gouvernement timorais a décidé de ratifier plusieurs conventions et protocoles aussi rapidement que possible. Le problème est le manque de ressources ; le Timor-Leste a demandé une assistance technique pour l’élaboration des lois et des mécanismes nécessaires en vue d’incorporer le Protocole facultatif dans son système juridique interne. À cet égard, son gouvernement espère pouvoir continuer à bénéficier de l’appui de l’UNICEF et du PNUD, ainsi que des projets de développement bilatéraux.

43.Mme AIDOO suggère que le gouvernement timorais devrait se fixer des priorités dans la discussion des nombreuses lois qui doivent être votées. Certaines réglementations marchent de pair. Par exemple, le Timor-Leste n’a pas ratifié la Convention N° 138 de l’Organisation internationale du Travail concernant l’Age minimum d’admission à l’emploi, ni la Convention N° 182 concernant l’Interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate pour leur élimination, deux dispositions qui s’harmonisent très bien avec le Protocole facultatif.

44.Selon M. KOLTRANE, sur le plan méthodologique, il aurait été préférable que le gouvernement timorais commence par mettre en œuvre les premières mesures et les mécanismes adéquats en coopérant avec les organisations internationales, les juristes et d’autres experts avant d’en discuter les résultats avec le Comité, car il aurait alors été possible au Comité d’évaluer les progrès accomplis et d’offrir des suggestions pour l’action future.

45.Mme ORTIZ demande si le Timor-Leste pourrait envisager d’élaborer une initiative nationale pour l’application de la Convention et de ses deux Protocoles facultatifs.

46.Mme LOBATO (Timor-Leste) remercie les membres du Comité pour leurs commentaires et leurs suggestions sur les moyens d’améliorer la protection des droits des enfants dans la législation du pays. Elle communiquera ces propositions à son gouvernement, et beaucoup d’entre eux pourront sans doute être intégrés dans le plan de développement national.

La séance est suspendue à 12 heures, et reprend à 12 h 15.

47.Mme LOBATO (Timor-Leste) déclare que sa délégation tiendra compte des précieuses suggestions formulées par les membres du Comité. Le Timor-Leste a fait face à de nombreux défis pour ce qui concerne la construction de ses infrastructures et de ses institutions, l’introduction d’une nouvelle législation, et le développement de l’assistance sociale pour une population jeune ayant besoin de soutien. Le pays continuera de compter sur l’assistance technique spécialisée des Nations Unies afin d’atteindre ses objectifs, en particulier pour ce qui est de rédiger une nouvelle législation. L’avenir du Timor-Leste réside dans ses enfants, et le pays s’efforcera de construire un avenir meilleur pour eux.

48.Mme KHATTAB (Rapporteuse suppléante) remercie la délégation du Timor-Leste pour son dialogue constructif avec le Comité, qui est pleinement conscient des limites du Timor-Leste. Elle espère que les efforts du pays s’étendront à l’application effective des droits de l’enfant tels qu’ils figurent dans la Convention.

49.Dans ses observations finales, le Comité soulignera que, même en disposant de ressources très limitées, le gouvernement timorais est tenu de mettre en place un ensemble minimum de mesures d’application immédiate. Ces mesures doivent être multi-sectorielles, car les problèmes des enfants sont tels qu’ils ne peuvent être affrontés efficacement de façon séparée. D’une manière générale, le Timor-Leste doit tirer profit des ressources de l’Organisation des Nations Unies et de ses autres partenaires pour le développement.

50.Les observations finales du Comité préciseront les mesures à prendre par le gouvernement. Il convient, et ce de façon urgente, d’établir un cadre juridique conforme à la Convention, indépendamment de savoir si elle a opté en faveur d’un code séparé pour les enfants. Le gouvernement timorais doit veiller à ce que la Commission nationale pour les droits de l’enfant ait un mandat adéquat et des ressources suffisantes. Elle doit élaborer un plan national d’action pour garantir les droits des enfants, fondé sur le document final intitulé "Un monde digne des enfants" adopté par l’Assemblée générale à sa session extraordinaire consacrée aux enfants, tenue en mai 2002, et sur la déclaration de la séance plénière commémorative de haut niveau consacrée au suivi des décisions prises lors de la session extraordinaire sur les enfants.

51.Il faut que le gouvernement timorais commence à mettre en œuvre un système de collecte des données. Celles-ci devront être ventilées afin de pouvoir se concentrer sur les droits des enfants marginalisés et éliminer toutes les formes de discrimination. La prise en compte des intérêts des enfants devra être visible dans le budget de l’Etat (par l’intermédiaire d’un suivi du budget consacré à ces droits), et dans les programmes d’aide internationale. La société civile doit être impliquée non seulement dans l’application des droits des enfants, mais aussi dans la planification et la formulation des politiques. En outre, le gouvernement timorais devrait agir immédiatement et s’attaquer au problème de l’enregistrement des naissances, afin de s’assurer que chaque enfant a été enregistré gratuitement, à la naissance.

