NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.723

3 octobre 2001

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Vingt-huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 723e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mardi 25 septembre 2001, à 10 heures

Présidente: Mme EL GUINDI

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES

Rapport initial de la Mauritanie

______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour)

Rapport initial de la Mauritanie [CRC/C/8/Add.42; CRC/C/Q/MAU/1 (liste des points à traiter); réponses écrites de la Mauritanie (document sans cote distribué en séance, en français et en anglais); HRI/CORE/1/Add.112 (document de base)]

1. Sur l’invitation de la Présidente, M me  Mint Heddeid, M. Ould Mohamed Lemine, M. Ould Baidy, M. Ould Mohamed Yahya, M me  Mint Abdoullah, M. Ould Tijani et M. Ould Bebana prennent place à la table du Comité.

2.Mme MINT HEDDEID (Mauritanie) indique que le retard accusé dans la présentation du rapport résulte exclusivement d’insuffisances administratives et souligne toute l’importance que son pays accorde à la défense et à la promotion des droits de l’enfant. Les diverses mesures d’ordre législatif, administratif, judiciaire et socioéconomique prises dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention trouvent leur fondement dans la Constitution de 1991, dont l’article 80 donne aux citoyens la possibilité d’invoquer directement la Convention devant les juridictions nationales.

3.Un Commissariat aux droits de l’homme, à la lutte contre la pauvreté et à l’insertion a été mis en place en 1998 et un cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, approuvé par les institutions financières internationales, a été adopté au début 2001. Ce cadre donne la priorité aux besoins des enfants en matière d’éducation, de santé, d’alimentation et d’accès à l’eau potable. Au cours des années 90, des progrès déjà importants ont été accomplis en matière de réduction de la pauvreté, d’accès aux services sociaux de base et de santé. Le taux brut de scolarisation a doublé entre 1990 et 1996 tandis que le taux de mortalité infantile revenait de 124 ‰ à 105 ‰. Un Plan national d’action pour la survie, le développement et la protection de l’enfance (1992‑2002) a en outre été adopté. Plusieurs autres programmes et instruments, notamment la Stratégie nationale de promotion féminine, la politique nationale de la famille et le Plan national d’action pour la lutte contre la malnutrition, bénéficient directement ou indirectement à l’enfance.

4.Le Secrétariat d’État à la condition féminine, créé en 1992, veille à l’exécution et à la coordination des politiques et programmes relatifs aux enfants. Il a pour mission d’élaborer une politique de la petite enfance en conformité avec la politique de la famille, de promouvoir et protéger les droits de l’enfant et de la petite enfance, de participer à la mise en œuvre de la politique nationale en matière de santé maternelle et infantile et de développer les réseaux de jardins d’enfants publics et privés. Le Conseil national de l’enfance, organe consultatif composé de représentants des administrations publiques concernées, de la société civile et des partenaires de développement, assiste le Secrétariat d’État dans l’élaboration des politiques. La société civile intervient également à travers l’initiative des maires mauritaniens défenseurs des droits de l’enfant, le Groupe parlementaire pour les enfants, le conseil municipal des enfants ainsi que certaines ONG.

5.Sur le plan juridique, diverses mesures ont été prises en vue de renforcer la protection de l’enfance. Un Code du statut personnel fixant l’âge minimum du mariage à 18 ans et une loi rendant la scolarité obligatoire dès l’âge de 6 ans ont été récemment adoptés. Des tribunaux spécialisés pour mineurs et des centres de rééducation sociale ont en outre été créés. Par ailleurs, la Mauritanie a adhéré aux Conventions nos 138 et 182 de l’OIT, concernant respectivement l’âge minimum d’admission à l’emploi et l’interdiction des pires formes de travail des enfants.

6.Des progrès importants ont été enregistrés en matière d’accès à l’enseignement de base. Les établissements préscolaires ont connu une progression rapide et le nombre des écoles a doublé entre 1991 et 1998, de même que les effectifs. Grâce aux programmes mis en œuvre par le Secrétariat d’État à l’alphabétisation et à l’enseignement originel, qui allient la lutte contre l’analphabétisme à l’acquisition d’une formation technique et professionnelle, l’alphabétisation a connu des progrès importants ces 10 dernières années.

