NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.100724 janvier 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente-huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1007e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 14 janvier 2005, à 10 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique de l’Autriche

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 5 de l’ordre du jour)

Deuxième rapport périodique de l’Autriche [CRC/C/83/Add.8; liste des points à traiter (CRC/C/Q/AUT/2); réponses écrites du Gouvernement autrichien à la liste des points à traiter (CRC/C/RESP/75)]

1.Sur l’invitation du Président, M. Haupt, M. Winkle, M. Petritsch, M. Satzinger, M. Schütz, M me Staffe, M. Ruhs, M me Ellison-Kramer, M me Orthofer-Samhaber, M. Ruscher, M me Buchmann, M. Schmidpeter, M me Czech, M. Grosz, M me Wörgötter, M me Schittenhelm, M me Reinprecht et M. Tury (Autriche) prennent place à la table du Comité.

2.M. HAUPT (Autriche) explique que dans la structure fédérale de l’Autriche le Gouvernement fédéral est responsable de la législation et de son application dans les domaines de la promotion de la famille, de la santé, de l’éducation et du droit d’asile, tandis que l’application des textes relatifs à la nationalité incombe aux Länder. De même, le Gouvernement fédéral définit le cadre législatif général en ce qui concerne la protection sociale des enfants ou encore l’organisation des écoles, mais ce sont les Länder qui définissent la législation d’application et sont chargés de la mettre en œuvre. Enfin, les Länder sont responsables de l’adoption et de l’application de la législation dans des domaines comme la création de jardins d’enfants ou les activités périscolaires.

3.Cette répartition des pouvoirs n’est pas remise en cause dans le cadre du processus en cours de réexamen de la Constitution car la latitude dont disposent les autorités locales leur permet de s’adapter au mieux aux besoins de la population et aux spécificités des différentes régions. En outre, le taux de natalité étant très faible, il existe une véritable émulation entre les régions, qui cherchent à attirer les familles et s’efforcent donc de leur proposer les conditions de vie les plus favorables, ce qui ne peut être que bénéfique pour les enfants.

4.L’Autriche a adopté de nombreuses mesures pour donner suite aux recommandations formulées par le Comité des droits de l’enfant en 1999. Ainsi, la loi de 2001 portant amendement de la loi sur les relations entre parents et enfants renforce la position juridique des adolescents et des jeunes en abaissant l’âge de la majorité de 19 à 18 ans et accroît les responsabilités des parents envers leurs enfants. Par ailleurs, le Code civil général interdit désormais les interventions médicales de stérilisation permanente des mineurs et des jeunes mentalement handicapés, conformément aux recommandations formulées par le Comité dans ses précédentes observations finales.

5.L’Autriche a publié et largement diffusé son rapport initial et les observations finales du Comité et le deuxième rapport périodique est actuellement disponible sur le site Web du Ministère de la sécurité sociale et des générations. Après la session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée aux enfants, en 2002, le Gouvernement autrichien a élaboré, en collaboration avec la société civile en général, et avec les enfants en particulier, le Plan d’action pour une Autriche respectueuse des droits des enfants, adopté en novembre 2004. Des discussions sont en cours au sujet de l’incorporation des droits de l’enfant dans la Constitution fédérale.

6.M. CITARELLA note avec satisfaction que les autorités fédérales, les autorités locales et les organisations non gouvernementales ont collaboré à l’élaboration du rapport périodique de l’État partie, tout en regrettant que l’accent ait été mis sur les aspects politiques et juridiques de l’application de la Convention plutôt que sur les conséquences concrètes des mesures prises sur la situation des enfants. Il croit comprendre que des tribunaux autrichiens ont déjà appliqué directement la Convention malgré la réserve que l’État partie a formulée à ce sujet et aimerait donc avoir des précisions. Il s’interroge aussi sur la différence de statut entre la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention européenne des droits de l’homme, cette dernière ayant elle valeur constitutionnelle et s’étonne que l’Autriche ait formulé une réserve concernant la Convention relative aux droits de l’enfant en raison d’une contradiction présumée entre ces deux conventions.

