Nations Unies

CAT/OP/MLI/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

20 mars 2014

Original: français

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Rapport sur la visite au Mali du Sous-Comité pour la Prévention de la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants***

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction1–33

II.Rapports, facilitation de la visite et coopération4–123

A.Obligation de présenter des rapports sur la mise en œuvre de la Convention4-53

B. Facilitation de la visite et coopération6–123

III.Mécanisme National de Prévention13–154

IV.Principaux défis et recommandations16–975

A.Garanties fondamentales16–345

B. Accès aux soins35–389

C. Postes de gendarmerie et de police39–4210

D. Prisons 43–6511

E. Centre pénitencier agricole 66-6715

F.Service psychiatrique 68-6915

G. Personnel70–7416

H.Registres75–7917

I.Torture et mauvais traitements 80–8817

J. Impunité89-9019

K.Système de plainte et visite et inspection des lieux de détention91–9419

L.Représailles95–9720

V.Conclusions98-9920

Annexe21

I.Introduction

1.Le Sous-comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après “SPT”) a effectué sa première visite régulière au Mali du 5 au 14 décembre 2011, en vertu des dispositions du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après “Protocole facultatif”). Lors de cette visite, le SPT a rencontré les autorités maliennes, la Commission nationale des droits de l’homme et des représentants de la société civile, et a conduit des visites de lieux de privation de liberté dans le District de Bamako et dans les régions de Kayes, Koulikouro, Sikasso et Ségou.

2.La visite, limitée en durée et en portée, n’a pu couvrir tous les lieux de privation de liberté au Mali, entre autres en raison de la dégradation des conditions de sécurité dans certaines régions. Elle a néanmoins permis au SPT d’avoir une représentation de la réalité existante dans le pays, ce qui permet au SPT d’affirmer que la situation des personnes privées de liberté est extrêmement préoccupante.

3.Les observations préliminaires et confidentielles ont été présentées oralement à l'issue de la visite (le 14 décembre) et remises par écrit à l’Etat partie le 27 janvier 2012. Le présent rapport est le rapport final et confidentiel de la visite du SPT au Mali.

II.Rapports, facilitation de la visite et coopération

A.Obligation de présenter des rapports sur la mise en œuvre de la Convention

4.Le SPT note que le Mali n’a pas encore soumis son rapport initial au titre de l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après “Convention”), qui aurait dû être présenté en 2000, ni les rapports périodiques suivants. Ceci non seulement représente un manquement sérieux aux obligations conventionnelles du Mali, mais rend difficile la coopération des organes de surveillance de la mise en œuvre de la Convention avec les autorités nationales, y compris le SPT. Cela n’a également pas facilité la visite, car le SPT n’a pas pu bénéficier des informations sur la mise en œuvre de la Convention que le Mali aurait dû soumettre régulièrement au Comité contre la torture.

5. Le SPT recommande à l’État partie de présenter ses rapports au Comité contre la torture dans les meilleurs délais, conformément aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention , en particulier l’ article 19, paragraphe 1 .

B.Facilitation de la visite et coopération

6.Certaines informations et documents ont été fournis au SPT préalablement à la visite, ce qui lui a permis une préparation minimale de sa mission. Néanmoins, la plupart des informations et documents sollicités, soit avant la visite, soit lors des différentes réunions au cours de la visite elle-même, notamment lors des consultations tenues avec le Gouvernement et les représentants du système judicaire le 5 décembre 2011, n’ont été fournis que bien après la visite, le 15 janvier 2012. Ces informations étaient assez lacunaires et incomplètes. Ceci n’a pas permis au SPT de prendre connaissance d’éléments importants afin de pouvoir conduire sa visite de manière totalement adéquate.

7.Bon nombre de réponses ont été incomplètes ou insuffisantes en raison du manque de données statistiques disponibles, selon les indications fournies par l’Etat partie. Le SPT déplore notamment l’absence d’information sur les cas de plaintes, enquêtes, poursuites et condamnations pour actes de torture ou mauvais traitements ainsi que sur les cas de violences entre détenus.

8.Le SPT souhaite remercier l’agent de liaison, M. Boubacar Sidiki Samaké, Conseiller technique au Ministère de la Justice, ainsi que les autorités, pour leur assistance lors de la visite, notamment l’établissement des pouvoirs officiels conformément à la requête du SPT. Ainsi, l’accès aux lieux de privation de liberté a été possible et facile dans la plupart des cas.

9.En général, le SPT a pu visiter les établissements et faire son travail de manière satisfaisante, notamment s’entretenir en privé et en toute confidentialité avec des personnes privées de liberté, bien qu’un nombre anormalement élevé de détenus aient refusé de s’entretenir avec le SPT. Néanmoins, dans deux cas particuliers, le SPT s’est vu refusé l’accès aux cellules de la Sécurité de l’Etat à Bamako (le 7 décembre) et à la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako (MCA) (lors de tentatives de visite de suivi les 13 et 14 décembre), ceci malgré l’intervention de l’agent de liaison et l’insistance du SPT.

10.Lors de la visite à la MCA, les autorités pénitentiaires ont, lors des deux premières visites (les 6 et 7 décembre), tenté de cacher la réalité des lieux et d’empêcher les membres du SPT de rencontrer toutes les personnes détenues et de s’entretenir avec elles. Certains détenus ont été déplacés hors de la prison suite à la première visite afin que le SPT ne puisse s’entretenir avec eux le lendemain, comme cela avait été prévu en accord avec la direction de l’établissement. La liste de ces détenus a été sollicitée par le SPT mais, malgré une forte insistance, elle n’a pas été fournie par la direction de la prison qui n’a par ailleurs pas pu donner d’explications convaincantes quant à ces transferts de détenus ou à l’impossibilité de recevoir la liste des personnes déplacées. De tels comportements sont graves et contraires aux obligations prévues par le Protocole facultatif.

11.Le SPT note également que le gouvernement Mali n’a pas répondu, même avant la période d’instabilité due au coup d’Etat, à ses observations préliminaires confidentielles. Néanmoins, il espère pouvoir poursuivre le dialogue avec l’État partie sur les questions abordées et les recommandations formulées dans le présent rapport.

1 2 . L e SPT souhaite vivement qu’à l’avenir les autorités prennent les mesures nécessaires afin que le SPT puisse exercer pleinement son mandat, dans le cadre des obligations internationales volontairement souscrites par l’Etat partie.

III.Mécanisme National de Prévention

13.Le SPT prend note de la mise en place du mécanisme national de prévention (MNP) mais exprime sa préoccupation du fait de la désignation par l’Etat partie de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) comme MNP dans les conditions observées par la délégation. Le SPT considère que la structure actuelle n’est pas adéquate, en particulier du fait de l’absence d’indépendance et du manque de ressources financières.

14.Aux termes de l’article 18 du Protocole facultatif, les États parties ont l’obligation de garantir l’indépendance des MNP dans l’exercice de leur fonction ainsi que celle de leur personnel. Ils s’engagent à prévoir et à fournir les ressources nécessaires au fonctionnement des MNP conformément aux Principes de Paris. Toutefois, le SPT a noté que la structure du MNP du Mali ne lui permet pas d’agir de manière indépendante, sans interférence des autorités de l'Etat, notamment des autorités pénitentiaires et policières. En effet, la composition, le mode de fonctionnement et le manque d'autonomie financière du MNP pour mener à bien son mandat, ne sont conformes ni aux Principes de Paris ni à l'article 18 du Protocole facultatif. Il est en effet préjudiciable que le MNP n’ait pas pu entreprendre de visites de lieux de détention hors du district de Bamako par manque de moyens financiers et logistiques. Le SPT souligne qu’il a essayé d’associer le NPM pour le suivi de sa visite, notamment pour la question des éventuelles représailles, sans obtenir de réponse.

