NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/52/Add.325 août 2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Rapports initiaux des États parties devant être soumis en 2000

AFRIQUE DU SUD*

[28 juin 2005]

Avant ‑propos

La Charte des Nations Unies stipule que l’Organisation a notamment pour vocation d’encourager le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion. Bien que le Gouvernement exclusivement blanc ait signé la Charte, le régime d’apartheid a été introduit en 1948. Ce régime, contraire à la Charte et à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, s’était fixé pour mission d’élever le racisme colonial et la discrimination raciale au rang de doctrine d’État dans notre pays. La torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants occupaient une place essentielle dans la mise en œuvre des politiques et des lois racistes. Ces procédés étaient utilisés pour réprimer la majorité noire dans sa quête d’une Afrique du Sud démocratique.

Les mouvements de libération ont été contraints à l’exil suite à la répression massive du début des années 60. Au plus fort de la lutte, les femmes africaines ont manifesté contre les lois sur les laissez‑passer et elles ont été accueillies par une brutalité policière inouïe, certaines ayant été torturées, tuées et soumises à d’autres formes de mauvais traitements. La sauvagerie de la riposte du régime d’apartheid face aux revendications pour la démocratie a connu son apogée avec l’incarcération de nos dirigeants, en particulier notre ancien Président Nelson Mandela. En 1963, la communauté internationale a réagi en déclarant que le racisme et la discrimination raciale, particulièrement l’apartheid, constituaient une violation des droits fondamentaux de l’homme et une menace à la paix et à la sécurité internationales. Prouvant la préoccupation de la communauté internationale, les Nations Unies ont adopté la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid (1973).

Sourd aux appels de la communauté internationale lui demandant de mettre un terme à l’apartheid et à la torture des Africains opprimés, le régime en place a adopté une législation répressive, comprenant notamment la loi antiterroriste de 1967, la vieille loi de sécurité intérieure de 1950 et ses amendements de 1976, qui autorisaient les fameux 180 jours de détention, et la loi de sécurité intérieure de 1982, qui autorisait la détention sans jugement pour une durée illimitée. Cet arsenal juridique était invoqué pour justifier les nombreux actes de répression et les atteintes aux libertés individuelles en Afrique du Sud. La période 1976‑1980 figure parmi les temps forts de la lutte menée par les étudiants pour la démocratie. Elle a fait suite au massacre de Soweto perpétré en 1976. Des milliers d’étudiants ont fui le pays pour devenir des combattants de la liberté, permettant l’amorce, puis le développement, d’une nouvelle phase de la lutte armée. À la fin des années 80, la résistance étudiante, les campagnes menées par les organisations intérieures telles que le Front démocratique uni (FDU), les pressions exercées par les mouvements de libération et les campagnes menées par la communauté internationale ont contraint le régime d’apartheid à légaliser les mouvements de libération et à engager le dialogue avec nos dirigeants, dialogue qui a abouti à l’adoption de la Constitution intérimaire, ouvrant la voie aux premières élections démocratiques non racistes de l’histoire de l’Afrique du Sud, le 27 avril 1994.

La Constitution of the Republic of South Africa Act de 1993 (Constitution intérimaire) prévoyait, entre autres, la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation, dont le rôle consistait à tenir des audiences consacrées aux atrocités du passé et à promouvoir la réconciliation nationale. La Commission Vérité et Réconciliation a étudié la façon dont les combattants de la liberté étaient torturés et tués par les forces de sécurité de l’ancien gouvernement de la minorité blanche. L’amnistie a été et est encore aujourd’hui accordée aux candidats qui démontrent leur sincérité, ce qui nous permet de rompre avec notre douloureux passé et de créer une nation nouvelle, fondée sur les valeurs de dignité humaine et d’égalité inscrites dans la Constitution de 1996.

La Constitution proclame le droit de chacun à la liberté et à la sécurité, qui comprend le droit de ne pas être torturé ni de faire l’objet de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle institue notre nouvel État démocratique et ouvre un nouveau chapitre dans notre lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, suivant le principe selon lequel la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée par l’Afrique du Sud le 10 décembre 1998, est d’application universelle.

En 1996, 36 lois de sécurité intérieure, qui étaient inconstitutionnelles et représentaient les restes des anciens États TBVC et de la République d’avant 1994, ont été abrogées par notre Parlement démocratique et remplacées par le Safety Matters Rationalisation Act de 1996 (loi no90 de 1996). Les lois abrogées autorisaient la détention sans jugement et diverses mesures administratives contre les personnes, les médias, les manifestants et les associations.

Le personnel chargé de la sécurité dans notre État démocratique, à savoir les policiers, les gardiens de prison et les militaires, est actuellement formé à la promotion et à la protection des droits de l’homme et, plus particulièrement, à l’élimination totale et à la prévention de la torture sur les personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions ou condamnées. Cette tâche reste colossale, compte tenu du manque de qualifications d’une partie du personnel et de la culture savamment orchestrée par l’ancien gouvernement de la minorité blanche.

La Constitution est notre cadre juridique suprême, dont l’objectif est d’abolir la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants utilisés par le régime d’apartheid pour opprimer les Noirs, et de permettre à tous les Sud‑Africains de résoudre leurs différends par la voie électorale, dans l’esprit de la nation arc‑en‑ciel.

Son Excellence M. Thabo M. Mbeki,Président de la République sud‑africaine

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

Première partie

Introduction1 − 385

Deuxième partie

Informations générales39 − 6613

Structure politique générale39 − 4913

Cadre juridique général de la protection des droits de l’homme50 − 6515

Recours et programmes de réadaptation6618

Troisième partie

Informations se rapportant aux articles 2 à 16 de la Convention67 − 20118

Article 2 − Mesures en vue d’empêcher les actes de torture67 − 9418

Article 3 − Refoulement95 − 10626

Article 4 − La torture comme infraction pénale107 − 11029

Article 5 − Compétence111 − 11430

Article 6 − Procédure pénale115 − 12032

Article 7 − Procédure pénale pour les personnes qui ont commisdes infractions liées à la torture et ne sont pas extradées121 − 12335

Article 8 − Extradition124 − 12836

Article 9 − Entraide judiciaire129 − 13237

Article 10 − Enseignement et information concernant l’interdiction de la torture133 − 13538

Article 11 − Garde à vue et traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées136 − 14538

Article 12 − Plaintes146 − 16240

Article 13 − Examen par des autorités impartiales163 − 17244

Article 14 − Indemnisation et réadaptation173 − 18346

Article 15 − Déclaration obtenue sous la torture184 − 18949

Article 16 − Autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants190 − 20150

Conclusion202 − 20451

Première partie

Introduction

Contexte historique

Période: 1652

1.L’histoire politique écrite de l’Afrique du Sud remonte au XVIIe siècle, avec la création d’une colonie hollandaise. L’histoire de l’occupation coloniale est une succession de conquêtes et de violations flagrantes des droits de l’homme. Les puissances coloniales hollandaise et britannique ont en partie ou totalement gouverné l’Afrique du Sud de 1652 à 1910. La torture était monnaie courante, jusqu’à son abolition par les Britanniques en 1796.

2.La Compagnie hollandaise des Indes orientales était, de par sa charte (Octrooi), habilitée à administrer le droit et à maintenir l’ordre dans les régions qu’elle contrôlait. Dans les colonies britanniques comme dans les deux républiques boers, les gouvernements blancs ont mis en place des régimes fondés sur un pouvoir, des richesses et des privilèges accaparés par les Blancs, au détriment des Noirs, qui étaient confinés dans la pauvreté et la servitude.

3.La peine de mort a constitué une sanction pénale légale de 1652 à 1994. «La peine de mort était appliquée, notamment, par pendaison, strangulation (pour les femmes), le supplice de la roue, le bûcher et la noyade. En 1796, le Gouverneur du Cap a reçu pour instruction d’abolir le supplice de la roue et les autres méthodes d’exécution barbares» (John Dugard, South African Criminal Law and Procedure, vol. IV, 1977, at 19). On trouvera ci‑après davantage d’informations sur la peine de mort.

Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants pratiqués sous l’apartheid

Période: 1948 ‑1990

4.L’élévation de l’apartheid au rang d’idéologie officielle a donné lieu à une intensification de la discrimination raciale et à une institutionnalisation du racisme. Les Noirs étaient soumis à des traitements cruels, inhumains et dégradants. L’apartheid en Afrique du Sud se caractérisait principalement par le dépouillement des Noirs et par la ségrégation, rendus possibles par le Group Areas Act de 1951, qui autorisait les expulsions forcées de Noirs, contraints à vivre en état de laissés pour compte dans les fameux townships. Cette loi a été appliquée à partir de 1954. Elle a divisé tout le pays en plusieurs zones réservées à l’occupation exclusive de groupes raciaux bien définis. Des citoyens (presque exclusivement noirs) ont été arrachés à leurs maisons, et des communautés telles que Sophiatown, District Six et Cato Manor ont été détruites. D’immenses souffrances et des pertes considérables en termes de prospérité et de revenus ont été endurées (Rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, vol. 1, p. 31).

5.Parmi les lois en question figurait notamment le Bantu Authorities Act de 1951, qui avait institutionnalisé le système de pouvoir indirect et mis en place une législation et une administration séparées pour les Africains. Le Bantu Education Act de 1953 plaçait le système éducatif réservé aux Africains sous le contrôle direct du Ministre des affaires autochtones, dans le but explicite de faire en sorte que cette population reçoive une éducation de niveau inférieur. Aux termes de cette loi, le contrôle des écoles africaines était transféré des provinces à un département bantou centralisé de l’éducation dirigé par M. H. Verwoerd. Or, Verwoerd avait déclaré: «L’école doit former les Bantous pour qu’ils puissent faire face aux exigences que l’économie leur imposera. À quoi servirait‑il d’enseigner les mathématiques à un enfant bantou s’il ne peut pas les utiliser dans la pratique? L’éducation doit former et enseigner les personnes en fonction des débouchés qui s’offrent à elles dans la vie.» (Rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, vol. 1, p. 62).

6.Ce système d’éducation a notamment eu pour conséquences à long terme, 40 ans plus tard, une pénurie chronique de compétences dans l’économie et un taux de chômage considérable parmi la population africaine (Rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, vol. 1, p. 32).

7.Le Separate Amenities Act de 1953 contribuait à faire en sorte que les Noirs jouissent d’une qualité de vie inférieure à celle des Blancs. L’Abolition of Passes Act de 1953 consolidait les lois antérieures visant à restreindre la liberté de circulation des Noirs, tout en créant le livret d’identité. Le Job Reservation Act de 1956 permettait de réserver un certain nombre d’emplois aux Blancs, sur la base de l’ancienne politique blanche de l’emploi. Ce dispositif législatif ségrégationniste comprenait également le Mixed Marriages Act de 1949 et l’Immorality Act de 1957, deux lois destinées à renforcer le caractère ségrégationniste de la politique gouvernementale en interdisant tout contact sexuel entre personnes de couleur différente. Confinés dans les campagnes et les villes les plus pauvres, les Noirs étaient systématiquement privés de l’accès aux services les plus élémentaires. De 1951 à la fin des années 60, les Africains ont été juridiquement dépouillés de la citoyenneté sud‑africaine. Les Métis et les Indiens étaient, eux aussi, relégués au rang de citoyens de deuxième, voire de troisième zone, et ne jouissaient d’aucun droit autre que ceux que la minorité blanche voulait bien leur concéder.

8.Face à cette situation, la lutte pour une Afrique du Sud démocratique non raciste a pris de l’ampleur. Elle a bénéficié d’un appui important de la communauté internationale, fourni soit directement par les États membres soit par l’intermédiaire du système des Nations Unies. Le régime d’apartheid a contré cette lutte menée au nom des droits de l’homme et de la démocratie en se livrant à des violations toujours plus nombreuses et flagrantes des droits de l’homme, qui prenaient diverses formes de brutalité et d’oppression. Un événement qui a choqué la communauté internationale tout entière a été le massacre de manifestants sans armes qui s’étaient rassemblés pour protester contre les lois sur les laissez‑passer à Sharpeville, près de Johannesburg, en mars 1960. Cet événement, ajouté à l’interdiction des mouvements de libération, au refus de négocier, à l’emprisonnement des dirigeants de ces mouvements et à d’autres formes de répression, a poussé les mouvements de libération à s’engager dans la lutte armée. La réaction du régime d’apartheid a été de tout faire pour préserver la domination blanche, notamment en arrêtant et en emprisonnant les activistes et les dirigeants du mouvement. La détention sans jugement est devenue la règle. La torture des détenus politiques est devenue une procédure de routine de la police. Les activistes politiques étaient bannis et contraints à vivre dans des conditions extrêmes, ou se voyaient remettre un visa de sortie du pays sans retour.

9.Le régime raciste a également commencé à mettre en œuvre ses méthodes sournoises, qui ont été révélées plus tard dans le contexte de la Commission Vérité et Réconciliation et qui comprenaient notamment des disparitions, des assassinats de détenus et un certain nombre d’attaques contre les pays voisins considérés comme appuyant les mouvements de libération. Le Botswana, le Mozambique, le Lesotho, l’Angola, la Zambie et le Zimbabwe ont ainsi été pris pour cibles.

10.La justice sud‑africaine ne faisait pas grand‑chose pour protéger les droits de l’homme en général et les droits des Noirs en particulier. Les tribunaux n’appliquaient pas les droits de l’homme lorsqu’ils devaient statuer sur des affaires de discrimination raciale visiblement attentatoires à la dignité des Noirs.

11.La période comprise entre 1960 et 1990 a été marquée par le recours systématique et intensif à la détention sans jugement en Afrique du Sud. Cette forme de détention donnait fréquemment lieu à des violations caractérisées des droits de l’homme. Le Comité des droits de l’homme a estimé le nombre de détentions entre 1960 et 1990 à environ 80 000, dont près de 10 000 femmes et 15 000 enfants et adolescents de moins de 18 ans (Rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, vol. 2, p. 187). La détention sans jugement a constitué la première barrière défensive des forces de sécurité. C’est seulement lorsque cette stratégie a commencé à perdre de son efficacité que les assassinats d’opposants politiques ont commencé à se multiplier.

12.Il ressort des travaux de la Commission Vérité et Réconciliation que la torture a été utilisée de façon systématique par les services de sécurité, tant pour obtenir des renseignements que pour terroriser les détenus et les activistes (on trouvera ci‑après, dans le cadre de l’examen de l’article 2, des informations plus détaillées concernant la création de cette commission). L’emploi de la torture ne se limitait pas à certains commissariats de police, régions ou policiers, bien que certains noms reviennent régulièrement. La torture était employée par la police de la sûreté et par d’autres éléments des forces de sécurité, y compris l’Unité de réaction, la police municipale, la CID et, dans une certaine mesure, par le renseignement militaire (pour davantage d’informations sur la Commission, voir le rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, vol. 1 à 4).

13.La Commission Vérité et Réconciliation a été guidée dans ses travaux par la définition internationalement acceptée de la torture telle qu’elle figure à l’article premier de la Convention contre la torture (Rapport de la Commission, vol. 1, p. 78). Les premières allégations de torture sur des détenus politiques ont été enregistrées durant l’état d’urgence décrété le 24 mars 1960; 98 Blancs, 36 Métis, 90 Indiens et 11 279 Noirs ont été arrêtés au titre du Public Safety Act (loi de sécurité publique) de 1953. Il ressort des communications reçues par la Commission que les passages à tabac et autres formes de mauvais traitements étaient monnaie courante (Rapport de la Commission, vol. 2, p. 197).

14.«Avec l’introduction de la disposition autorisant la détention pendant une période de 90 jours, inscrite dans le General Laws Amendement Act, de 1963, la torture s’est généralisée. En vertu de l’article 17, tout fonctionnaire habilité pouvait arrêter sans mandat toute personne soupçonnée d’activités politiques et la placer au secret, sans qu’elle puisse rencontrer un avocat, pendant une période de 90 jours. Dans la pratique, il était fréquent que les personnes ne soient libérées après 90 jours que pour être à nouveau arrêtées le même jour et placées en détention pour une nouvelle période de 90 jours.» (Rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, vol. 2, p. 197.) La Commission a reçu des informations selon lesquelles un certain nombre de détenus seraient décédés après avoir été incarcérés au titre de la législation de sécurité.