7.Divers facteurs contribuent toutefois à freiner la mise en application de la Convention. Les conditions climatiques et géographiques difficiles (sécheresse, désertification et difficultés de communication liées à l’étendue du territoire national) ont provoqué un exode rural incontrôlé et non planifié, qui a aggravé la pauvreté et contribué au démantèlement de la structure familiale. Du fait de l’insuffisance des infrastructures et des ressources humaines, matérielles et financières, l’accès aux services de base reste limité pour une partie de la population. Dans certaines zones reculées, les mentalités demeurent en outre peu favorables à l’émancipation de la femme et à la protection des enfants. Les organisations de la société civile, quant à elles, sont encore inexpérimentées et inefficaces pour la plupart.

8.Les données statistiques disponibles sont insuffisantes à tous les niveaux et on manque particulièrement d’indicateurs sociaux de base, y compris concernant les enfants. C’est pourquoi l’une des priorités du Gouvernement est aujourd’hui la mise en place d’une base nationale de données sociales et de données sur les enfants. Sur un plan plus général, diverses mesures économiques, sociales et juridiques sont prévues. Une politique nationale de la petite enfance devrait être adoptée prochainement, de même que le projet de Code pénal et le projet de Code de procédure pénale pour mineurs. Dans le domaine de l’éducation, le Gouvernement s’est fixé pour objectifs d’améliorer la qualité de l’enseignement, d’accroître les taux nets de scolarisation et d’institutionnaliser et d’étendre l’enseignement préscolaire. De plus, des programmes d’alphabétisation fonctionnelle seront intégrés dans tous les projets de développement. Dans le domaine de la santé, la lutte contre le sida occupe une place prépondérante. Des programmes de prévention visant à intégrer un enseignement spécifique dans les programmes scolaires et dans les programmes de jeunesse ont été mis sur pied dans le but d’empêcher toute progression de la pandémie. L’accent est également mis sur le développement des programmes de maternité sans risque, qui visent notamment à renforcer le taux de consultations prénatales et à mettre en place un système d’urgences obstétricales dans des sites pilotes.

9.Mme AL‑THANI constate que le rapport de la Mauritanie contient peu de données concrètes et que les statistiques fournies dans les réponses écrites du Gouvernement à la liste des points à traiter lors de l’examen du rapport restent très incomplètes, notamment en ce qui concerne l’éducation et la santé des enfants. Soulignant que la Convention ne va aucunement à l’encontre des principes de l’islam, elle invite le Gouvernement mauritanien à étudier la possibilité de retirer la réserve faite contre toute disposition qui ne serait pas conforme à l’islam, afin de faciliter la mise en œuvre de la Convention. Elle souhaiterait savoir si le projet de code de la famille a été adopté et quels ont été les progrès accomplis dans la mise en œuvre du Plan national d’action. A‑t‑on procédé à une évaluation des résultats obtenus et, éventuellement, à une analyse des obstacles rencontrés? Elle demande par ailleurs des précisions sur le rôle et le fonctionnement des trois commissions de travail du Conseil national de l’enfance. Quel est leur pouvoir réel et dans quelle mesure collaborent‑elles avec les institutions travaillant effectivement avec les enfants?

10.Mme OUEDRAOGO, tout en saluant la clarté et la franchise du rapport, regrette que celui‑ci se contente de décrire la législation et les mesures adoptées pour combattre certains phénomènes sans donner de détails sur leur mise en œuvre, les problèmes rencontrés et les résultats obtenus. Notant que les instruments internationaux ratifiés par la Mauritanie priment sur le droit interne dès leur publication, elle souhaite savoir si la Convention relative aux droits de l’enfant a été dûment publiée et si elle a déjà été invoquée devant les juridictions nationales. Constatant que seuls trois des six principaux instruments relatifs aux droits de l’homme ont été ratifiés par la Mauritanie, elle demande si le Gouvernement envisage de ratifier le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention contre la torture, ainsi que les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant et la Charte africaine des droits et du bien‑être de l’enfant.

