Convention relative aux droits de l ’ enfant |
Distr.GÉNÉRALE CRC/C/SR.92319 janvier 2004 Original: FRANÇAIS |
COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT
Trente-cinquième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 923e SÉANCE
tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 14 janvier 2004, à 15 heures
Président: M. DOEK
SOMMAIRE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)
Rapport initial du Guyana (suite)
La séance est ouverte à 15 h 5.
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)
Rapport initial du Guyana (CRC/C/8/Add.47; document de base (HRI/CORE/1/Add.61); liste des points à traiter (CRC/C/Q/GUY/1); réponses écrites (CRC/C/RESP/47)) (suite)
1.Sur l’invitation du Président, la délégation guyanienne reprend place à la table du Comité.
2.Mme CHUTIKUL demande pourquoi toujours plus de pères ne s’acquittent pas de leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants et quelles sont les mesures prises par l’État partie pour promouvoir le rôle des pères. Elle note le nombre élevé de grossesses précoces et souhaite connaître les efforts déployés par le Guyana dans le domaine de l’éducation sexuelle.
3.M. LIWSKI aimerait connaître les raisons pour lesquelles le Conseil des ministres a constitué une équipe chargée d’examiner une série de questions concernant la préservation de l’identité de l’enfant. Il se dit préoccupé par les informations selon lesquelles de plus en plus de jeunes exclus sur le plan social auraient affaire à la justice et feraient l’objet de mesures répressives très dures. Il demande si des politiques spécifiques ont été adoptées en leur faveur et si les forces de l’ordre reçoivent une formation pour les préparer à s’occuper de mineurs.
4.Par ailleurs, il aimerait savoir si des mesures concrètes ont été prises pour remédier au problème des adolescentes enceintes qui sont exclues de l’école.
5.M. CITARELLA demande pourquoi la question des châtiments corporels suscite un débat si animé au Guyana et souhaite connaître l’opinion de la délégation sur cette pratique.
6.MmeALUOCH note dans les réponses écrites fournies par le Guyana qu’une hausse des cas d’inceste a été enregistrée et qu’une politique nationale de lutte contre l’inceste a été mise en place face à l’ampleur du problème. Elle demande à la délégation quelles sont les causes de ce phénomène.
7.M. FILALI demande si un enfant né au Guyana de parents étrangers jouit des mêmes droits qu’un enfant né de parents guyaniens et si la naissance sur le territoire confère la nationalité guyanienne. Il exprime sa préoccupation au sujet des enfants −toujours plus nombreux− qui se livrent à la mendicité et à la prostitution et voudrait s’assurer que l’État partie les considère comme des victimes plutôt que des délinquants. Enfin, des informations sur les conditions de détention des mineurs qui, selon plusieurs sources, partageraient leurs cellules avec des adultes seraient les bienvenues.
8.Mme SHADICK (Guyana) souhaite d’abord répondre aux questions posées lors de la précédente séance. Les communautés amérindiennes ne sont guère touchées par le VIH/sida, dufait principalement qu’elles vivent encore beaucoup en autarcie. Le problème est bien plus préoccupant en ce qui concerne le reste de la population, et le Ministère de la santé prévoit en particulier de construire des centres pour héberger les jeunes séropositifs rejetés par leur famille. Dans le cadre de son programme de lutte contre le VIH/sida, le Guyana bénéficie de l’appui financier et technique d’un grand nombre d’organisations internationales dont l’OMS, le PNUD et le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida. S’agissant de la lutte contre le paludisme, des moustiquaires imprégnées d’insecticide et des produits antimoustique sont fournis gratuitement aux habitants des zones les plus touchées par la maladie, et notamment aux Amérindiens.