15.En vertu de l’article 29 de la loi sur l’état d’urgence, la détention concernait en priorité les personnes soupçonnées d’activités militaires clandestines. Ces détenus subissaient des traitements physiques et psychologiques particulièrement durs, principalement du fait du Western Cape Security Branch (Rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, vol. 3, p. 441).

16.«De nombreux détenus emprisonnés au titre de l’article 29 étaient soumis à une torture psychologique particulièrement dure. Ils étaient presque tous mis au secret pour six mois ou plus. Il n’était pas rare de voir leur détention prolongée pour 180 jours supplémentaires. Plusieurs détenus, dont certains avaient tenté de se suicider, ont été hospitalisés dans un état d’angoisse et de dépression aigu. Une autre forme de torture psychologique consistait à menacer le détenu de mettre les membres de sa famille en détention, voire à mettre cette menace à exécution.». (Rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, vol. 3, p. 443.)

17.Les forces de sécurité prétendaient que l’ANC faisait savoir aux détenus qu’il valait mieux se suicider que parler. Certains ont affirmé que des détenus s’étaient suicidés pour jeter le discrédit sur les forces de sécurité.

18.Le passage à tabac était la forme de torture la plus couramment utilisée, mais on avait également recours à tout un éventail d’autres techniques. La torture par suffocation a été de plus en plus souvent employée entre 1975 et la fin de la période couverte par la Commission, devenant la troisième méthode la plus utilisée. Les tortures d’ordre sexuel consistaient notamment à obliger les détenus (hommes et femmes) à se déshabiller; à s’en prendre délibérément aux parties génitales ou aux seins; à menacer de les violer, voire à les violer; à insérer des objets tels que des bâtons ou des pistolets dans leurs orifices; et à les placer pendant toute une nuit en compagnie de détenus de droit commun connus pour violer les nouveaux venus (Rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, vol. 3, p. 446 et 447).

19.Dans une affaire rapportée à la Commission (Mpumelelo Rwarwa‑CT00864), un groupe d’adolescents a été arrêté, agressé et torturé à la fois au moment de l’arrestation et au commissariat de Gugulethu. Entièrement dévêtus, les jeunes ont été torturés par suffocation à l’aide de sacs mouillés, décharges électriques et coups de crosse. Les policiers ont menacé de brûler vif un des détenus, qu’ils avaient entouré d’un pneu et badigeonné d’essence. Cette opération des forces de sécurité a entraîné la mort de Rwarwa (Rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, vol. 3, p. 441).

20.La Commission a estimé qu’au cours de la période considérée le recours à la torture physique et/ou mentale dans le but d’imposer des châtiments, d’intimider les personnes et de leur extorquer des informations et/ou des aveux était systématique, particulièrement mais pas exclusivement de la part du service sécurité de la police sud‑africaine. Elle a conclu que le Gouvernement sud‑africain cautionnait officiellement l’utilisation de la torture (Rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, vol. 2, p. 220).

21.La Commission a estimé que la torture telle qu’elle était pratiquée par la police sud‑africaine constituait un schéma systématique de violations qui impliquait une planification délibérée de la part des hauts gradés de la police, au mépris le plus complet des droits de l’homme (Rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, vol. 2, p. 220).

22.La Commission a estimé que les personnalités suivantes étaient directement responsables de l’utilisation de la torture contre les détenus et indirectement responsable des décès non naturels de personnes détenues par la police: les ministres de la police et du maintien de l’ordre, les commissaires de police et les officiers commandant le Security Branch au niveau national, au niveau des districts et au niveau local. Elle a en outre estimé que le Cabinet était indirectement responsable (Rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, vol. 2, p. 220).

Action menée par le nouveau Gouvernement démocratique pour éliminer la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

23.La Constitution sud ‑africaine de 1993 (loi n o  200 de 1993), c’est‑à‑dire la Constitution intérimaire, a instauré la démocratie constitutionnelle en Afrique du Sud. Elle a servi de fondement à la mise en œuvre, à la promotion et à la protection des droits de l’homme, notamment du droit à la liberté et à la sécurité de la personne.

24.Certaines des dispositions suivantes intéressent directement la Convention contre la torture:

Article 10 − Dignité humaine

Chacun a droit au respect et à la protection de sa dignité.

Article 11 − Liberté et sécurité de la personne

1) Chacun a droit à la liberté et à la sécurité personnelles, y compris le droit de ne pas être détenu sans jugement.

2) Nul ne doit faire l’objet de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

25.Une affaire particulièrement importante, l’affaire État c. Makwanyane 1995 (3) SA 391 (CC),examinée au regard de la Constitution intérimaire, concernait la peine de mort. Interprétant les dispositions constitutionnelles, la Cour constitutionnelle a aboli la peine de mort, estimant qu’elle était contraire au droit de ne pas faire l’objet de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans leur majorité, les juges ont estimé que la peine capitale constituait une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant pour quatre raisons essentielles:

a)Le caractère arbitraire pratiquement inhérent à ce type de condamnation;

b)Cette peine ne permet pas de traiter le coupable comme un être humain digne de respect;

c)Le caractère irréversible de la peine; et

d)La cruauté à laquelle les condamnés sont inévitablement soumis lorsqu’ils attendent leur exécution et, souvent, la cruauté liée à la nature même de l’exécution.

26.Toujours en vertu de la Constitution intérimaire, il a également été estimé, dans l’affaire État c. Williams 1995 (3) SA 632 (CC), que la flagellation des mineurs constituait une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant. L’article 35 1) de la Constitution intérimaire disposait expressément que les droits inscrits dans la Constitution, «y compris l’article 10 (qui dispose que chacun a droit au respect et à la protection de sa dignité) et l’article 11 2) (qui dispose que nul ne doit être soumis à des tortures physiques, mentales ou émotionnelles ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), devaient être interprétés dans le respect des valeurs inhérentes à une société ouverte et démocratique fondée sur la liberté et l’égalité (sommaire de l’affaire État c. Williams 1995 (3) SA at 633).

27.La Cour a souligné le caractère déshumanisant de la flagellation:

«La sévérité de la douleur infligée est arbitraire, car elle dépend presque entièrement de la personne qui administre les coups de fouet. Certes, le mineur n’est pas attaché, mais il n’en est pas moins réduit à l’impuissance. Il doit se soumettre à la flagellation, quelles que soient sa terreur et sa sensibilité à la douleur... La flagellation est en elle ‑même un affront grave à la dignité humaine du mineur.».

28.La Cour a estimé que, même s’il existait des raisons de penser que la flagellation avait un certain effet dissuasif sur les comportements criminels des mineurs, cet effet n’était pas suffisant pour emporter l’annulation d’un droit inscrit dans la Constitution. Elle a également estimé que la flagellation était injustifiée, d’autres modes de condamnation étant disponibles, et que la perpétuation d’un châtiment aussi dépassé n’était pas conforme à l’engagement constitutionnel de rupture avec notre passé violent et de progrès vers une société plus attentive et plus humaine.

29.Le Parlement a réagi à l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle dans cette affaire en adoptant la loi sur l’abolition des châtiments corporels (loi no 33 de 1997). Cette loi abroge ou modifie l’ensemble des dispositions statutaires restantes eu égard aux châtiments corporels susceptibles d’être imposés par un tribunal ou par la loi, ou encore par un tribunal coutumier. Le Parlement a également adopté le Criminal Law Amendment Act (loi no 105 de 1997), qui prévoit l’annulation des condamnations à mort. En vertu de cette loi, toutes les condamnations à mort peuvent être annulées conformément à la loi et commuées en d’autres peines légales. (Voir également l’affaire Christian Education South Africa c. Ministre de l’éducation 2000 (4) SA 757 (CC), évoquée ci‑après, qui a été tranchée au regard de la Constitution.)

30.La Constitution de la République sud ‑africaine (loi n o  108 de 1996) a été adoptée par l’Assemblée constituante le 8 mai 1996. Elle a été avalisée par la Cour constitutionnelle le 11 octobre 1996 et est entrée en vigueur le 4 février 1997. L’article 2 de la Constitution dispose que «la présente Constitution est la loi suprême de la République; toute loi ou tout comportement non conforme à la Constitution n’est pas valide, et les obligations qu’elle impose doivent être remplies».

31.Les articles de la Constitution qui présentent un intérêt du point de vue de la Convention contre la torture sont examinés ci‑après. L’article 10 dispose:

Article 10 − Dignité humaine

Chacun a droit au respect et à la protection de sa dignité .

32.L’article 12 de la Constitution proclame le droit à la liberté et à la dignité de la personne, et mentionne en particulier le droit de ne pas être torturé. Il est libellé comme suit:

Article 12 − Liberté et sécurité de la personne

12 1) Chacun a droit à la liberté et à la dignité de sa personne, y compris

le droit:

a) De ne pas être privé arbitrairement ou injustement de sa liberté;

b) De ne pas être détenu sans jugement;

c) De n’être soumis à aucune forme de violence de la part d’une source publique ou privée;

d) De ne pas être torturé; et

e) De ne pas faire l’objet de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

2) Chacun a droit au respect de son intégrité physique et psychologique y compris le droit:

a) De décider lui ‑même des questions le concernant en matière de procréation;

b) De jouir de la sécurité et de la maîtrise de son corps; et

c) De ne pas faire l’objet d’expériences scientifiques et médicales sans son consentement donné en connaissance de cause.

33.La Constitution exclut par ailleurs tout recours à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, même en situation d’état d’urgence. En cas d’état d’urgence, certains droits peuvent être limités. Toutefois, certains droits sont considérés comme non susceptibles de dérogation. S’agissant de l’article 12, les droits énoncés aux paragraphes 1 d) et e) et 2 c) sont non susceptibles de dérogation. L’article 37 de la Constitution traite de l’état d’urgence et de la liste des droits non susceptibles de dérogation.

34.L’article 36 est consacré aux limitations des droits. Il dispose:

Article 36 − Limitation des droits

1) Les droits inscrits dans la Charte des droits ne peuvent être restreints, eu égard au droit d’application générale, que dans la mesure où ces restrictions sont raisonnables et justifiées dans une société ouverte et démocratique fondée sur la dignité humaine, l’égalité et la liberté, compte tenu de l’ensemble des facteurs pertinents, et notamment:

a) La nature du droit;

b) L’importance de l’objectif de la limitation;

c) La nature et le degré de la limitation;

d) Le rapport entre la limitation et son objectif; et

e) Les voies moins restrictives de parvenir à cette fin.

2) Sauf dans les cas prévus au paragraphe 1 ou dans toute autre disposition de la Constitution, aucune loi ne peut restreindre un droit inscrit dans la Charte des droits.

Par rapport à la Constitution intérimaire, il ne fait aucun doute que la Constitution actuelle protège plus efficacement la liberté et la sécurité des personnes.

35.Une affaire concernant des châtiments corporels (État c. Williams), tranchée sur la base de la Constitution intérimaire, a été évoquée plus haut. Une affaire du même type a été réglée sur la base de la Constitution actuelle. Dans l’affaire Christian Education South Africa c. Ministre de l’éducation 2000 (4) SA 757 (CC), le plaignant a reçu de la juridiction inférieure l’autorisation de former un recours devant la Cour constitutionnelle au motif que l’interdiction générale prévue à l’article 10 du South African Schools Act de 1996 (loi n o  84 de 1996) portait atteinte aux dispositions relatives, entre autres choses, à la vie privée et à la liberté de religion et d’éducation.

36.L’article 10 dispose:

Article 10 − Interdiction des châtiments corporels

1) Nul ne peut administrer de châtiment corporel à un élève dans une école.

2) Tout contrevenant aux dispositions du paragraphe 1 est coupable d’une infraction et encourt une sanction pénale pour le motif d’agression.

37.Dans l’affaire précitée, la question était de savoir si le Parlement, en votant l’interdiction des châtiments corporels à l’école, avait enfreint les droits des enfants scolarisés dans des établissements privés qui (conformément à leurs convictions religieuses) étaient favorables à l’application de châtiments corporels à l’école.

38.Le défendeur a affirmé que la demande du requérant de bénéficier d’une exemption spéciale autorisant l’administration de châtiments corporels était incompatible avec les dispositions constitutionnelles relatives à l’égalité (art. 9), la dignité humaine (art. 10), la liberté et la sécurité de la personne (art. 12) et des enfants (art. 28), et que les droits énoncés à l’article 31 1) ne pouvaient, eu égard aux dispositions de l’article 31 2), s’exercer en violation des dispositions contenues dans la Charte des droits. Il a également argué que, dans les pays démocratiques, la tendance était à l’interdiction des châtiments corporels à l’école et que les obligations contractées par l’Afrique du Sud au titre de diverses conventions exigeaient l’abolition des châtiments corporels à l’école, puisque ces procédés consistaient à soumettre les enfants à des traitements violents et dégradants (extrait du sommaire de l’affaire). La Cour a notamment estimé que le défendeur avait établi que l’interdiction des châtiments corporels faisait partie intégrante d’un programme national visant à transformer le système éducatif et à l’harmoniser avec la Constitution, dans la lettre et dans l’esprit. L’instauration de règles et de normes uniformes pour toutes les écoles était indispensable au développement de l’éducation, au même titre qu’un système disciplinaire cohérent et raisonné. Par ailleurs, l’État était tenu, en vertu de la Constitution, de prendre des mesures visant à réduire, tant dans la sphère publique que dans la sphère privée, la violence dans la société en général, et à protéger toute personne, et plus particulièrement les enfants, contre la maltraitance, les sévices et les humiliations. Par ailleurs, dès lors qu’il est question d’un enfant, l’intérêt supérieur de ce dernier est la considération qui prime. Il ne saurait être question de déroger à ce principe, même si les droits des parents en matière de religion sont en jeu. Il a également été affirmé qu’une fois tous les facteurs bien pesés la balance penchait nettement en faveur de l’application de la généralité de la loi, nonobstant la demande d’exemption garantie par la Constitution formulée par le plaignant. La Cour constitutionnelle a par conséquent rejeté le recours.

Deuxième partie

Informations générales

Structure politique générale

Contexte historique

39.L’Afrique du Sud a vu le jour en tant que démocratie constitutionnelle en 1994, après de nombreux siècles de colonialisme et quatre décennies d’apartheid. Une démocratie constitutionnelle fondée sur l’état de droit et les principes de la dignité humaine et de l’égalité a été mise en place suite aux premières élections démocratiques non raciales, tenues dans le pays le 27 avril 1994.

40.Jusqu’en 1994, les Noirs, et particulièrement les Africains, étaient exclus de la vie politique et de la jouissance des droits de l’homme. Une participation limitée à la vie publique leur a été concédée par les accords de transition qui ont préludé à la Constitution intérimaire de 1993 et qui ont ensuite inclus celle‑ci. La Constitution intérimaire, qui a servi de cadre aux élections démocratiques non raciales historiques de 1994, a également institué l’Assemblée constituante, laquelle a rédigé la Constitution entrée en vigueur le 4 février 1997.

Structure du Gouvernement

41.La démocratie constitutionnelle a remplacé le système d’exclusion raciale qui avait permis au régime raciste antérieur de violer les droits de l’homme et les principes de l’état de droit de manière flagrante et en toute impunité. La nouvelle organisation de l’État repose sur la séparation des pouvoirs entre les branches exécutive, législative et judiciaire. La Constitution a également divisé le territoire en neuf provinces, dotées de pouvoirs importants mais circonscrits. Le pays est dirigé selon le principe de la gouvernance coopérative, inscrit dans la Constitution. Le Gouvernement est constitué de structures aux échelons national, provincial et local, qui sont distinctes, interdépendantes et étroitement liées.

42.Le Président est le chef de l’État et du Cabinet, l’organe exécutif de gouvernement. Le Président est élu par l’Assemblée nationale. Il est doté des pouvoirs que lui confèrent la Constitution et les lois nationales, notamment des pouvoirs nécessaires pour exercer les fonctions de chef de l’État et de l’exécutif.

43.C’est à l’exécutif qu’il revient de négocier et de signer les accords internationaux. Mais les traités, négociés et signés par le Cabinet, ne lient la République au niveau international que s’ils ont été entérinés par une résolution de l’Assemblée nationale et du Conseil national des provinces.

44.L’organe législatif au niveau national est le Parlement. Dans le cadre du pouvoir législatif conféré au Parlement, l’Assemblée nationale est notamment habilitée à modifier la Constitution et à adopter des lois sur toute matière. Le Parlement est composé de l’Assemblée nationale et du Conseil national des provinces. Les séances des chambres parlementaires sont ouvertes et publiques.

