Nations Unies

CRC/C/SR.1963

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

3 février 2015

Original: Français

Comité des droits de l ’ enfant

Soixante- huitième session

Compte rendu analytique de la 1963 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 22 janvier 2015, à 15 heures

Président (e): Mme Sandberg

Sommaire

Examen des rapports des États parties (suite)

Deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques de la Suisse sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, présenté s en un seul document (suite)

Rapport initial de la Suisse sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports des États parties (suite)

Deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques de la Suisse sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, présentés en un seul document (CRC/C/CHE/2-4, CRC/C/CHE/Q/2-4, CRC/C/CHE/Q/2-4/Add.1) (suite)

Rapport initial de la Suisse sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant la vente d ’ enfan ts, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/CHE/1,CRC/C/OPSC/ CHE/Q/1, CRC/C/OPSC/CHE/Q/1/Add.1) (suite)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation suisse reprend place à la table du Comité.

2.M. von Kessel (Suisse) dit que les mutilations génitales féminines sont expressément interdites par l’article 124 du Code pénal depuis 2012. À ce jour, la police n’a enregistré aucune plainte au titre de cet article. En 2006, la Confédération a délégué le travail de prévention et de sensibilisation concernant cette question à Caritas Suisse en raison de sa forte présence sur le terrain. Depuis janvier 2015, les mutilations génitales féminines sont reconnues comme une maladie à part entière, ce qui devrait favoriser le remboursement des prestations permettant de traiter les séquelles physiques et psychologiques de ces interventions.

3.M. Gastaud (Rapporteur pour la Suisse, pour la Convention et pour le Protocole) demande sur quelles bases juridiques s’effectue la délégation de pouvoirs à Caritas Suisse et si cette organisation est soumise à un contrôle de la part des autorités fédérales quant au résultat de son action.

4.M. von Kessel (Suisse) dit que Caritas Suisse opère sur la base d’un contrat avec l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) qui sera renouvelé en 2015. En tant que mandataire, cette organisation rend compte de ses activités. L’OFSP et l’Office fédéral des migrations (ODM) fournissent un soutien financier à Caritas Suisse. En outre, Caritas Suisse est régulièrement en contact avec les autorités fédérales dans le cadre du Groupe de travail national contre les mutilations génitales féminines (GT MGF).

5.En ce qui concerne les traitements administrés aux enfants souffrant d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), il ressort de l’étude mandatée par l’OFSP que l’augmentation de la prescription de médicaments à base de méthylphénidate serait notamment liée à une meilleure acceptation de ces traitements parmi les psychiatres pour enfants et adolescents, compte tenu des connaissances scientifiques en la matière. En outre, les parents d’enfants souffrant de TDAH considéreraient souvent ces traitements comme un moyen d’éviter l’échec scolaire à leur enfant et de lui offrir les meilleures chances pour son avenir. Le méthylphénidate revêt une dimension symbolique marquée dans les débats politiques et sociétaux, qui jette le discrédit sur des traitements pourtant nécessaires d’un point de vue médical, ce qui a des conséquences négatives pour les personnes atteintes de TDAH. Lesdits traitements sont notamment soumis aux dispositions de la loi sur les produits thérapeutiques et de la loi sur les stupéfiants. Les patients sont informés des risques et des effets secondaires liés à la prise de médicaments à base de méthylphénidate.

6.M me Herczog dit qu’il n’y a aucune preuve que les médicaments à base de méthylphénidate soignent effectivement le TDAH, pour autant que ce trouble puisse être considéré comme une maladie. En outre, ces médicaments peuvent entraîner de graves troubles du comportement en cas de problème de dosage. Il est préférable de modifier l’environnement de l’enfant plutôt que de soumettre l’enfant à un traitement médicamenteux. Mme Herczog demande si la Suisse a mis en place des programmes d’éducation parentale et de soutien aux enfants.

