Nations Unies

CRC/C/SR.1444

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

24 novembre 2009

Original: français

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante-deuxième session

Compte rendu analytique de la 1444 e séance*

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 28 septembre 2009, à 10 heures

Président e: Mme Lee

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques du Pakistan sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties (point 4 de l ’ ordre du jour) (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques du Pakistan sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant ( CRC/C/PAK/3-4 ; liste des points à traiter (CRC/C/PAK/Q/3-4); réponses écrites de l ’ État partie à la liste de points à traiter (CRC/C/PAK/Q/3-4/Add.1) )

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation pakistanaise prend place à la table du Comité.

2.M. Kazi (Pakistan) indique que les rapports ont été élaborés sous la supervision d’un Comité directeur national multisectoriel de haut niveau, comprenant des représentants de ministères, des gouvernements provinciaux, d’organisations non gouvernementales (ONG) et d’organismes des Nations Unies.

3.Depuis la présentation de son deuxième rapport périodique, le Pakistan s’est efforcé de mettre ses lois et ses politiques en conformité avec la Convention relative aux droits de l’enfant: il a élaboré, en consultation avec d’autres acteurs, un projet de loi sur la protection de l’enfant qui définit et incrimine la pornographie mettant en scène des enfants, les violences sexuelles et la traite d’enfants à l’intérieur du territoire pakistanais, un projet de commission nationale sur les droits de l’enfant, et une politique nationale de protection de l’enfant. Ces textes ont été soumis au Cabinet pour approbation et seront ensuite présentés au Parlement.

4.Le Gouvernement fédéral soutient la présentation devant le Parlement du projet de charte des droits de l’enfant, élaboré par des acteurs privés sur la base des dispositions de la Convention. De plus, les gouvernements provinciaux s’emploient à mettre en place des systèmes de protection de l’enfant conformes à la Convention.

5.Le Pakistan a accompli des progrès majeurs dans la protection des droits de la femme en adoptant la loi de 2004 portant modification du droit pénal, qui vise les infractions commises au nom de l’honneur, l’ordonnance de 2006 portant modification du Code de procédure pénale, qui autorise la libération sous caution des femmes dans certains cas, et la loi de 2006 de protection de la femme, qui protège les femmes contre l’utilisation abusive de la loi et contre l’exploitation.

6.Les consultations menées en vue de la ratification des Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et concernant la vente d’enfant, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, sont maintenant terminées et le processus suit son cours.

7.Malgré les efforts déployés pour améliorer le système éducatif, celui-ci reste insatisfaisant en termes d’accès et de qualité. Le Pakistan s’efforce de fondre les systèmes éducatifs parallèles, à savoir les établissements privés et les madrassas, dans le système éducatif national en élaborant des normes et un programme communs.

8.Le Premier Ministre, qui s’est engagé à augmenter la part du budget allouée au secteur éducatif, a élaboré en 2009 une politique nationale en matière d’éducation. Malgré les défis immenses, le nombre d’enfants scolarisés dans le primaire a augmenté de 14 % entre 2003 et 2008, et les abandons scolaires ont été ramenés de 50 à 35 % sur cette même période.

9.Dans le classement des pays suivant l’indice de développement humain, le Pakistan figure au 136e rang sur 177. Près de 85 % de la population pakistanaise gagne moins de 2 dollars des États-Unis par jour.

10.Malgré cette situation, le Gouvernement a intensifié ses efforts en matière de santé maternelle et infantile afin d’atteindre les cibles définies dans l’objectif 4 du Millénaire pour le développement. Il a mis l’accent sur la lutte contre la tuberculose, le paludisme et les six maladies contre lesquelles il existe un vaccin, la lutte contre la cécité, et la prévention de la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant. Entre 2003 et 2008, le taux de mortalité infantile a pu être maintenu à 73 ‰, la proportion d’enfants âgés d’un an vaccinés contre la rougeole a atteint 60 %, le taux de mortalité maternelle a considérablement baissé, jusqu’à 280 pour 100 000 naissances vivantes, et la proportion d’accouchements réalisés avec l’aide de personnel qualifié est passée de 20 à 40 %.

11.Les évaluations indiquent que l’opinion publique est favorable à la vaccination. Le Gouvernement a mis au point une stratégie de communication énergique en vue d’éradiquer la poliomyélite, de vacciner 95 % de la population contre la rougeole et de renforcer la vaccination systématique.