45.L’article 12 de la Constitution prévoit que l’institution des chefs traditionnels selon le droit coutumier ainsi que leur statut et leur rôle, sont définis par la Constitution. La loi constitutionnelle prévoit la création d’assemblées des chefs traditionnels selon les modalités des lois provinciales ou nationales. Le Conseil des chefs traditionnels a été établi le 18 avril 1997 au moyen d’une loi adoptée par le Parlement. Le Conseil fournit des services consultatifs au Gouvernement national au sujet du rôle des chefs traditionnels et du droit coutumier africain.

46.Les structures du gouvernement provincial sont définies par l’article 6 de la Constitution. Chacune des neuf provinces est dotée de son propre organe législatif, élu selon le principe de la représentation proportionnelle. Le pouvoir exécutif provincial est dévolu au Premier Ministre de la province. Il exerce ce pouvoir avec les autres membres du Conseil exécutif, qui est notamment chargé de faire appliquer les lois provinciales ainsi que d’élaborer et de mettre en œuvre les politiques provinciales.

47.Les dispositions relatives à l’administration locale figurent à l’article 7 de la Constitution. L’administration locale concerne les municipalités, lesquelles doivent être déterminées sur l’ensemble du territoire de la République. La municipalité a le droit de gérer de manière autonome les affaires de la communauté locale, sans préjudice des lois nationales et provinciales, comme le prévoit la Constitution. L’administration locale est notamment chargée de gouverner de manière démocratique et responsable la communauté locale, de lui fournir des services de manière durable et de veiller à la sécurité et à l’hygiène de l’environnement.

48.L’Afrique du Sud est une démocratie pluraliste. Le parti politique au pouvoir est le Congrès national africain (African National Congress, ANC), tandis que le Parti démocrate (Democratic Party, DP) est le parti d’opposition officiel. Le Parti démocrate a fusionné avec le Nouveau parti national (New National Party, NNP) pour former l’Alliance démocratique (Democratic Alliance, DA), et c’est sous cette appellation commune que ces deux partis ont participé aux élections locales du 5 décembre 2000. Les autres partis politiques sont notamment le Parti de la liberté Inkatha (Inkatha Freedom Party, IFP), le Mouvement Démocratique Uni (United Democratic Movement, UDM), le Parti démocrate chrétien africain (African Christian Democratic Party, ACDP), le Congrès panafricain (Pan Africanist Congress, PAC) et le Front pour la liberté (Freedom Front, FF).

49.Les organes judiciaires sont la Cour constitutionnelle, la Cour suprême d’appel, les tribunaux supérieurs, les tribunaux supérieurs spéciaux, les tribunaux régionaux, les tribunaux d’instance, les tribunaux du travail et les tribunaux des litiges mineurs. La Cour constitutionnelle est une nouvelle institution créée spécifiquement pour protéger la démocratie constitutionnelle.

Cadre juridique général de la protection des droits de l’homme

La Charte des droits et le système judiciaire

50.En Afrique du Sud, les organes judiciaires chargés de la protection des droits de l’homme sont les tribunaux. Les tribunaux sont indépendants, impartiaux et ne sont tenus de se conformer qu’aux limitations fixées par la Constitution et la législation, qu’ils doivent appliquer de manière impartiale et sans crainte, parti pris favorable ou préjugé. Toute décision ou jugement prononcé par un tribunal lie toutes les personnes et tous les organes de l’État auxquels elle s’applique. Aucun individu ou aucun organe de l’État ne peut entraver le fonctionnement des tribunaux.

51.La Charte des droits du justiciable qui figure à l’article 2 de la Constitution est la pierre angulaire de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit en Afrique du Sud. Elle consacre les droits fondamentaux de tous les citoyens de la République et affirme les valeurs démocratiques que sont la dignité humaine, l’égalité et la liberté. La Constitution lie les organes législatifs et exécutifs de l’État à tous les niveaux de gouvernement et précise que l’État doit respecter, protéger, promouvoir et faire appliquer les droits établis dans la Charte des droits.

52.Les lois promulguées par le gouvernement national et les administrations provinciales et locales, ainsi que les textes arrêtés en vertu d’une délégation de pouvoir, doivent être conformes à la Constitution et à la Charte des droits. Si une loi est incompatible avec la Constitution, deux possibilités s’offrent à un tribunal supérieur, à la Cour suprême d’appel ou à la Cour constitutionnelle: soit appliquer directement la Charte des droits à la loi visée et abroger celle‑ci en raison de son incompatibilité, en laissant au législateur, si nécessaire, le soin de réviser la loi pour la rendre compatible avec la Charte des droits, soit si cela est raisonnablement possible, réinterpréter la loi de manière à la rendre compatible avec la Charte des droits. En cas d’incompatibilité entre une disposition de la common law et la Charte des droits, le tribunal modifiera la première de manière à la rendre conforme à la seconde. La Cour constitutionnelle est la plus haute instance en matière constitutionnelle.

53.Les nominations des juges des tribunaux supérieurs sont faites publiquement par le Président de la République sur la recommandation de la Commission du service judiciaire, qui est indépendante et ne pratique pas d’exclusion raciale. La Commission est une émanation de la Constitution et sa composition est généralement représentative de la diversité de la société sud‑africaine. Les magistrats des tribunaux de rang inférieur sont nommés par le Ministre de la justice et du développement constitutionnel sur la recommandation d’une Commission de magistrats, créée statutairement. Les juges sont inamovibles et statuent en toute indépendance sur les questions judiciaires. Des mesures sont mises en œuvre en vue de parvenir à une intégration des statuts des juges et magistrats des tribunaux inférieurs et supérieurs.

54.Le Gouvernement a de nombreuses fois prouvé son respect de l’état de droit. C’est ainsi que M. Nelson Mandela, premier Président sud‑africain élu démocratiquement, a aussi été le premier Président du pays à comparaître devant un tribunal pour rendre compte de son action administrative. Le Président a comparu devant un tribunal et a dû répondre à un interrogatoire contradictoire à propos d’une décision administrative qu’il avait prise concernant l’administration du rugby professionnel.

Institutions renforçant la démocratie constitutionnelle

55.La Constitution sud‑africaine contient des dispositions relatives à la création de plusieurs institutions (les institutions prévues à l’article 9) ayant pour vocation de renforcer la démocratie constitutionnelle. Ces institutions indépendantes sont spécifiquement chargées de cimenter les valeurs fondamentales sur lesquelles reposent la Constitution et l’État démocratique. Il s’agit notamment des institutions suivantes:

a)Commission des droits de l’homme;

b)Commission de l’égalité des sexes;

c)Commission pour la promotion et la protection des droits des communautés culturelles, religieuses et linguistiques;

d)Défenseur des droits du citoyen.

Commission sud ‑africaine des droits de l’homme

56.La Commission sud‑africaine des droits de l’homme est un organe important pour ce qui concerne la reconnaissance de la dignité humaine, la réalisation de l’égalité et la promotion de la liberté et des droits de l’homme. Elle a commencé ses activités en octobre 1995. Une des fonctions de la Commission est de promouvoir le respect des droits fondamentaux et la culture des droits de l’homme. Elle a aussi le pouvoir de procéder à des enquêtes, de rendre compte du respect des droits de l’homme et de prendre des mesures pour obtenir réparation du tort subi en cas de violation des droits de l’homme.

Commission de l’égalité des sexes

57.Le mandat de la Commission est d’assurer le respect de l’égalité des sexes et de garantir, de promouvoir et de réaliser cette égalité. La Commission est habilitée à effectuer des contrôles, des enquêtes, des recherches, à dispenser des formations, à fournir des conseils et à rendre compte de la situation en matière d’égalité des sexes.

Commission pour la promotion et la protection des droits des communautés culturelles, religieuses et linguistiques

58.La Constitution sud‑africaine prévoit l’amélioration et la promotion du statut des langues et des cultures autochtones, qui a de tout temps été réduit à la portion congrue. Les principaux objectifs de la Commission sont de favoriser le respect des droits des communautés culturelles, religieuses et linguistiques, et de promouvoir la paix, l’amitié et la tolérance entre les différentes communautés de la nation.

Défenseur des droits du citoyen

59.Le Défenseur des droits du citoyen occupe une place importante dans le domaine de la protection des citoyens contre les agissements répréhensibles ou préjudiciables de l’État ou de l’administration publique dans les trois branches de l’exécutif. Il a aussi le pouvoir de prendre les mesures correctives appropriées. Ces institutions sont censées jouer un rôle important de surveillance et d’évaluation pour que les citoyens ne soient pas victimes de violations des droits de l’homme, notamment pour ce qui concerne le droit de ne pas être soumis à un traitement cruel ou inhumain.

60.Les autres institutions constitutionnelles et statutaires indépendantes contribuant à la réalisation des droits de l’homme sont notamment:

a)La Commission pour l’égalité de l’emploi;

b)La Commission sud‑africaine de la jeunesse.

Cadre juridique

61.Le système juridique sud‑africain repose sur des lois combinées avec des actes de droit dérivé sur la common law (textes des juristes et décisions des tribunaux) et sur les lois des communautés africaines autochtones (bien que ces dernières aient été négligées ou déformées, en particulier par le Black Administration Act (loi n° 38 de 1927 sur l’administration noire).

62.La complexité du système juridique rend difficiles, pour de nombreux Noirs, l’accès à la justice et, par conséquent, l’application de leurs droits fondamentaux. Des mesures sont actuellement prises pour rapprocher le système juridique de la vie réelle des citoyens. De nombreuses actions dans ce sens figurent dans la stratégie Justice Vision 2000, mise en œuvre en 1997 par le Gouvernement et visant à définir la perspective et les paramètres concernant la transformation du système juridique. Cette stratégie s’inscrivait dans le prolongement de la Stratégie nationale de prévention de la criminalité visant à transformer le système de justice pénale selon une approche intersectorielle.

Statut des instruments internationaux, notamment de la Convention

63.Une fois qu’elles ont été ratifiées, ou ratifiées et incorporées dans le droit interne, les conventions lient l’Afrique du Sud en tant qu’instruments du droit international. Les dispositions actuelles concernant le statut des traités juridiquement contraignants figurent au paragraphe 4 de l’article 231 de la Constitution:

«Un accord international devient une loi de la République lorsqu’il est promulgué sous la forme de loi et incorporé dans le droit interne; en revanche, une disposition d’application directe d’un accord approuvé par le Parlement devient loi de la République sauf si elle n’est pas conforme à la Constitution ou à une loi.».

64.Les dispositions d’une convention ne peuvent pas être invoquées devant les tribunaux supérieurs, les autres tribunaux ou les autorités administratives ou directement mises en application par ces instances. Elles doivent être transposées dans des lois ou règlements administratifs nationaux pour être mises en application par les autorités compétentes (AZAPO et autres c. Président de la République sud ‑africaine et autres, 1996 (8) BCLR 1015 (CC)).

65.Cela dit, l’article 39 de la Constitution renforce l’importance du droit international dans le processus d’interprétation, car il engage les tribunaux à appliquer le droit international lorsqu’il est applicable. En exigeant des tribunaux de prendre en considération les instruments du droit international lorsqu’ils interprètent la Charte des droits, l’alinéa b de l’article 39 ouvre la voie à la consultation par les tribunaux sud‑africains de toutes les sources du droit international reconnues par l’alinéa premier de l’article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice, notamment des conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les États. L’article 233 de la Constitution engage les juges à rendre le droit interne conforme aux normes du droit international sans préjudice du principe de souveraineté de la Constitution.

Recours et programmes de réadaptation

66.En plus des pouvoirs publics, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) sont actives dans le domaine de la réadaptation des victimes de torture. Le Centre d’étude sur la violence et la réconciliation (Centre for the Study of Violence and Reconciliation) aide les victimes de torture, qu’elles soient sud‑africaines ou réfugiées, en leur offrant un soutien psychologique. Les personnes qui bénéficient de cette aide ont été victimes de violence à l’époque de l’apartheid ou de violences policières. Une autre ONG, le Centre traumatologique de la municipalité du Cap (Cape Trauma Centre), aide aussi les victimes de torture, aussi bien des Sud‑Africains que des réfugiés, en leur fournissant des consultations psychologiques. Le Programme d’aide aux survivants de violence au KwaZoulou‑Natal (KZN Programme for Survivors of Violence) ne fournit pas seulement des conseils psychologiques aux victimes de violence politique, mais aide aussi les victimes d’autres types de torture et de violence. La prestation de ces conseils psychologiques aux victimes est assurée par un personnel spécialisé. Pour de plus amples informations concernant les programmes de réadaptation des services ministériels, voir les renseignements fournis dans le cadre de l’article 14.

Troisième partie

Informations se rapportant aux articles 2 à 16 de la Convention

Article 2 − Mesures en vue d’empêcher les actes de torture

Au niveau législatif

67.Comme indiqué dans la première partie du présent document, la torture n’est pas encore considérée comme une infraction par le droit pénal sud‑africain. L’Afrique du Sud doit encore intégrer le crime de torture dans son droit interne. Toutefois, l’article 12 de la Constitution stipule que les citoyens ont droit à la liberté et à la sécurité, notamment à ne pas être soumis à la torture et à ne subir aucune forme de violence. Les actes de torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants ne sont pas tolérés. En outre, l’article 232 de la Constitution de 1996 prévoit que «le droit international coutumier a valeur de loi dans la République, sauf s’il n’est pas conforme à la Constitution ou à une loi».

68.Toute personne, y compris un fonctionnaire de l’État, qui commet un acte de torture peut être inculpée, en vertu de la common law, de voies de fait, coups et blessures avec préméditation, agression à caractère sexuel ou tentative de meurtre. Les tribunaux d’instance peuvent prononcer une peine de trois ans d’emprisonnement ou d’amende, dont le montant maximum est fixé par le Ministère et annoncé dans le Government Gazette (Journal officiel), ou une peine d’emprisonnement et d’amende. Les tribunaux régionaux peuvent prononcer une peine de 15 ans d’emprisonnement ou d’amende, ou les deux, et les juges présidant les tribunaux supérieurs ne sont soumis à aucune restriction en ce qui concerne la peine imposée (art. 51 de la loi portant modification du droit pénal (loi no 105 de 1997)). En ce qui concerne les mesures législatives et judiciaires prises pour empêcher la torture, on pourra également consulter les sections précédentes du présent document.

69.En ce qui concerne les ordres émanant de supérieurs, l’alinéa 6 de l’article 199 de la Constitution stipule que:

«Il est interdit aux membres des forces de sécurité d’obéir à un ordre manifestement illégal.».

70.La loi sur la promotion de l’unité et de la réconciliation nationales (loi n o  34 de 1995) prévoit l’établissement de la Commission Vérité et Réconciliation. Elle prévoit:

«d’enquêter et de déterminer de manière aussi complète que possible la nature, les causes et l’étendue des violations flagrantes des droits de l’homme commises entre le 1 er  mars 1960 et la date prévue par la Constitution, à l’intérieur ou à l’extérieur de la République, résultant des conflits passés, ainsi que le sort et ce qu’il est advenu des victimes de ces violations; d’accorder une amnistie aux personnes qui rendent compte de manière complète de tous les faits pertinents relatifs aux actes criminels aux fins d’un objectif politique commis durant les conflits passés de la période susmentionnée; de permettre aux victimes de rendre compte des violations qu’elles ont subies; de prendre des mesures visant à accorder une réparation aux victimes des violations des droits de l’homme, à les réinsérer dans la société et à leur restituer leur dignité humaine et civile; de rendre compte à la nation de ces violations et de ces victimes; de formuler des recommandations visant à prévenir d’autres violations flagrantes des droits de l’homme; de créer à cette fin la Commission Vérité et Réconciliation, comprenant un Comité des violations des droits de l’homme, un Comité de l’amnistie et un Comité des réparations et réinsertions; de conférer des pouvoirs à la Commission et à ses comités, de leur assigner certaines fonctions et de leur imposer certains devoirs;».

71.Comme il est mentionné plus haut, la loi sur la promotion de l’unité et de la réconciliation nationales prévoit la mise en place de divers mécanismes chargés de traiter des violations flagrantes des droits de l’homme résultant des conflits passés. Ces «violations flagrantes» sont notamment le meurtre, l’enlèvement, la torture ou les très mauvais traitements. La loi prévoit notamment de créer des organes et procédures d’enquête sur les violations flagrantes des droits de l’homme, d’accorder une amnistie aux personnes ayant commis de telles violations et de formuler des recommandations concernant les réparations aux victimes. Lorsque l’amnistie est accordée à une personne ayant commis un acte de torture, la victime de cet acte n’a plus droit à la protection prévue au paragraphe 1 de l’article 14. Cette question sera examinée plus en détail dans le cadre de l’article 14.