7.M. von Kessel (Suisse) dit que l’OFSP a considéré qu’il n’était pas nécessaire de prendre des mesures spécifiques pour réduire la prescription de médicaments à base de méthylphénidate, mais qu’il fallait suivre avec attention l’évolution de la situation. De plus, l’OFSP a chargé la Haute École de Suisse du Nord-Ouest d’élaborer un concept pédagogique pour gérer les enfants aux comportements difficiles mais ne souffrant pas de TDAH. La Suisse a pris un grand nombre de mesures pour améliorer les compétences éducatives des parents et prévenir d’éventuels abus.

8.M me Mascetta (Suisse) dit que l’action de la Suisse en matière de lutte contre la surcharge pondérale des enfants repose sur les principes définis en 1992 par la Conférence internationale sur la nutrition. Le surpoids et les maladies associées font partie des problèmes traités dans la Stratégie alimentaire suisse 2013-2016, qui repose notamment sur la Stratégie mondiale de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’alimentation, l’exercice physique et la santé et sur le Livre blanc de l’Union européenne intitulé «Une stratégie européenne pour les problèmes de santé liés à la nutrition, la surcharge pondérale et l’obésité». L’organisation Promotion Santé Suisse, qui est financée par les cotisations des assurés sociaux, applique des programmes d’action en collaboration avec 20 cantons pour accroître la part de la population suisse présentant un poids corporel sain, en se concentrant sur les enfants et les adolescents.

9.M me Muhamad Shariff demande si la Suisse envisage de prendre des mesures pour renforcer l’application du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel et notamment de créer un mécanisme de contrôle indépendant.

10.M me Herczog, rappelant que l’OMS recommande une alimentation au sein exclusive jusqu’à l’âge de 6 mois, demande si la Suisse envisage de porter à six mois au moins la durée du congé de maternité rémunéré, qui est actuellement très courte.

11.M me Mascetta (Suisse) dit qu’elle n’est pas en mesure de répondre à la question relative à l’application du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel, mais qu’elle la transmettra aux autorités compétentes. L’adoption des dispositions actuellement en vigueur relatives au congé de maternité doit être considérée comme une victoire car elle a exigé des années de lutte. À présent, le débat porte plutôt sur la possibilité d’instaurer un congé parental ou un congé de paternité.

12.M me Muhamad Shariff note que 55 % des hôpitaux et maternités suisses ont été labellisés «ami des bébés». Elle demande si la Suisse envisage de prendre des mesures pour faire augmenter le nombre d’hôpitaux «amis des bébés».

13.M me Mascetta (Suisse) dit que ce n’est pas le cas. Un canton a notamment considéré que le label «hôpital ami des bébés» allait de pair avec l’exercice de pressions sur les mères afin qu’elles allaitent. Les autorités compétentes recommandent l’allaitement mais laissent une marge de liberté aux mères.

14.M me Muhamad Shariff dit que les objectifs du label «hôpital ami des bébés» vont bien au-delà de l’allaitement et sont de favoriser le respect des rythmes et des besoins de l’enfant, notamment la proximité mère-enfant. Compte tenu de l’augmentation du nombre de femmes sur le marché du travail au cours des dix dernières années, il serait judicieux de repenser les dispositions relatives au congé de maternité, adoptées en 2005.

15.M me Mascetta (Suisse), dit que l’utilisation de la technique dite du «packing» n’est pas interdite. Néanmoins, cette technique n’est pas reconnue par les assurances sociales − et, dès lors, n’est pas prise en charge − car il n’existe aucune preuve scientifique de ses bienfaits. D’après les informations dont dispose la délégation, le «packing» ne serait pas utilisé sur des enfants autistes. En ce qui concerne l’inclusion des enfants handicapés dans l’enseignement ordinaire, la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) a conclu un accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée dont l’un des principes est de préférer les solutions intégratives aux solutions séparatives, conformément à la loi fédérale sur l’égalité pour les handicapés.

16.M me Aldoseri demande pour quelles raisons la Suisse hésite à interdire officiellement la technique du «packing».

