Nations Unies

CCPR/C/SDN/Q/5/Add.1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

13 août 2018

Français

Original : arabe

Anglais, arabe, espagnol et français seulement

Comité des droits de l ’ homme

Liste de points concernant le cinquième rapport périodique du Soudan

Additif

Réponses du Soudanà la liste de points *

[Date de réception : 31 juillet 2018]

Cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte (art. 2)

1.Au paragraphe 3 de l’article 27 de la Constitution nationale de transition de 2005, il est énoncé que l’ensemble des instruments relatifs aux droits de l’homme ratifiés par le Soudan font partie intégrante de la Charte des droits. L’article 48 de la Constitution dispose quant à lui que « nul ne peut contrevenir aux droits et libertés énoncés dans la présente Charte ; la Cour constitutionnelle et les autres instances compétentes défendent, protègent et appliquent la Charte, et la Commission des droits de l’homme veille à son application dans l’État, conformément à l’article 142 de la présente Constitution ». Cela signifie que les dispositions de la Charte des droits sont appliquées directement par les tribunaux, sans qu’il soit besoin de les transposer dans des textes de loi distincts. À titre d’exemple, dans le précédent constitué par l’affaire Adel B a r ai i Ramadan c. Ministère de l ’ intérieur, l’appelant a formé un recours devant la cour administrative d’appel contre la décision du Ministre de l’intérieur de rejeter la demande d’obtention de la nationalité soudanaise, sa mère étant soudanaise. Cette nationalité lui avait été retirée lorsqu’il était devenu sud‑soudanais compte tenu de la nationalité de son père. La cour a rejeté l’appel, à la suite de quoi le demandeur a formé un recours auprès de la Cour suprême nationale. Celle-ci a fait annuler l’arrêt et fait publier une ordonnance du Ministre de l’intérieur autorisant le demandeur à prendre immédiatement la nationalité soudanaise, sur la base de la nationalité de sa mère. Dans cette affaire, la Cour suprême s’est fondée sur le paragraphe 2 de l’article 7 de la Constitution, aux termes duquel « toute personne née d’une mère soudanaise ou d’un père soudanais a le droit inaliénable de jouir de la nationalité et de la citoyenneté soudanaises ». Elle a également invoqué un arrêt prononcé par la Cour constitutionnelle dans une affaire où plusieurs requérants avaient interjeté appel dans des circonstances analogues.

2.Bien que les dispositions de la charia appliquées dans le pays ne soient essentiellement pas contraires au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, certaines pratiques en vigueur et l’interprétation faite des lois et de la jurisprudence peuvent parfois donner cette impression, ce à quoi les instances juridiques et tout particulièrement la Cour constitutionnelle, s’efforcent de remédier. On a pu le constater par exemple à l’occasion d’un débat qui a porté sur la question de savoir s’il fallait imposer la peine de mort à une personne ayant atteint l’âge de la puberté ou s’il fallait attendre que le condamné ait au moins 18 ans, comme le requièrent le paragraphe 5 de l’article 6 du Pacte et l’alinéa a) de l’article 37 (associé à l’article premier) de la Convention relative aux droits de l’enfant. La Cour constitutionnelle, devant trancher sur cette question dans le cadre de plusieurs recours portés devant elle comportant des arguments détaillés sur le fond et les causes, a annulé les sentences de mort en définissant l’enfant comme toute personne de moins de 18 ans, comme le prévoient les dispositions du Pacte et de la Convention et le législateur soudanais dans la loi sur l’enfance de 2010.

3.L’État, avec ses institutions exécutives, législatives et judiciaires, s’efforce de mieux faire connaître tous les instruments relatifs aux droits de l’homme, en particulier le Pacte. Les principes des droits de l’homme ont été intégrés dans les programmes d’études des académies militaires et de police, et des cycles de formation aux droits de l’homme continuent d’être organisés à l’intention des forces de l’ordre, en coopération avec les partenaires et les parties prenantes. Le Conseil consultatif des droits de l’homme, instance nationale chargée de la coordination entre les organes étatiques en vue de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, d’établir des rapports et d’assurer un suivi, s’emploie à diffuser la culture des droits de l’homme. Dans son plan d’action quadriennal pour 2017‑2020, il prévoit la tenue de 30 ateliers par an pour diffuser cette culture dans tous les États du Soudan. Il participe également aux célébrations pour les journées internationale et régionale des droits de l’homme et collabore avec les parties prenantes et d’autres partenaires. La Commission nationale des droits de l’homme mène également des activités dans ce domaine. En ce qui concerne le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, lors de l’Examen périodique universel à la vingt-cinquième session en mai 2016, le Soudan a pris note des recommandations l’engageant à ratifier le Protocole et accepté celles l’invitant à envisager de le ratifier. Il souligne que la peine de mort est imposée et appliquée dans un nombre limité de cas et dans le respect total de l’article 6 du Pacte.

4.L’article 142 de la Constitution nationale de transition de 2005 prévoit la création d’une commission nationale des droits de l’homme amenée à prendre des décisions en toute indépendance et composée de 15 membres reconnus pour leur indépendance, leurs compétences et leur impartialité, n’appartenant à aucun parti et ayant des profils divers. Dans la loi portant création de la commission nationale des droits de l’homme adoptée en 2009, des critères supplémentaires pour la nomination des membres ont été introduits : ils doivent être actifs dans le domaine des droits de l’homme et une femme doit assurer soit la présidence, soit la vice-présidence. La Commission a été formée en 2012 et de nouveaux membres ont été nommés en 2018. La loi définit également les compétences et les pouvoirs de la Commission, comme suit : protection, promotion et diffusion des droits de l’homme ; surveillance du respect des droits et des libertés énoncés dans la Charte des droits figurant dans la Constitution ; sensibilisation de l’opinion publique aux droits de l’homme et à la nécessité pour tous de les respecter et de les appliquer ; formulation de recommandations à l’intention du Gouvernement, à la demande de celui-ci ou de sa propre initiative, au sujet de toute question relative aux droits de l’homme ; ouverture d’enquêtes sur les plaintes adressées par des personnes ou des entités, adoption des mesures requises, prévues par les dispositions de la loi portant création de la commission ou de toute autre loi, et recommandation de solutions appropriées aux parties concernées ; communication aux autorités compétentes des violations aux droits de l’homme et demande d’y mettre un terme ; transposition des droits de l’homme dans la législation nationale et les pratiques en vigueur ; établissement de rapports annuels sur la situation des droits de l’homme dans le pays ; et instauration de liens étroits avec les organisations de défense des droits de l’homme, au Soudan et à l’étranger.