72.La loi sur la promotion de l’unité et de la réconciliation nationales prévoit également la création de trois comités chargés de mettre en œuvre les objectifs de la Commission Vérité et Réconciliation. L’un d’entre eux est le Comité de l’amnistie, qui a le pouvoir d’accorder une amnistie pour tout acte, omission ou infraction commis aux fins d’un objectif politique avant le 10 mai 1994, à condition que la personne concernée ait rendu compte de manière complète de tous les faits s’y rapportant.

Circonstances exceptionnelles: Justification de l’amnistie concernant les actes de torture

73.Le droit international oblige les États à engager des poursuites contre les personnes responsables de violations flagrantes des droits de l’homme. Dans l’affaire Azanian Peoples Organisation et autres c. Président de la République sud ‑africaine 1996 (4) SA 671 (CC), il a été affirmé que des agents de l’État, agissant dans l’exercice de leurs fonctions et dans le cadre de leur mandat, avaient assassiné et mutilé, de manière illégale, des militants durant la lutte contre l’apartheid. Il a aussi été affirmé que les plaignants avaient manifestement le droit d’exiger que les coupables de ces actes soient poursuivis et justement condamnés, et que les tribunaux ordinaires du pays devaient ordonner aux coupables de payer une indemnité adéquate aux victimes. Il a en outre été affirmé que l’État devait dédommager ces victimes ou les personnes à leur charge pour les graves dommages qu’elles avaient subis en raison des actes criminels et délictuels des employés de l’État.

74.Il a été soutenu devant la Cour que l’État était tenu par le droit international de poursuivre les responsables de violations flagrantes des droits de l’homme, et que les dispositions du paragraphe 7 de l’article 20 de la loi sur la promotion de l’unité et la réconciliation nationales (autorisant l’amnistie des auteurs de ces infractions) constituaient une violation des dispositions des quatre Conventions de Genève de 1949 sur le droit de la guerre, exigeant des États parties qu’ils adoptent les lois nécessaires pour imposer effectivement une sanction pénale aux personnes ayant commis ou ordonné de commettre des violations flagrantes des dispositions desdites Conventions. La Cour a estimé que le droit international et les dispositions des traités internationaux auxquels l’Afrique du Sud était ou non partie ne pouvaient être invoqués que lorsqu’il s’agissait d’interpréter la Constitution elle‑même. Les Conventions et les traités internationaux ne deviennent pas des lois nationales avant d’avoir été incorporés dans le droit interne par l’adoption de lois à cet effet. La Constitution prévoit qu’une loi peut l’emporter sur tous les droits ou obligations contraires au titre d’accords internationaux entrés en vigueur avant l’adoption de la Constitution. Toutefois, les responsables d’actes de torture qui décident de ne pas comparaître devant la Commission Vérité et Réconciliation pour rendre compte de leur implication dans ces actes et ceux qui comparaissent devant cette commission mais ne sont pas amnistiés doivent comparaître devant les tribunaux ordinaires du pays en vue de leur jugement.

75.La Cour a estimé que la principale justification de l’amnistie des auteurs des crimes commis durant la période visée était que les auteurs de ces crimes ne diraient la vérité qu’à condition de savoir qu’ils ne seraient pas jugés pour leurs actes. Cette décision de la Cour constitutionnelle a été approuvée par certains spécialistes, sud‑africains et étrangers, du droit international et désapprouvée par d’autres. Ceux qui l’approuvent invoquent l’exigence nationale de paix et de réconciliation, et ceux qui s’y opposent la nécessité d’une réparation judiciaire aux victimes de torture et d’autres violations flagrantes des droits de l’homme.

Mesures administratives et judiciaires

Services de police sud ‑africains

76.Les services de police sud‑africains ont élaboré une politique relative à la prévention de la torture et au traitement des personnes maintenues en garde à vue par la police nationale. Cette politique met en place un système d’équilibre des pouvoirs visant à protéger les personnes placées en garde à vue contre des actes de torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants commis par des agents de police. Pour veiller à l’application effective de cette politique, on a réécrit un certain nombre de consignes de règlement intérieur de la police afin de les rendre conformes à cette approche. Ces consignes sont entrées en vigueur le 1er juillet 1999. Toute violation de ces consignes, ou manquement à celles‑ci, est considéré comme une pratique répréhensible. Ce type d’infraction ou de manquement est défini comme une faute grave appelant une procédure disciplinaire. Outre le fait que ce type d’infraction ou de manquement constitue une faute professionnelle, l’agent en question peut également être inculpé d’une infraction pénale si sa conduite correspond à ce type d’infraction.

77.Tous les commissariats de police ont reçu les documents nécessaires pour faire appliquer cette politique, notamment le Registre des gardes à vue (SAPS14) et le formulaire de notification des droits constitutionnels (SAPS14 a)) qui permettent de veiller à ce que les personnes soient bien traitées et de contrôler les activités de police. Cette politique, formulée dans les consignes du règlement intérieur, stipule qu’aucun membre de la police ne peut commettre un acte de torture, autoriser quiconque à en commettre ou tolérer que quiconque en commette. Il en va de même des tentatives d’actes de torture et des faits de complicité ou de participation à des actes de torture. Les consignes du règlement intérieur indiquent clairement qu’aucune exception − état de guerre, menace de guerre, état d’urgence, instabilité politique intérieure ou tout autre danger public − ne peut justifier la torture.

78.Lorsqu’une allégation de torture est portée à son attention, le commandant de police est tenu d’effectuer une enquête en bonne et due forme et d’informer le plaignant de son droit de transmettre l’affaire, pour enquête, à la Direction indépendante des plaintes. Celle‑ci est un organe indépendant institué par la loi de 1995 sur les services de police sud‑africains (loi no 68 de 1995) et chargé des enquêtes concernant les allégations d’infraction ou de comportement répréhensible du personnel de police. Son rôle est abordé de manière plus détaillée dans le cadre de l’article 12.

79.La politique de prévention de la torture traite également des rapports et des plaintes ayant trait à des actes de torture, des mesures à prendre pour informer de leurs droits et interroger les personnes en garde à vue, et des mesures visant à empêcher la torture.

80.Les services de police ont commencé à organiser des formations sur les droits de l’homme en 1994, au lendemain des élections. Un manuel de formation a été réalisé en quatre ans et publié officiellement en novembre 1999 par M. S. Tshwete, qui était alors Ministre de la sécurité intérieure. Des instituts universitaires sud‑africains, des ONG, le Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, le Comité international de la Croix‑Rouge à Genève, la Section des droits de l’homme du secrétariat du Commonwealth à Londres, l’Institut Raoul Wallenberg en Suède et le Centre danois pour les droits de l’homme ont collaboré à la réalisation de ce manuel. Une fois réalisé le matériel de formation du programme national sur les droits de l’homme, environ 600 policiers formateurs ont été formés à dispenser un atelier de trois jours aux agents de police en fonction dans les commissariats. L’objectif était de former 90 000 agents de police avant la fin de l’année 2003. Pour accélérer ce processus, le manuel de formation a été traduit dans sept langues officielles.

81.Bien que le Gouvernement ait pris des mesures actives pour mettre fin à la torture, des cas d’abus ont été signalés. Lors d’un incident qui s’est produit en 1999, des membres du Groupe d’intervention rapide de Johannesburg auraient agressé des individus suspectés de commettre des vols de voiture occupée. Suite à cet incident, deux agents de police ont été accusés puis condamnés pour voies de fait et coups et blessures avec préméditation. Un autre incident concernait des membres du Groupe d’intervention rapide ayant lâché des chiens sur des suspects menottés. Un seul agent de police a été identifié et inculpé de voies de fait. Le procès pénal a été reporté au 27 novembre 2000. Cette affaire a ensuite été examinée plusieurs fois par le tribunal, notamment le 14 décembre 2000, le 1er janvier 2001, le 15 octobre 2001 et le 22 octobre 2001. Le 28 novembre 2001, le tribunal a décidé d’abandonner les poursuites contre l’accusé car l’État n’avait pas été à même d’instruire cette affaire lors des comparutions précédentes. L’État n’avait pas pu instruire cette affaire en raison d’un manque de coopération des témoins. Le 22 janvier 2002, le Procureur général a ratifié par écrit la décision du tribunal et abandonné les poursuites contre l’accusé.

Force sud ‑africaine de défense nationale

82.La loi de 1957 sur la défense nationale (loi n o  44 de 1957), la loi de 1999 sur les mesures complémentaires de discipline militaire (loi n o  16 de 1999) et le règlement intérieur relatif à la loi sur les mesures supplémentaires de discipline militaire de 1999 traitent de la compétence et des poursuites en cas d’infraction militaire. Ces lois ne définissent pas la torture en elle‑même, mais traitent des mauvais traitements, des voies de fait et des traitements ou peines dégradants. Elles mettent en place des procédures juridiques de signalement, d’accusation, de jugement et de condamnation des auteurs d’actes de torture. Toute personne, que ce soit un civil ou un membre de la Force de défense nationale (South African National Defence Force, SANDF), a de nombreux moyens de recours si elle a été soumise à la torture ou à un traitement cruel. Le plaignant peut déposer une plainte devant un tribunal pénal ou un tribunal militaire, ou engager une procédure de citation directe et/ou une action civile pour dommages et intérêts.

83.Si le plaignant est un particulier qui a été soumis à la torture par un membre de la SANDF, il peut porter plainte pour arrestation illégale, crimen injuria, enlèvement, voies de fait ou tentative de meurtre, et engager une action civile. Les tribunaux civils sont généralement compétents pour ce type d’affaires. De manière générale, si ce type d’incident devait se produire, il ferait probablement l’objet d’une enquête des services de police sud‑africains et le procureur public en serait saisi. Il est peu probable que les forces de défense nationale soient impliquées dans des infractions graves commises à l’intérieur des frontières de la République.

84.Lorsqu’un cas de torture ou de traitement ou peine cruels se produit en dehors des frontières de la République, par exemple si l’accusé est un membre de la SANDF en mission (par exemple, de maintien de la paix selon les termes de l’Article 6 de la Charte des Nations Unies), l’affaire est généralement de la compétence des tribunaux militaires. Cela dépend en dernier ressort de l’Accord statutaire sur les forces de défense qui détermine si la SANDF a compétence exclusive pour traiter de cette affaire ou pas. Toutefois, si un membre de la SANDF est accusé d’actes de torture, un certain nombre de chefs d’inculpation peuvent être retenus contre cette personne devant un tribunal militaire. L’article 56 du Code de discipline militaire autorise les procureurs militaires à examiner des infractions pénales ne figurant pas dans le Code (telles que les voies de fait). Ledit Code et les lois concernées sont en cours de révision et l’on envisage d’adopter prochainement une nouvelle loi sur la discipline militaire. La nouvelle loi sera conforme aux dispositions de la Constitution.

85.Selon les dispositions du Code de discipline militaire, tous les membres de la SANDF sont tenus de prêter le serment de respecter un code de conduite qui met clairement l’accent sur les questions abordées dans le Code de discipline. Tous les membres de la SANDF sont tenus de suivre une formation approfondie sur le droit humanitaire et le droit de la guerre. Cette formation porte sur les actes illégaux, la protection des civils, le respect des droits de l’homme et les ordres illégaux. Un ordre manifestement illégal ne peut pas être invoqué comme défense devant un tribunal de la République.

86.Tous les ordres d’opération réaffirment l’exigence de respecter l’état de droit. Les forces de défense nationale font partie des services de sécurité. L’alinéa 5 de l’article 199 de la Constitution stipule que:

«Les Services de sécurité doivent agir (et sensibiliser leur personnel à l’obligation d’agir) conformément à la Constitution et aux lois, y compris au droit international coutumier et aux accords internationaux liant la République.».

Prisons et prisonniers

87.Diverses mesures ont été prises pour empêcher la torture. En ce qui concerne les détenus et les personnes maintenues en détention provisoire, le Département des services correctionnels a adopté, parmi les mesures de prévention de la torture, le principe de gestion unitaire pour la conception de tous les centres de détention construits après 1994. Le principe de gestion unitaire s’applique à la conception des centres de détention et à leur fonctionnement. Il facilite la réalisation des objectifs suivants:

a)La création d’un environnement sûr, contrôlable et humain, limitant autant que possible les effets néfastes de l’isolement;

b)La mise en œuvre d’un large éventail de programmes éducatifs et de formation professionnelle visant à améliorer les rapports entre le personnel pénitentiaire et les détenus et à aider les condamnés à se réinsérer avec succès dans la communauté.

Surpopulation carcérale

88.Selon les statistiques disponibles de l’administration des services correctionnels, fin janvier 2002, le taux de surpopulation carcérale atteignait environ 67 %; le nombre total de détenus s’élevait à 177 701 pour un système ayant une capacité d’environ 106 090. Les personnes en détention provisoire représentaient environ 32 % de la population totale des prisons.

89.Dans de nombreux grands centres de détention, la surpopulation est particulièrement forte. Les responsables politiques des partis d’opposition et les groupes de défense des droits de l’homme critiquent le département des services correctionnels pour son incapacité à fournir aux prisonniers des conditions de détention respectueuses de la dignité humaine, comme le prévoit l’alinéa 2 de l’article 35 de la Charte des droits. En raison de la surpopulation, de nombreux enfants en détention provisoire, déférés au département par les tribunaux en vertu de l’article 29 de la loi de 1959 sur les services correctionnels, sont détenus dans des centres surpeuplés, insalubres et offrant des conditions d’hygiène personnelle et de sécurité insuffisantes. La surpopulation demeure donc l’un des plus graves problèmes auxquels doit faire face le système d’exécution des mesures pénales. Elle continue à menacer et à saper les efforts accomplis pour se conformer aux normes internationales concernant la sûreté de la détention et les programmes de réinsertion des délinquants.

Réduire la surpopulation

90.Le problème de la surpopulation des prisons d’Afrique du Sud ne peut pas être résolu de manière efficace par la seule augmentation du nombre de places. La croissance actuelle de la population carcérale est de 1,37 % par an, tandis que le nombre de cellules disponibles a augmenté de 3,47 % en 2002. L’augmentation du nombre de cellules disponibles ralentit certes la croissance du taux de surpopulation, mais cela ne peut pas réellement avoir un effet positif. La construction de quatre nouvelles prisons a commencé en 2003 et l’on prévoit qu’elles seront en service pour l’exercice financier 2005‑2006. Il s’agit des prisons suivantes:

Province

Prison

Capacité

Gauteng

Leeuwkop

3 000

Nigel

3 000

Nord‑Ouest

Klerksdorp

3 000

Cap‑du‑Nord

Kimberley

3 000

91.Pour faire face à ce problème de plus en plus préoccupant, les départements de la prévention du crime et de la sécurité ont adopté une approche intégrée de la surpopulation. Une équipe spéciale de la surpopulation, regroupant des responsables des départements des services correctionnels, de la justice et de la constitution, du développement social, du ministère public national et du Trésor, a été créée et chargée des questions opérationnelles quotidiennes relatives à la surpopulation et des stratégies à long terme de lutte contre la surpopulation. Les initiatives interministérielles envisagées sont notamment les suivantes:

a)Rendre la politique de placement de l’administration des services correctionnels conforme aux dispositions de la loi sur les services correctionnels;

b)Faire en sorte que les différents départements disposent des mêmes informations afin d’éclairer la prise de décisions à tous les niveaux de gestion, notamment au niveau opérationnel;

c)Mettre en place un ensemble de mesures concrètes de lutte contre la surpopulation reposant sur des informations statistiques pertinentes. Ce système devrait fournir des informations allant du niveau local de gestion à l’échelon provincial puis au niveau national, et devrait être commun à tous les départements concernés;

d)Le département des services correctionnels, le ministère public national et le département de la justice et de la constitution prévoient de collaborer dans le cadre d’une équipe de travail chargée de promouvoir la reconversion des peines en mesures de correction communautaires;

e)Recourir davantage à l’article 15 de la loi no 62 portant modification des questions judiciaires de 2000 afin de libérer sous caution les personnes n’ayant pas été condamnées;

f)Élaborer des procédures politiques claires visant à faciliter l’élaboration d’une politique concernant les personnes en détention provisoire, en tenant compte des droits de ces détenus et du rôle des autres départements à cet égard;

g)Recourir davantage à l’alinéa f de l’article 62. Réexaminer la libération sous caution sur une base individuelle et éventuellement renvoyer les détenus devant un tribunal en vue de l’examen d’autres possibilités;

h)Mettre en place un système de suivi des détenus afin d’accélérer la comparution devant les tribunaux des personnes en détention provisoire;

i)Faire en sorte que les tribunaux recourent davantage à des alternatives à la détention, en mettant l’accent sur le placement en régime de correction communautaire;

j)Utiliser davantage les services des procureurs et des greffiers des tribunaux pour la procédure en cas d’aveu de culpabilité et le paiement d’amendes sans comparution devant le tribunal;

k)Améliorer la coordination des procédures afin de réduire la durée de la détention des personnes en détention provisoire.

