NATIONSUNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.1203

18 décembre 2009FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1203e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mardi 16 janvier 2007, à 15 heures

Président: M. DOEK

TABLE DES MATIÈRES

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique du Kenya (suite)

La séance est ouverte à 15 h 0 5 .

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Kenya (suite) (CRC/C/KEN/2 et CRC/C/KEN/Q/2 et Add.1)

Sur l’invitation du Président, M. Afande, Mme Ambwere, M. Awori, Mme Chepngetich, Mme Dzombo, M. Hussein, M. Kanana, M. Karaba, Mme Karanu, M. James Kimani, Mme Jean Kimani, M. Moriasi, M. Nyambok, Mme Nzomo, M. Owade, Mme Ragut et Mme Wamae (Kenya) reprennent place à la table du Comité.

M. KRAPPMANN souhaite connaître les initiatives adoptées par le Kenya en faveur des enfants dans le cadre de sa stratégie de relance économique. La délégation doit préciser si l’enseignement est obligatoire ou non. Il demande quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour inscrire davantage d’enfants dans les écoles maternelles dans tout le pays, pour améliorer les taux d’inscription dans les écoles primaires et secondaires et pour s’attaquer au problème de l’abandon scolaire. Il s’interroge en outre sur la manière dont les enfants qui ne fréquentent pas l’école apprennent leurs droits. Il est préoccupé par le manque de possibilités de formation professionnelle, en particulier pour les filles.

MmeORTIZ s’interroge sur la manière dont la Convention relative aux droits de l’enfant est diffusée dans les communautés locales et parmi les chefs traditionnels. Elle demande quelles sont les dispositions prises en vue d’améliorer l’accès des orphelins à leur héritage, d’empêcher les mariages précoces et de permettre aux enfants réfugiés et déplacés dans le pays de retrouver leur famille. Le Kenya envisage-t-il de ratifier la Convention de La Haye de 1981 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants? Une telle ratification pourrait faciliter la résolution de ces questions.

M. LIWSKI demande si la stratégie du Kenya en vue d’harmoniser les pratiques médicales traditionnelles et modernes comporte des mesures visant à améliorer la surveillance de la grossesse et de l’accouchement à domicile. La délégation doit déterminer si la rationalisation du partage des coûts dans les dispensaires et les centres médico-sociaux implique des frais de santé primaires supplémentaires pour les familles.

Il s’interroge sur l’état d’avancement du projet de loi relatif aux réfugiés et aux personnes déplacées et demande si les programmes d’aide et de relance du Kenya, mis en œuvre en coopération avec le Bureau du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), prennent en compte les enfants réfugiés et demandeurs d’asile et si des efforts sont entrepris pour rendre ces enfants à leurs familles.

MmeOUEDRAOGO s’enquiert des mesures adoptées pour protéger et aider les victimes, eu égard à l’aggravation de l’exploitation sexuelle commerciale des enfants au titre du tourisme sexuel et de la pornographie mettant en scène des enfants, notamment dans les régions côtières du Kenya. Elle souhaite savoir si le pays a élaboré un plan d’action conforme aux directives du Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants.

Elle souhaite obtenir des informations quant aux enquêtes relatives aux nouveau-nés enlevés dans un hôpital public à Nairobi, et aux allégations de traite d’enfants impliquant un évangéliste kényan. Elle aimerait savoir quelles mesures le Kenya prévoit d’adopter pour s’attaquer plus efficacement à l’exploitation sexuelle des enfants, et également à la traite et à l’enlèvement d’enfants.

La délégation doit fournir des informations complémentaires sur l’accès des enfants indigènes aux services sociaux de base.

MmeVUCKOVIC-SAHOVIC demande combien de temps après leur naissance les enfants sont déclarés à l’état civil, car tout retard peut être propice à l’enlèvement de nouveau-nés dans les hôpitaux. Elle souhaite savoir si le Kenya a prévu de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. La délégation doit par ailleurs fournir davantage d’informations sur la toxicomanie.

M. SIDDIQUI souhaite en savoir davantage sur l’évolution de la tranche de population qui vit au-dessous du seuil de pauvreté.

Le PRÉSIDENT demande si le Gouvernement mène une politique visant à intégrer les réfugiés au Kenya ou à les rapatrier vers leur pays d’origine, si un tel rapatriement constitue une option sûre. La délégation doit expliquer la politique menée par le Kenya vis-à-vis des réfugiés somaliens pour lesquels, selon certaines sources, les frontières du pays sont fermées.