5.Après avoir reçu les ressources financières et humaines nécessaires, la Commission a pris ses fonctions de manière régulière et a obtenu le statut d’observateur auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et du Comité arabe des droits de l’homme. Elle participe aux instances internationales et régionales relatives aux droits de l’homme et présente des rapports parallèles à la suite des rapports périodiques nationaux établis conformément aux instruments relatifs aux droits de l’homme. Elle prépare actuellement le premier rapport annuel sur la situation des droits de l’homme au Soudan, qui a pris du retard pour des raisons liées à l’appui technique et au renforcement des capacités. La Commission a noué bon nombre de partenariats avec des parties prenantes et des entités en vue de renforcer son rôle et ses capacités, et a créé une base centralisée pour la réception des plaintes au niveau du Gouvernement central et des États.

6.Lancé à l’initiative du Président de la République en janvier 2014, le programme de réforme de l’État couvre tous les aspects de la vie publique et vise à permettre au pays de sortir de la période de faible croissance et de réaliser son potentiel. La réforme de la vie politique et des institutions de la justice ainsi que du maintien de l’ordre et de la sécurité s’articule autour de plusieurs axes : réforme économique, réforme de la fonction publique et développement de ses ressources humaines, réforme législative, juridique et judiciaire, amélioration des relations extérieures et réforme des médias. En avril 2015, les institutions chargées d’appliquer le programme ont annoncé les décisions approuvées par le Conseil des ministres pour chacun des axes. Ainsi, pour ce qui est de la réforme législative, juridique et judiciaire, 52 décisions et recommandations ont été formulées, concernant en particulier l’établissement d’un mécanisme de rédaction de la Constitution ; l’élaboration d’un plan pour parvenir à undéveloppement équilibré et à une stabilité politique et économique tout en assurant un contrôle et une réglementation en la matière ; et l’application des recommandations en vue de modifier la législation, telle que la loi sur la sécurité nationale de 2010, le Code de procédure pénale de 1991, le Code de procédure civile de 1983, la loi sur la Cour constitutionnelle de 2005, la loi sur l’enfance de 2010, la loi sur les élections de 2008 et la promulgation d’une loi portant création d’un ministère public indépendant du Ministère de la justice.

7.D’autres décisions et recommandations énoncées aux fins de la réforme législative, juridique et judiciaire visent à : mettre en place une juridiction d’urgence habilitée à connaître des affaires liées aux droits fondamentaux et aux libertés publiques ; promouvoir le rôle du Bureau de l’Ombudsman et à en élargir les compétences ; simplifier les procédures judiciaires et améliorer les conditions de travail du personnel judiciaire ; qualifier et former l’ensemble du personnel d’encadrement des organes judiciaires, le personnel de justice et les diplômés des facultés de droit ; affirmer l’indépendance financière et administrative de la Cour constitutionnelle ; renforcer les politiques visant à étendre l’état de droit ; assurer une justice rapide et faire connaître la législation. En outre, le programme de réforme de l’État a conduit à un processus plus large, à savoir le dialogue national dont il est question aux paragraphes 11 à 14 du rapport périodique soumis par le Soudan (CCPR/C/SDN/5).

8.Les modifications apportées à la Constitution de transition en décembre 2016 visaient à consolider la mise en œuvre des textes issus du dialogue national sans exclusive et recouvraient l’établissement du poste de Premier Ministre et la définition de ses fonctions. Elles comprenaient également des dispositions transitoires relatives au Gouvernement d’entente nationale, dont la constitution avait été préconisée dans le cadre du dialogue national, relatives notamment aux modalités de sa formation, à ses attributions et au contrôle parlementaire. Il s’agissait également de dispositions transitoires relatives à l’organe législatif national (Assemblée nationale et Conseil des États) et aux organes législatifs des États, visant à faire élargir la représentation, conformément aux textes issus du dialogue national, et de modifications consistant à rendre le ministère public indépendant du Ministère de la justice et à créer la fonction de procureur général. Loin de contrevenir aux obligations incombant au Soudan en vertu du Pacte, ces modifications viennent consolider et étayer les engagements pris par l’État.

9.En ce qui concerne le Code pénal, le Code de procédure pénale, la loi sur l’administration de la preuve et le Code de procédure civile, les amendements recommandés par les commissions de révision des lois ont été approuvés par le Conseil des ministres et font l’objet d’examens en plusieurs phases à l’Assemblée nationale. Les commissions de révision des lois ont été formées en veillant à la large représentation et à la diversité des membres, parmi lesquels figurent des avocats, des universitaires, des représentants d’organisations de la société civile, des magistrats en activité ou retraités et des conseillers juridiques du Ministère de la justice et du ministère public.

État d’urgence (art. 4)

10.Le décret du 30 décembre 2017 instaurant l’état d’urgence pour six mois dans les États du Kordofan septentrional et du Kassala a fait l’objet de consultations devant l’organe législatif national (Assemblée nationale et conseils des États) et a été approuvé le 8 janvier 2018. L’état d’urgence doit prendre fin le 30 juin 2018, puisqu’en vertu de l’alinéa b) de l’article 212 de la Constitution de transition, les mesures liées à l’état d’urgence viennent à échéance à la fin de la période approuvée par l’organe législatif national. Toutes les conditions relatives à l’état d’urgence énoncées aux articles 210 et 211 de la Constitution ont été respectées, de même que l’article 4 de la loi sur l’état d’urgence et la protection de la sécurité publique de 1997. L’état d’urgence a été proclamé dans ces deux États par mesure de précaution plutôt que de manière arbitraire, dans le prolongement de la campagne menée par l’État pour collecter les armes qui menacent la sécurité publique et la vie de la société, ainsi que pour appuyer l’action de lutte contre la traite d’êtres humains, en particulier dans l’État du Kassala qui se trouve à la frontière orientale du pays. Pour ce qui est de l’état d’urgence en vigueur au Darfour depuis le début de l’année 2015, celui qui se rend dans la région n’en ressent pas les effets puisque tout se déroule de manière habituelle, dans tous les aspects de la vie. L’option prévue par la loi de créer des tribunaux d’exception pendant l’état d’urgence n’a même pas été exercée ; le ministère public et les juridictions ordinaires sont en charge des poursuites judiciaires et des procès, et ils appliquent le Code pénal et les procédures régulières.