11.Il serait également intéressant de savoir comment le Gouvernement entend mettre en œuvre la loi sur l’obligation scolaire, s’il envisage de créer un poste de médiateur des droits de l’homme, qui s’occuperait notamment des droits de l’enfant, et quelles mesures sont prises pour assurer la participation des enfants. La délégation mauritanienne pourrait aussi indiquer quels progrès ont été enregistrés dans la politique de développement, la lutte contre la pauvreté et la décentralisation, pourquoi il est organisé une «Journée de l’enfant arabe et africain», et non pas une «Journée nationale de l’enfant», quelle suite a été donnée aux journées parlementaires sur les droits de l’enfant organisées en 1999, si tous les maires ont participé à l’initiative «Les maires défenseurs des enfants» et si cette initiative a fait l’objet d’une coordination au niveau national. Enfin, s’agissant de la définition de l’enfant, il est indiqué dans les réponses écrites que l’école est obligatoire jusqu’à 14 ans et que l’âge minimum d’admission à l’emploi est fixé à 16 ans. Il serait intéressant de savoir ce que font les enfants qui ont entre 14 et 16 ans.

12.M. AL‑SHEDDI dit que beaucoup peut être fait avec les ressources existantes, même si comme le souligne l’État partie, elles ne suffisent pas. Les efforts déployés par l’État partie pour faire connaître la Convention pourraient par exemple être intensifiés. De même, le Gouvernement pourrait, sans engager des dépenses importantes, renforcer la politique d’enregistrement des enfants à la naissance. Il serait intéressant de savoir quels sont, outre le manque de ressource, les obstacles qui entravent la mise en œuvre du Plan national d’action en faveur de l’enfance.

13.M. CITARELLA souhaiterait qu’à l’avenir l’État partie soumette ses rapports périodiques au Comité dans les délais fixés par l’article 44 de la Convention. Il se demande si les réserves à la Convention formulées par la Mauritanie sont valides dans la mesure où elles n’ont pas été confirmées au moment de la ratification, si une loi nouvelle l’emporte sur le droit coutumier en cas de conflit, quel est le statut de la Convention dans l’ordre juridique interne et si la Convention peut être invoquée devant les tribunaux. Enfin, la délégation mauritanienne pourrait préciser quel sont exactement l’âge de la majorité civile et l’âge de la majorité pénale.

14.Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ souhaiterait savoir s’il existe une véritable coordination entre tous les organismes et tous les ministères qui participent à la mise en œuvre de la Convention, si le Gouvernement sait avec précision quel pourcentage du budget est consacré à tel ou tel secteur par exemple l’éducation ou les affaires sociales. Elle rappelle à ce propos qu’en vertu de l’article 4 de la Convention, les États parties s’engagent à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la Convention et ce dans toutes les limites des ressources dont ils disposent.

15.Mme CHUTIKUL demande si le plan d’action national en faveur de l’enfance a fait l’objet d’une évaluation et quelles mesures ont été prises pour assurer une coordination efficace entre les différents organismes et ministères qui participent à sa mise en œuvre. Il serait également intéressant d’avoir des précisions sur le fonctionnement, notamment au niveau local, de la Commission nationale chargée de coordonner l’élaboration du rapport, s’il est envisagé de créer un poste de médiateur pour les enfants, s’il existe une Commission nationale des droits de l’homme réellement indépendante et s’il est prévu de mettre en place un mécanisme indépendant d’enregistrement des plaintes relatives à des violations des droits de l’enfant.