1 5 . Le SPT recommande que les autorités prennent toutes les mesures nécessaires afin que le MNP soit pleinement conforme aux Principes de Paris, tel que stipulé par le Protocole facultatif ainsi qu’aux directives du SPT concernant les MNP , en lui allouant notamment un budget adéquat .

IV.Principaux défis et recommandations

A.Garanties fondamentales

16.Le SPT observe que la législation en matière pénale en vigueur au Mali offre d’importantes garanties contre la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment, au travers des dispositions relatives à la limitation de la durée de la garde à vue, l’obligation d’informer la famille du détenu de sa détention, la compétence reconnue au procureur et au juge d’instruction de visiter les centres de détention et vérifier la légalité et les conditions de détention, le droit d’accès à un avocat et à un médecin et l’obligation de tenir des registres officiels sur les détentions. Néanmoins, au cours de sa visite, le SPT a constaté l’absence systématique de mise en œuvre de ces garanties fondamentales consacrées dans les textes. Le SPT est préoccupé par le fait que le cadre institutionnel actuel du Mali n’est pas à même d’offrir des garanties suffisantes pour la mise en œuvre des droits fondamentaux consacrés par la loi malienne afin de prévenir effectivement les possibilités d’actes de torture et les mauvais traitements, y compris en raison de la corruption qui affecte largement le système judiciaire.

Le droit à être informé de ses droits et des motifs de son arrestation

17.Les personnes interrogées par le SPT ont indiqué qu’elles n’avaient pas eu de notification de leurs droits lors de leur arrestation, alors qu’il s’agit d’une des garanties essentielles pour toute personne détenue. De plus, le SPT a pu constater par lui-même l’absence systématique de moyens adéquats d’information sur les droits fondamentaux des personnes arrêtées, et notamment de panneaux ou d’affiches à cet effet dans les gendarmeries et les commissariats. En revanche, la majorité des personnes interviewées avaient été informées des motifs de leur arrestation.

1 8 . Le SPT recommande que l’Etat partie s ’assure que d es instructions soient données à tous les officiers en charge de l’arrestation de personnes afin que soit mis en œuvre de manière effective et systématique le droit des personnes pr i vées de leur liberté à être informée s oralement et par écrit de leurs droits, dans un langage qu’elle s compren nent , et cela dès le début de l eur détention. De telles procédure s doi ven t être dûment enregistrée s .

Le droit d’informer une tierce personne de sa détention

19.Le droit d’informer une tierce personne de son arrestation est une garantie essentielle contre la torture et les mauvais traitements. Cependant, le SPT a été informé par les détenus rencontrés qu’ils n’ont en général pas été en mesure de prévenir leur famille ou une personne de leur entourage de leur arrestation, parfois en raison du manque de moyens octroyés aux commissariats et gendarmeries, mais dans certains cas, en raison du refus arbitraire des autorités d’accéder à leur demande.

20 . L e SPT recommande que les autorités prennent les mesures nécessaires afin d’assurer que toute personne détenue puisse effectivement informer ses proches de sa mise en détention , y compris matérielles et financières, et que cette information soit dûment inscrite dans le registre de garde à vue (personne contactée, date et heure).

Le droit d’accès à un avocat et le système d’aide judiciaire

21.Le droit des personnes arrêtées d’avoir accès à un avocat de leur choix, consacré à l’article 9 de la Constitution malienne, n’est pas appliqué dans les faits. La quasi-totalité des personnes en garde à vue ou en détention provisoire rencontrées par le SPT n’avaient pas vu d’avocat à un quelconque moment de la procédure judiciaire, puisqu’elles n’avaient pas les moyens d’en payer les frais. Ainsi, l’accès à l’aide judiciaire gratuite prévue par la loi n’est pas mise en œuvre dans la réalité. Les témoignages recueillis par le SPT indiquent que dans le meilleur des cas, les avocats commis d’office n’interviennent qu’au niveau du procès devant la Cour d’Assises, dans les affaires criminelles, et non lors de la phase de l’instruction. Cette situation est sans doute liée à la pénurie générale d’avocats dans tout le pays, et exacerbée par leur concentration dans le district de Bamako, laissant des régions entières dépourvues d’avocats. La disproportion au niveau national entre le nombre de magistrats et celui d’avocats (deux magistrats pour un avocat) atteste de cette carence d’avocats dans la plupart des régions.

2 2 . L e SPT recommande que les autorités garantissent l’accès à un avocat à toute personne dès sa mise en garde à vue et pendant toute la durée de la procédure judiciaire, notamment par la mise en œuvre d’un mécanisme d’assistance judiciaire gratuite effectif. Les autorités devraient envisager des mesures pour accroitre le nombre d’avocats formés dans le pays chaque année et pour les inciter à s’installer dans les différentes régions du pays et allouer un budget adéquat pour le système d’aide judiciaire gratuite .

Le droit à un examen médical

23. Les entretiens avec les détenus et le personnel des forces de l’ordre, l’examen des registres de main courante, ainsi que l’absence systématique de registres médicaux dans les commissariats de police et dans les postes de gendarmerie, ont permis de constater que l’accès à un médecin, pourtant consacré à l’article 76 du nouveau Code de procédure pénale, n’est pas appliqué dans la pratique. Les personnes ne bénéficient d’aucun examen médical lors de leur placement en garde à vue ou leur mise en détention alors que les examens médicaux et la documentation adéquate des blessures présentées par les personnes privées de leur liberté constituent des garanties incontournables pour la prévention de la torture et des mauvais traitements, et contribuent également à combattre l’impunité des auteurs.

2 4 . L e SPT recommande que soit pratiqué un examen médical de toute personne arrêtée le plus tôt possible après sa mise en garde à vue, notamment lorsqu’elle présente des problèmes de santé lié s , ou non, à son arrestation. De tels examens médicaux doivent être gratuits et menés conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ( Protocole d’Istanbul ) .

Le droit d’informer les autorités consulaires de sa détention

25.Le SPT a rencontré de nombreux étrangers parmi la population carcérale, souvent originaires de pays limitrophes du Mali. La grande majorité d’entre eux ont attesté qu’ils n’avaient pas été en mesure de contacter les autorités consulaires de leur pays, ni même de prévenir leurs familles dans leur pays d’origine. Par conséquent, ils n’avaient pas bénéficié de la protection consulaire prévue pour les étrangers privés de liberté, et il semblerait que toute demande en ce sens soit systématiquement refusée par les autorités.

2 6 . Le SPT recommande que les autorités prennent les mesures nécessaires afin que les autorités consulaires soient systématiquement informées de la mise en détention de l’un de leurs ressortissants et que cette information soit dûment inscrite dans le registre de garde à vue (personne contactée, date et heure) .

La durée de la garde à vue

27.Le SPT a constaté également que la garde à vue des personnes arrêtées est fréquemment prolongée de manière abusive dans la plupart des commissariats et gendarmeries, en l’absence de mention dans le registre des heures et dates du début de la garde à vue, ou bien de l’absence de l’autorisation officielle de prolongation de celle-ci. Il apparait que dans la plupart des cas, l’autorisation du Procureur de prolonger la garde à vue au-delà de 48 heures est faite oralement, contrairement à ce que prévoit l’article 76 du Code de procédure pénale. L’absence de trace écrite d’une telle autorisation rend donc quasi-impossible le contrôle de la validité de la garde à vue. Le SPT a également constaté que la pratique usuelle est de maintenir en garde à vue pendant tout le weekend toute personne arrêtée le vendredi, du fait de l’impossibilité de présenter cette personne au Procureur ou au Parquet au cours du weekend. Les délais maximum de garde à vue sont donc bafoués de manière régulière. L’étude des registres a aussi démontré que s’il y a beaucoup de personnes placées en garde à vue, peu passent effectivement devant un juge, ce qui peut être symptomatique d’un recours systématique à la garde à vue dans le cadre d’une enquête, sans réelle justification. A ce titre, le nombre très important de placements en garde à vue dans le cadre d’une procédure de simple « vérification d’identité » ou d’arrestation sans indication de motif est particulièrement significatif et préoccupant.