17.M me Mascetta (Suisse) répond que la Suisse n’interdit pas officiellement cette technique afin de respecter la liberté thérapeutique. Elle rappelle que les troubles du spectre autistique sont des infirmités congénitales reconnues par l’assurance invalidité (AI) et que les personnes qui en sont atteintes peuvent bénéficier de toutes les mesures prévues par l’AI. Pour ce qui concerne le traitement intensif de l’autisme infantile, l’AI prend en charge diverses méthodes d’intervention précoce intensive en thérapie comportementale. Un rapport sur la situation des personnes atteintes d’autisme ou d’un trouble envahissant du développement, qui doit être publié en 2015, pourrait ouvrir de nouvelles pistes.

18.La Présidente, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, appelle l’attention de la délégation sur la différence entre un système inclusif et un système intégratif. Elle demande si les mesures en faveur de l’intégration scolaire des enfants autistes sont appliquées dans la pratique, y compris à Genève.

19.M me Mascetta (Suisse) confirme l’emploi du mot «intégratif» dans l’accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (concordat sur la pédagogie spécialisée). Les solutions intégratives en faveur des enfants autistes sont appliquées, y compris à Genève. Mme Mascetta indique que la loi fédérale sur la formation continue a été adoptée en 2014 et entrera en vigueur le 1er janvier 2017, lorsque les crédits budgétaires sur la formation, la recherche et l’innovation seront disponibles. Cette loi fixe un certain nombre de principes relatifs notamment à la qualité de la formation et au renforcement de l’égalité des chances.

20.(M me Lachat (Suisse) dit que le projet Case management «Formation professionnelle» vise à coordonner les mesures de soutien aux jeunes dans tous les cantons pour faciliter le passage à l’enseignement postobligatoire. Un centre d’aide aux jeunes en rupture scolaire a été créé à Genève en 2014. En outre, les autorités suisses ont créé des postes de travailleurs sociaux dans les établissements scolaires.

21.La Présidente, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, demande s’il existe des données relatives à l’abandon scolaire et à l’absentéisme à partir desquelles les politiques pertinentes seraient élaborées.

22.M me Al-Shehail demande des précisions sur la manière dont les activités de lutte contre l’abandon scolaire sont évaluées.

23.M me Lachat (Suisse) dit que l’objectif des efforts en matière de formation professionnelle initiale, qui était de faire passer de 90 % à 95 % d’ici à 2015 le pourcentage de jeunes de moins de 25 ans titulaires d’un certificat du degré secondaire II, a été rempli. La Suisse communiquera ultérieurement des renseignements complémentaires au Comité.

24.En 2010, en Suisse, près de 24 % des élèves du primaire étaient de nationalité étrangère, contre 14 % en 1980. La valorisation de la langue maternelle a des effets positifs sur l’apprentissage de la langue d’enseignement locale et des cours de langue et de culture d’origine, le plus souvent organisés par la communauté issue de la migration, sont dispensés aux élèves dont la langue maternelle est différente de la langue d’enseignement locale (soit l’allemand, le français, l’italien ou le romanche). Les principes relatifs à l’intégration optimale des enfants étrangers sont pris en compte dans la formation initiale des enseignants et pour l’élaboration des programmes d’enseignement. S’agissant des enfants qui changent de canton au cours de leur scolarité, les nouveaux articles de la Constitution relatifs à la formation qui sont entrés en vigueur en 2006 ont donné naissance au concordat HarmoS, mis en œuvre depuis 2009 et dont le but est d’harmoniser la scolarité obligatoire et de supprimer tout ce qui fait obstacle, sur le plan scolaire, à la mobilité nationale et internationale de la population.

25.La Présidente,s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, demande des précisions sur le système de tarification forfaitaire auquel sont soumis les hôpitaux. Elle aimerait également en savoir plus sur la centralisation des soins pédiatriques.

26.M. Cueni (Suisse) indique qu’il s’agit d’un système de tarification simplifiée dont le but est de garantir une gestion plus efficace des soins pour les hôpitaux. Ce système n’a aucune incidence sur la participation de l’assuré aux coûts du traitement, non plus que sur la prise en charge, les hôpitaux ayant l’obligation de soigner tous les patients.