11.Comme on le constate à sa lecture, l’alinéa a) de l’article 211 de la Constitution de transition est conforme au paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte en ce qui concerne les articles 7, 11, 15, 16 et 18 de celui-ci :

« Pendant l’état d’urgence, en vertu d’une loi ou d’un décret exceptionnel, le Président de la République peut prendre toute mesure qui ne restreint pas, n’annule pas en partie ou ne limite pas les effets de la présente Constitution, exception faite de ce qui suit :

a)La suspension partielle de la Charte des droits qui, toutefois, ne peut s’accompagner de dérogations au droit à la vie (article 6 du Pacte), à l’interdiction de l’esclavage (article 8) et de la torture (article 7), au droit à la non-discrimination fondée sur la race, le sexe ou la religion (articles 12, 18 et 26), au droit d’ester en justice (article 16) et au droit à un procès équitable (articles 11, 15 et 16). ».

Égalité et non-discrimination (art. 2, 3, 6, 7, 17, 24 et 26)

12.En avril 2017, l’organe législatif national a approuvé les modifications à la Constitution qui ont été rédigées conformément aux textes issus du dialogue national sans exclusive. Ils concernent 13 articles, dont un (article 15) figurant dans le chapitre consacré aux principes directeurs et aux directives, huit dans la Charte des droits (articles 28 à 31 et 37 à 40) et quatre dans d’autres chapitres de la Constitution (articles 121, 129, 151 et 179 a)) :

Article 15 (mariage et bien-être de la famille) : les futurs époux doivent avoir atteint l’âge défini par la loi, le mariage doit être librement consenti et la phrase suivante a été ajoutée : « la famille gère ses affaires selon la religion de ses membres ou leurs traditions, s’ils n’ont pas de religion » ;

Article 28 (droit à la vie) : la nouvelle mouture de l’article garantit plus d’aspects liés à ce droit ;

Article 29 (droit à la liberté) :les actes qui font obstacle à la liberté personnelle y sont définis de façon plus précise ;

Article 30 (interdiction de l’esclavage et du travail forcé) : dans le cadre de la lutte contre cette pratique, l’expression « traite des esclaves » a été remplacée par « traite d’êtres humains sous toutes ses formes » et l’interdiction d’emprisonner quiconque sauf en vertu de la loi a été ajoutée au texte ;

Article 31 (égalité devant la loi) : l’introduction d’un nouveau paragraphe garantit le droit à l’égalité, sans distinction, aux fonctions électives, à un emploi dans la fonction publique, ainsi que pour ce qui est de recourir à la justice et d’intervenir dans des affaires juridiques, judiciaires ou d’ordre plus général ;

Article 37 (protection de la vie privée) : la notion de vie privée inviolable a été élargie pour reconnaître le caractère privé non seulement du domicile et de la correspondance, mais aussi des confidences entre personnes, et les formes de correspondance privée ont été énoncées (audiovisuelle et écrite) ; parmi les exceptions à ce droit, l’expression « sauf en vertu de la loi » a été remplacée par « sauf en vertu d’une décision de justice ou d’une décision du ministère public » ;

Article 38 (liberté de croyance et de culte) : l’expression « dans le respect des conditions imposées par la loi et par l’ordre public » a été remplacée par « dans le respect des dispositions de la loi », pour ce qui est des restrictions applicables à ce droit ;

Article 39 (liberté d’expression et d’information) : le premier paragraphe a été reformulé afin de préciser davantage le champ d’application de ce droit et les garanties y afférentes, et les conditions d’application de la loi délimitant ce droit ont été définies ;

Article 40 (liberté de réunion et d’association) : aux termes de l’article révisé, la formation de partis politiques, de syndicats et d’associations doit se faire dans la transparence et l’impartialité, l’adhésion doit être ouverte à tous sans distinction et les membres de la direction et des institutions doivent être élus de manière démocratique ;

Articles 121 et 129 : des modifications d’ordre purement administratif ont été apportées, selon lesquelles les juges de la Cour constitutionnelle doivent être nommés en tenant compte de la sécession du Soudan du Sud, et la Commission nationale des services judiciaires est remplacée par le Conseil supérieur de la magistrature ;

Article 151 (Service national du renseignement et de la sécurité) : le paragraphe supprimé lors de la révision constitutionnelle de 2015 selon lequel « le Service national du renseignement et de la sécurité est un organe professionnel chargé de recueillir des renseignements, de les analyser, de les classer et de les soumettre aux autorités compétentes » a été rétabli dans la modification de 2017, de même que le paragraphe établissant l’égalité de représentation de tous les Soudanais dans cet organe ; il faut également noter l’ajout d’une disposition prévoyant que le Service soumet à l’Assemblée nationale des rapports et des comptes rendus d’écoute.

13.Tous les motifs de discrimination expressément interdits par le Pacte sont énoncés dans la Constitution. Outre les modifications de l’article 31 mentionnées au paragraphe 12 ci-avant, le paragraphe 1 de l’article 7 de la Constitution dispose que la citoyenneté est le fondement de l’égalité en droits et en devoirs de tous les Soudanais. Le paragraphe 2 de l’article 31 commence par « toutes les personnes sont égales en droits » et se termine par « sans distinction entre elles ». Les organes et dispositifs en place s’emploient efficacement et en toute indépendance à traiter les plaintes − assez rares dans les faits − relatives à la discrimination sous toutes ses formes. On peut citer notamment parmi ces organes et dispositifs : les différents types de juridictions (civiles, pénales et administratives), ainsi que la Cour constitutionnelle, la Commission nationale des droits de l’homme, le Bureau général des plaintes (Bureau de l’Ombudsman), le Tribunal de la fonction publique, le Conseil national pour les personnes handicapées, le Conseil national pour l’enfance et le Service de lutte contre la violence à l’égard des femmes.