2 8 . Le SPT recommande que la durée maximale de la garde à vue et les procédures pour prolonger celle-ci , telles que prévues par la loi malienne , soi en t strictement respectée s par les officiers de police et de gendarmerie, et que les autorités judiciaires exercent un contrôle effectif et régulier à cet égard , aussi bien sur l a durée que sur les motifs de la garde à vue. L a tenue des registres y relatif s devrai t également être améliorée (Cf. Para 73-77 ci-dessous) .

Le recours à la détention provisoire

29.Le SPT a pu noter que la détention provisoire est souvent utilisée en violation avec la loi malienne. Sa durée est souvent abusive, bien au-delà des trois ans autorisés par la loi (article 135 du Code de procédure pénale). Le SPT a même identifié trois cas de personnes en détention provisoire depuis huitans, et de nombreux cas de détention de plus de cinq ans, sans mandat de dépôt valide. Il semblerait que les dossiers concernant certains de ces cas aient tout simplement été égarés et que ces personnes soient désormais placées dans une impasse juridique, puisqu’elles ne peuvent espérer ni être jugées, ni être libérées. Dans de nombreux cas, les peines sont exécutées de facto , avant même que les personnes soient jugées. Le fait de respecter la présomption d’innocence et de ne pas soumettre les détenus à une peine anticipée est une exigence présente dans tout Etat de droit. La fréquence du placement des personnes en attente de jugement en détention provisoire, y compris pour des affaires de simples délits (vols de cartes de téléphone, de téléphones portables, de matériel, etc.), est une des causes principales de la surpopulation des prisons maliennes (Cf. paras. 47-48 ci-dessous), puisque la population carcérale du pays compte près de 60 % de prévenus. En outre, le SPT a constaté que les détenus en attente de jugement n’ont pas de copie du titre de détention les concernant, qui est conservé par le magistrat qui a pris l’acte. Le suivi des délais de détention est fait par le personnel de la maison d’arrêt, sans aucun contrôle possible par le détenu, qui n’est pas informé par écrit de la date de la prochaine apparition en justice. Le SPT a également pu constater l’absence de suivi de l’application des peines par les juges concernés, leurs visites dans les établissements étant rarissimes.

30 . Le SPT recommande :

l’utilisation de la détention provisoire uniquement pour les délits les plus graves et les crimes,  la récidive pouvant également être un facteur pris en compte, et le recours systématique à des mesures alternatives à la privation de liberté dans les autres cas, ceci en accord avec les Règles minima des Nations Unies pour l'élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et en application de l’article 128 du Code de procédure pénale.

le suivi judiciaire des personnes en détention provisoire, afin d’éviter que sa durée n ’excède ce que la loi prescrit, ainsi que la révision immédiate de tous les dossiers des détenus en détention provisoire depuis plus de trois ans, en application de l’article 1 35 du Code de procédure pénale. En outre, le s personnes jugées devraient aussi bénéficier d’un suivi judiciaire continu afin de garantir le respect de la durée de la privation de liberté .

la libération de toute personne en détention provisoire depuis une période égale ou supérieure à la peine maximale encourue pour l’infraction ayant motivé la détention.

Mécanisme de plaintes

31.Le SPT n’a eu connaissance d’aucun mécanisme officiel de plaintes dans les lieux de détention visités, comme attesté par le silence à ce sujet des détenus et des autorités pénitentiaires. La seule possibilité de se plaindre semble donc être à travers le système de chefs de chambres et chefs de cour, sur lequel le SPT a de nombreuses réserves (Cf. paras. 57-60 ci-dessous).

3 2 . Le SPT recommande que toutes les personnes détenues soient informées de leur droit de soumettre de ma nière directe et confidentielle des plaintes aux autorité s compétentes de l’administration pénitentiaire , ainsi qu’aux autorités supérieures. Toute personne détenue d evrai t être informée de ce droit dans un langage qu ’elle puisse comprend re lors de sa mise en détention . De plus , des panneaux et affiches d’information à ce sujet devraient être placés dans des endroits visibles au sein de l’établissement. Le SPT recommande que le droit de déposer des plaintes soit garanti en pratique , et que les plaintes soient transmises aux autorités compétentes sans restriction , soient considérées promptement et qu’une décision soit prise et communiquée à l’auteur de la plainte dans les meilleurs délai s . Les personnes ayant soumis une plainte ne doivent pas subir ou être menacées de représailles . Les autorités compétentes devraient établir un registre des plaintes reçues , indiquant leur nature, l’établissement d’origine de la plainte, la date de réception, la date de la décision, la nature de la décision et toute action prise à cet effet. De tels registres d e v rai ent être contrôlés de manière régulière par un corps indépendant .

Autres motifs de préoccupation

33.Lors de sa visite des lieux de détention, le SPT a constaté certaines pratiques qui la préoccupent vivement, notamment l’utilisation somme toute fréquente de la garde à vue pour des affaires de dettes civiles. Celles-ci sont officiellement et abusivement qualifiées de cas d’escroquerie ou d’abus de confiance dans les registres officiels, alors qu’en réalité il s’agit uniquement de faire pression sur le débiteur afin qu’il paye ses dettes et habituellement, les officiers de police ou de gendarmerie qui y participent perçoivent une partie du montant récupéré par le créditeur. Cette pratique est en violation de l’article 123 du Code de procédure pénale et des objectifs déterminés par la loi pour les gardes à vue. Le SPT a même trouvé dans une gendarmerie un registre officiel des «gardes à vue pour dettes». Enfin, le SPT est également préoccupé par la disproportion évidente entre les peines infligées à certains condamnés et les infractions et délits sanctionnés, comme par exemple, une peine de trois ans de prison pour le vol d’un téléphone portable.

3 4 . Le SPT recommande que les autorités s’assurent que les officiers de polic e et de gendarmerie soient dûment informés de l’illégalité de la pratique de l’incarcération pour dette civile et des éventuelles sanctions encourues. De plus, le contrôle renforcé de la garde à vue par les autorités judiciaires (cf. para 27 ci-dessus) doit également prendre en compte cette pratique afin de l’éliminer . Le SPT recommande que les autorités revoient le Code de procédure pénale et les peines maximales encourues pour les infractions et délits mineur s.

B.Accès aux soins

35.L’accès aux soins dans les lieux de privation de liberté est garanti par le droit malien mais il n’existe aucune organisation structurée de la réponse aux besoins de santé dans les structures de garde à vue ou les prisons. Les soins sont principalement dispensés grâce à des « bricolages » locaux et reposent sur la bonne volonté du personnel et la contribution financière des familles des détenus.

36.Dans les commissariats et les gendarmeries visités, le SPT a constaté l’absence quasi-générale de registres de visite médicale. Selon les témoignages recueillis, aucun examen médical n’est dispensé aux détenus au début de leur garde à vue ou lors de l’entrée en prison. Aucun dossier médical n’est établi, à l’exception de la prison des femmes de Bollé, ce qui empêche le suivi médical des personnes détenues.