9.La Commission chargée d’enquêter sur les allégations selon lesquelles le système judiciaire serait en crise et les forces de l’ordre se livreraient à des arrestations illégales et à des exécutions sommaires a conclu qu’il n’existait aucune preuve permettant d’étayer les accusations formulées. Des agents de police ont certes été impliqués dans des affaires de violence mais ils ont été traduits en justice et sanctionnés. Le système judiciaire fonctionne correctement et seul le manque de moyens financiers et humains explique les retards dans les procédures civiles.
10.Mme Shadick confirme que l’âge de la majorité, du droit de vote et du mariage est de 18 ans alors que l’âge du consentement sexuel est de 13 ans. Le Gouvernement guyanien souhaite relever ce dernier pour le faire correspondre à l’âge du mariage mais se heurte à la réticence de certaines communautés pour lesquelles une jeune fille pubère, quel que soit son âge, peut se marier et avoir des relations sexuelles. Le Gouvernement a donc un rôle important à jouer en matière d’information sur ce problème éminemment culturel.
11.En ce qui concerne l’inceste, une étude a été entreprise pour connaître les causes de l’augmentation des cas mais ses résultats ne sont pas encore connus. Il est très probable que le problème soit lié à l’alcoolisme et la toxicomanie qui se développement dangereusement. Enoutre, les efforts déployés à tous les niveaux pour lever le tabou de l’inceste font que les victimes hésitent de moins en moins à porter plainte.
12.Aucune mesure n’a encore été prise au niveau national pour éviter que les enfants n’accèdent à des informations néfastes par le biais de l’Internet, mais des ateliers et réunions sont organisés pour sensibiliser les parents à cette question et les inciter à surveiller leurs enfants lorsqu’ils utilisent cette technologie, comme c’est le cas dans les écoles équipées d’ordinateurs.
13.Le Gouvernement du Guyana s’est penché sur la question de la violence, tant à l’égard des enfants des rues que dans la famille. L’étude consacrée aux enfants des rues fait apparaître que leur situation est le plus souvent lié au fait qu’ils ne possèdent pas d’acte de naissance, et des mesures sont donc prises en vue d’améliorer l’enregistrement des naissances au niveau national. La violence entre bandes organisées ne touche pas les jeunes mais plutôt les adultes et n’est en rien un problème de taille au Guyana.
14.En application de la loi sur la violence familiale de 1996, au cours de leur formation les policiers apprennent comment se conduire avec les enfants victimes de violence familiale et quelles questions précises poser à un enfant qui se présente au commissariat et dit avoir été violé. Il convient de noter que les interrogatoires sont menés par des policiers de sexe féminin et se font uniquement en présence d’un adulte, que ce soit l’un ou l’autre des parents ou un agent de probation.
15.Le Ministère de la santé a créé de nombreux établissements spécialisés destinés aux enfants handicapés, dont des centres de réadaptation pour ceux qui souffrent de la poliomyélite, des écoles pour sourds-muets ou encore pour aveugles. Dans les écoles traditionnelles, la grande majorité des enseignants possède les compétences requises pour enseigner à des enfants handicapés mais, faute de ressources, ces établissements ne sont pas accessibles aux handicapés. L’enquête menée par l’UNICEF sur les diverses formes de handicap en vue d’une meilleure prise en charge des handicapés a révélé que le nombre de personnes concernées est bien supérieur aux chiffres officiels, les parents ayant tendance à cacher leur enfant lorsqu’il est atteint d’un handicap. Aussi les statistiques figurant dans le rapport à l’examen et les réponses écrites ne reflètent-elles que les enfants handicapés enregistrés comme tels.
16.Les données relatives à la mortalité infantile sont elles aussi incertaines, mais l’on peut imaginer que le pourcentage réel se situe entre le chiffre de 54‰ dans le rapport des ONG et le chiffre d’environ 30 ‰ avancé par le Bureau des statistiques. Quoi qu’il en soit, le Ministère de la santé est très préoccupé par la question et s’emploie à orienter ce taux à la baisse.