14.Les archives des tribunaux et du ministère public ne font état d’aucune plainte déposée ni d’aucune condamnation prononcée en vertu de l’article 148 du Code pénal relatif à la sodomie au cours de la période considérée et jusqu’au moment de l’établissement du présent rapport. Cette pratique n’est pas clairement énoncée dans le Pacte comme l’un des droits fondamentaux à protéger et à promouvoir. Selon la Déclaration et le Programme d’action de Vienne, il convient de respecter les particularismes nationaux et régionaux et la diversité historique, culturelle et religieuse, ce qu’a réaffirmé le Conseil des droits de l’homme dans sa résolution du 9 octobre 2012, à sa vingt et unième session. La Constitution et la législation nationale interdisent toute atteinte à la vie privée et, pour ce qui est des infractions relatives à la moralité et aux mœurs publiques, la justice n’intervient que si les faits incriminés sont commis en public ou si une plainte est déposée par une victime ou par toute autre personne à qui les faits ont porté préjudice.

Égalité des sexes, violence à l’égard des femmes et pratiques traditionnelles préjudiciables (art. 2, 3, 6, 7, 17, 23, 24, 25 et 26)

15.Le Code sur le statut personnel des musulmans de 1991, dont les dispositions découlent de la charia, s’applique aux musulmans et garantit aux femmes un ensemble de droits fondamentaux. En ce qui concerne le mariage, l’article 12 du Code dispose que le consentement fait partie des éléments constitutifs du mariage, l’article 13 définit le consentement des époux comme l’une des conditions de validité du mariage et l’article 14 établit les conditions de validité du consentement. Le Code prévoit également les modalités d’exercice du droit au divorce : la femme peut demander le divorce en cas de défaut, de maladie ou d’impuissance de l’époux, de préjudice, de défaut de pourvoir à la subsistance de la femme ou d’abandon du foyer par l’époux. Les conjoints peuvent également s’accorder pour mettre un terme au contrat de mariage selon les modalités de divorce énoncées à l’article 143 du Code. Quant à l’héritage, la loi permet à la femme d’hériter du patrimoine de son époux tant qu’elle est dans les liens du mariage ou en viduité (idda).

16.La polygamie est une question de statut personnel régie par la charia, qui établit notamment comme conditions l’équité et la capacité de pourvoir aux besoins de plusieurs épouses. La première épouse a le droit de demander le divorce si elle pâtit du deuxième mariage. Aucune disposition du Pacte n’interdit par ailleurs cette pratique. Le Code sur le statut personnel donne à la femme le droit d’avoir la garde de l’enfant et de protéger son intérêt supérieur, et prévoit des avantages dont elle peut bénéficier aux termes des articles 72 (pension alimentaire) et 80 (pension pour allaitement). Signalons que des modifications de la législation sont en cours : un comité présidé par la Ministre de la protection et de la sécurité sociales a été constitué et chargé d’examiner le statut accordé aux femmes dans les lois nationales. Il a passé en revue 26 textes, en particulier le Code sur le statut personnel, et a recensé les lacunes en formulant des observations et des recommandations, dont celle de réviser les articles relatifs à la garde de l’enfant.

17.En ce qui concerne l’article 40 du Code sur le statut personnel de 1991, le comité mentionné au paragraphe 16 a recommandé qu’il soit modifié de façon à être conforme à la Constitution de transition et aux obligations du Soudan au titre des instruments internationaux qu’il a ratifiés. Nombre d’activités ont été entreprises en vue de procéder à des consultations sur la nécessité de modifier cet article, parmi d’autres articles du Code. La dernière en date était un atelier consacré à l’interprétation du Code sur le statut personnel de 1991, organisé par l’Assemblée nationale, la Commission de la législation, de la justice et des droits de l’homme et la Commission des affaires sociales, en collaboration avec le Ministère de la protection et de la sécurité sociales et le Fonds des Nations Unies pour la population. Les participants à l’atelier ont évoqué les possibilités de réforme des textes de loi relatifs aux femmes, d’initiatives de planification familiale et de la détermination de l’âge minimum du mariage, entre autres, et sont parvenus à formuler plusieurs recommandations, dont celles d’établir à 18 ans l’âge minimum du mariage pour les femmes et de modifier les dispositions du Code sur le statut personnel ayant trait à diverses questions, comme le divorce, la pension alimentaire ou encore la liberté de circulation. L’article 40 du Code ne dispose pas qu’une enfant peut être mariée devant un tribunal « si le mariage est justifié », comme l’indique l’alinéa b) du paragraphe 7 de la liste de points, mais qu’il doit y avoir un « intérêt prépondérant » au mariage et que l’intérêt de l’enfant doit être pris en compte. La norme est de n’autoriser le mariage d’une enfant que si le tribunal détermine qu’une urgence le justifie.

18.Les juridictions soudanaises ont fait annuler bon nombre de mariages de jeunes filles. Tout récemment, le 22 juillet 2018, le tribunal du statut personnel de la région de Chajara, au sud de Khartoum, a invalidé le mariage de Rahma, une mineure, avec un quadragénaire. Il a fait mener une enquête auprès du notaire religieux qui avait commencé à rédiger l’acte de mariage, a interdit au prétendant d’aborder la jeune fille et a ordonné au père de s’engager par écrit à prendre soin d’elle.

19.Dans le cadre de l’Examen périodique universel de mai 2016, le Soudan a pris note des recommandations l’engageant à adhérer à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et accepté celles l’invitant à « envisager » d’y adhérer. Un plan a été élaboré pour examiner la possibilité de ratifier la Convention, des études techniques ont été réalisées et des ateliers réunissant des représentants d’entités compétentes et d’organisations de la société civile se sont tenus pour que les différentes composantes de la société se consultent et défendent leurs vues. Ces activités sont en cours.