Relations entre les membres du Département et les prisonniers

92.Le Département des services correctionnels a élaboré un code de conduite, au titre duquel il est attendu de ses membres qu’ils:

a)Traitent les prisonniers dans le respect de leur dignité;

b)Reconnaissent et ne dépassent pas les limites imposées aux relations sociales et intimes qu’ils pourraient entretenir avec les détenus dont ils ont la charge;

c)Encouragent les prisonniers, une fois libérés, à travailler et à respecter la loi;

d)Se conforment aux directives et pratiques acceptables dans leurs rapports avec les détenus.

93.En dépit du fait que le droit pénal sud-africain ne reconnaît pas la torture comme un crime, les tribunaux y voient une circonstance aggravante. Dans l’affaire État c. Madikane et autres1990 (1) SACR 377 (N), les accusés (tous fonctionnaires de police) ont été reconnus coupables d’homicide et de coups et blessures volontaires après avoir interrogé des suspects et causé la mort de l’un d’entre eux. Les accusés se sont servis d’une dynamo de téléphone pour infliger des décharges électriques aux deux suspects. Celui qui en est mort a subi ce traitement pendant beaucoup plus longtemps parce qu’il refusait de confirmer les soupçons de ses interrogateurs, ce qui lui a coûté la vie. Le juge Broome a fait la remarque suivante (p. 380):

«L’application de chocs électriques par les accusés n os 2 et 3 à la personne décédée, sur le champ de tir de Seaview, représente un acte de torture prolongé et délibéré et constitue une atteinte très grave à l’intégrité de la victime.».

94.S’agissant de la condamnation, le juge a déclaré (p. 387 et 388):

«Cela m’amène à évoquer l’intérêt de la communauté au sens large … il est clair que le fait de torturer ou de maltraiter un suspect dans des circonstances telles que celles qui nous occupent inspire à tout individu civilisé un dégoût profond, doublé d’un rejet absolu… J’en viens donc à la conclusion que cette affaire appelle une peine exemplaire.».

Les accusés ont été condamnés à des peines d’emprisonnement à effet immédiat sans possibilité de caution, dont une partie avec sursis.

Article 3 – Refoulement

95.L’Afrique du Sud a adhéré à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, au Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés et à la Convention de l’Organisation de l’unité africaine de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, ainsi que d’autres instruments des droits de l’homme. Ce faisant, le pays a accepté certaines obligations qui lui imposent de recevoir et de traiter les personnes réfugiées sur son territoire conformément aux normes et principes du droit international.

96.Les questions relatives aux réfugiés sont régies notamment par la loi de 1998 sur les réfugiés (loi n o 130 de 1998), qui vise, entre autres objectifs, à appliquer, en Afrique du Sud, les normes, principes et instruments juridiques internationaux en la matière. L’article 3 de cette loi, qui concerne le statut des réfugiés, dispose:

«Sous réserve du chapitre 3, une personne bénéficie du statut de réfugié au sens de la présente loi si:

a) Craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, elle se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou ne veut y retourner; ou

b) En raison d’une agression extérieure, d’une situation d’occupation, d’une domination étrangère ou d’événements perturbant sérieusement ou compromettant l’ordre public dans tout ou partie de son pays d’origine ou de nationalité, elle est obligée de quitter son lieu de résidence habituel pour chercher refuge ailleurs; ou

c) Si elle est à la charge d’une personne répondant aux critères énoncés en a) ou b).».

97.Les dispositions relatives à l’exclusion du statut de réfugié, qui figurent à l’article 4 de la loi, sont libellées comme suit:

«4 1) Une personne ne peut bénéficier du statut de réfugié au sens de la présente loi si l’on peut raisonnablement penser qu’elle:

a) A commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité tel que défini dans tout instrument juridique international traitant de ces crimes; ou

b) A commis un crime d’une nature autre que politique qui, s’il avait été commis sur le territoire de la République, aurait été passible d’une peine d’emprisonnement; ou

c) S’est rendue coupable d’actes contraires aux objectifs et aux principes de l’Organisation des Nations Unies ou de l’Organisation de l’unité africaine; ou

d) Jouit de la protection d’un autre pays dans lequel elle a établi sa résidence.

2) Aux fins du paragraphe 1) c), l’exercice d’un droit de l’homme reconnu par le droit international ne peut en aucun cas être considéré contraire aux objectifs et aux principes de l’Organisation des Nations Unies ou de l’Organisation de l’unité africaine.».

98.La loi de 2002 sur l’immigration (loi n o 13 de 2002) régit l’admission et le séjour des étrangers dans la République, de même que leur départ. L’article 34 traite de l’arrestation, de la détention et de l’expulsion des personnes étrangères et dispose que cela doit être fait dans les meilleures conditions d’humanité possibles.

99.La loi de 1962 sur l’extradition (loi n o 67 de 1962), telle que modifiée par la loi no 77 de 1996, est le texte d’habilitation qui régit les questions d’extradition en Afrique du Sud. Elle offre trois possibilités:

a)L’extradition dans le cadre d’un traité entre l’Afrique du Sud et un État étranger;

b)L’extradition sur accord du Président lorsqu’il n’existe pas de traité entre l’Afrique du Sud et un État requérant;

c)L’extradition sur désignation d’un État requérant.

100.Un individu peut uniquement être extradé s’il a été inculpé pour une infraction extraditionnelle. Une infraction extraditionnelle est une infraction qui, en vertu de la loi de la République et de la loi de l’État étranger, est passible d’une peine d’emprisonnement ou autre forme de privation de liberté d’une durée minimum de six mois. La loi n’interdit pas l’extradition vers un autre État de ressortissants sud-africains ou d’étrangers résidant en Afrique du Sud. Toute limitation de ce type trouve donc son origine dans un traité et peut aller d’une interdiction absolue à une latitude accordée à l’État d’extrader l’individu en question ou de le punir lui-même. S’il existe une clause discrétionnaire, l’Afrique du Sud est libre de refuser l’extradition de ses ressortissants, même si elle ne l’a jamais fait jusqu’à présent.

101.Le Ministre de la justice et du développement constitutionnel est en droit, en vertu de l’article 11 de la loi sur l’extradition, de refuser une extradition qui ne serait pas demandée de bonne foi et ne servirait pas l’intérêt de la justice, ou qui, pour toute autre raison et compte tenu des circonstances, constituerait une sanction injuste, déraisonnable ou trop sévère. La possibilité qu’une personne puisse être torturée en cas d’extradition entre dans cette catégorie.

102.La loi sur l’extradition prévoit, à l’article 11, une catégorie supplémentaire reposant sur la violation potentielle des droits fondamentaux de l’extradé. Le Ministre est libre de refuser une extradition lorsqu’il estime que la personne concernée sera, lors de son procès dans l’État étranger, poursuivie, punie ou lésée pour des raisons liées au sexe, à la race, à la religion, à la nationalité ou aux opinions politiques. Cette disposition de la loi sur l’extradition satisfait aux prescriptions de l’article 3 1) de la Convention.

103.La loi sur l’extradition ne mentionne pas la peine de mort comme motif de refus d’extrader. Cependant, une clause d’exclusion apparaît dans certains des traités bilatéraux de la République. C’est ainsi que l’article 5 1) du traité d’extradition entre le Gouvernement de la République sud‑africaine et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique stipule que «lorsque l’infraction qui a donné lieu à la demande d’extradition est passible de la peine de mort en vertu des lois de l’État requérant, mais qu’elle ne l’est pas en vertu des lois de l’État requis, ce dernier peut refuser d’accéder à la demande qui lui est adressée à moins que l’État requérant n’offre la garantie que la peine capitale ne sera pas imposée ou, si elle doit être imposée, qu’elle ne sera pas mise à exécution». L’Afrique du Sud doit, conformément à la décision prise par la Cour constitutionnelle dans l’affaire État c. Makwanyane (voir l’article premier plus haut), refuser de déférer une personne à une juridiction étrangère dans laquelle la peine de mort est une sanction possible.

104.L’affaire Mohamed et autre c. Président de la République sud-africaine et autres 2001 (3) SA 893 (CC) a fourni une nouvelle illustration de ce qui précède. La Cour constitutionnelle a dû se prononcer sur l’extradition vers des États où la peine de mort est en vigueur. M. Mohamed, ressortissant tanzanien, était jugé à New York pour des faits liés à l’attentat à la bombe perpétré contre l’ambassade des États-Unis à Dar es-Salaam. On l’a retrouvé au Cap, où il vivait sous un autre nom, muni d’un faux passeport. Les services de l’immigration d’Afrique du Sud l’ont alors arrêté au motif qu’il était en situation illégale. Ils l’ont ensuite remis au FBI, qui l’a amené aux États-Unis pour l’informer, une fois arrivé, qu’il risquait la peine de mort. En transférant Mohamed, les autorités sud-africaines ont été accusées d’avoir enfreint les dispositions relatives à l’expulsion en vertu de la loi de 1991 sur le contrôle des étrangers (loi no 96 de 1991) et, notamment, violé le droit constitutionnel du détenu à la vie, à la dignité et à ne pas subir des peines cruelles, inhumaines ou dégradantes. La Cour constitutionnelle est parvenue à la conclusion que l’Afrique du Sud ne pouvait pas faire courir à quelqu’un le risque d’une exécution, que ce soit à la suite d’une expulsion ou d’une extradition, et indépendamment du consentement ou non de cette personne. La Constitution sud‑africaine n’interdit pas au Gouvernement d’expulser un étranger indésirable et ne l’oblige pas non plus à obtenir des autorités américaines l’assurance que Mohamed ne sera pas exécuté s’il devait être condamné. Toutefois, s’il s’était agi d’une extradition, celle-ci aurait été illégale car les procédures appropriées dans ce cas n’ont pas été suivies. De plus, si la remise avait été effectuée dans le cadre d’une extradition, il aurait pu s’avérer nécessaire de subordonner cette extradition à la garantie par les États-Unis que la peine capitale ne serait pas prononcée. La Cour constitutionnelle a fait remarquer que les cours européennes ne faisaient aucune distinction entre expulsion et extradition dans l’application de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a en outre mentionné la Convention contre la torture, que l’Afrique du Sud, qui en est signataire, a ratifiée le 10 décembre 1998. L’article 3 1) de cette convention a notamment été cité. La Cour a déclaré que cet article n’établissait aucune distinction entre l’expulsion, le renvoi et l’extradition d’une personne vers un autre État lorsque cette dernière peut y être exposée à une sanction inacceptable. Toutes ces formes de transfert sont interdites et le droit d’un État à expulser un étranger en situation irrégulière est soumis à cette interdiction. La Cour a donc conclu que la remise de Mohamed aux agents du Gouvernement des États-Unis, pour être amené sur le territoire de ce pays, était illégale.

105.Conformément à l’article 10 de la loi sur l’extradition, si un magistrat décide, en se fondant sur des preuves, qu’une personne peut être déférée à l’État étranger concerné, il doit la placer en détention en attendant la décision du Ministre au sujet de son transfert. Dans le même temps, cette personne doit être informée de la possibilité qui lui est offerte, dans les 15 jours, de faire appel de cette décision auprès de la Haute Cour. De plus, en vertu de l’article 13 3), quiconque a formé un tel recours peut, à tout moment avant que cet appel ait été tranché, demander au magistrat qui l’a mis aux arrêts en vertu de l’article 10 ou 12 d’être libéré sous caution.

106.L’Afrique du Sud dispose d’un Comité interdépartemental sur l’extradition et l’entraide judiciaire en matière pénale. Il s’agit d’un mécanisme qui permet à ses membres, parmi lesquels les services de police, le parquet, Interpol et le Ministère de la justice, de discuter de questions relatives à la négociation de traités d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale, et notamment d’examiner les requêtes émanant de ces traités (les membres peuvent être formés à cet effet). Certains membres du Comité ont reçu, de la part d’organisations régionales et internationales telles que l’Institut de droit pénal international de Syracuse, en Italie, une formation sur les problèmes d’extradition. Ils y ont appris, entre autres choses, à évaluer les risques pour une personne d’être torturée si elle devait être expulsée. Jusqu’à présent, l’Afrique du Sud n’a reçu aucune demande d’extradition formelle pour des individus accusés de torture.

Article 4 – La torture comme infraction pénale

107.La torture, en tant qu’infraction pénale, n’est pas spécifiquement mentionnée dans le droit, que ce soit la common law ou le droit écrit. Le crime d’agression se définit toutefois, en common law, par le fait a) de recourir à la force, directement ou indirectement, contre la personne d’autrui, ou b) de faire croire à autrui que l’on va immédiatement recourir à la force à son encontre, cela de manière illégale et intentionnelle dans les deux cas. Les formes atténuées d’agression comprennent les coups et blessures avec préméditation, l’agression dans le but de commettre une autre infraction et l’attentat à la pudeur. Les agressions «ordinaires» qui n’entrent dans aucune de ces catégories sont également appelées voies de fait.

108.Comme on l’a déjà indiqué, le Parlement n’a pas encore adopté de législation prohibant la torture en tant qu’acte spécifique distinct d’autres actes tels que le meurtre, l’homicide volontaire, l’agression, etc. (il est à noter qu’un projet de loi sur la criminalisation de la torture a été élaboré en 2003, et qu’il sera finalisé dès que possible).

109.Cela dit, l’article 12 de la Constitution (dont il a été question plus haut) consacre le droit de chaque personne à la liberté et à la sécurité. Cela inclut le droit de n’être torturé d’aucune manière, celui de ne pas subir de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et, notamment, le droit qu’a toute personne de ne pas être le sujet d’expériences médicales ou scientifiques sans avoir préalablement donné son consentement en toute connaissance de cause.

110.L’article 35 de la Constitution traite de la protection des personnes arrêtées. L’alinéa e du paragraphe 2 stipule en particulier que:

«Quiconque est détenu, y compris un prisonnier condamné, a droit:

a) …

b) …

c) …

d) …

e) À des conditions de détention respectueuses de la dignité humaine, ce qui suppose au minimum la fourniture et la jouissance, aux frais de l’État, d’un logement, de nourriture, de lecture et d’un traitement médical approprié; …

f) …».

Article 5 – Compétence

111.Conformément à l’article 327 1) de la loi de 1951 sur la marine marchande (loi n o 57 de 1951), si une personne:

a) Ayant la nationalité sud-africaine est accusée d’avoir commis une infraction à bord d’un navire sud-africain en haute mer, ou à bord d’un navire sud ‑africain dans un port extérieur à la République, ou à bord de tout autre navire (autre que sud-africain) indépendamment du fait qu’elle appartient ou non à l’équipage de ce navire; ou

b) N’ayant pas la nationalité sud-africaine est accusée d’avoir commis une infraction à bord d’un navire sud-africain en haute mer, et que cette personne est arrêtée dans la juridiction d’un tribunal de la République qui aurait été compétent pour juger l’infraction si celle-ci avait été commise dans sa juridiction, ce tribunal est compétent pour connaître de cette infraction.

2) Si un citoyen sud-africain:

a) Est accusé d’avoir commis une infraction à bord d’un navire sud-africain durant un voyage vers un port situé dans un pays signataire (autre que la République), ou à bord d’un navire sud-africain dans un port situé dans un pays signataire (autre que la République); ou

b) Qui est marin sur un navire sud-africain se trouvant dans un port situé dans un pays signataire (autre que la République) est accusé d’avoir commis une infraction dans ce pays, et qu’il est arrêté au sein de la juridiction d’un tribunal qui, en vertu des lois en vigueur dans le pays, aurait été compétent pour juger l’infraction si l’acte ou l’omission qui, conformément aux lois en vigueur dans la République, constitue l’infraction était également sanctionné(e) par le droit pénal en vigueur dans ce pays signataire, et si l’acte avait été commis ou que l’omission s’était produite à bord d’un navire immatriculé dans ce pays, ou dans ladite juridiction, ce tribunal est compétent pour connaître de l’infraction, à condition que le Ministre ait, de manière générale ou dans ce cas particulier, demandé que les tribunaux de ce pays signataire exercent cette compétence.