M. AWORI (Kenya) dit que le Kenya n’ayant pas été jugé apte à bénéficier d’un allégement de la dette dans le cadre de l’Initiative en faveur des pays lourdement endettés, il n’a aucune information à ce sujet.

La loi sur les réfugiés, approuvée par le Président 15 jours plus tôt, s’attaque aux questions soulevées par le Comité. Elle octroie une pièce d’identité aux réfugiés, permettant ainsi aux personnes pourvues d’un métier, de travailler; compte tenu de la croissance économique kényane, tous les réfugiés se voient ainsi autorisés à travailler.

Étant donné que le Kenya doit assurer la sécurité de ses ressortissants, les réfugiés somaliens ne sont admis dans le pays qu’après vérification de leurs antécédents. Certains somaliens qui ont tenté de traverser la frontière se sont ainsi vus accuser d’activités antigouvernementales.

Pour combattre la corruption, le Gouvernement actuel a recruté des professionnels afin de retracer l’argent – environ 70 milliards de shillings kényans – selon certaines enquêtes – détournés par des fonctionnaires. Quelque 20 cas graves de corruption ont été constatés au sein du Gouvernement. Une Commission a été constituée pour lutter contre la corruption, et de nombreuses affaires ont fait l’objet d’un procès.

MmeWAMAE (Kenya) indique que selon les enquêtes sanitaires et démographiques effectuées en 1998 et en 2003, la mortalité des enfants de moins de 5 ans a augmenté. Le Kenya espère renverser cette tendance grâce à son Plan stratégique national relatif au secteur de la santé 2005-2010.

En matière sanitaire, le Kenya a une stratégie fondée sur la communauté. Le personnel de santé hospitalier coopère avec les agents des services de santé communautaires pour favoriser l’accès des enfants aux établissements sanitaires communautaires dont certains ont été restaurés ou créés, notamment dans les régions reculées. En matière de santé de la reproduction, le Kenya a adopté des mesures pour accroître la disponibilité de contraceptifs et faire en sorte que les accouchements soient pratiqués par un personnel qualifié. Il a renforcé sa campagne de vaccination et fournit une thérapie antirétrovirale aux personnes, notamment aux enfants, qui vivent avec le VIH/sida. Afin de réduire les taux élevés de mortalité maternelle et infantile, le Kenya prévoit de former un personnel de santé qualifié, de recourir aux services de sages‑femmes et d’accoucheurs traditionnels, et de fournir le financement nécessaire aux communautés.

Les taux de malnutrition n’ont pas diminué de manière significative entre 1998 et 2003. Pour combattre ce fléau, le Kenya prévoit la mise en place d’un plan d’alimentation des nourrissons et des jeunes enfants, fondé sur la Stratégie mondiale pour l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et sur une politique de l’alimentation et de la nutrition. En outre, le Kenya a adopté les directives de l’OMS relatives à la gestion des cas graves de malnutrition, et il les met en œuvre dans un certain nombre d’établissements hospitaliers. Le Gouvernement élabore à l’intention des communautés, en particulier celles situées dans les régions reculées, des directives sur la malnutrition grave.

Au titre des campagnes de prévention du paludisme, quelque 3,4 millions de moustiquaires traitées à l’insecticide ont été distribuées gratuitement. Elles étaient gratuites pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans dans les centres médicaux prodiguant des soins aux mères et aux enfants. En outre, les moustiquaires vendues aux communautés constituent une activité génératrice de revenus.

En 2003, le Kenya a élaboré une politique de santé de la reproduction et de l’adolescent. Une version simplifiée de cette politique et des segments de l’Enquête démographique et de santé 2003 du Kenya ont été conçus à l’intention des jeunes gens. Des centres pour la jeunesse ont été créés à la fois dans les centres médicaux, et en tant qu’établissements autonomes. Des principes directeurs de gestion médicale des viols et des violences sexuelles ont été élaborés; ils ont des fonctions de conseils et prévoient la distribution de préservatifs pour lutter contre le VIH/sida. Une politique de santé scolaire a également été mise en place.

Le Parlement étudie actuellement un projet de loi relatif au tabac; il s’attaque aux problèmes du tabagisme et de la toxicomanie chez les jeunes. La loi interdit la vente d’alcool aux enfants. Le Kenya dispose d’un certain nombre de centres de réadaptation des toxicomanes, situés pour la plupart dans les hôpitaux provinciaux, bien que certains soient des centres communautaires. Les écoles assurent des services de conseil aux enfants toxicomanes. Des médicaments sont fournis gratuitement aux enfants pour traiter le paludisme, le VIH/sida et la tuberculose. Les campagnes de sensibilisation en cours menées par le Bureau du Président, par l’intermédiaire du Conseil national de lutte contre le VIH/sida, ont réduit la stigmatisation sociale qu’impliquait la séropositivité.