20.En ce qui concerne les mutilations génitales féminines, le Conseil des ministres a approuvé en octobre 2016 la proposition de modification du Code pénal visant à ajouter un article incriminant et réprimant cette pratique. La proposition a ensuite été soumise à l’Assemblée nationale, qui l’a validée durant la phase de lecture article par article, sachant que sept des États du Soudan ont déjà adopté des textes législatifs interdisant cette pratique et prévoyant des sanctions. Le Gouvernement exécute aux niveaux fédéral et national la stratégie nationale pour l’interdiction des mutilations génitales féminines 2008-2018, qui s’articule sur les axes de la santé, de l’éducation, des médias, du droit, de la religion, de l’information et de la société, en collaboration avec les institutions publiques, les États, les partenaires officiels (organisations de la société civile et groupes sociaux) et les organes législatifs. Sur le plan religieux, le Conseil de la Fatwa en a publié une interdisant l’infibulation, qui est la forme d’excision la plus extrême.

21.Pour ce qui est des allégations concernant le viol d’une jeune fille de 16 ans et d’une femme par des membres d’une milice alliée du Gouvernement dans la région de Nertiti (État du Darfour central), les autorités compétentes (le Tribunal spécial pour le Darfour, le ministère public et la police) ont enquêté sur place et n’ont été informées d’aucun fait de ce type. Quant aux allégations concernant le viol de plus de 200 femmes dans le village de Tabet (État du Darfour septentrional) en octobre 2014, il a été établi de manière incontestable qu’il s’agissait de simples mensonges. Trois équipes d’enquête dépêchées par le Gouvernement sont parvenues à cette conclusion, de même que la Commission nationale des droits de l’homme. Dans une déclaration du 10 novembre 2014, l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) a annoncé que l’équipe d’enquête qu’elle avait envoyée sur les lieux et qui avait recueilli les témoignages de notables, d’étudiants et de femmes pendant de longues heures, n’a obtenu aucun élément de preuve indiquant que des viols collectifs avaient été commis dans cette localité. Le Conseil de sécurité de l’ONU a été informé de la question.

22.Les modifications apportées en 2015 au Code pénal comprennent une nouvelle conception du viol, qui peut désormais désigner un acte criminel commis par un homme contre son épouse ; toutefois, l’expression « viol conjugal » n’est pas employée de manière explicite. En outre, la confusion entre adultère et viol a été supprimée. La non-dénonciation des viols par crainte du déshonneur est une réalité observée seulement parmi une infime partie de la population. L’État accomplit des efforts considérables pour sensibiliser ces populations et un changement de mentalité est déjà perceptible. Par ailleurs, il est faux de dire que les personnes affirmant avoir été victimes de viol sont accusées d’adultère, même lorsque les faits ne sont pas prouvés. En ce qui concerne la violence familiale, l’État a créé des tribunaux, un parquet et des unités de police spécialisées. D’après le rapport sur les affaires pénales de 2015, 584 plaintes pour viol ont été enregistrées dans tout le pays cette année-là, soit 6,4 % de moins que l’année précédente, et les États les plus touchés étaient ceux du Kordofan septentrional (15,4 %) et de Khartoum (14,3 %).

23.Une aide médicale est apportée aux victimes de violence et un protocole d’assistance a été adopté, prévoyant des procédures médicales et juridiques ainsi que l’octroi d’une assistance juridique à la demande des victimes. L’État a entrepris de mettre en place des centres spécialisés, en commençant par fonder dans la ville d’El-Fasher (État du Darfour septentrional) un centre intégré de soins destiné aux femmes, qui propose un éventail complémentaire de services médicaux, psychologiques et juridiques. Depuis 2009, des spécialistes mènent des recherches en vue de comprendre les causes réelles de la violence familiale ; la dernière étude, publiée en 2018, vise à faciliter l’accès des femmes à la justice dans les États du Darfour.

Interruption volontaire de grossesse et droits liés à la procréation (art. 2, 3, 6, 7, 17 et 26)

24.À ce jour, il n’est pas envisagé de modifier la législation relative à l’interruption volontaire de grossesse, et aucune plainte à ce sujet n’a été soulevée par des militants ou des organisations de la société civile. Les deux situations dans lesquelles l’interruption de grossesse par avortement est autorisée, à savoir lorsque l’embryon représente une menace pour la santé de la mère et lorsque la grossesse résulte d’un viol, sont suffisantes pour rendre la justice et agir en bonne conscience.

Droit à la vie et interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 6 et 7)

25.Depuis qu’il a proclamé unilatéralement le cessez-le-feu dans les zones de conflit, le Gouvernement le proroge tous les six mois (dernièrement le 10 juillet 2018) et continuera de le faire jusqu’à ce que les parties s’accordent sur une cessation définitive des hostilités et une paix globale. Les allégations selon lesquelles les forces gouvernementales soudanaises auraient utilisé des fumées toxiques au cours d’attaques menées dans le Jebel Marra de janvier à septembre 2016 sont mensongères, comme l’ont constaté la MINUAD et les représentants des ambassades de certains pays occidentaux à Khartoum qui ont été autorisées à envoyer du personnel sur place. En ce qui concerne les mesures prises pour veiller à ce que les forces armées gouvernementales ne commettent pas de violations des droits de l’homme, il faut savoir que ces corps sont soumis à la loi sur les forces armées, qui comprend un chapitre entier consacré aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité, en plus du Code pénal. En outre, les forces armées ont signé avec la délégation du Comité international de la Croix-Rouge une série de mémorandums d’accord, dont le dernier vient à expiration en décembre 2018 et pourra être renouvelé pour trois ans, qui ont permis d’accomplir ce qui suit :

Établissement de programmes de formation au droit des conflits armés ;

Intégration des règles du droit des conflits armés dans les programmes de formation des établissements d’enseignement et dans les articles 150 et 160 de la loi sur les forces armées de 2007 ;

Formation de plus de 3 000 officiers et membres des forces armées aux dispositions du droit des conflits armés ;

Formation de militaires au droit des conflits armés à l’Institut international de droit humanitaire, à San Remo ;

Élaboration de règles d’engagement et de comportement conformes aux normes internationales, que tous les commandants et les soldats sont tenus de respecter pendant les opérations ;

Prise en compte des règles du droit des conflits armés dans les ordres d’engager les hostilités ;

Utilisation de méthodes et de dispositifs pour promouvoir la protection des personnes comme règle à appliquer au cours des opérations.