37.Dans la plupart des prisons, il n’y a pas d’infirmerie, de dispensaire médical ou de personnel médical. Dans les rares établissements bénéficiant d’une infirmerie, le manque de moyens est flagrant, ce qui ne permet pas le traitement des malades de manière satisfaisante. Le seul médicament effectivement distribué est le paracétamol, qui est inadapté pour répondre aux besoins les plus courants (problèmes dermatologiques, infectieux, parasitaires, gastroentérologiques et neurologiques liés aux carences vitaminiques). Dans aucune prison, des équipements particuliers pour les personnes souffrant d’un handicap n’étaient prévus. Sur le plan médical, seulement deux pathologies sont réellement prises en charge par le système carcéral, la malaria et la tuberculose, quoique de manière souvent inadéquate pour ce qui concerne la tuberculose. Les autres soins médicaux, y compris les hospitalisations, sont à la charge des familles de détenus. Seulement quelques traitements sont couverts par le dérisoire budget « social » de la prison (environ US$2000 par an pour la MCA de Bamako), sur la base de critères relativement flous. Les extractions médicales sont peu nombreuses au vu de la population carcérale et de l’absence de soins réguliers. De fait, le SPT a rencontré de nombreuses personnes mourant faute de soins médicaux adéquats.

3 8 . L’Etat partie doit s’assurer que les détenus puissent avoir un accès aux soins conformément aux Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, et, de fait, doit augmenter immédiatement le budget alloué à la santé des détenus . L’achat des médicaments et les frais d’hospitalisation des détenus devraient être couverts par les autorités pénitentiaires. L’Etat partie d evra it prendre les mesures nécessaires afin que chaque établissement pénitentiaire dispose des services réguliers d’un dentiste et d’un médecin qualifié qui doit examiner chaque détenu aussitôt que possible après son admission et surveiller la santé physique et mentale des détenus , notamment par l’établissement de dossiers médicaux pour chaque personne écrouée . L’Etat partie devrait s’assurer que les personnes handicapées soient détenues dans des conditions décentes compatibles avec leur handicap.

C.Postes de gendarmerie et de police

39.Concernant les conditions matérielles, le SPT a noté que la plupart des cellules ne répondent pas aux normes internationales en la matière: les toilettes et les douches sont soit insalubres soit inexistantes; dans certains cas elles n’ont pas suffisamment de lumière ou d’aération alors que dans d’autres elles n’offrent aucun abri aux éléments climatiques (notamment le vent et le froid); d’une manière générale, il n’y a ni matelas ni nattes et les gardés à vue dorment à même le sol, souvent sans couverture pour la nuit.

40.De nombreux commissariats de police et postes de gendarmerie ne disposent pas de moyens matériels adéquats, notamment de transport pour procéder aux enquêtes. Aucun ne dispose de budget pour l’alimentation des gardés à vue. Ainsi, de nombreux responsables de postes de gendarmerie et de commissariats de police paient sur leurs propres deniers la nourriture, et parfois l’eau, pour les gardés à vue, et à défaut, ces derniers restent sans alimentation pendant plusieurs jours, surtout s’ils n’ont pas de parents proches du lieu de leur détention. Cependant, le SPT note que la Brigade des Mœurs de Bamako, chargée de la protection des mineurs, fonctionne de manière satisfaisante.

41.Le SPT a constaté que les postes de gendarmerie et de police ne disposent pas toujours de cellules pour la détention des femmes, encore moins de cellules pour la garde à vue des mineurs.

4 2 . Le SPT rappelle que l’Etat se doit de garantir à toute personne placée en garde à vue des conditions matérielles et une alimentation en nourriture et eau, en accord avec les Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus . Par ailleurs, le SPT recommande à l’État partie d’élaborer un programme de modernisation des cellules en conformité a vec les normes internationales.

D.Prisons

43.Le SPT a visité 13 prisons situées dans le district de Bamako et dans les régions de Koulikoro, Kayes, Ségou et Sikasso. Le SPT est conscient qu’elles ne constituent qu’une partie des 59 établissements existants dans le pays. Toutefois, ces 13 établissements représentent une réelle diversité, que ce soit du point de vue de la taille des établissements (une prison de plus de 1600 détenus et des prisons de quelques dizaines de détenus), de la structure (des établissements datant du début du XXème siècle et d’autres mis en service en 2009) et de la population carcérale (prisons pour toutes les catégories de détenus, prisons spéciales pour les femmes, les mineurs, pénitencier agricole). Enfin et surtout ils rassemblent environ 60% de la population carcérale totale du pays.

Conditions matérielles

44.Dans tous les établissements visités, les conditions de détention sont déplorables. La plupart des établissements visités sont vétustes, datent de l’ère coloniale, sont mal entretenus et totalement inadéquats pour servir de lieux de privation de liberté. Les cellules ont, dans la plupart des cas, très peu de ventilation et, de ce fait, la température peut y être extrêmement élevée, particulièrement lorsque la toiture est métallique ; le minimum de lumière, naturelle ou artificielle, n’est pas assuré et il n’existe pas d’équipements sanitaires adéquats à l’intérieur. En outre, les détenus dorment à même le sol, au mieux, sur de simples nattes ou de vieux matelas sales. La seule exception à cet égard est la prison de Ségou, dans laquelle grâce à l’initiative d’une personne privée, les conditions matérielles ont été améliorées par l’installation de l’eau courante et de sanitaires dans chacune des chambres et par la construction d’une véranda dans la cour qui permet aux détenus de s’abriter du soleil.

45.L’approvisionnement en savon, le seul produit d’hygiène distribué aux détenus, n’est ni suffisant, ni régulier. Certaines personnes restent plusieurs semaines, voire des mois, sans savon et ne peuvent donc ni se laver correctement, ni laver leur linge. De fait, des maladies telles que la gale et autres parasites ou maladies de peau sont très répandues au sein de la population carcérale.

46.Il est inquiétant de constater que même un établissement récent, comme la nouvelle aile de la prison de Bougouni, en activité depuis 2009, présente les mêmes insuffisances que les prisons plus anciennes, à savoir l’absence d’installations sanitaires dans les cellules, une cour trop petite pour le nombre de détenus, une mauvaise aération des cellules ainsi que de mauvaises infrastructures sécuritaires (absence de mirador, mur trop bas).

47.A Koulikoro, la coexistence dans un même établissement de deux ailes de détention avec des conditions matérielles complètement différentes est difficilement acceptable. Dans une aile distincte, les détenus rwandais condamnés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda bénéficient de conditions matérielles très satisfaisantes, telles que des cellules individuelles avec sanitaires et climatisation, une salle de sports, des magasins pour leurs effets personnels, une bibliothèque, et une infirmerie, une salle où les services religieux sont assurés, et des cuisiniers particuliers qui viennent de l'extérieur,alors même que dans une autre aile les conditions de détention des détenus maliens de droit commun sont déplorables.

4 8 . L’État partie devrait prendre des mesures urgentes pour inspecter les prisons afin d’élaborer et d’appliquer un plan visant à améliorer et harmoniser les conditions dans toutes les cellules de tous les établissements, de façon à garantir à tous les détenus le droit à des conditions décentes, s’agissant de la ventilation, des installations sanitaires, de l’éclairage et d’autres services, et à éliminer ainsi une cause possible de pressions et/ou un moyen d’extorsion d’argent aux détenus. Comme le démontre l’initiative privée à la prison de Ségou, des moyens relativement modestes permettent d’améliorer significativement les conditions de détention et le SPT recommande que l’Etat partie renforce et garantisse l’accès d es ONG dans les prisons .