La mise en œuvre de la loi sur l’eau 2002 a permis l’accès à l’eau potable de 89 % de la population en zones urbaines et de 49 % en zones rurales. Des installations sanitaires sont disponibles pour 94,8 % de la population urbaine et pour 76,6 % de la population rurale. Les mesures entreprises pour améliorer l’accès à l’eau en zones rurales comprennent le creusement de sondages, la construction de digues et l’installation de systèmes de captation de l’eau de pluie sur les toits. Le Kenya est confiant dans sa capacité à parvenir à l’Objectif du Millénaire pour le développement consistant à fournir de l’eau potable et de bonnes conditions sanitaires à sa population.

L’Agence nationale de coordination pour la population et le développement travaille en partenariat, notamment avec l’Institut de recherche médicale du Kenya et avec les universités, à harmoniser médecine moderne et médecine traditionnelle. S’agissant des accouchements, il a notamment été décidé que le recours à un personnel de santé qualifié était préférable à l’emploi d’accoucheurs traditionnels. Pendant la période de transition, ces derniers continueront à les pratiquer; ensuite, ils se consacreront uniquement aux soins prénataux.

Les dispensaires appliquent un tarif de 10 shillings kényans, celui des centres médicaux étant de 20 shillings. Il s’agit-là de tarifs inférieurs à ceux en vigueur lors de la soumission du rapport initial du Kenya au Comité. Toutefois, 10 shillings représentent encore une certaine somme pour les pauvres. Le Gouvernement s’attache à fournir des soins de santé gratuits, notamment, lors des accouchements. Actuellement, les enfants de moins de 5 ans en bénéficient et une dispense existe pour les personnes qui ne peuvent assumer leurs frais de santé.

MmeSMITH souhaite connaître le pourcentage de jeunes femmes ayant accès aux centres pour la jeunesse. Elle s’interroge sur le degré de confidentialité qui y est pratiqué et se demande si les jeunes peuvent rechercher eux-mêmes ce type de services.

MmeAL-THANI dit que l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs peut ne pas suffire à traiter le problème de la consommation abusive d’alcool chez les enfants, car il existe une tendance croissante au brassage maison des boissons alcoolisées.

Le PRÉSIDENT demande à la délégation de préciser la politique du Gouvernement en matière d’avortement.

MmeWAMAE (Kenya) signale le respect de la confidentialité dans les centres médicaux ouverts aux jeunes. La plupart des enfants plus âgés ne sont pas accompagnés par leurs parents lorsqu’ils viennent chercher un traitement. Bien que les jeunes n’attendent pas dans les mêmes files que les adultes dans les centres médicaux qui proposent des services pour la jeunesse, le Gouvernement prévoit de fournir ce type de services dans des locaux distincts pour plus de confidentialité. L’avortement est illégal au Kenya. En adoptant cette mesure, le Gouvernement a pris en compte à la fois les besoins des femmes ou des filles enceintes et ceux des enfants à naître. Toutefois, les filles victimes de viol peuvent obtenir des médicaments contraceptifs d’urgence.

M. LIWSKI demande si la délégation dispose de données relatives au taux de suicide des adolescents et à ses causes. Il s’enquiert de l’éventuelle mise au point d’une stratégie visant à s’attaquer au problème.

MmeWAMAE (Kenya) signale la réalisation d’une étude de santé publique dans les écoles; elle sera soumise au Comité en temps voulu. Les efforts entrepris pour lutter contre le suicide s’attachent à fournir dans les écoles des conseils et des instructions en la matière, et dans les communautés, une assistance sociopsychologique aux familles. Le Gouvernement espère que de meilleures relations familiales et une diminution du niveau de pauvreté contribueront à réduire le taux de suicide des jeunes.

M. AWORI (Kenya) dit que pour des raisons religieuses et culturelles notamment, l’avortement reste illégal au Kenya.

MmeRAGUT (Kenya) indique que ses réponses reposent uniquement sur les données du tribunal des mineurs de Nairobi car il n’existe pas de système centralisé de collecte des données permettant de recueillir les données auprès d’autres tribunaux. S’agissant de la détention préventive, la loi stipule qu’un enfant ne peut y rester plus de 24 heures. Des efforts ont été faits pour que les enfants aient la possibilité d’être libérés sous caution; en pratique toutefois, beaucoup ne peuvent l’être pour cause de pauvreté, ou parce qu’ils n’ont personne pour se porter garant de leur comparution au tribunal. Dans tous les cas, les tribunaux sont tenus d’assurer un jugement rapide des affaires impliquant des enfants.