17.L’allaitement maternel est vivement encouragé au Guyana, qui s’est doté de trois hôpitaux «amis des bébés». Les jeunes mamans obtiennent un congé de maternité payé de quatre mois et peuvent, si elles le désirent, prendre un congé supplémentaire sans solde. En outre, le Comité tripartite − regroupant des représentants du Gouvernement, du patronat et des employés − créé ausein du Ministère du travail, des services sociaux et de la sécurité sociale a recommandé d’installer dans chaque lieu de travail une salle permettant aux mères d’y allaiter leur enfant. Pour prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant, des substituts du lait maternel sont toutefois fournis gratuitement pendant 18 mois aux mères porteuses de ce virus.
18.L’entreprise pharmaceutique qui fabrique les antirétroviraux pour adultes au Guyana ne fabrique pas ceux destinés aux enfants, dont la composition est différente. La seule solution est donc de s’approvisionner à l’étranger, à un prix très élevé.
19.Une étude a révélé que beaucoup plus de garçons que de filles abandonnaient leurs études avant l’âge de la fin de la scolarité obligatoire, attirés par la possibilité de gagner leur vie en s’engageant dans des activités rémunérées. Pour pallier ce problème, le Ministère des sports et dela culture a créé des écoles spécialisées où les jeunes mineurs qui ont quitté l’école peuvent suivre une formation en alternance et s’initier à une activité manuelle de façon à acquérir un savoir-faire qui leur permettra d’entrer sur le marché du travail. Par ailleurs, le Président a lancé une initiative de sensibilisation de la jeunesse à l’échelle du pays dans le cadre de laquelle il s’est rendu personnellement dans toutes les régions demander aux jeunes quels moyens ils estimaient nécessaires à leur épanouissement personnel. Les choix ont été divers, certains demandant des installations sportives, d’autres du matériel informatique, entre autres.
20.Face au problème de l’absentéisme scolaire, des agents de probation et de protection de la famille ont été déployés à l’échelon de la communauté afin de veiller à la rescolarisation des enfants en difficulté. L’enseignement primaire est universel et l’enseignement secondaire devrait l’être d’ici à la fin de 2004. Les autorités compétentes n’estiment pas indispensable de rendre l’enseignement secondaire général obligatoire car les jeunes n’ont pas tous les compétences requises pour suivre un enseignement traditionnel et, dans certains cas, il est plus adapté de les orienter vers un enseignement technique ou professionnel.
21.Dans la région 2, où les jeunes gens préfèrent tirer un revenu de la vente de produits agricoles récoltés sur leur lopin de terre plutôt que de poursuivre leurs études, le représentant del’UNICEF et le Ministère du travail, des services sociaux et de la sécurité sociale ont mis enplace un projet pilote dans le cadre duquel ils ont formé quelque 70 conseillers bénévoles chargés de convaincre ces jeunes, au niveau des villages, de l’intérêt, à long terme, de rester scolarisés. Ce projet sera reproduit dans d’autres régions.
22.La question des châtiments corporels tant dans la famille qu’à l’école est à l’examen et le Gouvernement s’emploie à convaincre les parents des méfaits de cette pratique, par le canal de campagnes de sensibilisation et d’éducation en leur direction. Le Cabinet n’a quant à lui aucun doute quant à la nécessité impérieuse d’y mettre un terme. Des campagnes de sensibilisation ciblant tout particulièrement les hommes ont également été organisées pour lutter contre la violence au sein de la famille, qui semble ne pas être l’apanage des classes sociales les plus défavorisées.
23.Le foyer pour enfants de Mahaica n’est pas un orphelinat mais un établissement où des enfants en conflit avec leurs parents sont placés à titre temporaire avant de retourner dans leur famille. Des enfants battus sont placés en orphelinat pour les mettre à l’abri d’un environnement familial trop violent mais il n’est pas exclu que ces enfants réintègrent leur foyer familial à terme − une fois que leurs parents ont été suivis dans un centre de conseil spécialisé dans ce domaine. Un centre de ce type devrait ouvrir prochainement dans la sixième région.