Surpopulation

49.La surpopulation est très élevée et endémique dans tous les établissements visités (par exemple, le ratio population existante / capacité est de plus de 300% dans la MCA et excède même 400% dans d’autres établissements). Cette situation est directement liée au nombre particulièrement élevé de personnes en détention provisoire, pendant parfois plusieurs années pour de simples délits mineurs. Le SPT considère qu’un tel taux de surpopulation équivaut à un traitement cruel, inhumain et dégradant, voire à une forme de torture lorsqu’il se prolonge pendant des mois ou des années, et qu’il se conjugue avec l’absence de conditions matérielles minimum acceptables et tout particulièrement en cas de détention provisoire. Cette surpopulation est rendue encore plus intolérable par le fait que dans tous les établissements visités, il existe à la fois des cellules avec des niveaux de surpopulation atterrants et des cellules de même taille contenant un nombre très inférieur de détenus. Les critères d’affectation des détenus dans les cellules offrant de moins mauvaises conditions ne se fait pas sur des critères objectifs et officiels mais sur la base du paiement d’une certaine somme au personnel pénitentiaire et donc du fait de la corruption. Cet état de promiscuité, allié à l’arbitraire de l’attribution des cellules, exacerbe les tensions entre les détenus et entre les détenus et le personnel, avec de graves répercussions disciplinaires.

50 . Le SPT ne recommande pas la construction systématique de nouveaux établissements mais l’application des mesures indiquées au paragraphe 30 du présent document, ainsi que la mise en conformité des lieux de détention avec les Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, afin que la dignité des détenus soit respectée.

Régime carcéral

51.Le régime de détention est totalement arbitraire et entièrement gangréné par la corruption. Les droits fondamentaux des personnes détenues doivent être systématiquement monnayés : le droit de recevoir des visites (1.000 CFA par visite), le droit de recevoir de la nourriture de l’extérieur (500 à 1.000 CFA), le droit de sortir de la cellule et de se promener dans la cour (environ 10.000 CFA) et même parfois le droit de ne pas se faire battre. Ainsi, les détenus n’ayant pas payé la somme requise ne sortent pas de leur cellule, pendant parfois plusieurs années, sauf pour accéder aux sanitaires une ou deux fois par jour, ce qui constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant. Des « privilèges » peuvent également être monnayés : la possibilité de ne pas être assigné dans une cellule surpeuplée (environ 50.000 CFA), le droit de sortir de la cellule disciplinaire (environ 15.000 CFA), la possibilité de dormir dans la meilleure partie de la cellule (environ 6.000 CFA), la possibilité d’utiliser le téléphone portable d’un gardien (environ 5.000 CFA), etc. La constance des montants indiqués dans tous les établissements visités atteste bien de leur véracité et indique que cette corruption est institutionnalisée au sein du système pénitentiaire.

5 2 . L’État partie devrait prendre d’urgence les mesures requises pour permettre à chaque détenu d’avoir accès à l’air libre et de faire de l’exercice (une heure d’exercice en plein air par jour étant la norme internationale minimum en la matière) , en dehors du temps requis quotidiennement pour la toilette et l’accès aux sanitaires. L’Etat partie devra également éradiquer la corruption en sanctionnant les auteurs et en informant les détenus et les familles de leurs droits.

53.Les sanctions disciplinaires sont elles aussi soumises à l’arbitraire, notamment du fait de l’absence de critères établis pour leur imposition, de contrôle et d’enregistrement. Dans certains établissements visités, le SPT a constaté que les détenus «considérés comme susceptibles» de vouloir s’évader sont enfermés dans leur cellule toute la journée. Les faiblesses des dispositions sécuritaires de certains établissements (tels que des murs trop bas ou l’absence de mirador ou d’un deuxième mur d’enceinte), les effectifs réduits du personnel pénitentiaire, son manque de formation ainsi que l’absence d’équipements de sécurité ne font qu’aggraver cette situation.

5 4 . Le SPT recommande que l’Etat mette en place une politique pénitentiaire garantissant les droits des détenus et adopte un régime disciplinaire officiel afin que la gestion des prisons ne repose pas sur les critères arbitraires des régisseurs d’établissement ou des chefs de cours. De même, l’Etat se doit de donner au personnel pénitentiaire un minimum de formation et de conditions matérielles de travail afin qu’il puisse remplir sa fonction efficacement et respecter les droits de l’homme. Tous les lieux de détention devraient tenir un registre spécial des mesures disciplinaires contenant l’identité du détenu, l’infraction commise, l’autorité ayant imposé la sanction, la date et l’heure du début et de la fin de celle-ci et l’éventuelle approbation de la décision et de la sanct ion par une deuxième autorité.

Nourriture

55.La nourriture est un des points les plus préoccupants au sein des prisons maliennes. Le SPT a rencontré des personnes mourant de faim, notamment à San, Kayes ou Diéma, ou bien souffrant de maladies graves résultant de carences alimentaires importantes, telles que le scorbut et le béri-béri. La nourriture est exclusivement constituée de mil ou de maïs comme nourriture ordinaire et une fois par semaine de riz ou de haricots. Les détenus ne reçoivent ni fruit, ni légume, ni viande ou poisson, sauf à de rares exceptions lors de certaines fêtes religieuses. Une telle pauvreté alimentaire est la cause directe de nombreuses maladies dont souffrent les détenus. Cette situation est d’autant plus choquante que le SPT a pu constater que dans de nombreuses prisons des potagers et des élevages d’animaux existaient mais quasi-uniquement au bénéfice du personnel pénitentiaire.

5 6 . L’Etat partie doit s’assurer que la quantité et la qualité de la nourriture distribuée dans les prisons soient conformes aux standards internationaux en la matière, et, de fait, augmenter immédiatement le budget de la nourriture pour chaque détenu. L’Etat doit s’assurer que des fruits et légumes soient inclus dans la nourriture et que les détenus bénéficient des produits des jardins et de l’élevage des prisons .

Séparation des détenus

57.La séparation des détenus par catégories n’est pas uniforme dans les prisons visitées. Certains établissements ont des quartiers spécifiques pour la détention des femmes (mineures et adultes) qui leur offrent globalement de meilleures conditions matérielles de détention et une possibilité d’accéder librement à la cour qui leur est réservée. Dans d’autres, du fait de l’absence de quartier spécifiquement réservé aux femmes, celles-ci restent enfermées toute la journée dans la cellule qui leur est assignée, voire même passent la journée dans la cour avec les détenus masculins sous la surveillance d’un gardien. Dans la plupart des cas, les mineurs ne sont pas séparés des adultes. Le SPT a également pu constater que dans la pratique il n’existe aucune séparation entre les détenus condamnés et ceux en détention provisoire. Tout cela est particulièrement grave.

5 8.L’Etat partie doit garantir la séparation des différentes catégories de détenus, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus.

Gestion interne

59.Dans de nombreux établissements, la gestion interne de la prison est laissée aux détenus eux-mêmes, selon un système hiérarchique bien établi de chefs de chambres et d’un chef de cour bénéficiant d’adjoints. Dans certains établissements, les gardes ne sont pas présents au sein de la prison, ils restent à l’extérieur et ce sont uniquement des détenus qui gèrent la vie quotidienne de la prison, y compris l’accès à l’établissement et aux différentes cellules. De ce fait, les chefs de chambres et le chef de cour de chaque prison bénéficient de privilèges étendus quant à leur régime de détention.

60.L’absence de surveillance de la part des autorités pénitentiaires implique que les détenus les plus forts ou les plus riches détiennent le pouvoir et l’exercent de manière totalement arbitraire sur les plus faibles et les plus pauvres. Ce système d’autogestion implique également que tout rapport entre le détenu et l’Administration pénitentiaire passe, et est filtré, par les chefs de chambres et le chef de cour, empêchant toute possibilité de plainte d’un détenu à l’encontre de ces derniers. De plus, souvent la discipline et les sanctions disciplinaires sont directement gérées par les détenus, ce qui est une source d’abus constants, de mauvais traitements et de corruption, alors que ce domaine doit toujours rester dans la compétence des autorités pénitentiaires, avec toutes les garanties afférentes comme la transparence et l’enregistrement des sanctions ainsi que la possibilité pour les détenus de les contester.