12.Pour protéger les droits des personnes vivant avec le VIH, un projet de loi élaboré en 2009 sera prochainement soumis au Cabinet. Des mesures ont été prises aux niveaux fédéral et provincial pour rendre les services de transfusion sanguine plus sûrs.

13.Des cellules destinées à recevoir les plaintes des enfants ont été créées au sein du secrétariat du Médiateur, aux niveaux fédéral et provincial. Un système de gestion d’informations liées à la protection de l’enfant a été mis en place au sein de la Commission nationale pour le bien-être et le développement de l’enfant, avec le soutien financier et technique de l’UNICEF; il traite les informations relatives à l’exploitation sexuelle des enfants, à la justice des mineurs, à la traite des enfants, à la famille, aux mesures de protection de remplacement et aux violences contre les enfants.

14.Le Pakistan met également en œuvre depuis 2000 la politique et le plan d’action nationaux de luttecontre le travail des enfants, qui visent notamment à éliminer les pires formes de travail des enfants, à universaliser l’enseignement primaire et à soutenir les familles pour prévenir le travail des enfants, et à offrir une formation aux enfants qui travaillent en vue de leur réadaptation. Des campagnes de sensibilisation ont été lancées et différents programmes ont été mis en place. Ainsi, un programme national, visant l’élimination des pires formes de travail des enfants a été élaboré pour la période 2008-2016.

15.Le Gouvernement a consacré 0,3 % de son produit intérieur brut (PIB) pour l’année 2008‑2009 au programme Benazir d’allocations destiné aux familles les plus démunies. Au total, 40 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, soit 15 % de la population globale, recevront une aide.

16.L’organisme Pakistan Bait-ul-Mal (PBM) contribue également à réduire la pauvreté en fournissant des services aux plus démunis, et notamment aux indigents, aux veuves, aux orphelins, aux handicapés et autres personnes nécessiteuses. Le Gouvernement a approuvé un projet pilote de transfert d’argent au profit du programme de soutien en faveur des enfants mené par le PBM dans 11 districts. Ce programme vise à fournir une aide supplémentaire aux familles extrêmement pauvres afin de les inciter à scolariser leurs enfants ayant entre 5 et 12 ans. Lors de la prochaine phase, 29 autres districts seront couverts. De plus, PBM verse 10 000 roupies aux familles qui ont un enfant handicapé et 25 000 roupies aux familles qui ont deux enfants handicapés ou plus. Par ailleurs, le Gouvernement a récemment approuvé un système d’assurance fournissant une couverture aux enfants gravement handicapés.

17.Le Pakistan paie un lourd tribut à la guerre contre le terrorisme, en termes de pertes humaines et de dégâts causés à l’infrastructure des services de base. Un centre de réadaptation a été mis en place à l’intention des jeunes hommes enrôlés par les Taliban, et le Fonds Benazir Bhutto Shaheed a été créé pour fournir des services d’éducation et de réadaptation aux enfants touchés par le terrorisme et les opérations des forces de police.

18.Le Président pakistanais a annoncé des réformes majeures dans la structure administrative et judiciaire des zones tribales sous administration fédérale afin, notamment, d’exclure les femmes et les enfants de la clause de responsabilité collective de l’ordonnance de 1901 relative aux crimes commis dans la zone frontière, pour des infractions qui auraient été commises par des membres de leur famille.

19.À l’échelle régionale, le Pakistan a accueilli en 2005 la consultation régionale au sujet de l’Étude du Secrétaire général des Nations Unies sur la violence contre les enfants, et a créé en 2006 le secrétariat régional du forum ministériel de l’Asie du Sud pour mettre fin aux violences faites aux enfants.

20.M me V illarán de la P uente (Rapporteuse pour le Pakistan) relève que, vingt ans après l’adoption de la Convention, les taux de mortalité infantile et maternelle et le taux d’enfants non scolarisés restent élevés et que les crises humanitaires causées par les catastrophes naturelles, le terrorisme et la guerre contraignent des dizaines de milliers d’enfants à se déplacer. La recherche d’une paix durable au Pakistan et en Afghanistan, d’où viennent de nombreux réfugiés, est fondamentale pour tous les habitants, mais tout particulièrement pour les enfants qui subissent les effets du conflit de manière disproportionnée.

21.Le Pakistan est une République indépendante depuis 1947. Il présente une grande richesse culturelle, ethnique et linguistique, avec ses quelque 164 millions d’habitants, dont environ 70 millions d’enfants. Il est donc légitime de saluer les efforts qu’il déploie en faveur des enfants, et notamment la ratification des Conventions de l’Organisation internationale du Travail no 182 sur les pires formes de travail des enfants et no138 sur l’âge minimum d’admission à l’emploi, la promulgation de normes internes relatives aux pires formes de travail des enfants, les autres lois citées par le chef de la délégation dans son discours préliminaire, et les mesures prises pour réduire la pauvreté et atteindre l’objectif 8 du Millénaire pour le développement.