26.En ce qui concerne le meurtre de l’étudiant Mohamed el-Sadig, les faits sont les suivants : le 27 avril 2016, des échauffourées ont éclaté à l’université nationale d’Omdurman, lorsque des étudiants de l’Association des monts Nouba ont commencé à attaquer des étudiants du Congrès national à l’aide de machettes et de couteaux, leur causant des blessures et fractures. Les affrontements se sont intensifiés et c’est alors que Mohamed el-Sadig a été blessé, avant de décéder à l’hôpital d’Omdurman où il avait été transporté. La police est intervenue et a dispersé les étudiants, puis a fait évacuer l’université. Une plainte a été déposée le jour même sous le numéro 687 au poste d’Omdurman-Sud, en vertu de l’article 130 du Code pénal de 1991. Plusieurs étudiants suspects ont été arrêtés et sont interrogés dans le cadre de l’enquête sur cette affaire.

27.Il n’est pas prévu d’abolir totalement la peine de mort, mais la pratique du système judiciaire soudanais est de réserver cette sentence aux crimes les plus graves et de garantir pleinement le droit à un procès équitable et à des procédures justes. Les données relatives aux condamnations à mort prononcées en 2016 et 2017, y compris ventilées par sexe, par âge et par nationalité, sont présentées dans les tableaux ci-après.

Sentence

2016

2017

Condamnations à l ’ examen (pour confirmation ou révision en appel ou en cassation)

84

179

Peines de mort commuées

23

21

Amnisties accordées à des condamnés à mort

56

22

Verdict de non-culpabilité

3

6

Peines de mort exécutées

62

9

Décisions annulées et affaires renvoyées pour nouveau jugement devant les juridictions inférieures

24

26

Morts naturelles de condamnés en prison

3

2

Total

255

265

Ventilation par sexe

Hommes

Femmes

2016

251

4

2017

2 59

6

Ventilation par âge

18-24 ans

25-34 ans

35-44 ans

Plus de 44 ans

2016

112

105

43

25

2017

102

98

41

24

28.Neuf étrangers ont été condamnés à mort en 2016 et 16 en 2017.

29.Le projet d’amendement du Code pénal soumis à l’examen de l’Assemblée nationale comprend une définition exhaustive du crime de torture et prévoit des peines plus lourdes que celles actuellement en vigueur, qui tiennent compte de la gravité du crime. Dans le cadre du deuxième cycle de l’Examen périodique universel, le Soudan s’est engagé à adhérer à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les études relatives à la Convention, qui sont en passe d’être achevées, ouvriront la voie aux procédures d’adhésion.

Recours excessif à la force (art. 6, 7, 9, 19, 21 et 22)

30.Les faits déplorables survenus en septembre 2013 étaient au départ des manifestations classiques qui ont dégénéré en émeutes. Des actes graves de vandalisme et de violence ont été commis et des centaines d’installations et de biens publics et privés incendiés. Les noms, l’âge, l’adresse et le lieu du décès des 84 victimes ont été dûment consignés. Une autopsie a été pratiquée pour déterminer les causes de la mort et des poursuites judiciaires ont été engagées le cas échéant. La procédure pénale a suivi son cours et abouti à l’arrestation de plusieurs suspects, y compris des agents de police. Une fois la procédure d’enquête achevée, des affaires ont été renvoyées devant un tribunal. Par la suite, la plupart des proches parents des victimes ont accepté des réparations pécuniaires et de régler ainsi l’affaire. Un comité a été créé à cet effet et les familles de 71 des victimes ont perçu des réparations. Les autres ont préféré poursuivre une action en justice.

Liberté et sécurité de la personne et droit des personnes privées de liberté d’être traitées avec humanité (art. 7, 9, 10, 12, 14, 19, 21 et 22)

31.L’arrestation est opérée lorsqu’une personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale. S’appliquent alors les dispositions pertinentes du Code de procédure pénale de 1991 ou, si la personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis un acte portant atteinte à la sûreté de l’État, celles de la loi sur la sécurité nationale de 2010. Dans ce cas, les droits de la personne arrêtée sont garantis par l’article 51 de la loi sur la sécurité nationale : la personne en état d’arrestation est informée du motif de cette mesure ; elle a le droit d’informer sa famille, de prendre contact avec un conseil ; elle est traitée d’une manière qui préserve sa dignité en tant qu’être humain et ne fait l’objet d’aucune atteinte à son intégrité physique ou morale. En vertu de cet article, le Procureur général compétent est tenu de soumettre à une inspection continue les lieux de détention pour vérifier le respect des règles de détention. En application de l’alinéa c) de l’article 16 de la loi sur la Cour constitutionnelle de 2005, celle-ci peut donner à toute partie l’ordre de faire comparaître le détenu ou la personne arrêtée devant la Cour en vue de déterminer si l’arrestation ou la détention est conforme à la Constitution.

32.Le tableau ci-après présente les données concernant les capacités d’accueil des lieux de détention soudanais.