61.Un certain degré d’autogestion par les détenus eux-mêmes peut certes s’avérer bénéfique s’il ne se substitue pas aux responsabilités incombant à l’administration pénitentiaire en général et au régisseur en particulier. Cependant, un système d’autogestion sans surveillance des autorités pénitentiaires, n’est pas acceptable.

6 2 . Tout en reconnaissant que les systèmes fondés sur l’autogestion présentent certains avantages, le SPT recommande qu’il y ait une reconnaissance officielle du rôle des «  Chefs de Chambres  » et «  Chefs de Cour  » pour faire en sorte qu’ils soient désignés selon des critères clairs et transparents et dotés d’un mandat précis. Les autorités pénitentiaires devraient superviser étroitement les «  Chefs de Chambre  » et «  Chefs de Cour  » étant donné qu’ils sont en dernier ressort responsables de leurs actes − et que c’est exclusivement à elles qu’il appartient de prononcer et d’appliquer les sanctions disciplinaires. Les tâches fondées sur l’exercice d’un pouvoir officiel doivent continuer d’être accomplies par le personnel. Le SPT recommande en outre qu’il y ait une procédure claire et efficace pour la présentation directe par les détenus de demandes ou de plaintes aux autorités compétentes. Dans le même temps, les autorités dev r aient faire de telle sorte que tous les détenus soient traités sur un pied d’égalité et que les avantages accordés aux Chefs de Chambres et Chefs de Cour n’aillent pas au-delà de ce qui est raisonnablement nécessaire pour leur permettre d’exercer leurs fonctions .

Activités des détenus

63.La plupart des détenus ne bénéficient d’aucune forme d’activité physique ou intellectuelle organisée, que ce soit loisir, travail, formation professionnelle ou éducation. Dans une minorité d’établissements, les détenus s’occupent avec de petits travaux d’artisanat destinés ensuite à la vente. Toutefois, selon les témoignages recueillis, dans certains cas les détenus doivent acheter le droit de s’occuper ainsi, et dans d’autres ils ne sont pas rémunérés pour leur production et les produits de la vente sont empochés par les gardiens. Les assistants sociaux sont inefficaces ou inexistants, tout comme les travailleurs sociaux.

64.Seuls les détenus désignés pour la corvée ont une réelle occupation telle que la cuisine, le jardinage du potager, le nettoyage, etc. Le SPT a constaté que certains détenus étaient affectés à des corvées extérieures à la prison au bénéfice d’autres institutions ou du personnel pénitentiaire mais à des fins privées (lessive, gardiennage), ce qui ouvre la porte à certains abus.

6 5 . L’Etat partie doit s’assurer qu’un minimum d’activités soit assuré aux détenus, notamment que ceux qui n’ont pas de corvées puissent avoir une heure d’exercice à l’air libre par jour, ceci en accord avec les Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus. L’Etat doit encourager le travail des détenus dans une optique de formation et de réinsertion et garantir que les détenus soient raisonnablement rémunérés pour leur travail.

E.Centre pénitencier agricole

66.Le SPT n’a pu visiter qu’un seul pénitencier agricole, celui de Baguinéda, sur les 4 existants. Cet établissement en régime ouvert ne comptait que 8 détenus résidents (5 se trouvant en corvée à l’extérieur) pour 9 surveillants, malgré une capacité totale possible de près de 35 détenus. La structure se trouve partiellement délabrée tant au niveau des installations pour le personnel que pour les détenus mais présente un potentiel intéressant. Une partie substantielle du matériel agricole n’est pas opérationnelle et, de ce fait, sa production agricole actuelle se trouve si limitée qu’elle sert uniquement au centre, alors que par le passé d’autres établissements en bénéficiaient.

6 7 . Le SPT encourage le Gouvernement à adopter les mesures nécessaires afin de permettre que ces centres puissent remplir leurs rôles de formation pour les détenus susceptibles de bénéficier d’un régime ouvert de détention , et aussi favoriser la r esocialisation et réinsertion de ceux en fin de peine P ar ailleurs , cela permettrait un certain désengorgement des condamnés se trouvant dans les maisons d’arrêts . En outre, leur fonctionnement adéquat permettrait qu’ils puissent servir de source d’approvisionnement en victuaille s pour les prisons , cela de manière moins onéreuse pour l’administration et permettant un apport qualitatif à l’alimentation des détenus .

F.Service psychiatrique

68.Le SPT a pu constater une approche globalement satisfaisante et innovante du traitement des malades mentaux au sein du service psychiatrique de l’hôpital du point G, qui est le seul du pays et bénéficie d’un personnel compétent et motivé. Les malades bénéficient d’un régime de portes ouvertes et sont libres d’aller et venir au sein de l’établissement. En cas de crise aiguë, les malades sont placés en cellule d’isolement, mais dans ce cas, ils ne sont jamais attachés et un registre visé quotidiennement par les médecins du service rend compte de ces placements. Le consentement des malades est ensuite recherché, ce qui explique qu’il y ait très peu d’hospitalisations de force. Les rares cas existants ne sont pas contrôlés par les autorités judiciaires mais par les médecins du service. Les malades sont en principe accompagnés constamment par un des membres de leur famille, ce qui semble avoir un effet positif sur le traitement, et surtout facilite le retour et la réinsertion du malade dans sa famille et dans sa communauté et évite que des familles ne se « débarrassent » de leur malades. Les seuls points négatifs relevés par le SPT sont que les traitements médicamenteux sont entièrement à la charge de la famille et le cas inexplicable des quatre patients chroniques abandonnés à leur sort et vivant au milieu des détritus dans «l’ancien cabanon», même s’ils reçoivent de la nourriture de l’hôpital. L’hôpital n’a pas vraiment la capacité de recevoir tous les cas psychiatriques, y compris les plus graves parmi les détenus, et il n’existe donc pas de réelle prise en charge de ceux-ci dans le pays.

6 9 . L’Etat partie devrait s’assurer que les quelques patients chroniques soient hébergés dans des conditions décentes et que leur traitement médical soit pris en charge par l’hôpital. Il devrait également étudier la possibilité d’avoir une procédure adaptée à la prise en charge des malades chroniques et des cas psychiatriques les plus graves , notamment parmi les détenus.

G.Personnel

70.Le SPT s’est entretenu avec les responsables et agents de tous les lieux de privation de liberté visités. Il a constaté entre autres l’insuffisance de personnel dans certains établissements, et leur manque de formation. Par ailleurs, bien que le personnel soit régulièrement payé, il ne bénéficie pas de primes pour compenser les horaires de travail prolongés. Dans certains établissements, il n’existe pas d’infrastructures appropriées pour le personnel en termes de bureaux ou logement temporaire pour ceux qui passent les nuits dans ces établissements. La modicité des ressources et matériels alloués aux commissariats, gendarmeries et institutions pénitentiaires ne permet pas à ces institutions de remplir leur mission de manière optimale.

71.Le SPT a également noté l’absence de formation spécifique des fonctionnaires affectés aux établissements pénitentiaires, ainsi que l’absence d'un corps indépendant d'inspection du personnel carcéral.

72.Le SPT a également constaté que la sécurité du personnel pénitentiaire est à risque dans plusieurs maisons d’arrêt en raison de structures inadaptées (murs trop bas, absence des miradors, etc.) ou par manque d’équipement adéquat pour la surveillance. Le SPT a constaté le manque certain de formation continue pour le personnel.

7 3 . Le SPT recommande aux autorités d’améliorer les conditions de travail du personnel et d’allouer aux différentes institutions concernées suffisamment de ressources et d’équipements, ainsi qu'une formation adéquate, pour mener à bien leurs tâches. L e SPT recommande aux autorités de prendre les mesures nécessaires pour améliorer les conditions de travail et de sécurit é du personnel, particulièrement dans les prisons. Un programme de formation aux droits de l’homme pour les agents des forces de l’ordre et le personnel carcéral devrait être établi.