3) Le Ministre peut, par l’intermédiaire d’un avis dans le Journal officiel, déclarer que les dispositions du paragraphe 2) s’appliquent aux tribunaux de tout pays étranger mentionné dans cet avis comme si ce pays étranger était un pays signataire; et de ce fait, lesdites dispositions s’appliquent aux tribunaux de ce pays étranger comme s’il était un pays signataire.

4) Dans le présent article, le terme «infraction» fait référence à tout acte ou toute omission tombant sous le coup du droit pénal en vigueur dans la République.

112.En vertu de la loi sur l’aviation (loi n o 74 de 1962), toute infraction commise à bord d’un avion sud-africain est réputée commise à l’endroit où l’accusé se trouve, étant entendu que si cette infraction est commise dans la République, elle peut être jugée par tout tribunal compétent.

113.L’article 2 de la loi sur la défense et les articles 3 et 5 de la loi sur les mesures supplémentaires de discipline militaire établissent clairement les compétences en ce qui concerne les membres de la SANDF. L’article 2 se rapporte à la bonne administration de la justice militaire et au maintien de la discipline pour assurer l’équité des procès militaires et donner aux accusés l’accès à la Haute Cour d’Afrique du Sud. L’article 3 a trait à tous les membres de la SANDF soumis au Code, autrement dit les personnes qui peuvent être accusées et condamnées si elles sont jugées coupables par un tribunal militaire ou civil. L’article 5 concerne tous les actes extraterritoriaux commis à l’extérieur de la République relativement à une arrestation, une condamnation, une peine, une amende ou une ordonnance prononcée ou imposée qui doit avoir la même validité que si elle avait été prononcée ou imposée sur le territoire de la République.

114.L’Afrique du Sud a signé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) qui, notamment, prohibe la torture et crée une compétence universelle pour la juger. Elle l’a aussi ratifié et favorisera dans un proche avenir l’adoption d’une loi d’application appropriée.

Article 6 – Procédure pénale

115.Toute la législation à laquelle il est fait référence plus haut forme un arsenal solide contre la torture dans l’intervalle. Des procédures sont en place pour s’assurer que les personnes suspectées d’infractions quelconques (mentionnées au titre de l’article 4) sont détenues le temps nécessaire pour lancer une procédure pénale ou d’extradition. Les enquêtes criminelles sont menées par des membres des services de police. Une fois l’enquête terminée, le bordereau est transmis au directeur des poursuites publiques (DPP). Ce dernier a autorité pour poursuivre pénalement, dans sa juridiction, toute personne accusée d’une infraction pour laquelle le tribunal concerné est compétent.

116.L’article 38 de la loi de 1977 sur la procédure pénale (loi n o 51 de 1977) traite des méthodes permettant de s’assurer que l’accusé se présentera au tribunal, qui incluent l’arrestation, la sommation, l’avis écrit et l’inculpation. La loi sud-africaine relative à la procédure pénale reconnaît le principe selon lequel l’accusé doit être présent à son procès (art. 158 de la loi sur la procédure pénale).

117.Étant donné que l’arrestation est une méthode draconienne pour s’assurer qu’un accusé sera présent au tribunal, on suggère qu’elle soit limitée aux affaires les plus graves. Les droits des personnes arrêtées, détenues et accusées sont protégés en vertu de l’article 35 de la Constitution. Une citation à comparaître est délivrée pour s’assurer de la présence d’un accusé que l’État a l’intention de poursuivre pour un crime, mais qui n’a pas été en détention et dont l’arrestation n’a pas été demandée. Les actes d’inculpation sont réservés aux juridictions supérieures. Étant donné que celles-ci se saisissent des crimes graves, les accusés qui doivent répondre devant elles de leurs actes ont en général été placés en détention ou libérés sous caution. Les actes d’inculpation sont donc rarement utilisés pour garantir la comparution d’un accusé devant la cour. Un avis de comparution écrit est un document servant, en cas d’infraction mineure, à s’assurer de la présence de l’accusé.

118.L’article 35 de la Constitution, qui détaille les droits des personnes arrêtées, détenues et accusées, comprend les dispositions suivantes:

Personnes arrêtées, détenues et accusées

1) Quiconque est arrêté parce qu’il est soupçonné d’avoir commis une infraction a le droit:

a) De garder le silence;

b) D’être informé dans les meilleurs délais:

i) De son droit à garder le silence; et

ii) De ce qu’il risque s’il ne garde pas le silence;

c) De ne pas être contraint à avouer ou admettre des choses qui pourraient être utilisées contre lui;

d) D’être déféré devant un tribunal dès que les circonstances le permettent, et au plus tard:

i) 48 heures après son arrestation; ou

ii) À l’issue du premier jour de palais après expiration du délai de 48 heures, si ce délai expire en dehors des heures de palais ou un jour qui n’est pas un jour de palais ordinaire;

e) La première fois qu’il comparaît devant la cour après son arrestation, d’être inculpé ou d’être informé de la raison pour laquelle sa détention est prolongée, à défaut de quoi il doit être relâché; et

f) D’être relâché si cela ne va pas contre les intérêts de la justice, sous réserve de conditions raisonnables.

2) Quiconque est détenu, y compris un prisonnier condamné, a le droit:

a) D’être informé dans les meilleurs délais de la raison pour laquelle il est détenu;

b) De choisir et de consulter un avocat, et d’être informé de ce droit dans les meilleurs délais;

c) De se voir attribuer un avocat par l’État et aux frais de l’État afin de bénéficier d’un traitement équitable s’il n’a pas les moyens d’assurer sa propre défense, et d’être informé de ce droit dans les plus brefs délais;

d) De remettre en question la légalité de sa détention en personne devant un tribunal et, si la détention est illégale, d’être relâché;

e) À des conditions de détention respectueuses de la dignité humaine, ce qui inclut la fourniture et la jouissance, aux frais de l’État, d’un logement, de nourriture, de lecture et d’un traitement médical appropriés; et

f) de communiquer avec, et de recevoir la visite:

i) De son conjoint ou de son/sa partenaire;

ii) De ses proches parents;

iii) Du conseil religieux de son choix; et

iv) Du médecin de son choix.

3) Toute personne accusée a droit à un procès équitable, ce qui suppose le droit:

a) D’être informée de l’accusation avec suffisamment de détail pour être en mesure d’y répondre;

b) De disposer du temps et des moyens nécessaires pour préparer une défense;

c) À un procès public devant un tribunal ordinaire;

d) À ce que son procès commence et se termine dans un délai raisonnable;

e) D’assister à son procès;

f) De choisir un avocat et d’être représentée par lui et d’être informée de ce droit dans les plus brefs délais;

g) De se voir attribuer un avocat par l’État et aux frais de l’État afin de bénéficier d’un traitement équitable si elle n’a pas les moyens d’assurer sa propre défense, et d’être informée de ce droit dans les plus brefs délais;

h) D’être présumée innocente, de garder le silence et de ne pas témoigner durant la procédure;

i) De produire des preuves et d’en récuser;

j) De ne pas être contrainte à fournir des preuves à ses dépens;

k) De ne pas être jugée dans une langue qu’elle ne comprend pas ou, s’il est impossible de faire autrement, de bénéficier des services d’un interprète;

l) De ne pas être condamnée pour un acte ou une omission qui ne constituait pas une infraction en droit national ou international au moment où il/elle a été commis(e);

m) De ne pas être jugée pour une infraction liée à un acte ou à une omission pour lequel/laquelle elle a déjà été acquittée ou condamnée;

n) Au bénéfice de la moins sévère des peines prescrites si la peine prescrite pour l’infraction a été changée entre le moment où l’infraction a été commise et celui de la condamnation;

o) De faire appel auprès d’une juridiction supérieure ou de demander un contrôle juridictionnel.

4) Chaque fois qu’une personne doit recevoir des explications en vertu du présent article, celles-ci doivent lui être données dans une langue qu’elle comprend.

5) Les preuves obtenues d’une manière contraire à un droit quelconque de la Charte des droits doivent être exclues si le fait de les admettre est de nature à nuire à l’équité du procès ou à l’administration de la justice.

119.L’article 5 de la loi sur l’extradition (voir l’article 3 ci-dessus) prévoit la délivrance d’un mandat d’arrêt pour les personnes soupçonnées d’avoir commis une «infraction» sur le territoire de la République. L’article 9 traite des personnes détenues en exécution d’un mandat qui doivent être présentées à un magistrat afin qu’une enquête puisse être menée. L’article 10 concerne les enquêtes portant sur une infraction commise dans un État étranger et prévoit que le magistrat, pour considérer qu’il dispose de suffisamment d’éléments lui permettant d’entamer des poursuites, doit accepter comme preuve péremptoire un certificat lui semblant provenir d’une autorité appropriée en charge de l’instruction dans l’État étranger concerné qui affirmerait que les preuves en sa possession étaient suffisantes pour inculper la personne concernée.

120.La législation sud-africaine ne prévoit pas d’aider un individu à communiquer avec un représentant de l’État dont il est ressortissant, ni d’avertir cet État que l’individu en question a été placé en garde à vue, ni de l’informer des raisons de la détention. Toutefois, ces questions sont régies par l’article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires (1963), à laquelle l’Afrique du Sud a adhéré. Qui plus est, en matière d’extradition, le pays dispose de voies de communication ouvertes avec les États étrangers par l’intermédiaire du Ministère des affaires étrangères. En conséquence, l’aide peut être étendue aux personnes qui ont besoin d’être en liaison avec les représentants de leur État.

Article 7 – Procédure pénale pour les personnes qui ont commis des infractions liées à la torture et ne sont pas extradées

121.Les informations données à l’article 4 ci-dessus s’appliquent également. Cependant, comme on l’a déjà noté, la torture n’est pas considérée comme une infraction en soi dans le droit pénal sud-africain. Elle est traitée au titre d’agression avec intention d’infliger des blessures graves, de voies de fait, etc. Si une personne qui commet des infractions liées à la torture n’est pas extradée, elle sera très probablement poursuivie pour les infractions ci-dessus. Cela dit, l’article 35 3) 1) de la Constitution prévoit le jugement et la condamnation de l’auteur d’une infraction au droit national et international. La question n’a pas été soumise aux tribunaux, de telle sorte qu’il n’existe pas d’interprétation qui fasse autorité. Par ailleurs, l’article 233 de la Constitution stipule la chose suivante:

Application du droit international

«Dans son interprétation d’une loi, un tribunal doit préférer une interprétation raisonnable conforme au droit international à une autre interprétation non conforme à ce droit.».

122.De plus (comme indiqué à l’article 9 ci-après), la loi sur la coopération internationale en matière pénale (loi n o 75 de 1996)prévoit une coopération internationale en matière pénale avec les États étrangers en ce qui concerne la production de preuves, l’exécution des peines et des ordonnances compensatoires et l’application des décisions de confiscation et de gel.

123.Lorsque toutes les dispositions ci-dessus sont mises en œuvre, il est possible que des personnes ayant commis des infractions liées à la torture puissent être jugées et condamnées pour leurs actes.

Article 8 – Extradition

124.La loi sur l’extradition prévoit la remise à un État requérant d’un accusé soupçonné d’avoir commis une infraction extraditionnelle. L’infraction extraditionnelle se définit comme une infraction qui, en vertu de la loi de la République et de la loi de l’État étranger, est passible d’une peine d’emprisonnement ou autre forme de privation de liberté d’une durée minimum de six mois. L’extradition se fait dans le cadre d’un traité (multilatéral ou non) auquel l’Afrique du Sud est partie. En l’absence d’un tel traité, elle est réalisée en vertu de la loi sur l’extradition, lorsqu’un pays requérant a été désigné ou que le Président consent à déférer l’accusé.

125.On n’a enregistré aucun cas de demande de remise concernant des personnes accusées d’avoir commis des actes de torture. Si cela devait arriver, la demande pourrait être traitée, étant donné que l’Afrique du Sud est signataire d’un instrument international prohibant la torture (la Convention contre la torture).

126.En vertu de la loi sur l’extradition, telle qu’elle a été modifiée, la procédure d’extradition depuis la République varie selon que l’on a affaire à un État étranger, un État associé ou un État désigné. Dans le cas des États étrangers et associés, l’extradition est régie par le traité concerné. Dans le cas des États désignés, il n’est pas nécessaire qu’il existe un traité formel. La notion d’État étranger inclut tout territoire étranger. Un État associé est un État étranger situé en Afrique et auquel l’Afrique du Sud est liée par un accord d’extradition prévoyant l’exécution des mandats d’arrêt sur la base de la réciprocité. Un État désigné est quant à lui un État qui a été désigné par le Président. La demande d’extradition est adressée au Ministre de la justice et du développement constitutionnel par l’État étranger, par les voies diplomatiques. Le Ministre avise un magistrat de la demande, lequel magistrat délivre un mandat d’arrêt pour la personne recherchée.

127.La loi sur l’extradition permet également la délivrance d’un mandat en l’absence d’une requête du Ministre lorsque le magistrat reçoit, au sujet d’une personne accusée ou condamnée en rapport à une infraction extraditionnelle, des informations qui justifieraient selon lui l’arrestation de cette personne si l’infraction en question avait été commise sur le territoire de la République. Le Ministre peut intervenir à tout moment afin d’ordonner l’annulation d’un mandat d’arrêt ou la libération de la personne détenue lorsqu’il est convaincu que l’infraction dont elle est accusée revêt un caractère politique. Cette personne doit, dès que possible, être déférée devant un magistrat de la juridiction où elle a été arrêtée. Le but de l’enquête est d’établir si elle est ou non susceptible d’être extradée, et l’audition prend alors la forme d’un examen préparatoire.

128.Une demande d’extradition émanant d’un État associé ne doit pas nécessairement transiter par les voies diplomatiques. Le mandat d’arrêt concernant une personne susceptible d’être extradée, qui a été délivré dans l’État associé, est présenté à un magistrat. Lorsqu’il existe un traité d’extradition, la demande est régie par ses dispositions. Dans le cas d’un État désigné, la demande est régie par la législation des États respectifs en matière d’extradition. Voir également les informations données au titre de l’article 3. Il est également fait référence à l’affaire Mohamed, déjà évoquée à l’article 3 ci-avant (Mohamed et autre c. Président de la République d’Afrique du Sud et autres 2001 (3) SA 893 (CC)).

Article 9 – Entraide judiciaire

129.La loi de 1996 sur la coopération internationale en matière pénale (loi n o 75 de 1996)prévoit une coopération internationale en matière pénale avec les États étrangers pour la production de preuves, l’exécution des peines et des ordonnances compensatoires et l’application des décisions de confiscation et de gel.

130.L’Afrique du Sud a signé des traités d’entraide judiciaire en matière pénale avec les pays suivants:

a)Le Canada (ratifié par le Parlement le 3 avril 2001; entré en vigueur le 5 mai 2001);

b)Les États-Unis (ratifié par le Parlement le 9 novembre 2000; entré en vigueur le 25 juin 2001);

c)Le Lesotho (ratifié par le Parlement le 7 novembre 2001; entrera en vigueur une fois que les documents de ratification auront été échangés).

Des traités d’EJMP ont récemment été signés avec:

a)La France;

b)L’Algérie (entraide judiciaire et extradition);

c)L’Égypte (entraide judiciaire et extradition);

d)Le Nigeria (entraide judiciaire et extradition).

Des traités d’entraide judiciaire ont été négociés avec (mais pas encore signés):

a)Le Brésil;

b)La Zambie;

c)Hong Kong;

d)La Namibie.

131.Les deux protocoles de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), sur l’extradition et l’entraide judiciaire en matière pénale, ont été élaborés et discutés par les experts juridiques de la SADC lorsque ces derniers se sont réunis en Afrique du Sud, en mars 2001. Ils ont été approuvés par les ministres de la justice et procureurs généraux, puis recommandés au Conseil des ministres de la SADC. Si celui-ci les approuve, les protocoles seront adoptés à l’occasion du Sommet de la Communauté qui se tiendra en septembre 2002.

132.Étant donné que l’entraide judiciaire n’implique pas forcément qu’un État requis dispose lui aussi d’une loi prohibant l’infraction pour laquelle on lui demande son concours, l’Afrique du Sud sera en mesure d’aider des États étrangers à rassembler des preuves. Cela dit, elle n’a jusqu’à présent jamais eu à le faire pour des affaires de torture.