24.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, s’interroge sur les moyens mis en œuvre pour permettre aux enfants de dénoncer les violences dont ils peuvent être victimes puis pour assurer leur protection ainsi que sur les interlocuteurs auxquels ils ont affaire − policiers, travailleurs sociaux.
25.MmeSHADICK (Guyana) dit que, dans le cadre du projet contre la violence, les enseignants reçoivent une formation destinée à leur apprendre à repérer les signes révélateurs de maltraitance. Parallèlement, une permanence téléphonique dont le numéro a bénéficié d’une large publicité a été mise en place pour recueillir les signalements. Toute dénonciation, qu’ellesoit faite par l’enfant victime en personne ou par un tiers, donne lieu à une enquête circonstanciée. L’organisation non gouvernementale Help and Shelter participe à l’effort commun en la matière et son appui est précieux car certaines personnes éprouvent moins de réticence à se confier à une organisation de ce type qu’aux autorités.
26.MmeALUOCH fait observer qu’il serait bon d’informer les enfants de la protection à laquelle ils ont droit dans le cadre de débats à l’école.
27.MmeSHADICK (Guyana) dit que tel est déjà le cas mais que beaucoup d’enfants ne franchissent toujours pas le pas de parler eux‑mêmes; il est donc très utile que tous les habitants soient encouragés à faire part de leurs éventuels soupçons et que les services sociaux soient habilités à mettre en mouvement une action en justice au nom d’un enfant. À l’heure actuelle, les services sociaux sont particulièrement vigilants à l’égard des sévices qui peuvent se produire alors qu’un enfant attend le bus ou même qui peuvent être le fait des chauffeurs de bus. Quelques cas se sont en effet produits mais ce phénomène est en régression depuis qu’il est connu des autorités.
28.Toujours plus de femmes élèvent seules leurs enfants, le père étant parti travailler à l’étranger ou n’assumant tout simplement pas son rôle. L’État soutient activement ces femmes. En vertu de la loi sur l’entretien des enfants, chaque père doit subvenir aux besoins de ses enfants, qu’il soit ou ait été marié à la mère ou non. Une unité du Ministère du travail, des services sociaux et de la sécurité sociale a en outre été créée spécialement pour répondre aux préoccupations de ces femmes en situation difficile. Depuis deux ans, cette unité accorde à certaines d’entre elles des subventions qui, quoique modestes, leur permettent de réaliser les investissements nécessaires au lancement d’activités génératrices de revenus. Cette unité mène en outre une action de sensibilisation et de conseil auprès des femmes pour les dissuader de multiplier les grossesses. Ce travail est difficile dans un pays où les femmes ont accès aux contraceptifs mais sont soumises à de fortes pressions de la part des hommes, désireux d’être pères, mais peu enclins à assumer par la suite les responsabilités que cela suppose. Pour l’heure, le recouvrement d’une pension alimentaire auprès d’un père résidant à l’étranger est possible lorsque l’intéressé se trouve dans un pays du Commonwealth − même si cela suppose des procédures judiciaires coûteuses − mais pas s’il est dans un pays avec lequel le Guyana n’a pas conclu d’accord de réciprocité. Le problème se pose souvent puisque les Guyaniens sont nombreux à émigrer aux États‑Unis.
29.Les jeunes filles scolarisées donnant naissance à un enfant ont toute latitude pour reprendre leur scolarité après l’accouchement et y sont même fortement incitées. Certaines choisissent toutefois de ne pas le faire, ou bien s’inscrivent dans un nouvel établissement, dans lequel personne ne les connaît. Deux structures, dont une est privée, accueillent les jeunes filles qui sont dans ce cas de figure et ont dû quitter leur domicile.
30.Tout enfant né sur le sol guyanien remplit de ce seul fait les conditions requises pour avoir la nationalité guyanienne. Toutefois, si les parents étrangers préfèrent transmettre au nouveau‑né la nationalité de leur pays d’origine, ils en ont naturellement la possibilité.