7 4 . Le SPT encourage l’État partie à prévoir un plan de carrière attractif pour les agents chargés de la mise en œuvre des mesures de privation de liberté ; de mettre sur pied un corps indépendant d’inspection et de solliciter l’assistance et la coopération des institutions spécialisées des Nations Unies afin de moderniser le système carcéral.

H.Registres

75.Le SPT a constaté que l’inscription des données concernant les personnes détenues ou gardées à vue n’est pas uniforme dans les différents lieux de privation de liberté visités. A l’exception du Centre Spécialisé de Détention pour Femmes de Bollé, les registres nécessitent une réelle amélioration et une harmonisation. En outre, les informations contenues dans les différents registres (main courante, écrou et transfert) ne concordent pas entre elles.

76.Parfois, il fallait lire plusieurs registres pour comprendre la situation globale d’un seul détenu. De même, les données n’étant pas informatisées, leur exploitation n’est ni aisée ni rapide. Le SPT a également noté que les registres ne sont pas tous côtés ni parafés régulièrement. Plusieurs registres utiles ne sont pas toujours disponibles tels que les registres de décès, de transfert hospitalier ou pénitentiaire, de sanctions disciplinaires, de visites des autorités judiciaires, etc.

77.Concernant les registres des commissariats de police, les heures d’arrivée et de départ des personnes gardées à vue ne sont pas toujours mentionnées, en violation de l’article 77 du Code de procédure pénale, ce qui rend difficile le contrôle du délai légal de la détention provisoire.

78.En ce qui concerne les registres des prisons, l’absence des copies de mandat de dépôt ne permet pas de faire le suivi de la prolongation de la détention provisoire. En effet, les registres incluent uniquement la date de la mise en détention mais pas celle du jugement. L’officier en charge des registres n’a en sa possession que l’ordre d’écrou émis par le magistrat et l’information de la prochaine comparution ou du jugement n’y figure pas. La plupart des individus en détention provisoire ignoraient la date de leur comparution devant le juge.

7 9 . Le SPT recommande que le système de registres soit uniformisé et, si possible, centralisé et informatisé de manière à permettre le contrôle effectif de la légalité de la détention provisoire. Le SPT recommande également l’établissement d’un registre de prolongation de la garde à vue ainsi que des registres des examens médicaux, des transferts, des visites des autorités judiciaires, des visites de la famille, des étrangers et des cas de décès. Le SPT recommande aux autorités de contrôler le respect de l’article 77 du Code de procédure pénale.

I.Torture et mauvais traitements

Prisons

80.Le SPT a constaté de nombreux cas de mauvais traitements, et certains cas de torture, dans tous les établissements visités, en plus de ceux résultant des très mauvaises conditions matérielles de détention et de l’extrême surpopulation. Ils résultent le plus souvent des mesures disciplinaires appliquées soit par le personnel pénitentiaire soit par d’autres détenus (chefs de chambre ou de cour) avec le consentement des gardes et prennent normalement la forme de tabassages sévères avec utilisation de fouets, ceintures, câbles métalliques ou en caoutchouc, cannes, bâtons, pilori, etc. D’autres formes de torture ou de mauvais traitements sont utilisées, notamment des positions douloureuses prolongées. Ces punitions sont généralement infligées devant les autres détenus comme forme de dissuasion de comportements prohibés (vols des repas entre détenus, violence, bagarre, tentatives d’évasion).

81.Dans de nombreuses prisons, les actes de torture ou mauvais traitements peuvent ne pas être appliqués si les détenus payent un certain montant aux gardes, qui varie selon les punitions à appliquer mais aussi suivant la situation économique des détenus. Dans certains établissements visités, le SPT a même reçu des témoignages que des détenus sont menacés de tabassage s’ils ne payent pas un certain montant. Dans d’autres, le SPT a également entendu des allégations de tabassages « préventifs » afin de maintenir la discipline au sein de la prison.

82.Selon certains témoignages, des détenus sont même mis à contribution contre leur gré pour participer à l’exécution de ces punitions. Comme, de manière générale, les chefs de chambre et de cour se sont vus déléguer la gestion de la discipline par les gardes, ce sont eux qui choisissent arbitrairement la punition applicable et les détenus qui vont l’appliquer. Cette pratique engendre une responsabilité directe de l’Etat partie dans la mesure où les agents de l’Etat responsables de ces structures ne protègent pas les victimes et ne sanctionnent pas les auteurs, qui agissent avec leur consentement tacite ou exprès.

83.Par ailleurs, l’isolement prolongé de détenus est utilisé comme moyen de punition, y compris par les chefs de chambre et de cour. L’usage des chaînes aux pieds et aux mains dans les cellules d’isolement ainsi que dans les cellules est également une forme très courante de punition. Ces formes de torture et de mauvais traitements peuvent durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois, ce qui est inacceptable, et semblent être également appliquées de manière totalement arbitraire. Le SPT a également auditionné des témoins de décès de détenus survenus à la suite de blessures dues aux mauvais traitements et actes de torture ci-dessus décrits. L’absence de registre des mesures disciplinaires permet une impunité totale des auteurs et ne fait que renforcer l’abus de pouvoir et l’arbitraire.

84.Selon les informations obtenues, il est important de noter que les actes de torture et les mauvais traitements sont toujours liés soit au maintien de la discipline dans les établissements, ce qui est dû, entre autres, au manque de moyens alloués à la sécurité, soit à la corruption généralisée qui sévit dans les prisons. Mais le facteur humain ne doit pas être minimisé car bon nombres de détenus ont indiqué que la personnalité, plus ou moins violente des gardes et autre personnel pénitentiaire, mais surtout du responsable de l’établissement, a une importance prépondérante dans les violences appliquées aux détenus. Avec l’arrivée de nouveaux responsables, ces violences peuvent diminuer ou augmenter drastiquement.

Postes de police et de gendarmerie

85.Il importe de noter que la plupart des cellules des postes de police et de gendarmerie visitées par le SPT étaient vides ou avec peu de détenus, ce qui contraste avec la surpopulation carcérale. Le SPT a pris connaissance de cas de torture et de mauvais de traitement de personnes gardées à vue dans les commissariats de police et les postes de gendarmerie pour obtenir des aveux. Ces informations ont été obtenues de détenus en prisons et non pas lors des brefs entretiens effectués dans les postes de police ou de gendarmerie. Les allégations de tortures et de mauvais traitement sont semblables et toujours concordantes : les détenus en garde à vue sont torturés afin d’obtenir des aveux, et cela avant qu’ils soient présentés à une autorité judiciaire. De nombreux témoignages indiquent l’arrivée en prisons de détenus gravement blessés suite à des actes de torture subie. L’absence des garanties fondamentales décrites aux paragraphes 16 à 34 ci-dessus ne fait que faciliter une telle pratique.

8 6 . Le SPT rappelle que selon l’article 2 de la Convention aucune circonstance ne peut être invoquée pour justifier la torture ou les mauvais traitements. Ainsi, l’Etat partie doit prendre toute s les mesures afin de faire cesser tous les mauvais traitements et actes de torture envers les détenus, aussi bien dans les prisons que dans les postes de police et les gendarmeries, notamment en condamnant fermement tous ces actes et en établissant un cadre juridique répondant aux obligations internationales de l’Etat de poursui vre l es auteurs de tels actes.

8 7 . Le SPT souligne l’importance de la formation du personnel civil ou m ilitaire chargé de l'application des lois, principalement de ceux qui interviennent dans la garde, l'interrogatoire ou le traitement de détenu s, et que selon les articles 10 et 11 de la Convention, l’ Etat partie à l’obligation de veille r à ce que l'enseignement et l'information concernant l'interdiction de la torture et des mauvais traitement fassent partie intégrante de la formation d e ce personnel et qu’il doit surveill er que les instructions et pratiques d'interrogatoire ainsi que les dispositions concernant la garde des personnes détenues respecte nt les dispositions de la Convention .