27.M me Lachat (Suisse) dit que les cours de langue constituent la principale mesure d’intégration des enfants migrants à l’école. En fonction du nombre d’enfants concernés, les autorités scolaires proposent en plus de l’enseignement ordinaire des cours intensifs ou des classes spéciales pour les enfants allophones. Ces cours sont en principe dispensés en dehors des heures d’école, mais peuvent dans certains cas être intégrés à l’emploi du temps scolaire.

28.M. von Kessel (Suisse) dit que toutes les personnes sans papiers sont soumises à l’assurance maladie obligatoire et que les assureurs sont tenus de les accepter. En l’absence de couverture d’assurance, les sans-papiers peuvent avoir accès aux prestations de base du système de santé suisse. Les professionnels de la santé, tout comme les assurances maladie, n’ont pas le droit de transmettre les informations confidentielles concernant ces personnes et encourent des sanctions pénales en cas de non-respect de cette obligation. Les enfants sans papiers ont le droit de fréquenter l’école obligatoire et ont accès à ce titre à la médecine scolaire.

29.M me Mascetta (Suisse) rappelle que la Suisse a ratifié la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales et reconnaît à ce titre les gens du voyage de nationalité suisse comme minorité nationale. On estime à 600 le nombre des enfants yéniches qui voyagent avec leurs parents en Suisse. Ces enfants fréquentent en hiver l’école de la commune dans laquelle ils sont domiciliés et bénéficient en été d’un accompagnement individuel. Les gens du voyage se disent globalement satisfaits des solutions proposées pour la scolarisation. Un groupe de travail, qui réunit des représentants des différents services de l’administration fédérale, des représentants des cantons et des délégués des organisations des gens du voyage, a été mis en place en 2014. Son rôle est d’élaborer d’ici à la fin de 2015 un plan d’action visant à améliorer durablement la situation des gens du voyage et des autres minorités nomades en Suisse. Les gens du voyage de nationalité roumaine bénéficient, en tant que ressortissants de l’Union Européenne, de l’égalité de traitement prévue dans l’Accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l’Union européenne. Les règles relatives au séjour des étrangers s’appliquent aux gens du voyage non ressortissants de pays membres de l’Union européenne.

30.M me Marfurt (Suisse) précise que, si l’âge de la responsabilité pénale est fixé à 10 ans, seules des mesures de protection et des peines légères sont prévues pour les enfants âgés de 10 à 15 ans. Les peines de privation de liberté ne peuvent être prononcées que contre des mineurs ayant 15 ans révolus. En ce qui concerne l’assistance juridique, les frais de la défense d’office sont supportés par les parents qui sont en mesure de les payer. Ceux‑ci ne peuvent se soustraire à cette obligation.

31.M. Madi (Rapporteur pour la Suisse, pour la Convention) demande pour quelles raisons la Suisse n’établit pas à 12 ans l’âge de la responsabilité pénale, ce qui correspondrait à la norme internationale.

32.M. Gastau d (Rapporteur pour la Suisse, pour la Convention et pour le Protocole facultatif) demande à quelle peine s’expose un enfant ayant 10 ans révolus qui aurait commis un meurtre.

33.M me Marfurt (Suisse) dit qu’il est difficile de répondre à cette question mais que, de manière générale, le système de justice pénale des mineurs, déjà en place dans certains cantons, tente de privilégier la médiation.

34.La Présidente, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, demande s’il est vrai que peu d’avocats de la défense sont spécialisés dans les affaires pour mineurs.

35.M me Bernhard Hug (Suisse) dit que l’Office fédéral des assurances sociales a conclu un contrat de prestation avec l’organisation Kinderanwaltschaft Schweiz qui sensibilise les tribunaux et les autorités de protection de l’enfant aux spécificités de la justice des mineurs.

36.M me Galley (Suisse) précise que les mesures prises ou les sanctions imposées sont liées non pas à l’infraction, mais à la situation personnelle du jeune, sur la base des résultats d’une enquête.

37.M. Gastau d (Rapporteur pour la Suisse, pour la Convention et pour le Protocole) demande s’il existe des mesures alternatives à la privation de liberté pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans et lesquelles.