22.Dans les observations et les recommandations qu’il avait formulées en 2003 à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie, le Comité des droits de l’enfant avait pris note avec satisfaction de l’adoption de la loi rendant obligatoire l’enseignement primaire, qui est entrée en vigueur dans de nombreuses provinces, à l’exception du Balouchistan, et de l’ordonnance sur la justice pénale des mineurs; il entend à la présente session examiner la mise en application de ces textes.

23.De nombreux défis restent à relever pour mettre en place un système national de protection intégrale de l’enfant. On citera en particulier la situation générale des droits de l’homme dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, la mortalité infantile qui touche notamment les enfants des rues, les carences de l’enregistrement des naissances, la traite et l’exploitation sexuelle des enfants, le recrutement d’enfants dans le cadre du conflit armé, ou encore l’application de la législation antiterroriste aux mineurs.

24.Le Pakistan a été frappé en 2005 et en 2008 par des tremblements de terre qui ont fait de nombreuses victimes et causé d’énormes dégâts matériels. Malgré les efforts de reconstruction, la grande majorité des enfants doivent se satisfaire d’installations sanitaires et éducatives précaires. Les enfants handicapés dont les parents ne s’occupent pas ont besoin de structures d’accueil. En outre, l’impact de la crise économique sur la hausse du prix des denrées alimentaires aggrave la crise alimentaire et énergétique.

25.M. Krappmann (Rapporteur pour le Pakistan) aimerait savoir dans quelle mesure l’État partie a donné effet aux recommandations formulées par le Comité dans ses observations finales en octobre 2003. Tout en se félicitant que le rapport ait été soumis dans les délais, il constate avec étonnement que les nombreux programmes et initiatives présentés dans le rapport soumis par l’État partie sont très fréquemment à l’état de projet et il se demande s’il n’aurait pas été judicieux de retarder d’une année la présentation du rapport, de manière à laisser un laps de temps pour adopter ces mesures et concrétiser les divers projets. Il souhaiterait que la délégation précise si la mise en œuvre des initiatives visant à protéger les droits de l’enfant est confiée à des organes étatiques qui ont l’autorité et les ressources nécessaires pour s’acquitter de cette tâche.

26.Il demande des renseignements complémentaires sur les attributions et la fonction de la Commission nationale pour la protection et le développement de l’enfance et aimerait en savoir plus sur les récents travaux de cet organe, qui a été créé pour coordonner la mise en œuvre de la Convention, mais dispose pour ce faire de ressources budgétaires très réduites au regard de la tâche qui lui a été confiée. Est-il prévu que la refonte prévue de cet organe le dote de davantage de marge de manœuvre et lui permette d’être plus efficace?

27.M. Krappmann aimerait en outre avoir un complément d’informations sur les objectifs du Plan national d’action en faveur de l’enfance et il s’enquiert des mesures prises par l’État partie pour en assurer la bonne marche.

28.Soulignant qu’on ne saurait assurer le suivi de la mise en œuvre des principes de la Convention sans disposer de données statistiques adéquates, il note que les préoccupations exprimées précédemment par le Comité à ce propos semblent toujours d’actualité, et invite la délégation à apporter des précisions.

29.M. Krappmann aimerait savoir si le projet de loi sur la protection de l’enfance a pour objectif premier d’incriminer les atteintes aux droits des enfants, de mieux répondre à leurs besoins et de placer l’intérêt supérieur de l’enfant au centre des préoccupations de l’État partie.

30.Il semblerait que l’État partie éprouve des difficultés à donner une suite concrète aux textes de lois adoptés, notamment l’ordonnance de 2000 relative à la justice des mineurs, les amendements de 2005 à la loi sur le travail des enfants et les textes relatifs à l’enseignement obligatoire. En outre, bien que l’État partie affirme dans le rapport que les amendements apportés à l’ordonnance relative au hadood sont en conformité avec les préceptes de la Convention, il apparaît clairement que les droits des femmes et des jeunes filles sont encore massivement bafoués et que les auteurs de ces violations ne sont pas traduits en justice. Quelles dispositions l’État partie entend-il prendre pour faire évoluer la situation?