8 8 . A ce sujet, le SPT rappelle aussi le Code de conduite pour les responsables de l'application des lois, adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies le 17 décembre 1979 (résolution 34/169) ainsi que les Lignes directrices de Robben Island pour la p rohibition et la prévention de la torture en Afrique, adoptées par une résolution de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples en octobre 2002.

J.Impunité

89.Le SPT estime que l'impunité constitue un des facteurs les plus importants de la persistance des mauvais traitements et de la torture, ce qui fragilise la primauté du droit et affaiblit les institutions, tout en créant un climat général facilitant de telles pratiques. Aucune statistique n’a été fournie sur les fonctionnaires traduits en justice mais il est clair que l’absence de poursuites des auteurs de mauvais traitements et d’actes de torture perpétue une culture de tolérance et d’impunité des abus commis par les fonctionnaires.

90 . La situation observée par le SPT est la totale impunité envers les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements, ce qui, vue l’ampleur de ces actes, est inadmissible. La situation ne peut pas s'améliorer tant que l eurs auteurs ne seront pas tenus responsables de leurs actes, en accord avec les dispositions de la Convention . L ’Etat partie devra agir au plus vite en accord avec la loi malienne et ses obligations internationales .

K.Système de plainte et visite et inspection des lieux de détention

91.Les personnes détenues ont, en théorie, le droit de porter plainte, notamment en cas de mauvais traitements ou de mauvaises conditions de détention. Néanmoins, ce droit ne se trouve pas réglementé et les détenus n’ont le choix que de s’adresser au Régisseur de la prison, ou à ses collaborateurs, le plus souvent en passant par les chefs de chambres ou de cour. Lors des visites des divers lieux de détention, le SPT n’a trouvé aucune trace de plaintes de détenus dans les livres de registre, tant dans les prisons que dans les commissariats et gendarmeries, ce qui conforte l’idée qu’aucun système de plainte institutionnalisé auprès d’une entité indépendante n’existe effectivement.

92.De même, le SPT n’a que rarement trouvé de traces de visite ou d’inspection des lieux de détention par le Ministère de la Justice, des magistrats, le mécanisme national de prévention ou des organisations non gouvernementales, ce qui est d’autant plus grave, auvu de la situation existante, notamment dans les prisons.

93.Face aux constatations ci-dessus, le SPT rappelle à L’Etat partie le principe de la légalité de l’exécution des peines de prisons, de l’application en dernier ressort de la détention provisoire ainsi que de l’interdiction de l’emprisonnement pour manquement à une obligation contractuelle et que les peines privatives de liberté ont pour but, entre autres, la réinsertion des détenus dans la vie civile, ce qu’un système efficace de plainte et d’inspection permettrait de renforcer.

9 4 . Le SPT recommande que les autorités établissent au plus vite un système de plaintes confidentielles qui puisse nt être adressée s à une autorité indépendante et extérieure à l’administration pénitentiaire, qui donne suite, sous une forme adéquate, à ces plaintes. Toutes les plaintes pour mauvaises conditions de détention ou mauvais traitements et torture doivent être suivies d’enquêtes promptes, impartiales et efficaces, y compris par des poursuites à l’encontre des auteurs de ces actes , en accord avec les articles 12 et 13 de la Convention . C eci permettra , en outre, de lutter efficacement contre l’impunité.

L.Représailles

95.D’une manière générale, les personnes privées de liberté craignaient de parler librement avec le SPT. Elles ont clairement exprimé leur crainte de représailles. En effet, plusieurs détenus ont affirmé qu’ils seraient certainement battus, placés en isolement ou subiraient d’autres mauvais traitements après la visite du SPT du fait d’avoir parlé aux membres du SPT. Certains ont également informé le SPT de la mise en garde et des intimidations formulées contre eux par les gardiens et chefs de peloton afin qu’ils ne parlent avec le SPT.

96.La mise en garde de représailles s'est concrétisée d'une manière évidente dans plusieurs prisons, notamment à Bamako, où le SPT a recueilli des témoignages à cet égard. Le SPT a dénoncé ces faits au Ministre de la Justice, au point focal de la visite ainsi que lors de la présentation des observations préliminaires au gouvernement le 14 décembre 2011. Il a exprimé sa préoccupation sur le risque de représailles contre les détenus ou le personnel qui avaient communiqué avec le SPT.

9 7 . Le SPT souhaite rappeler que toute forme d’intimidation et toute forme de représailles contre les personnes privées de leur liberté constituent une violation des obligations de l’Etat partie en vertu du Protocole facultatif . Conformément à l’ article 15 du Protocole facultatif , le SPT demande aux autorités maliennes de s’assurer qu’il n’y ait pas de représailles suite à sa visite. Le SPT demande à l’Etat partie de fournir des informations détaillées sur ce qui a été entrepris afin de prévenir et empêcher les représailles à l’encontre du personnel et des détenus qui se sont entretenus avec les membres du SPT .

V.Conclusions

98.Le SPT rappelle que ce rapport ne constitue que le début d’un dialogue constructif de coopération avec les autorités maliennes en ce qui concerne les défis énumérés ci-dessus.

9 9 . Le SPT demande aux autorités maliennes de lui adresser, dans un délai de six mois à compter de la date de transmission du présent rapport, une réponse avec une description détaillée de mesures prises par l’État partie pour donner suite à s es recommandations. L’État partie est invité à répondre aux demandes de renseignements spécifiques formulées par le SPT dans le présent rapport et en autoriser la publication .

Annexe

Lieux de privation de liberté visités par le SPT

I.Prisons

1.Maison Centrale d’Arrêt (MCA), Bamako

2.Centre Spécialisé de Détention et de Rééducations et de Réinsertion pour Femmes de Bollé

3.Centre Spécialisé de Détention et de Rééducations et de Réinsertion pour Mineurs de Bollé

4.Maison d’Arrêt et de Correction, Koulikoro

5.Maison d’Arrêt et de Correction, Ségou

6.Maison d’Arrêt et de Correction, Kita

7.Maison d’Arrêt et de Correction, Kayes

8.Maison d’Arrêt et de Correction, Bafoulabé

9.Maison d’Arrêt et de Correction, Diéma

10.Maison d’Arrêt et de Correction, San

11.Maison d’Arrêt et de Correction, Sikasso

12.Maison d’Arrêt et de Correction, Bougouni

13.Pénitencier Agricole, Baguinéda

14.Quartier du TPIR pour les détenus Rwandais, Koulikoro

II.Gendarmerie nationale

1.Services d’Investigation Judiciaire, Camp I, Bamako

2.Brigade de recherche, Camp I, Bamako

3.Brigade territoriale de Kayes

4.Brigade territoriale de Ségou

5.Brigade territoriale de Koutiala

6.Brigade de Koulikoro

7.Brigade de Kita

III.Police

1.Commissariat de Police, 3ème Arrondissement, Bamako

2.Commissariat de Police de Koulikoro

3.Commissariat de Police 1er arrondissement, Kayes

4.Commissariat de Police 2ème arrondissement, Kayes

5.Commissariat de Police, 1ème arrondissement de Sikasso

6.Commissariat de Police, 2ème arrondissement de Sikasso

7.Commissariat de Police de San

8.Commissariat de Police de Koutiala

9.Brigade des mœurs chargée des mœurs et de la protection des mineurs, Bamako

IV.Prisons militaires

1.Camp militaire, Camp I, Bamako

2.Camp militaire, 8ème région militaire, Sikasso

V.Service psychiatrique

Service psychiatrique de l’Hôpital du Point G, Bamako