16.Mme KARP souhaiterait savoir quand sera promulgué le code de la famille, avoir des précisions sur les procédures spéciales concernant les enfants en conflit avec la loi et sur l’âge de la responsabilité pénale. À ce propos, il est dit au paragraphe 25 du rapport que «lorsque l’accusé aura moins de 16 ans, s’il est décidé qu’il a agi sans discernement, il sera acquitté». Peut‑on en déduire qu’un enfant qui aura agi avec discernement sera condamné même s’il est très jeune?

17.Des ONG ont été associées à la préparation du rapport. Il serait intéressant de savoir quel rôle joue la société civile et les ONG dans la mise en œuvre de la Convention et la promotion des droits de l’enfant. Pour être en mesure d’évaluer le degré de mise en œuvre de la Convention, le Comité souhaiterait disposer de données statistiques et d’indicateurs concernant notamment les enfants maltraités, les orphelins, les enfants handicapés. À cet égard, il serait également intéressant de savoir s’il existe un organisme indépendant chargé de surveiller et d’évaluer les mesures prises par le Gouvernement pour mettre en œuvre la Convention.

18.Mme Karp souhaiterait savoir quelles mesures prend le Gouvernement pour réduire le fossé qui sépare les régions urbaines et les régions rurales notamment en ce qui concerne les infrastructures et la présence de personnel qualifié. Le Gouvernement prend‑il des mesures pour inciter les membres des professions de santé et les enseignants à s’établir dans les régions rurales? La délégation mauritanienne voudra peut‑être également indiquer ce que fait le Gouvernement pour interdire les mariages précoces et faire comprendre à la population, avec l’aide des dirigeants religieux, quels dangers représente cette pratique. Enfin, il serait intéressant de savoir si la Convention a été traduite dans d’autres langues que l’arabe et le français.

19.Mme OUEDRAOGO demande si grâce aux campagnes d’information et de sensibilisation, la population considère désormais que l’enfant est un sujet de droit, si les chefs religieux et les chefs traditionnels ont été associés aux campagnes visant à faire connaître la Convention, si les enfants sont informés de leurs droits, notamment à l’école, si des actions autres que l’organisation de séminaires sont menées pour sensibiliser diverses catégories professionnelles, notamment les magistrats, les enseignants et les policiers, aux droits de l’enfant, si les enfants ont été associés à l’élaboration du rapport et si la version finale de ce rapport a été mise à la disposition du public et a fait l’objet d’observations et de critiques.

20.Mme AL‑THANIdemande si le poste de médiateur à l’étude sera créé au sein d’un ministère ou d’un autre organe gouvernemental, ou s’il sera totalement indépendant. Elle voudrait savoir si l’âge minimum légal du mariage, désormais fixé à 18 ans, concerne aussi bien les hommes que les femmes. Elle demande dans quelle mesure les enfants ont participé aux activités de sensibilisation concernant la Convention et s’il est prévu de diffuser cette dernière dans les écoles. Enfin, elle souhaite connaître l’âge légal du service militaire obligatoire et celui auquel les jeunes gens peuvent s’engager volontairement.

La séance est suspendue à 11 h 30; elle reprend à 11 h 45.

21.Mme MINT HEDDEID (Mauritanie) dit que depuis 1996 le Secrétariat d’État à la condition féminine, dont la mission consiste aussi à protéger la famille et l’enfance, est l’organisme officiellement chargé de coordonner la mise en œuvre et la diffusion de la Convention. Il est aidé dans ses travaux par le Conseil national pour l’enfance (organe consultatif qui relève de lui), composé des représentants des ministères pertinents et de la société civile et présidé par un conseiller du Premier Ministre. Les organes gouvernementaux intéressés au premier chef par l’application de la Convention sont le Ministère de la santé et des affaires sociales, le Ministère de la justice, le Ministère de l’éducation nationale, le Ministère des affaires économiques et sociales et le Secrétariat d’État à l’alphabétisation.