Article 10 – Enseignement et information concernant l’interdiction de la torture

133.Les systèmes correctionnels ont pour but de contribuer à une société juste et sûre en appliquant les peines imposées par les tribunaux de manière que les détenus soient traités avec humanité et que leur sécurité soit assurée, et en aidant à la réadaptation des auteurs d’infractions et à leur réintégration dans la communauté en tant que citoyens respectueux des lois, grâce à des programmes axés sur les besoins dans les prisons et à l’extérieur. Cela signifie que les échanges avec le condamné visent à modifier son comportement. Le rôle joué par le personnel des services correctionnels dans la réadaptation des détenus est en effet toujours crucial pour parvenir à faire évoluer de façon plus durable les comportements, conduites et attitudes, et participer ainsi à la prévention de la criminalité au sein de la société. Par conséquent, il est impératif de former les membres du Département des services correctionnels à la question des droits de l’homme, afin d’interdire les actes de torture, traitements inhumains et autres actes dégradants.

134.Conformément à la politique des services de police d’Afrique du Sud en matière de prévention de la torture et de traitement des personnes détenues, tous les membres des services de police reçoivent une formation à cet instrument et aux consignes qui s’y rapportent. Les instructions sont communiquées – par l’intermédiaire de circulaires, mais aussi sur les bulletins de salaire – à l’ensemble des policiers, qui sont ensuite formés à les mettre en œuvre. De plus, cet instrument a également fait l’objet d’une explication dans un long article publié dans le magazine des services de police, Servamus. Le programme de formation sur les droits de l’homme et la police a également pour but d’empêcher la torture au cours des arrestations. Ces principes sont par ailleurs repris dans la nouvelle formation de base de la police, de même que dans les activités de formation continue.

135.La SANDF a lancé en 1994 un programme de formation très actif en vue d’inculquer les principes de la Convention de La Haye, des Conventions de Genève et des Protocoles additionnels ainsi que le respect de la loi en général; elle veille également à ce que tous ses membres s’engagent à respecter un code de conduite (qu’ils sont tenus de signer). La formation a produit des résultats extrêmement positifs au sein de la SANDF, dont les troupes ont par exemple été saluées par le Comité international de la Croix-Rouge pour la bonne conduite et la retenue dont elles ont fait preuve lors de l’opération Bolius (l’intervention militaire de la SADC au Lesotho, en 1998-1999).

Article 11 – Garde à vue et traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées

136.Comme indiqué plus haut, l’article 35 de la Constitution énonce en détail les droits des personnes arrêtées, détenues et accusées. Voir plus haut l’article 6.

137.S’agissant des personnes emprisonnées, les dispositions de la loi de 1998 sur les services correctionnels (loi n o 111 de 1998)s’appliquent. Le chapitre VIII de cette loi décrit la structure et les fonctions du Conseil national des services correctionnels. Ce dernier a pour fonction première de rendre des avis, à la demande du Ministre de tutelle des services correctionnels ou de son propre chef, au sujet de l’élaboration des politiques relatives au système correctionnel et à la détermination de la peine.

138.Le chapitre IX de la loi sur les services correctionnels établit une inspection judiciaire indépendante sous le contrôle d’un juge inspecteur nommé par le Président. Ce juge inspecteur, entre autres choses, inspecte ou organise l’inspection des prisons afin de dresser un rapport sur le traitement des détenus et les conditions de vie dans les établissements pénitentiaires.

139.Le chapitre X de la loi sur les services correctionnels prévoit la nomination par le juge inspecteur d’un visiteur de prison indépendant pour un ou des établissement(s) donné(s). Celui-ci est chargé de traiter de diverses manières les plaintes des prisonniers (comme cela est décrit dans ce chapitre). Au 31 mars 2002, 183 visiteurs de prison indépendants avaient été nommés, et déployés comme suit:

a)Gauteng: 47;

b)État Libre: 29;

c)KwaZulu-Natal: 29;

d)Mpumalanga: 17;

e)Nord-Ouest: 19;

f)Cap Ouest: 31;

g)Limpopo: 6;

h)Cap Nord: 11.

140.L’Inspection judiciaire a lancé un appel public à candidature afin de nommer des visiteurs indépendants dans la province du Cap Est. Au 31 mars 2002, les 3 124 candidatures reçues étaient en cours d’examen. La nomination de visiteurs de prison indépendants au Cap Est devait être achevée au plus tard en juin 2002, mettant ainsi un terme au processus national. La Commission sud-africaine des droits de l’homme peut également rendre visite aux détenus, de même que la Croix-Rouge internationale, à la faveur d’un accord permanent avec les autorités compétentes.

141.Selon le chapitre XIII de la loi sur les services correctionnels, un juge de la Cour constitutionnelle, de la Cour de cassation ou de la Haute Cour et un magistrat compétent peuvent visiter une prison à tout moment et doivent avoir accès à l’ensemble des locaux et des registres documentaires.

142.La politique de prévention de la torture, dont il a été question au titre des articles 2 et 10 plus haut, définit un système de contre-pouvoirs visant à protéger les personnes détenues par les services de police. Elle comporte également des directives qui doivent être suivies lorsqu’une personne est interrogée en garde à vue. Comme indiqué au titre de l’article 2, dans le cadre de la mise en œuvre de cette politique, les formulaires nécessaires ont été distribués à tous les commissariats; il s’agit notamment du registre des gardes à vue (SAP14) et du formulaire de notification des droits constitutionnels (SAP14 a)), qui visent à surveiller les activités de la police et à s’assurer que les individus seront bien traités. La politique susmentionnée prévoit aussi que les plaintes formulées par des personnes maintenues en détention sont reçues par la Direction indépendante des plaintes. Par ailleurs, et bien que cela ne fasse pas l’objet d’une disposition spécifique, ces plaintes peuvent également être déposées auprès du ministère public et de la Commission sud‑africaine des droits de l’homme.

143.Les services de police mettent actuellement au point un système permettant l’enregistrement audio et vidéo des interrogatoires auxquels sont soumis les suspects ou les personnes qui ont été arrêtées. Un projet pilote a été lancé à cet égard dans les bureaux de trois groupes d’investigation chargés d’enquêter sur les crimes violents les plus graves. Lorsque ce projet aura été mené à son terme, les services de police créeront les infrastructures nécessaires à la mise en place de ce système dans l’ensemble des services d’investigation de la police. Des instructions datant de 1999 imposent l’utilisation d’un formulaire spécifique (SAPS 3M m) − Déclaration concernant l’interrogatoire d’un suspect) qui comprend toute une gamme de mesures de contrôle et qui est destiné à garder une trace de tous les interrogatoires de suspects. Ces mesures exigent notamment que la personne entendue signe une déclaration indiquant qu’elle a été informée de son droit à la présence d’un avocat durant l’interrogatoire et que, si elle préfère, l’État peut lui en commettre un d’office et prendre à sa charge les frais correspondants. Le formulaire permet en outre à un suspect de faire état des blessures qui auraient pu lui être infligées avant l’interrogatoire, et d’expliquer le cas échéant de quelle manière. Cela permet au supérieur hiérarchique du policier qui conduit l’interrogatoire d’avoir connaissance de blessures pouvant résulter d’actes de torture et, dans cette éventualité, de diligenter une enquête sur la question.

144.S’il s’agit de la SANDF et de son personnel, ce sont les services de police militaire qui sont chargés de l’enquête et des interrogatoires. L’article 30 de la loi no 16 de 1999 sur les mesures complémentaires de discipline militaire se rapporte à l’enquête préliminaire qui doit être menée lorsque des accusations sont portées contre une personne soumise au Code. Cette enquête doit permettre de rassembler toutes les preuves qui seront utilisées par le procureur devant une cour de justice. Tout cela se déroule en la présence de l’accusé une fois qu’il a été informé de ses droits. Tout au long du processus, il est interdit de torturer l’accusé, de le harceler ou de faire pression sur lui afin d’obtenir des informations, étant donné qu’il a le droit de garder le silence jusqu’à ce qu’il ait pu s’entretenir avec un avocat.

145.Le placement de civils en garde à vue ou en détention n’est pas autorisé; par conséquent, un civil appréhendé doit être remis dès que possible aux services de police sud-africains, qui sont habilités à prendre en charge quiconque s’est rendu coupable d’une infraction. La SANDF n’est compétente que pour son propre personnel.

Article 12 − Plaintes

146.En ce qui concerne les enquêtes impartiales, outre les renseignements donnés ci‑après, on se reportera également aux renseignements donnés plus haut à propos de l’article 6.

147.La politique de la police sud‑africaine concernant la prévention de la torture et le traitement des personnes gardées à vue prévoit des mécanismes visant à garantir une enquête rapide et approfondie au sujet de toute plainte de torture. Les plaintes sont transmises immédiatement au commissaire du poste de police. En cas d’indisponibilité de ce dernier, le commissaire chargé du district doit prendre des dispositions immédiates pour faire ouvrir une enquête au sujet des allégations ou des plaintes. Des dispositions immédiates sont aussi prises afin de protéger les personnes qui signalent des actes de torture.

148.La Direction indépendante des plaintes (Independent Complaints Directorate − ICD), évoquée plus haut à propos de l’article 2, a également pour mission d’enquêter sur les plaintes de torture. Pour la première fois, les plaintes contre la police sud‑africaine sont examinées par un organe extérieur aux structures de commandement de la police, qui peut exiger la coopération de cette dernière à ses enquêtes. L’ICD a pour principal objectif de veiller à ce que les plaintes faisant état d’actes criminels ou de fautes graves commis par des membres de la police donnent lieu à une enquête impartiale, diligente et efficace.

149.Afin de remplir sa mission, l’ICD:

a)Peut, de sa propre initiative ou à réception d’une plainte, ouvrir une enquête sur toute faute ou infraction imputée à un membre de la police et, le cas échéant, renvoyer l’enquête devant le commissaire concerné;

b)De sa propre initiative ou à réception d’une plainte, enquête sur tout cas de décès survenu pendant la garde à vue ou par suite d’une action de la police;

c)Peut enquêter sur toute affaire que lui renvoie le Ministre ou un membre du Conseil exécutif.

150.Après avoir achevé son enquête, l’ICD peut en communiquer les résultats au Directeur des poursuites publiques − qui décide si des poursuites seront engagées − et faire des recommandations à la police, au Ministre ou au membre concerné du Conseil exécutif dans les provinces. Le Directeur exécutif de l’ICD présente un rapport annuel au Ministre, qui doit être déposé au Parlement dans un délai de 14 jours à compter de la date de présentation; il fait également rapport à tout moment, sur leur demande, au Ministre et aux commissions parlementaires.

151.L’ICD est aujourd’hui capable de traiter les plaintes de façon particulièrement efficace et diligente. Plusieurs problèmes entravaient auparavant son action, notamment un manque de personnel et un manque de fonds. On a résolu ces problèmes en augmentant son budget, ce qui lui a permis d’accroître ses moyens d’enquête. L’ICD a donc commencé à enquêter sur un plus grand nombre de cas, en se fixant pour objectif d’enquêter de façon indépendante sur toutes les affaires relevant de son mandat d’ici à 2005.

152.Les paragraphes ci‑après présentent quelques‑unes des affaires dont l’ICD est saisie actuellement. L’affaire suivante se serait produite dans la province de Mpumalanga: en septembre 1999, trois femmes auraient été arrêtées en différents lieux et circonstances par des membres de la police de Hazyview. Après leur arrestation, elles ont été remises à l’unité des homicides et du banditisme de Nelspruit pour être interrogées. Au cours de l’interrogatoire, elles auraient été torturées et battues. Les policiers les auraient suffoquées, d’abord avec les mains, puis avec des sacs en plastique. Ils auraient également employé la fameuse méthode de l’«hélicoptère», et les victimes seraient restées «suspendues» particulièrement longtemps. Elles ont ensuite été incarcérées au commissariat de police de Nelspruit pendant une semaine avant d’être transférées dans une prison locale. À leur arrivée à la prison, elles ont demandé un traitement médical, dont elles ont pu bénéficier. L’enquête n’est toujours pas achevée en raison de la difficulté à retrouver les plaignantes depuis leur sortie de garde à vue. Les efforts se poursuivent pour tenter de les localiser (réf. ICD: 99ML000153; réf. SAPS: 36/10/99).

153.Dans une autre affaire survenue dans la province du Nord‑Ouest, le plaignant aurait été arrêté par 10 membres de l’unité des homicides et du banditisme du commissariat de police de Garankuwa, ceux‑ci l’accusant du meurtre de sa femme. Il aurait été battu par ces policiers, qui l’auraient giflé et roué de coups de pied et de poing. De plus, le plaignant affirme qu’on l’aurait menotté et déshabillé; qu’on lui aurait mis sur la tête un sac de toile serré au cou, avant de lui plonger la tête dans un bac d’eau. Le plaignant a porté plainte pour coups et blessures aggravés. Ce chef d’accusation a été retenu contre les suspects. L’affaire a été close le 14 septembre 2001. Les accusés ont tous été reconnus non coupables et acquittés en application de l’article 174 de la loi de procédure pénale (loi no 51 de 1977) (réf. ICD: CCN: 99070088).

154.Dans une autre affaire survenue le 3 avril 1999 dans la province du Cap Est, des membres de la police du maintien de l’ordre (Public Order Police − POP) se seraient trouvés dans la région de Majola pour surveiller des violences. Ils avaient reçu des informations qui devaient leur permettre de retrouver des suspects recherchés pour un délit non spécifié. Lors de leurs tentatives pour retrouver les suspects, les policiers auraient torturé certaines personnes dont ils croyaient qu’elles détenaient des informations sur le lieu où se trouvaient les suspects. Après l’agression, les plaignants auraient été emmenés dans un camp utilisé par la POP. Ils auraient été transportés dans une boîte servant d’abri aux chiens de la police. L’une de ces personnes aurait été retrouvée morte à l’arrivée au camp. L’ICD a enquêté sur l’affaire et le procès est en cours. Le Directeur des poursuites publiques a décidé que cinq policiers comparaîtraient devant la cour régionale sous les chefs d’accusation d’homicide volontaire et de coups et blessures aggravés. La cour a reconnu les cinq policiers coupables d’homicide volontaire et les a condamnés à une peine de cinq ans de prison ferme. Ces derniers ont toutefois fait appel de leur condamnation. Cet appel est toujours en instance (réf. ICD: CCN: 99EC00073; réf. SAPS: Port St Johns‑CR23/04/99).

155.Dans une autre affaire, il est allégué que, le 12 avril 2000, des policiers auraient arrêté six jeunes suspectés d’effraction et de vol à domicile. Ils auraient d’abord arrêté deux adolescents qu’ils auraient battus pour leur faire avouer où se trouvaient les autres responsables. Trois autres jeunes auraient été arrêtés grâce aux informations ainsi obtenues. Il aurait été demandé à ces jeunes d’enlever tous leurs vêtements et de s’immerger dans un canal rempli d’eau. Lorsqu’un d’entre eux a tenté de lever la tête pour respirer, une arme à feu a été pointée sur lui. En outre, les policiers auraient obligé deux des adolescents attachés par des cordes à courir de chaque côté d’un véhicule de police en marche. À un moment, les deux garçons sont tombés et un véhicule a roulé sur la tête de l’un d’entre eux, le tuant sur le coup. Les trois policiers en cause ont été sanctionnés d’une suspension sans traitement. Le Directeur des poursuites publiques les a inculpés d’homicide volontaire, d’agression, de vol et de tentative de compromettre les objectifs de la justice. Une date provisoire a été fixée pour le procès au 4 juillet 2002. Des comparutions ont eu lieu postérieurement à cette date et l’affaire est toujours en instance (réf. ICD: CCN2000 04 0154; réf. SAPS: Barkley East‑CR36/04/2000).