7.L’État partie ne dispose pas de statistiques officielles sur le nombre de réfugiés ou de demandeurs d’asile mineurs, sur le budget consacré aux enfants handicapés ou encore sur l’adoption, ce qui est regrettable.

8.Sachant que l’application de la Convention est particulièrement complexe dans les États à structure fédérale, la délégation pourrait préciser comment les compétences relatives aux questions visées par la Convention se répartissent entre autorités centrales et régionales en matière d’éducation, de santé et de services sociaux et comment est assurée la coordination entre les autorités concernées.

9.L’âge de la majorité a été abaissé et certaines discriminations, concernant en particulier l’âge du consentement aux relations sexuelles, ont été supprimées, ce dont on ne peut que se féliciter, mais il serait bon que la délégation apporte quelques précisions sur le fait que les enfants sont considérés comme avoir atteint «l’âge de la maturité» à 14 ans et sur la capacité limitée d’accomplir des actes juridiques reconnue aux enfants de 7 à 14 ans. Il est regrettable que la définition de l’enfant varie d’un Land à l’autre et que des distinctions persistent entre enfants nés dans le mariage et enfants nés hors mariage. Il est en outre préoccupant que, malgré l’adoption de lois favorables aux familles, le regroupement familial reste soumis au système des quotas d’immigration.

10.Enfin, la délégation pourrait apporter des précisions sur le contrat écrit devant être conclu, pour toute adoption, entre l’adoptant et l’enfant.

11.Mme CHUTIKUL déplore que l’État partie n’ait pas encore mis en place de véritable mécanisme de coordination des politiques en faveur de l’enfance. La délégation pourrait indiquer si le Gouvernement fédéral incite les Länder à suivre l’exemple des rares Länder ayant incorporé les droits de l’enfant dans leur constitution.

12. Le Comité aimerait avoir des précisions sur la période couverte par le Plan d’action national, la participation des enfants et des organisations non gouvernementales à son application et les indicateurs utilisés pour évaluer la réalisation des objectifs, ainsi que sur la composition et le mandat du Comité directeur pour l’application des droits de l’enfant. La délégation pourrait aussi fournir des renseignements sur mandats respectifs du Conseil fédéral autrichien représentatif des jeunes, créé en 2000 et de l’organe fédéral représentatif des élèves et sur leurs relations. Enfin, il serait utile de savoir si les jeunes sont représentés par d’autres jeunes ou par des adultes au sein de ces organismes.

13.M. AL-SHEDDI demande si un budget spécifique a été affecté à la réalisation des activités relevant du Plan d’action. Il s’inquiète du manque de données ventilées sur les enfants les plus vulnérables, mais se félicite de la mise en place d’un service d’accueil téléphonique pour les victimes de maltraitance et souhaite savoir comment sont formées les personnes chargées de répondre au téléphone et quel appui le Gouvernement apporte à ce type de service. Vu le grand nombre d’appels, des mesures visant à sensibiliser davantage la population au problème de la maltraitance semblent s’imposer.

14.Mme LEE, jugeant peu claires les informations relatives à l’âge légal du consentement aux relations sexuelles fournies dans le rapport, demande à la délégation d’exposer les grandes lignes de la législation applicable en la matière aux enfants âgés de 14 ans à 18 ans. Elle souhaite également savoir si les allégations d’abus sexuels impliquant des professeurs de catéchisme ont donné lieu à l’ouverture d’enquêtes judiciaires transparentes et si l’État partie a pris des mesures pour éviter que de tels faits ne se reproduisent.

15.Mme SMITH, saluant l’adoption par l’État partie de textes de loi visant à favoriser la participation des enfants, voudrait savoir s’il est facile pour les jeunes d’exercer ce droit, dans la communauté et à l’école notamment. Pareillement, il serait utile de savoir si les enfants connaissent dans l’ensemble bien les dispositions de la Convention et les droits en découlant.