Unité pénitentiaire

Capacité d ’ accueil

Nombre de détenus

1

Prison nationale de Khartoum-Nord

500

1  005

2

Prison nationale de Chala (Darfour septentrional)

650

900

3

Prison nationale de Port Soudan

500

825

4

Prison nationale de Saouaken (Soudan oriental)

550

132

5

Prisons et centres de réadaptation de l ’ État de Khartoum

2 500

3  315

6

Prisons et centres de réadaptation de Gazira

950

1  415

7

Prisons et centres de réadaptation du Nil-Blanc

450

1  203

8

Prisons et centres de réadaptation du Nil-Bleu

150

338

9

Prisons et centres de réadaptation du Kassala

600

882

10

Prisons et centres de réadaptation du Sennar

435

837

11

Prisons et centres de réadaptation de Gedaref

500

716

12

Prisons et centres de réadaptation de la Mer-Rouge

350

239

13

Prisons et centres de réadaptation du Nord

350

252

14

Prisons et centres de réadaptation de l ’ État du Nil

270

755

15

Prisons et centres de réadaptation du Kordofan septentrional

1 325

1  556

16

Prisons et centres de réadaptation du Kordofan méridional

850

544

17

Prisons et centres de réadaptation du Kordofan occidental

750

796

18

Prisons et centres de réadaptation du Darfour septentrional

820

346

19

Prisons et centres de réadaptation du Darfour occidental

250

379

20

Prisons et centres de réadaptation du Darfour méridional

450

1  137

21

Prisons et centres de réadaptation du Darfour central

250

243

22

Prisons et centres de réadaptation du Darfour oriental

150

430

23

Centre de réadaptation El-Houda à Omdurman

9  500

5  663

33.S’agissant des mesures prises pour remédier à la surpopulation et améliorer les conditions carcérales, la plus importante est la politique d’État visant à établir plusieurs nouveaux centres de réadaptation, dont la construction sera bientôt achevée, de manière à mettre en œuvre le programme pénitentiaire, à régler le problème de la surpopulation carcérale et à garantir l’exercice des droits de l’homme conformément aux traités internationaux relatifs aux personnes privées de liberté et au respect de la dignité humaine. C’est le cas de la prison d’El-Houda à Omdurman, qui applique les méthodes pénitentiaires et de réadaptation les plus modernes, œuvre à la réinsertion des détenus et veille à garantir la dignité humaine et le respect des droits de ces personnes en vue de leur réinsertion sociale. Comme il apparaît dans le tableau ci-avant, la densité carcérale au centre El-Houda est de 59 %. Les travaux de construction de quatre autres centres ont commencé dans l’État du Nil-Blanc (sud du pays) ; à Gedaref (partie est) ; dans la banlieue de Soba à Khartoum ; et au Darfour méridional (ouest du pays).

Administration de la justice et immunité des agents publics (art. 2, 6, 7, 14 et 26)

34.Il est exclusivement question de l’immunité pénale dans les textes de loi mentionnés au paragraphe 21 de la liste de points. Cette immunité a trait aux actes qui ont pu être commis par des agents publics dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, comme indiqué dans le rapport soumis par l’État. Les procédures régissant la levée de l’immunité des membres du Service national du renseignement et de la sécurité soupçonnés d’avoir commis un crime sont faciles et simples. Un amendement a récemment été apporté à la loi sur la police de 2008 et il revient maintenant au Directeur général de la police et non plus au Ministre de l’intérieur de lever l’immunité afin de faciliter la procédure. En 2017, sur un total de 45 demandes de levée d’immunité d’agents de police présentées, 35 ont été acceptées. Quant aux forces armées, les 27 demandes soumises en 2015 ont été acceptées ; il a été donné satisfaction à 61 des 66 présentées en 2016, la juridiction propre au Service s’est saisie des cinq autres cas ; les 39 demandes soumises en 2017 ont été acceptées, 5 affaires ont été réglées par l’intermédiaire du Service ; de janvier à juillet 2018, sur 32 demandes présentées, 13 ont été acceptées, 6 refusées et 13 sont en cours d’examen. Dans le graphique ci-après figurent les demandes de levée d’immunité présentées de 2014 à 2018.

35.S’agissant de l’immunité du chef de l’État contre les poursuites, il existe également une procédure précise. En vertu de l’article 20 de la loi de 2001 relative aux privilèges et à l’immunité des titulaires de fonctions prévues par la Constitution, le chef de l’État ne peut pas faire l’objet d’une arrestation, d’une perquisition ou de toute autre procédure pénale sans l’accord préalable de la moitié des membres de l’Assemblée nationale.

Traitement des étrangers, réfugiés, demandeurs d’asile et migrants, et déplacements de population (art. 2, 6, 7, 9, 13 et 26)

36.La loi établissant le régime d’asile de 2014, qui a abrogé la loi relative à l’asile de 1974, représente un nouveau cadre juridique complet et souple en la matière. Celui-ci s’appuie sur la Convention et le Protocole relatifs au statut des réfugiés, respectivement adoptés à Genève en juillet 1951 et à New York en janvier 1967, ainsi que sur la Convention de l’Organisation de l’unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, adoptée en 1969. L’article 28 de la loi de 2014 dispose : « Le demandeur d’asile ne peut être contraint, avant qu’une décision ait été prise concernant des procédures telles qu’un refoulement ou une reconduite à la frontière, de retourner ou de demeurer dans un lieu où sa vie, son intégrité physique ou sa liberté sont menacées. ». Concernant la cessation du statut de réfugié, ce statut prend fin dans les cas prévus à l’article 6 de la loi de 2014. Aucun réfugié n’a fait l’objet d’une mesure d’expulsion ou de refoulement du Soudan durant la période considérée dans la liste de points. Contrairement à ce qui est indiqué dans la liste, aucun mineur n’a été expulsé. D’ordinaire, sont reconduits à la frontière les immigrants illégaux qui ont violé les dispositions de l’article 33 de la loi relative aux passeports et à l’immigration de 1994.

37.De janvier à juin 2018, 118 personnes entrées illégalement au Soudan ont été expulsées : 62 Éthiopiens, 29 Somaliens, 2 Érythréens et 25 ressortissants d’autres pays. Une mesure d’expulsion risque d’être prise à l’encontre de 13 autres personnes (1 Éthiopien, 4 Érythréens, 3 Bangladais, 1 Syrien, 1 Palestinien, 1 Somalien et 1 Libyen). De plus, 56 personnes (54 Érythréens, 1 Palestinien et 1 Sud-Soudanais) ont déposé un recours contre une décision d’expulsion et 481 (16 Somaliens, 104 Éthiopiens et 361 Érythréens) ont été arrêtées pour être entrées illégalement au Soudan et font l’objet de poursuites en application de la loi relative aux passeports et à l’immigration.