38.M me Galley (Suisse) dit qu’il existe des mesures d’assistance personnelle pour le jeune et pour sa famille ainsi que des mesures éducatives, qui sont décidées en fonction de la situation personnelle du mineur.

39.La Présidente, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, demande des précisions sur les enfants faisant l’objet d’une protection de remplacement. Elle aimerait également savoir si les services de garde d’enfants répondent aux besoins.

40.M me Khazova aimerait savoir si un enfant peut être placé en famille d’accueil dans un autre canton en cas de pénurie de famille d’accueil dans son canton d’origine ou s’il est placé dans une institution.

41.M me Lachat (Suisse) dit que la révision de l’ordonnance sur le placement d’enfants est entrée en vigueur le 1er janvier 2013. Elle a permis d’étendre la protection des enfants placés hors de leur famille. Le placement dans des familles nourricières ou en institution est désormais soumis à une autorisation jusqu’à ce que l’enfant ait atteint l’âge de 18 ans. La révision introduit une obligation d’information et de surveillance des prestations fournies dans le cadre du placement d’enfant chez des parents nourriciers, sous le contrôle d’une autorité cantonale centrale. En cas de faute grave, les familles ont l’interdiction d’exercer leur activité. Le but de l’ordonnance n’est pas de réduire ou de prévenir le placement des enfants, mais de garantir que l’enfant placé bénéficie de conditions de prise en charge optimales. L’ordonnance ne régit pas les conditions ni le processus de placement d’un enfant dans une famille d’accueil ou une institution, qui sont prévues par le Code civil. Le fait qu’un enfant soit placé dans une famille d’accueil ou dans une institution dépend de la forme de prise en charge qui est considérée comme étant la plus appropriée en l’espèce. Pour faire face au manque de familles d’accueil, plusieurs cantons ont entrepris des démarches et lancé des campagnes pour trouver des familles prêtes à accueillir des enfants. Il existe une Convention intercantonale relative aux institutions sociales, qui favorise la collaboration entre les cantons, notamment en ce qui concerne le placement d’enfants dans des institutions ou des familles d’accueil professionnelles hors de leur canton de domicile.

42.M me Khazova demande si la collaboration entre les cantons en matière de placement d’enfants fonctionne de manière satisfaisante ou si elle doit être améliorée.

La séance est suspendue à 16 h 40 ; elle est reprise à 16 h 5 5 .

43.M. Bouverat (Suisse) dit que deux cas d’adolescents qui seraient partis en Syrie ont été signalés. Le Groupe Sécurité de la Confédération suit et évalue la situation. Il a mis en place en 2014 un groupe spécial composé de représentants de différentes institutions qui a pour but de prévenir les départs vers les zones de conflits et de faire face à la menace que représentent les djihadistes en Suisse. Un travail est également mené en collaboration avec les services étrangers en matière de détection précoce du djihadisme sur l’Internet. Le Conseil fédéral vient d’augmenter les moyens consacrés à la collecte et au traitement des informations relatives au terrorisme.

44.M. Montani (Suisse) dit qu’un entretien approfondi est mené avec chaque demandeur d’asile afin de déterminer les raisons de sa venue en Suisse. La question d’une éventuelle participation à un conflit armé est abordée à cette occasion. Pour chaque demandeur d’asile mineur non accompagné, l’autorité désigne une personne de confiance, un tuteur ou un curateur qui assiste le mineur tout au long de la procédure d’asile. Cette personne est chargée d’assurer l’intégration sociale du mineur. Les victimes de la torture et de la guerre bénéficient d’une assistance médicale et psychologique de la Croix-Rouge. Les demandeurs d’asile mineurs non accompagnés doivent être hébergés dans des conditions d’accueil adaptées à leur âge et à leur maturité.

45.M me Gianinazzi (Suisse) dit que c’est aux cantons qu’il revient de mettre en place des centres de consultation et des numéros d’appel d’urgence pour les mères en détresse et de prendre d’autres mesures, parmi lesquelles peut figurer la mise à disposition de «boîtes à bébés». Actuellement, cinq villes suisses disposent d’un tel service. Le Gouvernement est conscient des problèmes éthiques posés par cette pratique, mais estime qu’il n’est pas opportun de l’interdire car cela permet de sauver des vies. En février 2014, il s’est engagé à comparer la mise à disposition des boîtes à bébés avec d’autres mesures de soutien aux femmes enceintes en détresse.