Selon les archives du tribunal pour enfants de Nairobi, à la fin 2006, les seules affaires en instance étaient celles enregistrées pendant cette même année. Près de la moitié des cas impliquant des enfants étaient réglés à la première audience; le reste en 3 à 6 mois. Les affaires impliquant des enfants accusés de crimes capitaux peuvent prendre plus de temps car elles nécessitent la déposition d’experts et ne sont pas entendues dans les tribunaux pour mineurs. Des efforts sont actuellement entrepris pour que les enfants accusés de crimes capitaux soient placés sous la protection des tribunaux pour mineurs.

Les enfants qui comparaissent devant les tribunaux en tant que victimes, doivent auparavant témoigner comme les adultes. Toutefois, en vertu de la loi 2006 sur les délits à caractère sexuel, les enfants qui témoignent contre les délinquants sexuels sont traités comme des témoins vulnérables et ont la possibilité de s’exprimer par le biais d’un intermédiaire. Le tribunal pour enfants de Nairobi dispose d’un box de protection des témoins pour séparer les personnes accusées lors du témoignage des enfants. Des mesures sont adoptées pour que tous les tribunaux kényans soient équipés de ce type de dispositif. La loi 2006 sur les délits sexuels assure une protection adéquate aux victimes mineurs dans les affaires de prostitution, de traite et de pornographie.

Du fait de la formation des magistrats et des juges qui instruisent des affaires impliquant des enfants, on constate une tendance croissante en faveur des peines de substitution pour les mineurs. En 2005, 35 enfants accusés de délits pénaux par le tribunal des mineurs de Nairobi ont encouru des peines de substitution et 23 ont été confiés à des institutions. Pour 2006, les chiffres étaient respectivement de 45 et 22. Les enfants coupables de crimes capitaux au Kenya sont tenus à la discrétion du Président, mais ne sont pas condamnés à mort. Le Code pénal en interdit l’application aux mineurs. Il n’y a aucun antécédent d’enfant condamné à mort dans le pays. La justice réparatrice est un concept nouveau au Kenya et n’est pas encore couramment pratiquée.

Dans le cadre de la loi sur les mineurs, tout enfant a droit à une représentation légale devant la loi. En pratique toutefois, aucun plan d’aide juridique publique n’a encore été mis en place. Une mesure à l’étude consiste à imposer aux avocats un nombre précis d’heures consacrées à l’aide juridique aux mineurs pour pouvoir renouveler leurs certificats d’exercice.

Le Programme de déjudiciarisation pour les mineurs en conflit avec la loi a été réalisé avec les différent intervenants, pas seulement la police. Une équipe nationale composée de représentants du Service de l’enfance, de la police, du pouvoir judiciaire, des ONG et des autres parties prenantes a été mise sur pied. Parmi les mesures incluses dans le programme et dans le cadre des efforts consacrés au règlement des conflits en dehors du tribunal, figure l’affectation d’un travailleur social dans chaque bureau de police, destiné à assurer que le point de vue des enfants est bien pris en compte et que leurs droits ne sont pas négligés. Le pouvoir judiciaire en général et les autres fonctionnaires de l’ordre judiciaire étant également impliqués dans le processus de déjudiciarisation, ils peuvent conseiller la police sur la manière de préserver les droits des enfants.

La Division de la famille de la Haute Cour a contribué à mettre en vedette les questions relatives aux enfants. Au Kenya, les magistrats ont reçu une formation afférente aux dispositions incluses dans la loi sur les enfants, et à leurs responsabilités inhérentes au jugement des affaires impliquant des mineurs. Toutes les personnes chargées de questions liées aux enfants, en particulier celles qui travaillent dans les organismes publics, sont tenues de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant, dont le principe a permis d’accomplir de gros progrès dans la promotion des droits des enfants.

M. KOTRANE demande quelles sont les mesures adoptées pour garantir que les juges respectent la protection juridique conférée par la loi sur les enfants. Il souhaite savoir quel est le statut d’un enfant dont la mère est kényane et le père étranger. Il demande quels sont les types d’aides, tels les congés maternité, assurés aux mères pour qu’elles puissent s’occuper de leurs enfants.