16.M. LIWSKI relève avec préoccupation le nombre élevé d’actes de racisme et de xénophobie commis sur le territoire autrichien, dont le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a fait état en 2002, et aimerait donc savoir si l’État partie a pris des mesures pour éradiquer ces fléaux ou envisage d’adopter une nouvelle législation dans ce domaine.

17.La délégation pourrait aussi indiquer si les autorités compétentes ont veillé à donner aux responsables des forces de l’ordre des instructions claires pour faire cesser les brutalités policières, si des plaintes de tels faits ont été déposées récemment et si des actions ont été entreprises pour en finir avec ces pratiques répréhensibles.

18.Mme OUEDRAOGO demande si des mesures ont été prises pour remédier au fait que de nombreux enfants n’ont pas accès aux services sociaux de base en raison de la pauvreté de la famille dont ils sont issus et, dans l’affirmative, si l’impact de ces mesures a été évalué.

19.La délégation pourrait également indiquer si l’État partie envisage d’interdire les châtiments corporels et de favoriser le recours à des formes de correction non violentes et s’il a mis en place des indicateurs précis, des programmes et une structure visant à mettre en œuvre le Plan d’action pour une Autriche respectueuse des droits des enfants.

20.Mme ORTIZ demande quel pourcentage du budget national est consacré à l’aide au développement et si les programmes financés par l’Autriche à ce titre font une place aux recommandations et suggestions du Comité des droits de l’enfant relatives aux pays bénéficiaires.

21.Le PRÉSIDENT souligne que les restrictions énoncées aux articles 13 et 15 de la Convention sont analogues à celles visées aux articles 10 et 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 et ne voit donc pas l’intérêt, pour l’État partie, de maintenir ses réserves à leur sujet. Il ne voit pas davantage ce qui dans l’article 17 pourrait être incompatible avec les droits fondamentaux d’autrui, en particulier avec les droits fondamentaux à la liberté de l’information et à la liberté de la presse et pourrait donc justifier la réserve que l’Autriche a formulée à propos de cet article.

22.Le Comité aimerait en outre savoir si toutes les personnes que leur métier met en relation avec des enfants – notamment les juges, les procureurs, les membres des forces de l’ordre, les enseignants ou encore les professionnels de la santé − bénéficient de cours de formation continue aux droits de l’enfant.

23.Étant donné que les attributions des médiateurs varient considérablement d’un Land à l’autre, il pourrait être souhaitable que le Gouvernement fédéral définisse plus clairement leur rôle afin d’assurer la même protection dans chacun des Länder.

24.La délégation pourrait aussi fournir des informations sur les mesures que l’État partie a prises pour garantir aux enfants nés de parents anonymes, abandonnés et recueillis dans des centres d’accueil l’accès à un certain nombre d’informations essentielles concernant leurs origines et préciser qui se charge de les déclarer et de leur choisir un nom et un prénom.

25.La délégation pourrait enfin expliquer pourquoi dans le cas d’un enfant né hors mariage mais reconnu par ses deux parents seule la mère est investie de l’autorité parentale, car il semble s’agir là d’un vestige de discrimination à l’égard des enfants nés hors mariage.

La séance est suspendue à 11 h 5; elle est reprise à 11 h 25.

26.M. HAUPT (Autriche) dit que les droits de l’enfant ont reçu toute l’attention qu’ils méritent dans le cadre du réexamen en cours de la Constitution. Le projet de texte garantit en effet aux enfants une meilleure protection juridique de leurs droits et crée les conditions propices à leur développement personnel et à leur bien-être, prévoyant en particulier la possibilité pour chaque enfant d’entretenir des liens personnels directs avec ses deux parents à moins que cela ne risque de lui être préjudiciable, de se faire entendre et d’être assuré que son opinion sera prise en considération compte dûment tenu de son âge et de sa maturité. Ce texte interdit en outre le travail des enfants et les protège contre toute forme d’exploitation économique ou sexuelle, notamment à des fins de pornographie, de prostitution ou de traite. Il y est également indiqué que les enfants victimes de ces fléaux ont le droit à une protection spéciale et au bénéfice de programmes de réinsertion et de réadaptation. Aucun consensus ne s’est par contre dégagé au sujet du droit à des activités récréatives.