38.En ce qui concerne les faits survenus dans le camp de Kalma, dans l’État du Darfour méridional, des membres de mouvements armés en tenue civile et munis d’armes à feu ont tenté d’empêcher des déplacés se trouvant dans le camp de se rendre dans la zone réservée à l’accueil du Président de la République et de la délégation qui l’accompagnait lors d’une rencontre qui avait été annoncée. Les personnes déplacées n’ont pas cédé devant les menaces proférées par les membres de mouvements armés, qui ont tiré des coups de feu, faisant cinq morts. Les dépouilles des victimes ont été remises à leurs proches après signature du compte rendu d’enquête. Il convient de signaler que le camp de Kalma est placé sous la supervision directe de la composante de police de la MINUAD, également chargée d’assurer la sécurité du camp.

39.D’après les indicateurs relatifs aux conditions de vie adoptés à l’échelon international, la situation humanitaire s’est stabilisée dans les zones de conflit dans le pays, y compris au Darfour. Ceux relatifs à la santé et à la sécurité alimentaire sont normaux : aucune épidémie n’a été signalée dans les camps de déplacés et l’acheminement de l’aide humanitaire et l’accès à cette aide sont assurés à hauteur de 95 à 98 %. Le simple examen des outils de coordination de l’aide humanitaire que l’État a créés à cette fin montre toute l’attention portée à cette question et les efforts faits en ce sens. Les mécanismes de coordination ci-après en sont des exemples très importants : le haut comité de l’aide humanitaire présidé par le Vice-Président de la République, le mécanisme national conjoint de suivi des activités des Nations Unies et des partenariats, le comité conjoint de coordination réunissant le Gouvernement, l’ONU et les organisations faisant appel à des bénévoles et le comité conjoint de suivi des directives et procédures relatives à l’action humanitaire.

Traite d’êtres humains (art. 8)

40. Le trafic illicite et la traite d’êtres humains à travers la frontière orientale du pays se poursuivent avec une ampleur plus ou moins grande selon le moment. L’État met tout en œuvre, dans la limite des ressources disponibles, pour inverser cette tendance et prendre des mesures afin de protéger les victimes tandis que la communauté internationale n’accorde pas suffisamment d’attention à la fourniture d’une aide au Soudan pour l’aider sur ce plan.

Liberté d’expression et de réunion pacifique et liberté d’association (art. 19, 21, 22 et 25)

41.La saisie de plusieurs quotidiens s’explique par le fait que ces journaux n’ont pas respecté les devoirs et responsabilités énoncés aux sous-alinéas a) et b) de l’alinéa 3) de l’article 19 du Pacte. La loi a donc été appliquée et les mesures prises. Les autorités compétentes se sont contentées d’imposer les restrictions prévues par la loi, telles qu’énoncées dans cet article. À cet égard, par sa dernière décision en date (no D/S D/272/2015), la Cour constitutionnelle a établi que la mise sous séquestre du journal Al ‑ Tayar n’était pas conforme à la Constitution et a annulé cette décision du Service national du renseignement et de la sécurité. Par ailleurs, l’organe législatif est saisi d’un nouveau projet de loi sur le journalisme dans le cadre de la réforme juridique en cours. En ce qui concerne des listes noires en matière de voyage, l’interdiction de voyager ne peut être prononcée que sur ordre d’une juridiction ou du procureur général compétents au motif que des poursuites judiciaires sont engagées contre la personne visée. L’interdiction administrative de voyager est prononcée pour des raisons liées à la migration illégale. Les émeutes sont de plus en plus condamnées en raison de l’absence de sanctions adaptées pour assurer la sécurité des citoyens et de leurs biens à cause des actes de violence et de destruction commis.

42.Les réunions des partis politiques, les conditions de création et d’enregistrement d’un parti et l’ensemble des questions de procédure relatives aux partis sont régies par la loi sur les partis politiques de 2007. Tout parti qui ne respecte pas les dispositions de cette loi encourt les mesures prévues par ce texte. Le 18 janvier 2018, le Parti républicain a commémoré le trente-troisième anniversaire de l’exécution de son fondateur, Mahmoud Mohamed Taha, dans le secteur no 1 de la ville d’Omdurman, à Thaoura, au domicile de sa veuve. Les forces de sécurité ne sont pas intervenues.

Liberté de conscience et de religion (art. 18)

43.En ce qui concerne la démolition d’églises et d’autres lieux de culte, en mai 2017, conformément à la loi sur l’aménagement du territoire et au contrôle des terres de 1994 et à la stratégie de développement urbain et de planification, les autorités d’Aradi, dans l’État de Khartoum, ont démantelé des structures, érigées en violation de la loi et de la réglementation en vigueur, dans le secteur de Souba el-Aradi, au sud de Khartoum. Ce processus a eu des effets sur un certain nombre de commerces, logements, écoles et lieux de culte, y compris 16 mosquées et autres lieux de prière. Aucune arrestation ou poursuite n’a été motivée par le fait qu’une personne était chrétienne ou s’était convertie à une autre religion. S’agissant du ressortissant tchèque et des autres personnes dans la même situation que lui, une juridiction compétente les a jugés et condamnés pour des infractions pénales précises, dont aucune n’avait trait à leur religion. Les procès, qui ont rempli toutes les garanties d’une procédure régulière, se sont déroulés en audience publique. Par la suite, le Président de la République a gracié ces personnes.

44.La liberté de religion et de culte est consacrée par la Constitution, dans la Charte des droits, qui a été modifiée et élargie en 2017, dans le cadre de la révision de la Constitution. Le Code pénal n’érige pas en infraction le fait de se convertir de l’islam à une autre religion mais il interdit le prosélytisme en ce sens fait en violation de la loi. Seules quatre affaires comportaient des accusations d’apostasie et aucune n’a abouti à un jugement définitif, toutes les poursuites pénales ayant été abandonnées. Risque de tomber sous le coup de la loi le fait de porter des tenues vestimentaires choquantes et faisant outrage public à la pudeur, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, et non des tenues non conformes aux « codes vestimentaires islamiques », comme l’ont affirmé les auteurs de la liste de points au paragraphe 28.