22.Pour faire connaître la Convention, le Secrétariat d’État s’appuie sur ses antennes dans les provinces et n’hésite pas à faire appel aux chefs religieux. Outre les séminaires mentionnés dans le rapport, de nombreuses autres activités de sensibilisation ont été organisées, tant par le Gouvernement que par des ONG, notamment à l’intention des magistrats et des agents des forces de l’ordre. À titre d’exemple, le Secrétariat d’État, qui est notamment chargé de la petite enfance, a organisé des stages à l’intention des éducateurs des crèches et jardins d’enfants.

23.La Convention n’a été traduite qu’en arabe et en français mais sa diffusion est aussi assurée dans les dialectes nationaux, notamment par le biais de spectacles organisés, par exemple, pendant la Quinzaine de l’enfance. Malgré ses ressources modestes, la Mauritanie est déterminée à mener d’importantes campagnes de sensibilisation et d’information destinées à tous les publics, y compris les enfants. Les activités entreprises dans ce cadre ne se limitent pas à Nouakchott, la capitale, mais touchent également les provinces, par le biais des représentations régionales du Secrétariat d’État.

24.Les journées de l’enfant africain et de l’enfant arabe (16 juin et 2 octobre, respectivement), sont des manifestations organisées aux dates et autour des thèmes fixés par les organisations régionales (en l’occurrence l’Organisation de l’unité africaine et la Ligue arabe) auxquelles la Mauritanie appartient. Elles sont aussi l’occasion de faire parler et d’entendre les enfants, toutes ethnies confondues.

25.Le nouveau Code du statut personnel a été adopté en 2001. Portant sur le mariage et sa dissolution et l’obligation alimentaire, notamment, il vise essentiellement à mieux protéger les femmes et les enfants. L’âge minimum légal du mariage est fixé à 18 ans pour les hommes comme pour les femmes. Les dérogations ne peuvent être accordées que par un magistrat. C’est l’une des mesures prises pour lutter contre les mariages précoces. Il faut indiquer à cet égard qu’il existe un Comité national de lutte contre les pratiques néfastes du mariage précoce, du gavage, de l’excision et du tatouage notamment. Le nouveau Code prévoit également des dispositions concernant l’obligation de verser une pension alimentaire. Les nouveaux contrats de mariage comprendront des clauses stipulant cette obligation, ainsi que le droit de l’épouse de travailler ou de poursuivre ses études si elle le désire.

26.Par ailleurs, le programme de scolarisation des filles lancé par le Gouvernement, qui comprend aussi des activités de sensibilisation des parents et des enfants, a commencé à porter ses fruits: puisque 83,2 % des filles sont désormais scolarisées. On continue d’encourager les filles à rester le plus longtemps possible à l’école et à s’orienter vers les filières mathématiques et scientifiques.

27.Dans un rapport adressé au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, l’État partie a présenté le bilan des travaux engagés dans le cadre du Plan national d'action en faveur de la survie, de la protection et du développement de l'enfance pour la période 1992‑2001. Il s’y est montré d’autant plus critique à l’égard de son action qu’il est fermement décidé à bien comprendre les lacunes existantes afin de pouvoir mieux protéger les enfants. Cela étant, un certain nombre d’avancées importantes donnent au Gouvernement mauritanien quelques sujets de satisfaction malgré les contraintes auxquelles il doit faire face. Il convient ainsi d’indiquer que le taux de scolarisation des filles est actuellement le plus élevé de la sous-région et que le taux brut de scolarisation - garçons et filles - atteint désormais 87 %. La loi sur la scolarité obligatoire et la gratuité de l’enseignement devrait permettre de progresser encore dans ce domaine. Par ailleurs, les taux d’accès aux soins de santé se sont également amélioré (80 % dans un rayon de 10 km et 63 % dans un rayon de 100 km). Un système communautaire de recouvrement des coûts a permis de renforcer l’accès aux médicaments de base et certaines maladies sont en voie d’éradication. Seulement 136 cas de dracunculose et un seul cas de poliomyélite ont ainsi été enregistrés en 2000. Le Président de la République dirige du reste lui-même les journées nationales de vaccination. Par ailleurs, la Mauritanie a ratifié la Convention relative à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ainsi que les Conventions nos 138 et 182 de l’OIT.