27.Dans le projet de nouvelle constitution les enfants sont considérés comme des sujets de droit mais aucune disposition ne concerne leur représentation. Par «jeune» on entend toute personne âgée de 25 ans et moins mais des mouvements de jeunes peuvent avoir pour membres et représenter des personnes dont l’âge peut aller jusqu’à 35 ans. Au sein des conseils pour la jeunesse qui ont été mis en place, des jeunes de 25 ans ou moins ont été élus et chargés de gérer certains dossiers intéressant la jeunesse, comme le sport, la culture ou encore les problèmes de logement auxquels est confronté ce groupe de population.

28.De plus, les Länder ont, hormis trois d’entre eux, accordé le droit de vote aux jeunes de 16 ans révolus pour les élections municipales. Le taux de participation des jeunes de 16 ans à 18 ans ne se situe toutefois que dans une fourchette de 30 % à 40 % selon les communes, alors que le taux global s’établit entre 60 % et 80 % des inscrits. Les jeunes doivent dont être sensibilisés à ce nouveau droit et les établissements scolaires et autres parlements des enfants pourraient jouer un rôle déterminant à cet égard.

29.À ce jour, deux Länder ont déjà incorporé les dispositions de la Convention dans leur constitution et leur législation, et quatre autres devraient en faire autant rapidement. L’Autriche continuera à développer le fédéralisme, convaincue qu’un système décentralisé est plus réactif et facilite l’application des décisions à l’échelon local.

30.Le Ministère de la sécurité sociale et des générations a consacré plusieurs études à la violence envers les enfants et ce travail de clarification a favorisé l’ouverture d’un débat public. La violence envers les enfants a du reste fait l’objet récemment de toute une série de décisions judiciaires, même si les autorités autrichiennes n’ignorent pas que les affaires dont les tribunaux sont saisis ne constituent que la partie émergée de l’iceberg et que beaucoup reste à faire dans les domaines de la réadaptation, de la prévention et de l’information.

31.Les médias ont récemment amplement couvert des affaires mettant en cause des ecclésiastiques qui ont éclaté du fait que des personnes ayant subi des sévices voilà des années, voire des dizaines d’années, osent désormais rompre le silence. La Conférence des évêques d’Autriche a réagi immédiatement, informant systématiquement les autorités judiciaires de tout cas suspect ainsi que de tous les cas d’abus sexuels ayant pu se produire. Parallèlement, des services d’aide psychologique ont été proposés aux personnes dans le cadre de l’Église ou en dehors. Le Conseil des évêques fait de son mieux pour mener une action préventive pour l’avenir et réparer les actes du passé.

32.Le Ministère de la sécurité sociale et des générations a pris une série de mesures pour combattre la violence sexuelle et coopère notamment avec un centre spécialisé qui dispense des soins psychologiques et des services de réadaptation aux femmes victimes. Les résultats sont encourageants et il sera fait appel à ce même centre pour offrir ce type de soins aux victimes plus jeunes. Ces interventions seront évaluées tous les deux ans avec le concours de psychiatres et psychologues. Un cursus spécial a été institué pour former les prestataires d’aide psychologique et psychosociale et d’autres formes de réadaptation, parfois avec le concours d’organisations confessionnelles et d’ONG. Le service d’accueil téléphonique, outil indispensable, a pour objet d’aider les personnes à surmonter leur réticence à parler publiquement des cas de violence, ainsi que de proposer des soins psychologiques et d’autres formes de réadaptation.

33.Le mode de fonctionnement fédéral suppose la tenue périodique de réunions de coordination entre représentants fédéraux et locaux en charge des questions concernant les jeunes. Ces réunions − triennales − ne se limitent pas à un échange de données d’expérience; elles permettent aussi d’affecter des ressources à des projets plus vastes. Des problèmes de coordination peuvent aussi exister au niveau interministériel, mais les progrès sur ce plan sont indéniables.