31.Il est strictement interdit aux policiers de recourir indûment à la violence et cette interdiction leur est parfaitement expliquée dans le cadre de leur formation. Toute allégation de brutalités les expose à un examen par la Commission de discipline interne aux services de police, voire à des poursuites judiciaires, et, lorsque des accusations se révèlent fondées, les coupables sont frappés de sanctions disciplinaires ou, dans certains cas, démis de leurs fonctions.
32.Dans la culture guyanienne, les filles sont plus étroitement surveillées et protégées que les garçons, ce qui explique sans doute que l’on ne trouve que des garçons parmi les enfants des rues. Ceux‑ci ne peuvent être envoyés au centre de réinsertion dit «Centre de la nouvelle chance» que sur décision d’un tribunal, au terme de procédures dont, dans la plupart des cas, les parents, découragés de ne plus avoir d’autorité sur leurs enfants, sont à l’origine. Ayant personnellement visité ce centre à la fin de l’année 2003, Mme Shadick reconnaît que certains des enfants qui y sont envoyés sont beaucoup trop jeunes et se dit résolue à attirer l’attention des services sociaux sur ce point.
33.Mme SMITH demande s’il arrive que la garde d’un enfant soit retirée à sa famille pour défaut de soins et que les parents s’opposent à cette décision.
34.MmeSHADICK (Guyana) répond par l’affirmative. En 2003, un père a protesté parce qu’on lui avait retiré la garde de son enfant dont on le soupçonnait d’abuser sexuellement. Il a menacé les services sociaux de les poursuivre en justice mais, en apprenant que les services sociaux étaient eux aussi habilités à entamer une action judiciaire aux fins de la protection des enfants, il n’a pas mis ses menaces à exécution.
35.MmeAL‑THANI aimerait en savoir plus sur le Centre de la nouvelle chance et sur ce qui le distingue d’un centre de détention. Elle demande s’il est vrai que les châtiments corporels y sont pratiqués, en particulier que les enfants indisciplinés peuvent y être punis à coups de fouet. Elle se pose par ailleurs la question de savoir comment l’État partie prévient l’abus de drogues et comment il travaille à désintoxiquer et réinsérer les toxicomanes.
36.M. FILALI, se disant gravement préoccupé par la véritable culture de l’exploitation sexuelle des enfants dont témoignent les informations fournies, se demande si l’État partie a mis en place des mécanismes à la hauteur de l’ampleur du problème et a, notamment, envisagé de créer une commission spécialement consacrée à l’analyse et à la prévention de ce phénomène.
37.MmeVUCKOVIC‑SAHOVIC se félicite de l’adoption d’un nouveau texte sur la justice des mineurs. Elle aimerait savoir si la montée apparente de la délinquance des mineurs est attribuable à une évolution réelle ou tient au fait que la population est plus encline que par le passé à porter plainte. Elle se demande en outre si les enfants poussés dans la rue parce qu’ils sont victimes de sévices dans leur famille sont bien traités en victimes plutôt que comme des délinquants.
38.M. CITARELLA demande si le Parlement est saisi d’un projet visant à réviser la définition de l’enfant et l’âge du consentement aux relations sexuelles et attire l’attention de la délégation sur l’incohérence des différentes définitions de l’enfant contenues dans la loi sur la délinquance juvénile citées au paragraphe 383 du rapport initial. Il rappelle que considérer une personne âgée de 17 ans comme un adulte est contraire à la Convention. Il pointe par ailleurs du doigt le problème particulièrement grave de la détention de mineurs et d’adultes dans de mêmes locaux.