28.En ce qui concerne la participation de la société civile, on notera que les ONG n’ont fait que récemment leur apparition en Mauritanie. Certaines en sont encore au stade embryonnaire, alors que d’autres sont déjà très actives et, surtout, de plus en plus nombreuses. Leur action complétant celle menée par le Secrétariat d’État à la condition féminine, elles ont été largement mises à contribution pour renforcer l’application et la diffusion de la Convention. Par exemple, une ONG a organisé en 2001 un séminaire sur la Convention à l’intention des agents des forces de police.

29.En ce qui concerne l’écart constaté par les membres du Comité entre l’âge de la scolarité obligatoire (6‑14 ans) et celui de l’admission à l’emploi (16 ans dans le Code révisé du travail en cours d’adoption), des mesures vont être prises pour faire en sorte qu’il n’y ait plus de discordance. L’âge de la majorité est fixé à 18 ans.

30.L’initiative des maires mauritaniens défenseurs des droits de l’enfant a été lancée par l’Association des maires du pays pour contribuer à la mise en œuvre des dispositions de la Convention, principalement au niveau rural. Les élus locaux participent ainsi aux séminaires et journées de sensibilisation organisés par le Gouvernement. Il existe aussi un groupe parlementaire, très actif, pour les enfants, qui a organisé notamment une rencontre régionale maghrébine sur les droits de l’enfant. Par ailleurs, un conseil municipal pour les enfants a été mis en place à Nouakchott. L’idée de créer un poste de médiateur est encore à l’étude. Le titulaire sera une personne indépendante à laquelle les enfants pourraient s’adresser en toute confiance pour faire connaître leurs problèmes. On parle également de créer un parlement pour les enfants. Il s’agit là d’initiatives qui contribuent toutes à l’action menée en faveur des enfants par le Secrétariat d’État à la condition féminine.

31.Les statistiques font certes défaut dans de nombreux domaines mais il faut souligner que les données relatives aux enfants orphelins et handicapés fournies dans les réponses écrites reflètent la réalité. En effet, au décès des parents, la tradition africaine veut que les enfants orphelins soient recueillis par des membres de la famille élargie plutôt que placés dans des institutions, ce qui explique entre autres le nombre peu élevé d’enfants des rues. Des structures d’accueil existent toutefois à Nouakchott, où la solidarité s’effrite. La société civile a participé à l’élaboration du rapport par l’intermédiaire des représentants des nombreuses ONG présentes dans le pays. Il est possible de se procurer la version arabe ou française du rapport et, partant, des principes énoncés dans la Convention relative aux droits de l’enfant auprès du Secrétariat d’État à la condition féminine.

32.M. OULD MOHAMED LEMINE (Mauritanie) entend fournir au Comité un complément d’information sur la réserve émise lors de la signature de la Convention mais non confirmée lors de la ratification, après consultation des services juridiques compétents. S’il est vrai que la Mauritanie n’a toujours pas ratifié un certain nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, c’est aux lenteurs administratives plutôt qu’à un manque de volonté du Gouvernement qu’il faut imputer cet état de fait. Certains instruments sont d’ailleurs en cours d’examen par le Parlement en vue de leur ratification.

33.Tous les partenaires sociaux - élus locaux, membres de la société civile, responsables d’ONG, partenaires de développement, ministères ‑ ont été associés à l’élaboration du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. Dans le cadre de la décentralisation, la prochaine étape consistera à élaborer des cadres stratégiques régionaux qui tiendraient compte des particularités de chacune des 12 régions administratives (wilayas) que compte le pays outre le district de Nouakchott.