34.La réglementation des quotas en matière de regroupement familial au titre de la loi sur l’asile, qui relève du Ministère de l’intérieur, sera maintenue. Le retard qui existait en 2000 a été comblé pour les réfugiés au sens de la Convention relative au statut des réfugiés, mais les migrants économiques constituent une catégorie différente.

35.Les personnes qui siègent dans les organes consultatifs pour la jeunesse sont exclusivement des jeunes. La limite d’âge, selon le compromis acceptable auquel est parvenu le Parlement autrichien, est de 35 ans dans ces organes, même s’il aurait été préférable qu’elle soit de 25 ans pour que les jeunes puissent le plus tôt possible assumer des responsabilités pour les questions les concernant.

36.En 2002, le nombre d’ONG associées à l’élaboration de la loi en cours d’adoption à l’époque a été porté de 300 à 600. Un portail a été créé pour tenir les ONG et tout citoyen intéressé informés de ce processus. Cette démarche devrait permettre une amélioration progressive de la législation. Le foisonnement de la législation sociale autrichienne ces 30 dernières années a été tel que le citoyen ordinaire peine à s’y retrouver et sa codification est en cours. L’objectif en ce qui concerne les lois devant être adoptées pendant la législature en cours est qu’elle soit compréhensible pour tout citoyen possédant une maîtrise moyenne de la langue juridique. Le Ministère de la sécurité sociale et des générations a de plus créé de nombreux sites d’information sur les sujets intéressant les jeunes.

37.M. WINKLE (Autriche) explique que les tribunaux autrichiens se réfèrent au droit interne plutôt que directement à la Convention mais que toutes les obligations qu’elle énonce figuraient déjà dans des lois particulières, ce qui ne signifie pas pour autant qu’un tribunal ne puisse pas se référer à la Convention directement.

38.Au sujet des réserves de l’Autriche relatives à certaines dispositions de la Convention concernant le droit à l’information et leur relation avec celles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, ces dispositions sont analogues mais pas identiques et, par nécessité juridique, seules les restrictions au droit à l’information prévues à l’article 10 de la Convention européenne, correspondant à celles de l’article 17 de la Convention relative aux droits de l’enfant, s’appliquent en raison de l’abondante jurisprudence des tribunaux autrichiens fondée sur cet article. Le but n’est pas de limiter l’exercice des droits prévus par la Convention relative aux droits de l’enfant, mais au contraire de préserver ces droits de toute dilution. C’est pourquoi les autorités autrichiennes considèrent nécessaire de maintenir ces réserves.

39.S’il est vrai que l’Autriche n’a pas atteint l’objectif de 0,7 % du PNB à consacrer à l’aide publique au développement, elle n’en demeure pas moins pleinement attachée aux objectifs auxquels tous les États ont souscrit lors de la Conférence de Monterrey sur le financement du développement. Elle est également liée par la décision prise par l’Union européenne à Barcelone de porter cette aide à au moins 0,33 % du PNB d’ici à 2006. L’une des priorités définies dans la nouvelle législation autrichienne en matière de coopération, qui vient d’être entièrement refondue, concerne les programmes en faveur des enfants. Plusieurs programmes prévus au titre de l’exercice triennal en cours portent ainsi principalement sur la réadaptation des enfants victimes de conflits armés; l’Autriche a été un des premiers pays à élaborer un programme sur la réadaptation des enfants traumatisés en Iraq.

40.L’Autriche assurera au début de 2006 la présidence tournante de l’UE et les droits de l’homme et les droits de l’enfant constitueront une des priorités de son action. L’Autriche prévoit notamment de coordonner la résolution annuelle sur les droits de l’enfant à la Commission des droits de l’homme en 2006, d’engager un dialogue sur ce thème entre les pays de l’UE et la Chine, l’Iran et d’autres pays, et d’accorder une grande attention au problème des enfants dans les conflits armés. L’Autriche a en outre joué un rôle important dans l’examen international des questions liées à la traite des enfants.