M. FILALI sollicite des informations complémentaires sur les procédures impliquant des enfants qui ont commis des délits avec des adultes. Il demande si elles sont conformes aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la loi sur les enfants, et si les enfants jugés au pénal sont condamnés de la même manière que les adultes. Il souhaite savoir si des enfants sont nés en prison et si oui, les mesures prises pour prendre soin d’eux.

M. ZERMATTEN demande si un statut des délits existe dans la législation kényane. Il a appris que les enfants des rues coupables d’un trouble mineur à l’ordre public, mais qui n’avaient pas commis de délit, étaient souvent placés en détention préventive. Il souhaite savoir qui intente une action contre ces mineurs et quelle est la fréquence des témoignages oraux et fournis par vidéo au tribunal. Les enfants coupables de crimes capitaux sont souvent issus de milieux difficiles et les priver d’une justice pénale spécialisée constitue une violation de l’article 3 de la Convention. Il est de l’intérêt supérieur des enfants coupables de crimes capitaux d’avoir accès à un système de justice spécialisé, prenant en compte à la fois la nature du délit et la personnalité de l’auteur.

MmeWAMAE (Kenya) dit que les Règles relatives aux mineurs délinquants en matière de détention préventive ont été jugées anticonstitutionnelles et ne peuvent donc être reconnues. Par ailleurs, les réglementations actuelles relatives aux périodes maximales de détention pour les mineurs ne correspondent pas à la loi sur les enfants. La prochaine étude de cette loi traitera de ces questions.

Les tribunaux kényans sont habilités à demander aux pères non kényans de payer une pension pour les enfants non kényans, même si ceux-ci ne résident pas au Kenya.

Les nourrissons nés en détention demeurent avec leurs mères jusqu’à leur sevrage. Ils sont ensuite placés dans des centres protégés jusqu’à la libération de leur mère. Si celle-ci ne peut nourrir au sein son bébé ou en prendre soin en prison, il est placé en garde dans un milieu protégé, immédiatement après sa naissance.

Les enfants jugés pour des délits commis avec des adultes ne sont pas protégés par la loi sur les enfants. Celle-ci sera révisée et amendée en vue d’assurer qu’ils sont bien jugés par des tribunaux pour mineurs. Des efforts sont faits pour garantir que des mineurs accusés d’infractions de moindre gravité ne subissent pas les incidences négatives consécutives à une comparution devant les mêmes tribunaux que ceux accusés de délits commis avec des adultes.

En vertu de la loi sur l’enfance, les enfants nécessitant soins et protection sont ceux qui n’ont commis aucun délit, mais qui sont abandonnés ou dont les parents sont incapables de prendre soin. Pour leur éviter la délinquance, les tribunaux les confient à une personne de confiance ou s’assurent que les parents reçoivent des conseils d’éducation appropriés.

La loi sur les délits sexuels offre un cadre législatif qui assure la protection des victimes et des témoins mineurs. Suite à une visite en Afrique du sud, parrainée par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, les agents de l’État et les ONG envisagent l’introduction de techniques audiovisuelles dans les tribunaux pour permettre aux enfants de témoigner par enregistrement vidéo.

Le PRÉSIDENT demande s’il existe des réglementations selon lesquelles les affaires de justice des mineurs entrent dans le cadre du Programme de déjudiciarisation pour les mineurs en conflit avec la loi. Il souhaite savoir s’il y a une durée limite de séjour des enfants en mal de soins et de protection dans les maisons d’arrêt pour jeunes délinquants ou les établissements de redressement, et combien de temps un enfant peut-il être privé de liberté dans un centre de détention ou une maison de redressement, dans le cadre du système judiciaire des mineurs. Il demande si le Gouvernement envisage d’étendre celui-ci pour y inclure les mineurs coupables de délits graves.

M. KOTRANE demande qui décide de placer les enfants nécessitant soin et protection dans une famille ou de les envoyer dans un centre de détention.

M. HUSSEIN (Kenya) dit que les enfants sont placés en maison de redressement pendant trois ans au maximum. Tous vont à l’école pendant leur séjour dans ces institutions. Ils peuvent bénéficier d’une libération anticipée pour bonne conduite.

Les enfants en détention préventive sont placés dans des maisons de redressement animées par des travailleurs sociaux. Ils ne sont donc pas maintenus en détention préventive avec des adultes. Ils vont au tribunal et en reviennent dans des «fourgonnettes pour les jeunes».

Le Programme de déjudiciarisation pour les enfants en conflit avec la loi est actuellement mis en œuvre dans 14 districts où, dans les services de protection des mineurs, les enfants reçoivent des conseils prodigués par des fonctionnaires de police en civil formés. Des plans existent en vue de créer des services de protection de l’enfance dans d’autres districts.