39.MmeSHADICK (Guyana) dit que les termes employés au paragraphe 383 du rapport sont repris de textes anciens et que les différents âges légaux seront harmonisés sous peu puisque le processus d’amendement de la loi sur la délinquance juvénile est déjà en cours. Le principal objectif des mesures appliquées aux mineurs délinquants est leur réadaptation, et c’est pourquoi ils peuvent être envoyés au Centre de la nouvelle chance mais en aucun cas dans un établissement pénitentiaire ordinaire. Pour la garde à vue et la détention provisoire, il n’existe pas d’établissement accueillant uniquement des mineurs, mais les mineurs ne sont pas pour autant détenus dans la même cellule que des adultes. En cas de violation du principe de séparation d’avec les adultes, les responsables encourent des sanctions.
40.Mme SMITH s’interroge sur l’accessibilité de l’aide judiciaire gratuite.
41.MmeSHADICK (Guyana) dit que l’aide judiciaire gratuite est accessible à quiconque, mineur ou adulte.
42.M. FILALI demande en outre si dans un procès criminel la présence de l’avocat conditionne la tenue du procès.
43.MmeSHADICK (Guyana) dit que les adultes ont la possibilité de demander à assurer eux‑mêmes leur défense mais que lorsque l’accusé est mineur la présence de l’avocat est effectivement une condition sine qua non de la tenue du procès.
44.S’agissant de la définition de l’enfant, elle signale que le nouveau projet de loi relatif à l’enfance n’a pas encore été adopté et que les anciens textes sont parfois discriminatoires, par exemple sur des questions comme l’âge du consentement aux relations sexuelles ou au mariage. Les autorités sont conscientes de la nécessité de les revoir, ont prévu de le faire et disposent même déjà de recommandations en la matière mais elles ont dû se concentrer sur des questions plus prioritaires au cours des dernières années.
45.La multiplication des signalements n’est pas forcément imputable à une montée réelle duphénomène de la violence, mais la délinquance juvénile semble elle effectivement en augmentation. La corrélation entre la délinquance et la toxicomanie est bien réelle et, malgré lesdivers programmes de travail avec les jeunes mis en place par des ONG sur ce thème, les services de conseil offerts aux enfants par le Gouvernement et d’autres instances − notamment l’Association guyanienne pour une parenté responsable − et les programmes télévisés et campagnes publicitaires organisés autour de la question, la toxicomanie reste un défi pour l’État partie. La nécessité d’un établissement de réadaptation public pour enfants toxicomanes se faisant notamment profondément sentir, des efforts sont actuellement déployés pour trouver les ressources nécessaires.
46.Pour ce qui est des allégations relatives à la pratique de la flagellation au Centre de la nouvelle chance, ce type de châtiment est en principe interdit et la situation mérite donc d’être examinée de plus près.
47.Par ailleurs, l’Association guyanienne pour une parenté responsable et le Programme de mobilisation des jeunes contribuent activement à la promotion de la santé des adolescents en mettant à la disposition de ces derniers des lieux de consultation hebdomadaire, des services de santé mentale et génésique et des conseillers en matière de sexualité.
48.MmeCHUTIKUL croit comprendre à la lecture d’un rapport sur une enquête relative à la pratique des châtiments corporels à divers niveaux du système éducatif que la seule sanction infligée aux enseignants mis en cause est le transfert dans un autre établissement, et elle demande si ces pratiques − même marginales − ne risquent pas, à la longue, de détourner les enfants de l’école.
49.Mme SHADICK (Guyana) se dit, en tant qu’ancienne enseignante, très sensible à la question, mais précise qu’en fait le transfert n’intervient que dans le doute lorsque la véracité des allégations ne peut être établie, l’enseignant étant alors surveillé de près. Par contre, les rares enseignants reconnus coupables des faits qui leur sont reprochés sont, eux, renvoyés.
50.Mme CHUTIKUL demande si l’État partie ne pourrait pas instaurer, pour atténuer le traumatisme ressenti par les enfants victimes de violences, un système leur permettant de se confier, en toute confidentialité, à un enseignant ou autre conseiller.