31.M. Krappmann recommande à l’État partie de dresser un budget global destiné à l’enfance de manière à faire la lumière sur les différents postes budgétaires, les modalités d’adoption du budget et les diverses sources de ressources budgétaires. Les dépenses de santé et le budget de l’éducation ont considérablement augmenté au cours des dernières années, ce qui est louable, mais cela ne semble pas avoir d’incidence sensible sur la mortalité infantile ou la scolarisation. Des précisions sur ce point seraient appréciées.

32.M. Zermatten souhaiterait savoir si, depuis la présentation du dernier rapport en 2003, les principes du respect de l’intérêt supérieur et du respect de l’opinion de l’enfant sont davantage respectés. La délégation voudra bien en outre préciser si le Parlement des jeunes a une influence au niveau local et combien de clubs des jeunes compte le Pakistan. Il invite en outre la délégation à préciser si l’opinion des enfants, y compris celle des enfants réfugiés, est prise en compte dans les tribunaux et à l’école. Des précisions concernant les mesures concrètes prises depuis 2003 pour prendre véritablement en compte l’intérêt supérieur de l’enfant dans les textes de loi et les dispositions prises pour y donner effet seraient bienvenues.

33.M me Maurás Pérez dit que les informations qui ressortent du rapport de 2003 de l’État partie ainsi que de celui du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes lui inspirent une grande préoccupation quant à la condition des jeunes filles et des femmes dans l’État partie. Elle dit que la mortalité des petites filles de moins de 2 ans est nettement plus élevée que celle des garçons de la même tranche d’âge, en raison du manque de soins, de la malnutrition et de l’absence de vaccination. Elle fait en outre remarquer que les mariages précoces et la pratique consistant à donner des filles en règlement d’une dette n’ont nullement régressé depuis la présentation du dernier rapport, et ce en dépit des nombreuses incitations à faire évoluer les choses et des vives controverses que suscite ce sujet à l’intérieur même du pays, notamment en ce qui concerne les modifications à apporter à la loi mettant un terme aux mariages d’enfants de 1929. Les taux élevés de cas de violence familiale et de mortalité maternelle sont aussi très préoccupants. Reconnaissant que la pauvreté n’est pas étrangère à cette situation, elle souligne que le contexte culturel joue aussi un grand rôle. Elle demande quelles mesures ont été adoptées pour procéder aux changements constitutionnels qui avaient été demandés par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes en 2007. Elle aimerait aussi savoir si des crédits budgétaires ont été débloqués pour accroître considérablement le nombre de sages-femmes communautaires et mettre au point des formations adaptées. Il semblerait que le programme Benazir d’allocations sociales ne soit pas spécifiquement axé sur les enfants, est-il prévu d’y remédier?

34.Enfin, elle aimerait savoir si le système de statistiques va être repensé, afin que l’on dispose de davantage de données concernant les enfants, pour mieux lutter contre les violations dont ils sont victimes.

35.M. Koompraphant, soulignant que l’État partie est confronté à des catastrophes naturelles et doit faire face à une pauvreté généralisée qui a des répercussions négatives sur le bien-être des enfants, demande ce que la communauté internationale pourrait faire pour l’aider à surmonter ces graves difficultés. Évoquant le meurtre de trois jeunes filles et de deux femmes brutalisées puis brûlées vives au Baloutchistan en juillet 2008, il souhaiterait savoir quelles mesures ont été prises par l’État partie pour rendre justice et éviter que de tels actes ne se reproduisent. Il aimerait savoir si le projet de loi sur la protection de l’enfance, mentionné au paragraphe 44 du rapport, interdit les mariages précoces, les mariages forcés et la vente d’enfants, et si les parents qui contournent cette interdiction sont passibles de sanctions. Il aimerait également que la délégation indique si ce texte prévoit des sanctions à l’encontre des parents qui poussent leurs enfants à rejoindre des groupes de militantisme religieux.

36.M. Gurán demande quel rôle la Commission nationale pour la protection et le développement de l’enfance sera appelée à jouer en matière de coordination des différents organes de protection de l’enfance et quelles en seront les compétences, et plus particulièrement si ses décisions auront force exécutoire dans les diverses provinces. Il souhaiterait savoir s’il existe un mécanisme chargé de recueillir les plaintes émanant des enfants et si oui, quels types de plaintes il reçoit et comment il y donne suite.

37.M me Aidoo rappelle que le droit à la vie, à la survie et au développement est un principe fondamental de la Convention. Elle constate que la mortalité infantile touche plus les filles que les garçons, celles-ci faisant fréquemment les frais du manque de soins et étant plus exposées aux conséquences de la malnutrition et de l’absence de vaccination. Que fait l’État partie pour protéger le droit à la vie des enfants et remédier aux causes profondes de la mortalité infantile, notamment dans les zones reculées et les zones rurales?