Environ 60 % des cas d’exploitation sexuelle d’enfants sont le fait d’étrangers et 40 % de ressortissants kényans. Ces cas sont spécialement fréquents sur le littoral. Le plan d’action qui vise à s’attaquer au problème comprend un code de conduite destiné au personnel hôtelier, et des mesures pour une meilleure sensibilisation du public.

Les statistiques officielles relatives au nombre d’enfants placés en institutions sont passées de 13 000 en 2003 à 25 000 en 2005 en raison des nouvelles réglementations relatives à la collecte de ce type de données. Les plus récentes sont plus précises que celles des années précédentes.

MmeWAMAE (Kenya) dit que les enfants peuvent être privés de liberté pour une durée de trois ans maximum dans les établissements de redressement ou les institutions Borstal. Ils sont envoyés en centre de correction pour la jeunesse pour une durée maximum de quatre mois. Toute décision de placer un mineur en centre de détention est prise par des juges ou des magistrats.

Les juges et magistrats tenus de condamner à la peine capitale un enfant dans le cadre du système de justice pénale, envoient au Président leurs recommandations sur le traitement à réserver à l’enfant. Le Président décide de sa libération ou de son incarcération, en fonction des recommandations en question et de celles du directeur de la prison où il était détenu.

Le Service de l’enfance se dit préoccupé par l’absence d’assistance au sein du système de justice pénale des mineurs, pour les enfants coupables de délits graves. Avec l’aide de l’Agence de coopération internationale japonaise, le personnel du Service de l’enfance et des juristes ont visité le Japon pour y observer la manière de répondre aux besoins psycho-affectifs des jeunes, auteurs de délits graves.

M. HUSSEIN (Kenya) dit que les enfants nécessitant soins et protection sont envoyés dans des institutions différentes de celles où sont détenus les jeunes délinquants. Le Kenya dispose également d’un établissement pour enfants abandonnés à la naissance. Des directives nationales relatives au soin des enfants ont été distribuées à l’ensemble de ces institutions.

MmeKARANU (Kenya) signale que le nombre d’enfants placés dans des établissements de détention a diminué suite au recours accru aux mesures communautaires de réinsertion.

Le PRÉSIDENT demande des éclaircissements sur la question de savoir si la peine de mort est obligatoire pour un enfant qui a commis un délit grave et si le fait de la remplacer par une peine d’emprisonnement est laissé à la discrétion du Président. Il souhaite savoir si les juges qui rendent de telles sentences peuvent recommander au Président de limiter la détention à une période spécifique.

MmeAMBWERE (Kenya) dit que les enfants condamnés à mort pour délit grave voient leur peine commuée en peine d’emprisonnement à la discrétion du Président. Les juges ne peuvent formuler de recommandations au Président quant à la durée de la détention.

M. KARABA (Kenya) signale que la législation kényane pénalise toutes formes de torture et autres traitements et châtiments cruels. Le Ministère de l’éducation a assuré une formation à l’intention des enseignants en exercice pour limiter les conflits entre élèves et professeurs et améliorer chez ceux-ci la connaissance de la législation relative au traitement des élèves. La surveillance des punitions infligées dans les écoles a augmenté, et des alternatives aux châtiments corporels ont été adoptées dans les écoles. Les enseignants se sont vu accorder des congés en vue de suivre une formation psychopédagogiques. Il est plus difficile de surveiller les châtiments corporels exercés dans les familles; des efforts sont faits pour améliorer la connaissance du problème et aider les parents à trouver des méthodes de punition alternatives.

Le nombre d’enfants des écoles primaires qui sont passés dans le secondaire a augmenté de 52 % en 2004 à 60 % en 2006. Dans la plupart des écoles, les élèves ont été répartis en trois catégories selon leurs aptitudes. Des bourses ont été accordées aux enfants doués issus de familles pauvres pour leur permettre d’aller au lycée. Des directives distribuées à tous les établissements secondaires indiquent le montant raisonnable des droits de scolarité à pratiquer, et proscrivent tout refus d’accès au secondaire aux enfants pour cause d’insolvabilité de leurs parents.