41.L’Autriche attache une grande importance à la lutte contre le racisme, la xénophobie et d’autres formes de discrimination, comme l’atteste le fait que Vienne est le siège de l’Observatoire international des phénomènes racistes et xénophobes de l’UE. L’Autriche a en outre pris une part active au débat sur la future Agence européenne des droits de l’homme, qui devrait jouer un rôle particulièrement important dans cette lutte.

42.Mme UTTEMAYER dit que le Plan d’action pour une Autriche respectueuse des droits des enfants vise à associer toutes les forces sociales et que le Ministère fédéral de la sécurité sociale et des générations a donc largement consulté les membres du Parlement, les ONG et les organisations de protection de l’enfance. Son département avait invité des organisations qualifiées dans ce domaine à travailler avec environ 20 000 enfants et à leur demander quelles étaient leurs priorités et ce qu’ils souhaitaient voir changer. Ces réponses ont été résumées dans un rapport qui constitue un des fondements du Plan d’action. Une banque de données sur les mesures a été créée afin d’améliorer la coordination entre le Gouvernement fédéral et les gouvernements des Länder et d’assurer un contrôle qualitatif.

43.Le Ministère a accompli un important travail d’information de la population en créant un site Web et en publiant et diffusant de nombreux documents et rapports sur les questions liées aux jeunes. Une brochure d’information destinée aux enfants de moins de 10 ans a été envoyée aux écoles primaires et a trouvé un large écho parmi les écoliers. Le Ministère a publié une brochure sur les droits de l’enfant destinée aux enseignants. Il a organisé des réunions afin d’offrir une tribune aux enfants pour entendre leur point de vue et leurs préoccupations. Les résultats de l’ensemble de ce processus ont été résumés par des spécialistes universitaires dans un rapport sur la situation des enfants dans les domaines visés par la Convention.

44.Il importe également de mettre en place les structures nécessaires à la mise en œuvre du Plan d’action et un groupe de travail multipartite sera créé en vue de définir les priorités et d’assurer le suivi et la surveillance dans ce domaine.

45.Pour ce qui est des enfants vivant dans la pauvreté et l’évaluation des mesures prises pour remédier à ce problème, la Commission de la sécurité sociale a commandé un rapport social qui pourra bientôt être consulté sur le site Web du Ministère. Par ailleurs, la question des allocations familiales sera réévaluée par le Ministère en vue de voir comment celles-ci peuvent être utilisées de manière à réduire davantage le taux de pauvreté des enfants. Le Ministère a participé à un examen par les pairs dans le cadre de l’OCDE de l’ensemble de ces politiques. Enfin, un institut scientifique a été chargé de réaliser un examen de la répartition des allocations destinées à l’enfance et à la famille en Autriche.

46.Le PRÉSIDENT demande quel est le statut du Plan d’action approuvé par le Gouvernement et s’il faut que le Parlement l’examine pour approbation formelle ou simple discussion.

47.M. WINKLER (Autriche) dit que l’adoption du Plan d’action nécessite l’accord de la majorité au Parlement.

48.M. CITARELLA fait observer que les données statistiques présentées dans les réponses écrites sont confuses, par exemple les informations sur l’éducation et sur la justice pour mineurs.

49.La délégation pourrait préciser s’il existe des circonstances dans lesquelles des mineurs de moins de 14 ans (âge de la responsabilité pénale) peuvent être poursuivis pénalement et emprisonnés et expliquer pour quelles infractions les mineurs peuvent être condamnés à des peines très lourdes − pouvant apparemment aller jusqu’à 20 ans d’emprisonnement − et quelle serait la peine correspondante imposée à un adulte. Tout aussi surprenant est le nombre important de mineurs placés en détention provisoire et le fait qu’il n’existe plus de juridiction pour mineurs, à l’exception des départements spécialisés au sein des différents niveaux de juridiction.

50.Selon certaines sources, les mineurs pourraient être autorisés dans certaines circonstances à travailler dès l’âge de 12 ans, ce qui semble incompatible avec la poursuite de leur scolarité, et en vertu de la loi un enfant pourrait se voir interdire d’être scolarisé s’il n’en a pas la capacité, ce qui appelle des éclaircissements.