51.MmeSHADICK (Guyana) dit que les conclusions de l’enquête mentionnée ont été dûment examinées par le Ministère de l’éducation qui a pris, le cas échéant, les mesures qui s’imposaient. Un enfant battu à l’école aura au demeurant plutôt tendance à se confier à un membre de sa famille ou à un proche qu’à un enseignant.
52.MmeVUCKOVIC-SAHOVIC demande si la culture du pays ne constitue pas un frein au processus de dénonciation des violences perpétrées par la police ou les enseignants, dans la mesure où il est toujours difficile pour une victime de se décider à porter plainte lorsqu’elle sait que l’affaire sera vraisemblablement classée sans suite.
53.Mme SHADICK (Guyana) souligne que depuis la mise en place de divers programmes de soutien on assiste à une augmentation du nombre de cas dénoncés, ce qui est encourageant même s’il faut continuer à s’attacher à faire évoluer les mentalités.
54.Le PRÉSIDENT demande, en sa qualité d’expert, quelles mesures (réglementaires, législatives et de suivi) le Gouvernement guyanien a prises depuis la ratification de la Convention n° 182 de l’OIT, sachant qu’une étude récente de l’OIT indique une augmentation au Guyana de la prévalence du travail des enfants.
55.Mme SHADICK (Guyana) fait valoir que le consultant de l’OIT qui a mené cette étude au Guyana a pris «pour argent comptant» certaines informations fournies sans aller vérifier les faits sur le terrain. Il a notamment considéré comme travail des enfants les petits travaux auxquels se livrent les enfants au sein des entreprises familiales, alors que dans la société guyanienne on attend de l’enfant qu’il participe aux tâches de la famille. Des cas de travail des enfants ont certes été détectés dans des usines de traitement du riz mais les autorités guyaniennes sont intervenues auprès de l’employeur et les enfants ont été renvoyés à l’école. Il n’existe donc guère d’exploitation économique des enfants à grande échelle au Guyana, ce qui n’empêche pas les autorités de rester vigilantes.
56.MmeAL-THANI, présentant ses observations préliminaires sur le rapport du Guyana, se dit impressionnée par la qualité des commentaires apportés par la délégation guyanienne et assure que le Comité tiendra compte, dans ses observations finales, des difficultés économiques du pays ainsi que de sa géographie, certains enfants se trouvant dans des zones isolées difficiles d’accès.
57.Sur le plan des mesures d’application générales, le Guyana est prié d’accélérer les réformes en cours dans le domaine de la protection des droits de l’enfant. Il convient de se féliciter de l’intention du Gouvernement guyanien de mettre prochainement en place un mécanisme de coordination interministérielle de l’action en faveur de l’enfance, mécanisme qui fait actuellement défaut.
58.Il faut en outre espérer que des mesures concrètes seront prises pour régler le problème des châtiments corporels, qui sont pratiqués à l’école, à la maison et dans les institutions, et pour enrayer l’épidémie de VIH/sida dans le pays. Enfin, on ne peut que déplorer que les enfants handicapés fassent l’objet d’une certaine discrimination de la part de la société et que des problèmes − qui seront également abordés dans les observations finales du Comité − subsistent en ce qui concerne la situation des enfants amérindiens.
59.MmeSHADICK (Guyana) remercie les membres du Comité de leurs remarques cordiales et constructives et leur donne l’assurance que l’État partie, tout en s’attachant à faire évoluer les comportements et les mentalités, poursuivra le travail de réflexion et de structuration entrepris.
60.La lenteur du processus législatif s’explique par la volonté affirmée du Gouvernement d’asseoir ses décisions sur une base participative, consultative et représentative aussi large que possible et les retards enregistrés dans la mise en œuvre de certains programmes sociaux sont dus à la situation économique difficile que connaît le pays. Nul doute néanmoins que d’ici à la date de présentation du prochain rapport périodique, le Guyana aura progressé sur la voie de la réalisation sociale en général et de la protection des droits de l’enfant en particulier.
La séance est levée à 17 h 20.
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