38.M me Varmah s’étonne de ce que, malgré les mesures prises par l’État partie pour développer le système d’enregistrement des naissances et la loi de 1973 sur l’état civil national, qui fait obligation aux parents de déclarer la naissance de leur enfant, le taux d’enregistrement des naissances soit encore très bas. Elle demande à la délégation d’apporter des éclaircissements sur ce sujet. Elle voudrait aussi savoir si des mesures ont été prises pour simplifier la procédure d’enregistrement des naissances et faire en sorte que tous les parents soient en mesure d’accomplir cette formalité. Elle souhaiterait aussi savoir si la loi de 1886 sur l’enregistrement des naissances, des décès et des mariages, qui ne semble pas être utilisée ni connue par la majorité de la population, a été révisée ou s’il est prévu de le faire.

39.La Présidente demande si l’État partie s’est doté d’une loi sur l’enseignement obligatoire et comment il entend mettre à exécution sa décision très ambitieuse de porter le budget consacré à l’éducation à 4 % du PIB en 2010. Elle voudrait aussi savoir quel pourcentage des aides financières que le Pakistan a reçues de donateurs internationaux a été alloué au secteur de l’éducation et quelle part de ses propres ressources l’État partie alloue aux questions touchant les enfants. Elle demande par ailleurs quelles sont les compétences et les responsabilités des cellules mises en place au niveau des provinces pour recevoir les plaintes des enfants.

40.La Présidente fait observer que l’État partie n’a pas suivi, pour établir le rapport à l’examen, les directives révisées pour l’établissement des rapports.

41.Enfin, elle souligne que, cinq ans après l’examen du deuxième rapport périodique du Pakistan, en 2003, l’État partie ne semble pas avoir beaucoup avancé dans la mise en œuvre de ses projets concernant l’enfance, et demande quand ces projets seront mis à exécution.

42.M. Citarella, relevant que certaines provinces de l’État partie jouissent d’une certaine autonomie par rapport au Gouvernement fédéral, demande si les lois nationales sont appliquées dans toutes les provinces, y compris dans les zones tribales sous administration fédérale. Il ajoute que la définition de l’enfant ne semble pas être la même dans toutes les lois et relève que les lois coutumières notamment fixent la fin de l’enfance à l’âge de la puberté. Un complément d’information sur ce sujet serait utile.

43.La Présidente demande si l’État partie envisage d’harmoniser l’âge du mariage pour les filles et les garçons, puisque, d’après le rapport, cet âge est actuellement fixé à 16 ans pour les filles et à 18 ans pour les garçons.

La séance est suspendue à 11 h 25; elle est reprise à 11 h 55.

44.M. Ullah Khan (Pakistan) dit que le Pakistan a une structure fédérale consistant en un Gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et des gouvernements de districts. Le processus d’adoption et de mise en œuvre des politiques et des lois est relativement long puisque les questions traitées doivent faire l’objet d’un consensus entre ces différentes autorités. De plus, la participation de plus en plus importante des organisations de la société civile à l’élaboration de lois et de politiques et la prise en compte de leurs préoccupations ralentissent encore le processus.

45.Le Pakistan a accompli, ces dernières années, un certain nombre d’avancées. Il a notamment ratifié, en 2006, la Convention de l’Organisation internationale du Travail no 138 sur l’âge minimum, dont il a intégré les dispositions dans son droit interne. Il a interdit les mariages d’échange. Sur les quatre provinces que compte le pays, trois se sont dotées d’une loi relative à l’enseignement primaire obligatoire. Une loi sur la lutte contre la traite d’êtres humains a été adoptée et de nombreuses lois ont été étendues aux zones tribales sous administration fédérale. Il est vrai, cependant, que de nombreux projets de loi sont toujours en attente d’être examinés par le Cabinet.