51.Mme CHUTIKUL accueille avec satisfaction la création d’un centre chargé de recueillir les dénonciations concernant la pornographie à caractère pédophile et la propagande nationale socialiste, ainsi que du Comité de l’Internet et des nouveaux médias. Elle aimerait en savoir plus sur leurs fonctions, moyens d’action et autorité. Elle se demande par exemple dans quelle mesure et avec quels résultats ces acteurs, de même que l’Association des fournisseurs autrichiens d’accès Internet, peuvent intervenir en cas de contenu illégal.

52.La délégation pourrait préciser la composition de l’équipe spéciale interministérielle créée en 2004 pour combattre la traite d’êtres humains et indiquer si la définition de la traite a − comme l’avait annoncé le Ministère de la justice − été étendue. La lutte contre la traite relève aussi d’un nouvel organe créé à cet effet au Ministère de l’intérieur, ainsi que d’une unité spécifique de la Police fédérale, et il faudrait donc savoir comment ces différentes entités fonctionnent et comment elles coopèrent entre elles et avec la police locale.

53.Le Comité souhaiterait que l’État partie fournisse un complément d’information sur ce qu’il fait pour combattre l’immigration clandestine, notamment par l’intermédiaire d’une autre équipe spéciale nouvellement créée et dans le cadre de la coopération avec les pays d’origine, et expose les résultats des initiatives prises contre les abus sexuels et la pornographie mettant en scène des enfants, ainsi que ses projets dans ce domaine pour les trois prochaines années.

54.Mme AL-THANI félicite l’État partie pour sa politique d’intégration des handicapés ainsi que pour l’abrogation de sa loi sur la stérilisation des mineurs handicapés mentaux, mais s’inquiète de la proportion d’obèses chez les enfants autrichiens (12 %) et invite la délégation à préciser quelles mesures préventives sont prises, notamment si les enfants sont sensibilisés à la diététique à l’école et si l’activité physique est encouragée.

55.L’État partie a fourni des chiffres utiles sur la consommation d’alcool, de tabac et de drogues, mais il lui faudrait exposer les mesures prises pour les faire baisser et expliquer pourquoi le nombre de décès liés à la drogue régresse alors que le nombre d’usagers est en hausse. Comme d’autres pays occidentaux, l’Autriche connaît le problème du suicide des jeunes et il serait intéressant de savoir si les mesures concrètes qu’elle comptait prendre à cet égard au moment de l’élaboration du rapport ont effectivement été prises et en quoi elles consistent.

56.Enfin, la délégation pourrait indiquer si les mutilations génitales féminines, qui constituent une infraction pénale, font l’objet d’un travail de prévention et de sensibilisation ciblé dans les communautés vulnérables et auprès des personnes susceptibles de les pratiquer.

57.M. FILALI fait observer que la procédure de demande de regroupement familial pour les étrangers en situation régulière est un véritable parcours du combattant, caractérisé par la lenteur et soumis à des quotas. De plus, seuls les enfants âgés de moins de 15 ans peuvent en bénéficier. Il aimerait savoir où sont détenus les mineurs dits en «prédétention avant expulsion», combien de temps ils y restent et si une personne est officiellement désignée pour les prendre en charge et leur servir de tuteur.

58. Il s’étonne que le chiffre des infractions pénales soit stationnaire et demande s’il faut y voir un échec des mesures de prévention. Des statistiques ventilées selon la nature des infractions commises seraient à cet égard utiles. La délégation voudra bien expliquer par ailleurs selon quelles procédures, ordinaires ou spéciales, sont poursuivis les abus sexuels commis par des membres du clergé et quelles relations les autorités entretiennent avec l’Église dans ce cas de figure.

59.Mme VUCKOVIC‑SAHOVIC note avec satisfaction que la loi ait été modifiée pour permettre les poursuites contre les personnes coupables de tourisme sexuel et aimerait savoir si cette avancée législative s’est accompagnée de campagnes de sensibilisation et si l’État partie a une expérience de l’application réelle de ces dispositions. La délégation pourrait par ailleurs fournir un complément d’information sur les cas de placement de mineurs en cellule d’isolement et sur le respect du principe de séparation des mineurs en détention d’avec les adultes.