34.La Mauritanie s’est dotée d’un Commissariat aux droits de l’homme, à la lutte contre la pauvreté et à l’insertion qui a pour mandat de diffuser les principes des droits de l’homme, de renforcer le dialogue et la concertation avec les associations nationales de défense des droits de l’homme, de développer la coopération et les échanges en la matière avec les organisations et les instituts régionaux et internationaux et d’élaborer un rapport annuel faisant le point de la situation des droits de l’homme dans le pays. Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, le Commissariat a pour mission de promouvoir une politique nationale axée sur la promotion de l’emploi, la répartition équilibrée des services sociaux de base, l’intégration des couches vulnérables dans le processus de développement et l’adoption d’une approche du développement fondée sur la solidarité des collectivités et des individus. Enfin, la Mauritanie, il y a peu, a signé avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme un accord d’assistance technique et travaille à l’élaboration d’un plan national de promotion et de protection des droits de l’homme.

35.M. OULD BEBANA (Mauritanie) indique que l’âge de la majorité pénale est de 18 ans révolus mais qu’on fait la distinction entre les mineurs de 0 à 12 ans, incapables de discerner le bien du mal, et les enfants âgés de 13 à 18 ans, jugés capables de discernement. En cas de délit, la peine encourue par ces derniers est celle qui aurait été infligée à un adulte, réduite de moitié. En tout état de cause, un mineur ne peut être condamné à la peine capitale. En vue d’harmoniser la législation nationale avec les obligations découlant de la Convention, la Mauritanie a élaboré un Code pénal et un Code de procédure pénale pour mineurs. Le premier est axé sur la protection, plutôt que sur la répression, des mineurs. Il couvre tout ce qui peut nuire au développement de l’enfant, comme la torture, l’atteinte à la vie privée ou à l’intégrité physique ou morale de l’enfant, le travail des enfants ou encore l’enlèvement et la séquestration. Le second contient de grandes innovations, comme la possibilité, pour un mineur, de se faire assister par un avocat dès la phase de la garde à vue. On peut également saluer la création d’institutions spécialement destinées aux mineurs: cabinets d’instruction, juridictions ou centres de réhabilitation. Il convient de remarquer que les peines prononcées par les tribunaux pour mineurs n’apparaissent pas dans le casier judiciaire de la personne concernée et que le juge a la possibilité d’opter pour des mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation. En pratique d’ailleurs, les magistrats privilégient les mesures de remplacement, telles que la médiation ou le placement dans une famille d’accueil ou dans un centre. Ceci explique que la population carcérale juvénile soit très peu nombreuse. À ce sujet, des statistiques montrent que sur 100 mineurs incarcérés en moyenne à Nouakchott chaque année, 90% sont des récidivistes, voire des multirécidivistes. On peut également souligner la quasi‑inexistence de délinquance juvénile féminine.

36.M. OULD MOHAMED YAHYA (Mauritanie) dit que dans l’attente des données du recensement de 2001 ‑ qui devraient être disponibles avant la fin de l’année 2001 ‑ , il faut se référer aux statistiques du dernier recensement, qui remontent à 1988. Pour remédier au problème, le pays s’est doté d’un schéma directeur de la statistique pour les 10 années suivantes, à l’élaboration duquel ont participé à la fois les services de production de données et les utilisateurs de ces données. La coordination de ce projet sera assurée par la Commission de la statistique, au sein de laquelle seront représentés les partenaires de développement, le secteur privé et la société civile.

37.L’élaboration du budget de l’État incombe à deux ministères: le Ministère des finances pour le budget de fonctionnement, et le Ministère des affaires économiques pour tout ce qui touche aux investissements de l’État. Les divers départements ministériels sont représentés pendant la phase d’élaboration des budgets. Au cours de la phase d’exécution, ces mêmes départements sont responsables d’utiliser au mieux les fonds qui leur ont été alloués. Faute de données précises, il est difficile d’évaluer la part du budget allant à l’éducation ou à la santé des enfants.

Principes généraux et libertés et droits civils

38.Mme AL-THANI demande comment le Département des affaires sociales entend venir en aide aux enfants handicapés. Jusqu’à présent, les familles élevant un enfant handicapé semblent ne recevoir aucun soutien financier de la part de l’État. Ce dernier a-t-il l'intention de se limiter à coordonner les services dont ont besoin ces enfants? Comment le gouvernement prévoit‑il de remédier au très faible taux de scolarisation des filles, qui s’accompagne d’un taux très élevé d’analphabétisme? Les enfants âgés de 10 à 15 ans qui animent l’émission de radio «Génération de demain» jouissent-ils d’une entière liberté d’expression qui leur permette d’exprimer leurs préoccupations ou doivent-ils se limiter à un certain nombre de sujets prédéfinis?