46.La Commission nationale des droits de l’enfant sera dotée de pouvoirs très étendus. En raison de la structure fédérale du pays et de la difficulté d’aboutir à un consensus en la matière avec certaines provinces, deux mécanismes distincts sont mis au point en parallèle, dont l’un consiste en une modification de la législation pénale et l’autre porte sur la Commission elle-même. Un projet de loi visant à ériger en infraction la pornographie mettant en scène des enfants ainsi que les actes cruels commis à l’égard des enfants a été élaboré, en vertu duquel les parents, tuteurs ou enseignants qui commettent des violences à l’encontre d’un enfant seront passibles de sanctions pénales. De la même manière, une loi très détaillée concernant les violences sexuelles à l’encontre des enfants a été élaborée. Elle définit précisément les fonctions de la Commission dans ce domaine. La Commission aura notamment pour mission de coordonner les activités menées au niveau des provinces, par les autorités locales et par les organisations de la société civile, de présenter des projets d’amendement aux lois en vigueur ou des projets de loi, de mener des actions de sensibilisation aux droits de l’enfant, de rassembler des données statistiques sur les questions concernant les enfants, de proposer des modifications des programmes scolaires en vue d’y introduire un enseignement relatif aux droits de l’enfant et de prendre des mesures visant à mettre en place un type d’enseignement qui prenne en considération les intérêts de l’enfant.

47.Le Gouvernement pakistanais s’efforce également de définir l’intérêt supérieur de l’enfant. Au Pakistan, le droit de la famille suit en général le droit coranique qui, tout comme la common law, accorde une importance particulière au bien-être de l’enfant. Le projet de loi relatif à la Commission nationale des droits de l’enfant donne une définition exhaustive de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui tient compte des dispositions de la Convention et de toutes les recommandations et observations finales du Comité et prévoit notamment le droit de l’enfant d’être protégé contre les violences et le délaissement, la prise en compte de l’opinion de l’enfant dans les décisions le concernant, la protection du bien-être et de la sécurité de l’enfant, la prise en considération de ses besoins physiques, affectifs et éducatifs, le droit de l’enfant d’être entendu et la promotion de relations de qualité entre l’enfant et ses parents.

48.Le nombre de mineurs incarcérés au Pakistan n’est pas très élevé. Des formations portant sur les droits de l’enfant ont été mises en place à l’intention des agents de la justice, des services pénitentiaires et de la police, et les droits de l’enfant font notamment partie de l’enseignement dispensé à l’Académie fédérale de la magistrature. Dans toutes les prisons, des secteurs ont été réservés aux mineurs, qui sont ainsi totalement séparés des adultes. Les juges de district ont pour instruction de visiter toutes les cellules une fois par mois pour détecter les éventuels cas de violences commises à l’encontre des détenus. L’Institut central de formation du personnel pénitentiaire a mis au point, avec le soutien de donateurs internationaux, 11 brochures visant à renforcer les capacités du personnel pénitentiaire et à sensibiliser aux droits de l’enfant. Cette action de sensibilisation est menée dans toutes les provinces du pays.

49.La Constitution prévoit que les enfants ont le droit de bénéficier des services d’un avocat dans toutes les procédures pénales les concernant. Les tribunaux tiennent toujours compte des circonstances atténuantes telles que l’environnement familial et les conditions d’éducation, ne recourent que très rarement à des sanctions extrêmes et respectent le droit de l’enfant d’être entendu.

50.M. Filali demande si les tribunaux ont donné une définition de l’intérêt supérieur de l’enfant qui aurait fait jurisprudence et serait applicable sur tout le territoire pakistanais. Il souhaiterait que la délégation précise la notion de «consensus» entre le pouvoir fédéral et les gouvernements provinciaux s’agissant de l’adoption des politiques et des lois. Il voudrait par ailleurs savoir si les provinces ont le pouvoir de refuser d’appliquer les politiques et lois adoptées et s’il est possible que certaines dispositions de la Convention soient appliquées dans certaines provinces et pas dans d’autres.

51.M. Kazi (Pakistan) dit que la notion de consensus ne signifie pas que les provinces aient un droit de veto. Lorsqu’un projet de loi est à l’examen, les autorités fédérales et provinciales se réunissent et débattent du sujet traité. L’âge de la responsabilité pénale, par exemple, est une question qui a été débattue et au sujet de laquelle un consensus s’est fait sur l’âge de 10 ans environ. Si une province n’est pas d’accord sur un point en particulier, la question est portée devant le Premier Ministre. En dernier ressort, c’est l’opinion du Gouvernement fédéral qui l’emporte.