46.M me Marfurt (Suisse) dit que les enfants peuvent rester en détention avec leurs parents jusqu’à l’âge de 3 ans. S’agissant de l’article 182 du Code pénal suisse relatif à la traite d’êtres humains, Mme Marfurt précise que la peine minimale prévue est une privation de liberté d’un an et la peine maximale une privation de liberté de vingt ans. Elle indique qu’une motion parlementaire visant à l’interdiction des images représentant des enfants nus va être examinée. Cette motion bénéficie du soutien du Gouvernement suisse.

47.M. Knubel (Suisse) indique que le plan d’action national contre la traite des êtres humains a été élaboré en concertation entre les différents membres du Service de coordination contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants (SCOTT). En d’autres termes, le processus a impliqué les autorités fédérales et cantonales et des organisations non gouvernementales, telles que la Fondation suisse pour la protection de l’enfant. Parmi les avancées sur lesquelles ce plan d’action a débouché, il y a lieu de citer tout particulièrement la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et son incorporation dans le droit suisse, l’adoption d’une ordonnance permettant de financer des mesures de prévention, la réalisation d’une étude statistique et la nomination et la formation de spécialistes des affaires de traite au sein du ministère public. Ce plan d’action sera probablement évalué et amélioré dans le courant de 2016, après que toutes les mesures qu’il prévoit auront été mises en œuvre. En Suisse, la plupart des mineurs victimes de la traite sont exploités à des fins de mendicité ou de commission de petits délits, c’est pourquoi le SCOTT a formulé des recommandations dans ce domaine à l’intention des autorités des villes du pays. Ces recommandations comportent un volet répressif mais la protection de l’enfant y tient une place prépondérante.

48.L’exportation de matériel pédopornographique est réprimée par le Code pénal puisqu’elle entre dans le cadre de la mise en circulation de tels matériels, visée au paragraphe 4 de l’article 197 du Code. Le Code de conduite visant à protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle dans le tourisme a été signé par les principales agences de voyage suisses. Le nombre de Suisses ayant leur résidence principale en Suisse qui ont été poursuivis pour la commission d’infractions sexuelles sur mineur à l’étranger a été de 5 en 2011, de 3 en 2012 et de 5 en 2013. Il existe également un code de bonne conduite pour les hébergeurs Web, qui a été signé par une centaine d’entreprises, ainsi qu’un code de conduite pour les fournisseurs d’accès Internet, auquel adhèrent les quatre principaux opérateurs de Suisse.

49.M me Galley (Suisse) ajoute que pour évaluer le nombre d’infractions commises sur des mineurs, trois sources sont disponibles: les statistiques de la police, les chiffres des services de protection de l’enfance et les résultats des études de victimisation menées auprès des jeunes.

50.M me Marfurt (Suisse) dit que dans un souci de mise en conformité du Code pénal avec la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote), les articles 196 («actes d’ordre sexuel avec des mineurs contre rémunération») et 197 («pornographie») ont été modifiés de manière à étendre aux 16-18 ans la protection contre la prostitution et la pornographie. Le «grooming» (sollicitation d’enfants à des fins sexuelles) est réprimé par le Code pénal, notamment en tant que tentative d’acte d’ordre sexuel avec des enfants. Tous les enfants ayant subi une atteinte directe à leur intégrité physique, psychique ou sexuelle ont droit à une aide médicale, psychologique, sociale, matérielle, financière et juridique, à laquelle peut s’ajouter, selon le cas, une indemnisation. Le Code de procédure pénale prévoit en outre les dispositions spéciales suivantes pour les victimes d’infractions sexuelles âgées de moins de 18 ans: les auditions sont courtes, menées par un enquêteur formé à cet effet, en présence d’un spécialiste et font l’objet d’un enregistrement vidéo. La victime peut être accompagnée d’une personne de confiance en plus de son conseil et n’est confrontée au suspect qu’à sa propre demande.