39.S’agissant de la pratique néfaste des mutilations génitales féminines, le Comité ne saurait se contenter d’une déclaration non étayée de statistiques selon laquelle la situation s’améliorerait. Qu’en est-il dans les faits? Quelle est l’étendue du problème, dans les milieux ruraux notamment? La loi interdit-elle cette pratique? Enfin, il semblerait qu’un très grand nombre d’enfants soient soumis aux châtiments corporels au sein de la famille; le Gouvernement envisage-t-il de lutter contre cette pratique, par le biais de programmes d’éducation notamment?

40.Mme OUEDRAOGO préconise, plutôt que de célébrer deux journées nationales séparées de l’enfant arabe puis de l’enfant africain, d’organiser une «Journée nationale de l’enfant» dans laquelle se retrouveraient tous les enfants du pays, sans distinction de race. La question de la préservation de l’identité des enfants nés hors mariage est très préoccupante: en droit mauritanien, «nul ne peut porter un nom de famille avec lequel il n’y a pas de lien juridique», ce qui interdit au père biologique de donner son nom à un enfant né hors mariage. L’usurpation du nom de jeune fille étant sanctionnée pénalement, la mère ne peut pas non plus lui donner son nom de jeune fille. Quel nom est donné à l’enfant né hors mariage?

41.D’après les conclusions du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, «les communautés noires souffrent toujours de diverses formes d’exclusion et de discrimination, en particulier en ce qui concerne l’accès aux services publics et à l’emploi». Qu’en est-il des enfants appartenant à ces communautés? Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale notait également que dans certaines parties du pays subsistaient des vestiges de pratiques relevant de l’esclavage et de la servitude involontaire, malgré les efforts de l’État pour les éradiquer et l’abolition officielle de l’esclavage. La Mauritanie a-t-elle entrepris des actions pour intégrer les personnes concernées, les rendre autonomes, faciliter leur accès aux services, à savoir pour éliminer ces vestiges?

42.Selon des sources dignes de foi, il existerait des disparités entre les régions, et les villes et les villages du sud du pays seraient exclus des programmes de développement. Le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place des programmes pour développer le Sud et combler le fossé entre les différentes régions? Il est question, dans le document de base, des «enfants de strates dominantes». La société semble être organisée de façon telle qu’il existe des différences entre les couches sociales. Des actions ont-elle été entreprises pour mettre un terme à cette situation?

43.Il faut se féliciter que l’intérêt supérieur de l’enfant soit pris en compte aussi bien dans les politiques gouvernementales que dans la législation, mais que la garde de l’enfant soit automatiquement accordée à la mère en cas de dissolution du mariage peut nuire à l’intérêt de l’enfant. Ne serait-il pas possible de changer cette disposition de la loi? Le poids des traditions constitue une entrave au respect de l’opinion de l’enfant et il serait dès lors utile de savoir ce qui a été entrepris pour faire changer les mentalités à ce sujet et aboutir à un plus grand respect de l’opinion de l’enfant, notamment au sein de la famille.

44.Enfin, la question de l’acquisition de la nationalité pose un réel problème. Seuls 3 enfants sur 10 sont de nationalité mauritanienne, les 7 autres étant apatrides car leurs parents eux-mêmes ont perdu leur nationalité lorsqu’ils ont été expulsés. De ce fait, les enfants ne bénéficient pas de certains services sociaux, ne peuvent être scolarisés ou avoir accès aux soins de santé. La procédure d’obtention de la nationalité sera-t-elle revue dans le cadre des réformes envisagées par le Gouvernement mauritanien?

La séance est levée à 13 heures.

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