52.M. Ullah Khan (Pakistan) ajoute que toutes les lois votées par le Parlement doivent être appliquées sur tout le territoire pakistanais. Les provinces sont aussi habilitées à élaborer des lois et des politiques mais, en cas de conflit entre des politiques ou des lois adoptées par le Gouvernement fédéral et celles adoptées au niveau des provinces, les lois et politiques fédérales priment. Certains domaines d’exercice de compétences simultanées, énumérés dans la Constitution − tels l’éducation, la justice et le système pénitentiaire − ne relèvent pas de l’administration fédérale et les mécanismes de mise en œuvre sont mis en place au niveau des provinces. En ce qui concerne les zones tribales sous administration fédérale, situées près de la frontière avec l’Afghanistan, leurs lois et traditions, héritées de la période de domination britannique, ne tiennent pas toujours compte des droits fondamentaux reconnus par la Constitution pakistanaise. Il est nécessaire, pour qu’une loi soit applicable dans les zones tribales, que le Gouvernement le notifie expressément. Ainsi, l’ordonnance relative à la justice pour mineurs, adoptée en 2000, a été étendue en 2004 aux zones tribales.

53.La Présidente demande comment procède le Gouvernement fédéral pour faire appliquer les lois portant notamment sur la santé et l’éducation, compte tenu du fait que ces deux domaines relèvent de la compétence des provinces.

54.M. Ullah Khan (Pakistan) dit que dans la pratique l’éducation primaire universelle ne concerne que trois provinces. Conformément à l’organisation décentralisée de l’éducation mise en place en 2003, les écoles relèvent des autorités locales jusqu’à la dixième classe. Au-delà, les établissements relèvent de l’échelon provincial, à l’exception de quelques universités gérées au niveau fédéral. C’est le Gouvernement fédéral qui définit les programmes scolaires.

55.M. Kazi (Pakistan) reconnaît que la structure fédérale de l’État pose peut-être quelques problèmes de procédure mais affirme que, dans les faits, il n’y a jamais eu de loi qui n’aurait pas été appliquée dans une province.

56.M. Ullah Khan (Pakistan) explique que la différence d’âge du consentement au mariage entre garçons et filles trouve son origine dans les coutumes locales, mais devrait être abolie sous peu tant il existe une volonté forte de porter cet âge à 18 ans pour les deux sexes, aussi bien chez les parlementaires que dans la société elle-même. Les mariages forcés étaient pratiqués dans certaines régions du pays jusqu’à récemment encore, mais ont été érigés en infraction pénale en 2006. De même, les crimes d’honneur étaient reconnus jusqu’à il y a peu, en ce sens que la provocation était considérée comme une circonstance atténuante au procès, ce qui a été supprimé.

57.La Constitution a été modifiée pour mettre un terme à la discrimination entre hommes et femmes et est désormais très progressiste. Elle consacre la quasi-totalité des droits figurant dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et fait du droit à l’égale protection devant la loi un droit inaliénable.

58.M me  Aidoo constate que, au moment de la rédaction des réponses écrites, seule une province avait donné son aval à la proposition d’amendement de la loi de 1929 sur les restrictions aux mariages d’enfants. Elle aimerait savoir si d’autres provinces en ont fait autant depuis et où en est cette proposition.

59.M. Citarella ajoute que, dans certaines régions, des filles se marient même bien avant l’âge légal actuel de 16 ans, de sorte qu’il ne suffira pas de relever l’âge légal du mariage pour mettre fin aux mariages précoces, et il demande ce que l’État partie entend faire pour que les lois actuelles ou futures ne soient plus contournées.

60.M. Ullah Khan (Pakistan) répond que le problème est culturel et que le Pakistan est un pays dans lequel les traditions sont encore fortes. Une première étape a été franchie avec la suppression du droit coutumier, qui autorisait les mariages dès la puberté. Une autre est en passe de l’être puisque la proposition d’amendement évoquée par Mme Aidoo est à l’examen au Parlement. Parallèlement, et parce que les autorités sont conscientes que changer la loi ne suffit pas pour changer les mentalités, différentes campagnes de sensibilisation et différents séminaires sur ce thème ont été organisés. On constate aujourd’hui que la police intervient lorsqu’elle a connaissance d’un cas de mariage précoce. Il y a incontestablement une évolution.

61.M. Krappman (Rapporteur pour le Pakistan) fait observer que le système éducatif n’est pas prêt pour l’éducation primaire universelle ni pour un enseignement secondaire étendu: tout manque, des bâtiments aux enseignants dûment formés en passant par les manuels scolaires et des pans entiers du système éducatif sont sous-développés, comme l’enseignement préscolaire et la formation professionnelle.

62.Les violences faites aux enfants sont une autre des priorités. Une véritable révolution des mentalités s’impose et il est à souhaiter que le projet de loi sur la protection de l’enfance dont il est question au paragraphe 41 du rapport ne se limitera pas à la répression mais comportera aussi des volets de prévention et de sensibilisation des parents.