52.Le gouvernement timorais doit soutenir les familles vulnérables, en rendant l’éducation obligatoire et en s’assurant qu’il n’y a pas de coûts cachés ou de tentatives de dissuader les familles pauvres d’envoyer leurs enfants à l’école. En matière de santé, une attention particulière doit être accordée à la mortalité infantile jusqu’à 5 ans, et aux taux de mortalité maternelle et aux décès provoqués par des maladies évitables. En priorité, il faut mettre en place une protection spéciale des enfants des rues, des enfants déplacés, et de ceux qui ont été victimes des crimes visés par les deux Protocoles facultatifs à la Convention.

53.La rapporteuse suppléante félicite la délégation du Timor-Leste d’avoir veillé à ce que la Convention soit traduite en d’autres langues ; les observations finales du Comité devraient aussi être traduites et distribuées aux décideurs au sein du gouvernement timorais afin qu’ils soient conscients de l’intérêt d’investir dans les enfants à partir d’une perspective inspirée des droits économiques et humains. L’instauration de la démocratie et de la paix ne pourra que renforcer les droits des enfants.

54.. Se référant au Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, la PRESIDENTE remercie la délégation du Timor-Leste d’avoir rapidement soumis son rapport sur le Protocole facultatif. Le gouvernement timorais devra prendre des mesures pour criminaliser le recrutement – volontaire ou non – des garçons de moins de 18 ans dans les forces armées. Il faut que les certificats de naissance deviennent la preuve de l’âge des citoyens. Le Timor-Leste doit mettre en œuvre un mécanisme de contrôle pour s’assurer que les enfants soldats et les enfants affectés par le conflit durant les années antérieures à l’indépendance ont eu accès à un accompagnement social et psychologique et des services pour faciliter leur réinsertion dans la société. Il est nécessaire que le Protocole facultatif soit diffusé à tous les parents, les départements et les ministères concernés. Les observations finales du Comité doivent aussi être largement diffusées et partagées avec les adultes comme les enfants.

55.Mme AIDOO note que la délégation a démontré la volonté politique du gouvernement timorais de déployer tous ses efforts en faveur des enfants, et partage les préoccupations du Comité concernant l’urgence de faire respecter les droits des enfants. Malgré les nombreuses difficultés auxquels il est confronté, le Timor-Leste a jeté des bases solides pour remplir ses obligations légales en vertu du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants.

56.Le Comité est particulièrement préoccupé par le manque de données et de statistiques disponibles au Timor-Leste. Le gouvernement timorais doit travailler avec la Direction nationale de la statistique et il faut que la Commission nationale pour les droits de l’enfant développe une base de données dès que possible, car le gouvernement timorais a besoin d’informations et de statistiques s’il veut élaborer des politiques, des stratégies et des programmes visant à protéger les enfants et prévenir les infractions commises contre eux.

57.En ce qui concerne la législation, l’article 3 du Protocole facultatif oblige les États parties à veiller à ce que les infractions contre les enfants soient entièrement couvertes par le droit criminel ou le droit pénal. Les recommandations du Comité préciseront les procédures qui doivent être adoptées pour protéger les enfants victimes des crimes visés par le Protocole facultatif. Il faut mettre au point un programme ciblé pour accroître, à tous les niveaux de gouvernement timorais et auprès des professionnels qui travaillent avec des enfants, la sensibilisation au Protocole facultatif concernant la vente des enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants. Il faut que les parents soient informés des conséquences de la vente ou de la prostitution de leurs enfants, et, surtout, les enfants doivent être informés de leurs droits. Il est indispensable que le gouvernement timorais fournisse un soutien psychologique et physique aux enfants victimes des crimes visés par le Protocole facultatif, et assure leur intégration sociale lorsqu’ils sont stigmatisés en raison de leur implication dans la prostitution ou le trafic d’enfants.

58.Le Timor-Leste doit prendre des mesures pour adopter le Plan national d’action contre la traite des personnes. Il faut qu’il ratifie la Convention N° 138 concernant l’Age minimum d’admission à l’emploi, la Convention N° 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, et le Protocole des Nations Unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

59.Étant donné que le Protocole facultatif traite de questions concernant principalement les communautés ou les familles, le gouvernement timorais doit dialoguer davantage avec les ONG, qui exercent généralement une influence considérable dans ces domaines. Comme une forte proportion de la population du Timor-Leste a moins de 18 ans, il faut absolument veiller à ce que les droits des enfants soient protégés et qu’ils ne soient pas victimes des crimes visés par le Protocole facultatif.

60.La PRÉSIDENTE espère que la délégation a trouvé fructueux le dialogue avec le Comité et que ses observations aideront le gouvernement timorais à jeter les fondations de sa législation, de ses politiques et de ses programmes. Le cas du Timor-Leste a démontré que les moments de crise ouvrent de nouvelles possibilités, et elle est convaincue que ce pays a toutes les chances de devenir une nation accueillante pour ses enfants.

La séance est levée à 12 h 45.

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