Plusieurs mesures, notamment un suivi accru de l’enseignement et de l’apprentissage dans les écoles, ont été adoptées en vue d’améliorer la qualité de l’enseignement. Le Programme de soutien du secteur de l’éducation au Kenya a recensé 35 districts pauvres qui recevront entre autres moyens, des subventions destinées à la réalisation d’améliorations structurelles dans les classes. Pour améliorer le secteur des besoins éducatifs spéciaux, un programme a été mis pour en place afin d’assurer que dès 2008, toutes les écoles primaires comptent parmi leur personnel un spécialiste en matière de besoins éducatifs spéciaux. Plusieurs écoles privées sont également vouées à ce type d’enseignement.

Le Ministère de l’éducation a adopté des mesures en vue d’assurer la scolarisation de tous les enfants. Toutefois, l’enseignement n’est pas forcément dispensé dans une salle de classe.

Au Kenya, l’enseignement extrascolaire est considéré comme une alternative à part entière. Des programmes ont été créés à cette fin, à la fois aux niveaux primaires et secondaires. Bien que les enseignants dans la plupart des établissements non institutionnels n’aient pas de formation professionnelle, des efforts sont faits pour assurer qu’ils disposent bien des compétences de base pour enseigner.

Le Ministère de l’éducation a pris des mesures pour garantir que les fonds sont bien affectés à l’achat de matériel d’enseignement et qu’ils ne tombent pas entre de mauvaises mains.

MmeLEE demande quel est le pourcentage de budget affecté à l’éducation et aux soins de santé pour les enfants, et la raison pour laquelle le nombre d’enfants victimes de négligences a presque doublé entre 2004 et 2005.

M. KRAPPMANN demande quel est le nombre d’années de scolarité gratuite et obligatoire et si les élèves ayant abandonné l’école sont autorisés à y retourner.

M. KARABA (Kenya) dit qu’il ignore le pourcentage du budget national affecté à chaque niveau scolaire. La délégation doit communiquer au Comité l’information en question à une date ultérieure. L’école est obligatoire pour les huit premiers niveaux.

Les élèves enceintes sont autorisées à prendre un congé maternité et peuvent ultérieurement retourner dans une classe de même niveau. Lorsque cela est possible, ces jeunes filles sont placées dans des établissements scolaires différents après leur congé maternité.

M. MORIASI (Kenya) signale que le Parlement étudie actuellement un projet de loi visant à fixer l’âge minimum de travail des enfants à 16 ans, conformément à la Convention no 138 de l’OIT relative à l’âge minimum d’admission à l’emploi et à la Convention no182 concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination. Le projet de loi définit également la notion de travaux légers qui ne doivent pas excéder six heures par jour, et il recense les pires formes de travail des enfants; il contient également un chapitre relatif à la protection des enfants. Il prolonge en outre les congés maternité de 60 à 90 jours. Un congé annuel n’est pas exclu en cas de congé maternité. Le projet de loi prévoie cinq jours de congé paternité.

La loi sur la formation industrielle inventorie les domaines dans lesquels les enfants âgés de 14 ans et plus peuvent commencer une formation professionnelle ou industrielle ou être employés; elle réglemente également les questions de salaires. Le salaire minimum pour les mineurs a été aboli afin d’empêcher l’exploitation des enfants par les employeurs. Un organe de surveillance veille à ce que les enfants qui travaillent soient traités correctement.

Le Kenya dispose d’un certain nombre d’écoles polytechniques destinées à la formation professionnelle. Beaucoup ont été réouvertes et agrandies pour accueillir des enfants non admis dans le secondaire. L’objectif consiste à permettre à ces enfants de rester à l’école jusqu’à 18 ans.

M. NYAMBOK (Kenya) souligne que le Ministère de la santé, le Ministère de l’éducation et les services sociaux ne disposent pas de budget spécifique consacré aux enfants. Le budget ordinaire du Kenya s’élève à 550 milliards de shillings kényans, dont 155, soit environ 30 %, sont alloués aux ministères qui assurent les services sociaux à la population en général. Il s’agit‑là d’une considérable amélioration par rapport au chiffre de 63 milliards de shillings kényans de l’an 2000. Les affectations aux services destinés aux enfants sont passées de 255 millions de shillings kényans en 2002 à 663 millions de shillings kényans en 2005.

Le Kenya a pris des mesures pour réduire la corruption. Il a renforcé ses services de contrôle pour garantir que les ressources affectées servaient bien aux objectifs prévus. Tous les efforts sont faits pour garantir la prise en compte des inégalités régionales lors des affectations budgétaires.

Bien que le Kenya ait cherché à communiquer toutes les données détaillées disponibles, celles-ci ont été difficiles à obtenir. Des efforts ont été accomplis pour recueillir des données sur les questions relatives aux enfants. Pour améliorer la communication des informations, le Kenya prévoit de centraliser son système de collecte de données. Conjointement à l’UNICEF, le bureau central des statistiques a créé la base de données KenInfo qui donne un schéma de la situation des enfants au Kenya. Malheureusement, celle-ci s’est révélée inadéquate.