51.M. Bouverat (Suisse) dit que différents acteurs, gouvernementaux et non gouvernementaux, s’emploient à sensibiliser la population à des sujets comme la maltraitance, la pornographie mettant en scène des enfants ou la traite des enfants à des fins sexuelles. La Confédération a ainsi adopté le Programme national «Jeunes et médias», qui offre des informations, un soutien et des conseils ciblés aux parents et aux enseignants, entre autres, pour qu’ils puissent accompagner les enfants dans l’utilisation des médias numériques. Parallèlement, des campagnes de sensibilisation sont menées par les cantons et les services de police mènent des actions de prévention du harcèlement sur l’Internet.

52.M me Gianinazzi (Suisse) dit que la procédure d’évaluation des candidats à l’adoption est la même pour tous, quel que soit le pays d’où vient l’enfant. Un enfant placé en Suisse en vue d’une adoption a droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité jusqu’à son adoption effective; si l’adoption prévue n’a pas lieu, l’enfant a droit à la prolongation de son autorisation de séjour et, cinq ans après son arrivée, à une autorisation d’établissement (art. 48 de la loi fédérale sur les étrangers).

53.M. von Kessel (Suisse) donne au Comité l’assurance que son gouvernement prend la pénurie de médecins au sérieux et plaide depuis plusieurs années pour une augmentation des capacités de formation. Son objectif est de passer de 800 à 1 100 nouveaux médecins par an à l’horizon 2018.

54.M. Gastaud (Rapporteur pour la Suisse, pour la Convention et pour le Protocole) demande si, en l’absence d’accord bilatéral, le Protocole peut servir de base pour une extradition.

55.M me Marfurt (Suisse) répond par l’affirmative.

56.M. Madi (Rapporteur pour la Suisse, pour la Convention) souhaiterait savoir comment sont traités, d’un point de vue juridique, les jeunes qui rentrent en Suisse après avoir combattu dans des groupes djihadistes.

57.La Présidente, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, demande si les efforts de prévention ciblent particulièrement les catégories d’enfants marginalisés, qui courent davantage le risque d’être victimes d’infractions visées par le Protocole. Elle demande aussi quel soutien l’État partie apporte aux organisations non gouvernementales, sur lesquelles repose visiblement une bonne part du travail de prévention.

58.M. Bouverat (Suisse) répond que le Code pénal militaire réprime l’enrôlement de mineurs dans les forces armées ou dans des groupes armés. Dans le cas des mineurs djihadistes, le fait que l’enrôlement a généralement lieu à l’étranger pose cependant des problèmes en termes de poursuites pénales. De plus, les autorités ont peu de recul sur ce phénomène récent. Deux cas seulement ont été recensés en Suisse à ce jour. Les services de renseignement surveillent les combattants de retour sur le territoire national.

59.M me Aldoseri aimerait en savoir plus sur la formation des tuteurs chargés d’assister les mineurs demandeurs d’asile non accompagnés.

60. M. Knubel (Suisse) dit que la formation des professionnels chargés du suivi des demandeurs d’asile relève de la compétence des cantons.

61.M. Madi (Rapporteur pour la Suisse, pour la Convention) remercie chaleureusement la délégation de l’État partie pour les réponses détaillées qu’elle a apportées au Comité.

62.M. Cueni (Suisse)se félicite du dialogue constructif qui s’est engagé avec le Comité. Il souligne que le fédéralisme est entièrement compatible avec les instruments de droit international car la Confédération, les cantons et les communes sont tenus d’en respecter les normes. L’inconvénient d’un système fédéral est la difficulté de disposer d’une vue d’ensemble des règles et des solutions dans le domaine de l’enfance. L’établissement du rapport, puis son examen, ont constitué une aide précieuse à cet égard. Les échanges avec le Comité ont permis de mettre en lumière un certain nombre de questions, notamment en ce qui concerne la répartition des compétences entre les cantons et la Confédération.

La séance est levée à 18 heures.