60.Mme ORTIZ salue la modification législative aussi importante qu’innovante adoptée par l’Autriche pour combattre les ventes d’enfants qui sanctionne pénalement les modalités d’adoption illégale. Elle voudrait à ce propos en savoir plus sur les adoptions nationales et internationales et ne comprend pas pourquoi le nombre de ces adoptions n’est pas disponible ni en quoi consistent les autorités centrales désignées pour mettre en œuvre la Convention de La Haye sur l’adoption internationale. Elle aimerait aussi savoir pourquoi l’Autriche, en ratifiant la Convention européenne en matière d’adoption des enfants, s’est réservée le droit de ne pas prescrire l’extinction de toute obligation alimentaire et successorale de l’enfant envers son père et sa mère, réserve qu’elle a renouvelée en 2000. Enfin, un complément d’information sur le travail du centre de signalement Stopline de l’Association des fournisseurs autrichiens d’accès Internet serait utile.

61.Mme OUEDRAOGO relève que l’État partie a ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, mais n’a apparemment pas garanti les droits économiques dans sa législation. Les normes en matière de sécurité sociale diffèrent selon les Länder et sont source d’inégalités sociales que le Gouvernement fédéral devrait s’attacher à résorber en harmonisant les règles et en promouvant les meilleures pratiques. Dans ce domaine, il est aussi étonnant que plus un enfant avance en âge moins il soit pris en charge par la sécurité sociale, alors que les adolescents ont des besoins importants en matière de santé.

62.Le système éducatif n’est pas exempt de problèmes. Les parents se plaignent notamment d’un nombre trop élevé d’élèves par classe. Les enfants qui ne sont pas de langue maternelle allemande éprouvent des problèmes d’intégration et, puisque des mesures ont été mises en place en la matière, c’est leur efficacité qui doit être en cause. Les établissements scolaires manquent de travailleurs sociaux et gagneraient à être plus participatifs car les décisions sembleraient revenir exclusivement au directeur d’établissement et il n’existerait pas de système de plainte. Les élèves surdoués semblent poser des problèmes dans les établissements spécialisés dans lesquels ils sont inscrits, ce qui amène à se demander s’ils ne sont pas trop nombreux par classe, si cette solution n’est pas une forme de stigmatisation et si les enseignants qui en ont la responsabilité sont suffisamment formés pour cette tâche particulière.

63. Elle demande enfin si la délégation ne pense pas que le fait de maintenir les enfants non accompagnés demandeurs d’asile en détention pendant une longue période et de les soumettre à des examens radiologiques pour déterminer leur âge est contraire à leurs droits.

64.Mme LEE constate que le nombre d’élèves par classe semble être excessivement élevé au niveau préprimaire pour s’améliorer graduellement dans les niveaux suivants, alors que la logique voudrait au contraire que les enfants soient d’autant plus encadrés qu’ils sont petits. La surreprésentation des enfants de migrants dans les écoles spécialisées appelle des explications.

65.Mme SMITH demande ce qu’il advient des mineurs non accompagnés dont la demande d’asile est rejetée, si certains d’entre eux s’enfuient, et, dans l’affirmative, combien, et dans quelle mesure ils peuvent alors bénéficier de services de base, comme une assistance médicale. La délégation pourrait en outre dire s’il est vrai que les Hindous sont parfois sources de problèmes et si l’acquisition de la capacité juridique se fait bien à 18 ans pour les demandeurs d’asile, les informations sur ce point étant contradictoires.

66.Le PRÉSIDENT fait observer qu’un certain nombre d’incohérences figurent dans les chiffres présentés dans les réponses écrites, en particulier ceux concernant la protection de remplacement et la justice des mineurs: les chiffres communiqués au sujet des mineurs en conflit avec la loi semblent en effet inexplicablement bas et il serait donc utile que la délégation apporte des éclaircissements sur ce point.

La séance est levée à 13 h 5.

-----