Le Kenya a achevé son enquête annuelle intégrée auprès des ménages qui met à jour les données fournies dans l’enquête en grappe à indicateurs multiples. En avril 2007, une enquête majeure sera effectuée pour pallier le manque de données relatives aux enfants handicapés. Le recensement prévu en décembre 2006 de la totalité des réfugiés au Kenya a été ajourné au premier trimestre 2007, en raison de mauvaises conditions météorologiques et d’inondations dans les camps de réfugiés.

La Stratégie de redressement économique pour la création de richesses et d’emplois a été lancée en 2003 pour s’attaquer au problème de la pauvreté. Elle favorise la croissance économique en renforçant le cadre macroéconomique et en encourageant la participation du secteur privé. Elle s’attache principalement à obtenir un enseignement primaire pour tous, à améliorer l’accès aux soins de santé de base, à développer les capacités de production dans l’agriculture, à développer les régions arides et à améliorer les conditions de vie des habitants dans les zones urbaines. Cette stratégie a eu un impact considérable: la croissance économique du Kenya s’est accrue pour passer de 1,8 % en 2003 à 5,8 % en 2004. L’enquête intégrée auprès des ménages donnera un aperçu du degré d’amélioration des niveaux de vie consécutive à la croissance économique.

MmeCHEPNGETICH (Kenya) signale que le camp de réfugiés de Kakuma avait été initialement prévu pour les garçons, raison pour laquelle davantage de garçons que de filles y sont inscrits; il n’y a là aucune discrimination contre les filles. Le Gouvernement travaille en coopération étroite avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, avec l’Organisation internationale pour les migrations et avec les ambassades étrangères concernées pour aider les enfants réfugiés à retrouver leurs familles. Les autorités délivrent des documents de voyage aux réfugiés pour faciliter leur départ et le Ministère de l’immigration leur délivre des permis de travail pour qu’ils puissent gagner leur vie.

MmeDZOMBO (Kenya) dit que toutes les écoles kényanes disposent d’installations sportives. Faire du sport à l’école est considéré comme un droit de l’enfant. Au cours de la présente année fiscale, 57 millions de shillings kényans ont été dépensés pour restaurer un grand centre sportif doté d’un gymnase, d’une piscine, d’un terrain de football et de pistes d’athlétisme. Des athlètes célèbres ont créé des écoles de sport pour former de jeunes sportifs, filles et garçons.

La mutilation génitale des filles est une pratique culturelle profondément enracinée, très courante dans beaucoup de communautés kényanes. Bien qu’interdite par la loi sur les enfants, elle subsiste. Le Kenya a lancé un plan d’action national en vue d’éliminer cette pratique et d’améliorer la santé, la qualité de vie et le bien-être des femmes et des filles. Le plan d’action a pour objectif de réduire de 40 % d’ici 2050 le nombre de femmes et de filles soumises aux mutilations génitales et d’accroître le nombre de communautés dans lesquelles ces questions sont ouvertement débattues. Le plan d’action sera diffusé au niveau national, et aux niveaux des districts et des villages. Une évaluation des besoins sera effectuée pour préparer des plans spécifiques aux communautés. Le plan d’action a été coordonné par un comité de coordination nationale composé de représentants des différents ministères et des membres de la société civile.

M. KOTRANE (Rapporteur de pays) signale que la situation des enfants au Kenya s’est considérablement améliorée en cinq ans car le Comité a analysé le rapport initial du pays. La croissance économique s’est accélérée et d’importantes réformes politiques ont été engagées. Dans ses observations de conclusion, le Comité formulera un certain nombre de recommandations concernant la non-discrimination, les libertés civiles et la violence à l’encontre des enfants. Il recommande de placer les enfants dans leurs familles plutôt qu’en institution, et attire l’attention sur les efforts qui restent à accomplir dans le domaine des soins de santé et de l’éducation et il met l’accent sur le travail des enfants, sur les enfants réfugiés et sur ceux en conflit avec la loi.

M. AWORI (Kenya) déclare que les échanges de vues entre sa délégation et le Comité ont été très utiles. Celui-ci doit cependant garder à l’esprit que bien que le Kenya s’efforce de mettre en œuvre la Convention, il est quelquefois difficile d’éradiquer les pratiques et les coutumes non conformes à celle-ci.

La séance est levée à 18 h 05.

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