63.Enfin, M. Krappman relève que la structure fédérale de l’État partie ne le dispense pas de ses obligations au titre de la Convention, qu’il devrait faire connaître dans les provinces et districts par de larges efforts de diffusion. Il regrette que la délégation ne comprenne pas des représentants des autorités provinciales et locales.

64.M me  Villarán de la Puente (Rapporteuse pour le Pakistan) note que les châtiments corporels sont toujours autorisés au Pakistan et demande ce qui est fait, sur le plan législatif et en termes de prévention, pour donner effet à l’interdiction énoncée dans la Convention.

65.M me  Al-Asmar demande si les madrassas sont rattachées au Ministère de l’éducation et si les programmes scolaires sont les mêmes enseignements que dans les autres établissements.

66.M. Kotrane salue la ratification des Conventions nos 182 et 138 de l’OIT. Il constate toutefois que le travail des enfants est encore une réalité bien présente, en particulier dans le secteur informel et parmi les réfugiés afghans. L’Inspection du travail se révèle un outil peu adapté à l’ampleur du problème. M. Kotrane demande par ailleurs les mesures spécifiques prises pour appliquer les Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels.

67.M me  Ortiz aimerait un complément d’informations sur la protection de remplacement. Elle se demande notamment si celle-ci est réglementée conformément à la Convention, quel soutien reçoivent les familles en difficulté, auprès de quels services, pour éviter la séparation, et si, en cas de placement en institution, le lien avec la famille est préservé et le retour au foyer dans les plus brefs délais possibles recherché et encouragé.

68.M. Puras se félicite que les projets pilotes aient été lancés pour l’intégration des enfants handicapés dans l’enseignement ordinaire mais invite l’État partie à aller plus loin et à prendre des mesures pour garantir à ces enfants l’accès à tous les services de base ainsi que pour soutenir leur famille. La délégation voudra bien indiquer quel organisme est chargé de contrôler le respect des droits des enfants handicapés placés en institution.

69.Malgré une augmentation sensible et louable des crédits budgétaires alloués à la santé, les taux de mortalité et de morbidité, maternelles et infantiles restent préoccupants, avec des disparités sociales fortes. Le nombre de cas de poliomyélite est en hausse et des précisions sur la vaccination seraient les bienvenues, de même que des commentaires sur l’absence d’évolution favorable de la situation nutritionnelle et sur les mesures prises pour promouvoir l’allaitement maternel.

70.L’adoption de textes réprimant sévèrement la consommation de stupéfiants n’a pas réussi à endiguer la tendance à la hausse de la toxicomanie. Une politique de prévention, de traitement et de réhabilitation a-t-elle été mise en place? Les toxicomanes doivent pouvoir être accueillis dans des services qui répondent à leurs besoins; ils ne devraient pas être traités comme des délinquants mais bien comme des malades.

71.M. Zermatten demande quand l’âge de la responsabilité pénale sera portée de 7 à 12 ans. Il sait que la peine de mort n’est pas applicable aux mineurs mais aimerait que lui soit confirmé que cette règle vaut même pour les affaires de terrorisme.

72.Dans les faits, les tribunaux pour mineurs et l’assistance juridique n’existent pas encore; quand cette lacune sera-t-elle comblée? Existe-t-il d’autres formes de prise en charge outre la privation de liberté et la probation? Des équipes de police de proximité ont-elles été installées pour aider une population qui bien souvent ne commet des infractions que pour survivre?

73.M. Koompraphant demande si le faible nombre de cas de sévices ou d’exploitation d’enfants recensés n’est pas imputable à l’absence de mécanismes permettant de détecter les cas avec efficacité. Il croit en outre savoir que nombre de victimes choisissent de ne pas porter plainte en raison de la façon dont elles sont traitées et du fait qu’elles peuvent même parfois encourir des sanctions. Les dépôts de plaintes doivent être encouragés. La délégation voudra bien indiquer ce qui est fait à cet égard, en précisant par ailleurs s’il existe une forme d’appui aux enfants témoins et si les services de police sont tenus de faire un signalement aux services sociaux lorsqu’ils ont connaissance de cas de violences sexuelles.

74.M. Citarella constate que la durée de la détention avant jugement est souvent excessive, que les enfants sont déférés devant les juges selon les mêmes procédures que les adultes et qu’ils sont détenus avec eux dans les prisons, où ils font l’objet de mauvais traitements, voire d’actes de torture. Une réforme profonde du système de justice s’impose donc. M. Citarella demande enfin si les enfants peuvent être condamnés à la lapidation.

La séance est levée à 13 heures.