156.Dans une autre affaire survenue dans la province de Gauteng, deux policiers de l’unité des homicides et du banditisme de Vaal auraient arrêté le plaignant le 25 avril 1998. Le plaignant affirme avoir été emmené dans les locaux de ce service; après l’avoir attaché à une chaise et lui avoir bandé les yeux, on l’aurait torturé au moyen de décharges électriques. Il aurait également été étouffé. D’après le plaignant, les policiers voulaient lui faire avouer son implication dans une tentative de meurtre sur la personne de son épouse. Le plaignant a également signalé qu’il n’avait pas pu consulter son avocat. Il aurait également été présenté à un juge pour faire des aveux. Il aurait indiqué au juge le fait qu’il avait été torturé, en lui demandant de ne pas en faire état dans sa déclaration de crainte d’être torturé à nouveau. L’ICD a été informée de ces faits le 28 avril 1998. Elle a procédé à une enquête et renvoyé l’affaire devant de Directeur des poursuites publiques, lequel a décidé de poursuivre les deux policiers pour coups et blessures aggravés. L’affaire est close, les accusés ayant été jugés et acquittés.

157.Bien qu’il y ait encore des cas de torture dans la police, il ressort des statistiques de l’ICD que leur nombre diminue. La formation dans le domaine des droits de l’homme dispensée aux membres de la police a porté ses fruits. Les policiers ne semblent plus disposés à passer sous silence des actes de torture commis par d’autres policiers; ils signalent ces incidents aux autorités. Le tableau ci‑après montre une diminution des cas de torture entre avril 1997 et mars 2002.

Période

Total

1er avril 1997 − 31 mars 1998

68

1er avril 1998 − 31 mars 1999

56

1er avril 1999 − 31 mars 2000

24

1er avril 2000 − 31 mars 2001

46

1er avril 2001 − 31 mars 2002

42

158.Pour ce qui est de la Force de défense nationale (South African Defence Force − SANDF), il existe une procédure conforme à la Constitution qui définit les autorités compétentes, les responsabilités et la procédure à suivre en vertu de la loi de 1999 sur les mesures disciplinaires complémentaires applicables aux militaires. à ce jour, il n’y a pas eu de cas où la SANDF aurait utilisé la torture. Les médias ont rapporté des cas de mauvais traitement d’étrangers en situation irrégulière (ces personnes auraient été interceptées par la SANDF lors de manœuvres à proximité de la frontière). Ces civils relèvent de la responsabilité de la police nationale et du Département des affaires intérieures. Il n’y a eu à ce jour aucune enquête officielle ni inculpation, ni aucune action en dommages‑intérêts, qui auraient été engagées au motif d’actes de torture ou de traitements cruels.

159.Les plaintes à caractère pénal de prisonniers qui sont portées à l’attention du Département des services correctionnels sont transmises à la police afin que la justice puisse être rendue. Les pénuries d’effectifs, les contraintes structurelles et le surpeuplement carcéral ne permettent pas au Département de s’acquitter pleinement de la responsabilité qui lui incombe de garantir la sécurité du personnel et des détenus. Malgré les efforts déployés par l’administration, les cas d’agression ci‑après ont été signalés de 1994 à 2001 (note: le mot «membre» désigne un employé du Département des services correctionnels):

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Détenu/détenu

2 857

3 130

2 252

3 050

2 361

3 104

2 354

2 380

Membre/détenu

1 805

945

394

1 193

612

545

609

633

Détenu/membre

47

20

68

40

39

11

17

16

160.Les agressions de prisonniers ne sont pas tolérées et les politiques en vigueur proscrivent de tels actes. Parmi les stratégies mises en place pour s’attaquer au problème, on peut citer:

a)Mesures pénales et disciplinaires strictes contre tout prisonnier impliqué dans des violences à l’égard d’autres prisonniers ou de fonctionnaires;

b)Mesures pénales et disciplinaires strictes contre les fonctionnaires qui se rendent coupables d’un usage excessif de la force ou de violences envers des prisonniers;

c)Intervention du juge chargé des inspections, dans le cadre de visites d’observateurs indépendants dans les établissements pénitentiaires;

d)Mise en œuvre du programme de gestion unitaire reposant sur le principe d’un emploi du temps structuré afin de lutter contre l’oisiveté des détenus et ses effets néfastes.

161.La Commission sud‑africaine des droits de l’homme reçoit également des plaintes concernant la torture. Elle a enquêté sur un incident qui se serait produit le 13 février 1997 à la prison de haute surveillance de Helderstroom. D’après des témoignages de détenus, entre 50 et 70 détenus avaient été agressés par des gardiens lors d’une opération des autorités carcérales visant à déplacer un groupe de 70 prisonniers vers un quartier d’isolement. Cette mesure faisait suite au refus des gardiens d’entrer dans l’établissement du fait que selon eux le groupe de détenus semait et encourageait le trouble dans la prison. Priés par la Commission d’expliquer les blessures subies par les détenus, les gardiens ont répondu qu’ils avaient utilisé la force au minimum parce que les détenus avaient résisté. Certaines blessures ont nécessité des points de suture et au moins un détenu a eu la main fracturée. La Commission a constaté que huit jours après l’incident aucune des plaintes n’avait été consignée dans le registre des plaintes. Elle a également constaté que les mauvaises conditions de détention expliquaient en partie pourquoi les détenus devenaient de plus en plus agressifs et violents à l’égard des gardiens. Pour leur part, les gardiens se sentaient menacés et impuissants et faisaient pression sur l’administration pour qu’elle agisse.

162.Parmi ses recommandations, la Commission a demandé qu’une équipe spéciale soit nommée par la police pour enquêter sur le volet pénal de l’affaire et que toutes les plaintes de prisonniers soient à l’avenir consignées dans le registre des plaintes dans les meilleurs délais.

Article 13 − Examen par des autorités impartiales

163.Outre les renseignements donnés dans cette partie, on se reportera également aux informations fournies pour l’article 12. L’article 179 de la Constitution traite du ministère public. Son paragraphe 4, en particulier, énonce ce qui suit:

«La législation nationale doit garantir que le ministère public exerce sa charge sans crainte, faveur ni parti pris.».

164.Tout individu affirmant avoir été torturé peut se plaindre à la police, à l’ICD, au Défenseur des droits du citoyen ou à la Commission sud‑africaine des droits de l’homme.

165.En ce qui concerne les infractions pénales, l’État est seul compétent pour poursuivre au pénal dans les juridictions supérieures et inférieures, à l’exception des poursuites engagées à la diligence de la victime, conformément à l’article 7 de la loi de procédure pénale. Il n’existe pas de régime de poursuites d’office: c’est au procureur qu’il incombe de s’assurer de l’existence de motifs raisonnables et suffisants pour engager des poursuites. Les tribunaux admettent la prérogative du Directeur des poursuites publiques d’engager des poursuites pénales pour les motifs qu’il juge appropriés, et hésitent à empiéter sur cette prérogative, dans la mesure où c’est lui qui détient l’ensemble des éléments de fait et de preuve pertinents (les enquêtes sont effectuées par la police qui transmet les dossiers au Bureau du Directeur des poursuites publiques). Sans preuve d’un abus ou d’une erreur manifeste, les tribunaux ne vont pas à l’encontre du Directeur des poursuites publiques dans l’exercice de cette prérogative. Ils peuvent toutefois intervenir en cas d’abus.

166.Les poursuites à la diligence de la victime font office de garde‑fou sur le plan juridique en ce qu’elles permettent à une partie qui le souhaite d’engager des poursuites au pénal contre une autre partie lorsque le ministère public refuse les poursuites. L’auteur des poursuites doit démontrer un intérêt substantiel à l’organisation d’un procès pour toute infraction commise à son égard.

167.Le Département des services correctionnels a un système accessible permettant aux détenus, aux probationnaires et aux libérés conditionnels d’adresser chaque jour leurs plaintes, requêtes et griefs au directeur de la prison, au responsable des peines d’intérêt général ou au responsable de secteur. Par exemple, tous les détenus qui ont à se plaindre des services d’aide psychologique ou d’aide sociale ont deux moyens de porter plainte:

a)Par le registre des plaintes et des requêtes, qui existe dans chaque prison;

b)Auprès du Conseil sud‑africain des professions médicales, qui traite les plaintes immédiatement et en toute impartialité.

168.Lorsqu’une plainte ou une requête a été examinée, l’auteur est dûment informé de la suite qui lui a été donnée.

169.Les détenus, les probationnaires et les libérés conditionnels peuvent également enregistrer leurs plaintes au cours de visites de juges, de magistrats et de représentants du Comité international de la Croix‑Rouge et de la Commission sud‑africaine des droits de l’homme. Ils ont également accès au Défenseur des droits du citoyen et à des représentants légaux, et ont le droit d’agir en justice. Comme on l’explique plus haut à propos de l’article 11, la loi sur les services correctionnels prévoit la création d’une inspection judiciaire indépendante placée sous le contrôle d’un juge chargé des inspections. Cet organe a pour fonction d’empêcher les abus dans le traitement des détenus et des condamnés à des peines d’intérêt général. La loi prévoit aussi la création d’un réseau de visiteurs indépendants qui se rendent dans les prisons pour examiner les plaintes des détenus, des probationnaires et des libérés conditionnels et pour servir d’interlocuteur local indépendant au juge chargé des inspections. Si le concours de services spécialisés est nécessaire, les cas sont renvoyés à des professionnels auprès des hôpitaux, des services de police ou des services psychologiques, pour intervention.

170.Sur la question de l’amnistie et de la Commission Vérité et Réconciliation, on se reportera à l’analyse de la loi sur la promotion de l’unité et de la réconciliation nationales, donnée plus haut à propos de l’article 2.

171.Les tribunaux sud‑africains ont souvent estimé que les personnes placées en garde à vue ne devaient pas être soumises à des mauvais traitements ou à des pressions indues. Dans l’affaire État c. Hoho 1999 (2) SACR 159 (CPD), il a été noté que la «méthode des aveux» consistant à extraire des aveux au suspect, adoptée par la police en l’espèce et couramment utilisée en Afrique du Sud pendant la période de l’apartheid, était à l’origine même du problème de l’État sud‑africain. Le tribunal a fait observer qu’il faudrait mener une campagne énergique pour faire en sorte que la police renonce à la méthode des aveux au profit de techniques fondées sur l’investigation, qui s’accordent avec les normes civilisées et efficaces que la Constitution prescrivait pour les activités de police.

172.Le droit de porter plainte et de faire rapidement examiner des allégations est inscrit dans la Constitution (art. 34 relatif à l’accès aux tribunaux) et s’applique donc universellement à tous les plaignants, qu’ils soient civils ou militaires. Les plaintes et la procédure applicables dans le cas des forces armées sont régies par les articles 29 et 30 de la loi sur les mesures disciplinaires complémentaires applicables aux militaires. L’article 29 de la loi no 16 de 1999 traite de la comparution avant jugement lorsque des militaires ont été inculpés. Des procédures avant jugement sont nécessaires pour empêcher la prescription et faire en sorte que tout accusé soit jugé rapidement.

Article 14 − Indemnisation et réadaptation

173.Outre les renseignements figurant ci‑après, on se reportera également aux renseignements donnés à l’intertitre «Mesures de réparation et programmes de réadaptation». En matière d’indemnisation, la victime d’un acte de torture peut obtenir une réparation et une indemnisation juste et suffisante, dans le cadre de la common law, au moyen d’une action délictuelle, en poursuivant l’auteur du délit au civil. Une indemnisation sera accordée à la victime par un tribunal pour les dommages subis. La Cour constitutionnelle a toutefois estimé qu’il serait malavisé d’utiliser des ressources rares à payer des dommages‑intérêts punitifs pour violation de la Constitution à des plaignants qui avaient déjà été pleinement indemnisés pour le tort qui leur avait été fait.

174.Dans l’affaire Fose c. Ministre de la sécurité et de la sûreté 1997 (3) SA 786 (CC), le requérant a demandé des dommages‑intérêts pour les souffrances qu’avait entraînées son agression présumée par des policiers, pour les pertes matérielles ayant résulté de cette agression, pour insultes et pour couvrir ses dépenses médicales passées et futures. Une somme de 200 000 rand était en outre réclamée «à titre de dommages‑intérêts pour violation des droits constitutionnels … ce montant comprenant un élément de dommages‑intérêts punitifs». Le tribunal a estimé que le recours demandé était un recours constitutionnel et non délictuel, qui visait notamment l’indemnisation de torts causés à l’auteur par suite d’une atteinte à ses droits fondamentaux. Il a estimé d’autre part que les faits allégués en l’espèce ne justifiaient pas des dommages‑intérêts punitifs pour atteinte à un droit constitutionnel. Le tribunal a estimé en outre que dans un pays où les deniers publics étaient mis à rude épreuve et où il existait un besoin urgent de réforme économique et sociale, il serait malavisé d’utiliser les maigres ressources pour payer des dommages‑intérêts punitifs pour violation de la Constitution à des plaignants qui avaient déjà été pleinement indemnisés pour le tort qui leur avait été fait. Ces fonds pouvaient être mieux employés pour financer les mesures structurelles et systémiques de nature à éliminer les causes d’infractions.

175.La loi pour la promotion de l’unité et de la réconciliation nationales prévoit la création d’un comité pour les réparations et la réadaptation qui s’emploie à rétablir dans leur dignité humaine et civile les victimes de graves atteintes aux droits de l’homme. Dans l’affaire Azanian Peoples Organisation (AZAPO) et autres c. Président de la République sud ‑africaine et autres 1996 (4) SA 671 (CC), il a été estimé que le Parlement était habilité à décider que, compte tenu des ressources de l’État, l’indemnisation de ceux qui avaient été victimes des lois et pratiques iniques du passé justifiait des formules qui n’imposaient pas de distinction irrationnelle entre les plaintes de ceux qui avaient été en mesure d’engager des actions délictuelles exécutoires contre l’État et les plaintes de ceux qui ne l’avaient pas été mais méritaient toutefois des réparations. Le tribunal a également estimé que les dispositions finales de la Constitution autorisaient et envisageaient une «amnistie», au sens le plus complet et le plus généreux de ce mot, afin de donner toutes ses chances au progrès constitutionnel engagé pour laver la honte du passé et accomplir la promesse d’un avenir meilleur. Pour une analyse plus complète de l’affaire AZAPO, on se reportera aux informations données plus haut dans le contexte de l’article 2.

176.Le Gouvernement a créé un fonds présidentiel qui indemnise les victimes de torture dans le cadre du processus de la Commission Vérité et Réconciliation.

177.Dans le traitement des victimes de violations et de crimes, le Département des services correctionnels a suivi l’approche de la justice restitutive, qui repose sur la notion qu’un crime est un acte dirigé contre la victime et la collectivité. Le système de justice restitutive vise à pallier les insuffisances fondamentales du processus de justice pénale. La justice restitutive souligne l’importance du rôle de la victime, des familles et des membres de la collectivité en les associant activement au processus judiciaire.

178.La justice restitutive vise à rendre les délinquants directement responsables devant les personnes dont ils ont violé les droits et à dédommager les victimes pour les pertes et les torts qu’elles ont subis. Elle offre une chance de médiation, de négociation par le dialogue et de résolution des problèmes, ce qui peut conduire à l’apaisement, à un sentiment accru de sécurité et à une meilleure réinsertion dans la collectivité.

179.Le Département des services correctionnels, en partenariat avec d’autres services de l’État, mène un programme d’habilitation des victimes qui vise à mettre la victime d’infractions pénales au centre du système de justice pénale. Son objectif premier est d’accorder l’importance voulue aux préoccupations de la victime.

180.Dans le cadre de la nouvelle politique en matière de liberté conditionnelle, les victimes d’infractions pénales sont invitées à assister aux audiences de la Commission de libération conditionnelle et à faire leurs commentaires lorsque les auteurs d’infractions doivent bénéficier d’une libération conditionnelle. Une Semaine internationale de la justice restitutive a été célébrée dans la plupart des provinces au cours du mois de novembre 2001. Le Département des services correctionnels a lancé son programme pour la justice restitutive au cours du même mois; cela a été suivi de réunions de sensibilisation auprès des délinquants, des fonctionnaires du Département, des ONG et des organisations locales.

181.Certains fonctionnaires du Département ont reçu une formation de premier formateur dispensée par une équipe d’experts des services correctionnels du Canada et de l’Université de Queens. Ces premiers formateurs formeront à leur tour l’ensemble des fonctionnaires des services correctionnels au protocole de médiation, qui facilite le dialogue entre le délinquant et la victime. La prise en compte des besoins religieux fait également partie intégrante du programme de réadaptation à l’intention des délinquants. Les besoins religieux de chaque détenu sont pris en compte selon la conviction religieuse et compte tenu des principes internationaux et nationaux liés à la liberté religieuse.

182.En raison de la démilitarisation du Département des services correctionnels, la formation du personnel est en cours de révision, l’objectif étant de le familiariser aux nouvelles théories et approches en matière de traitement des détenus et des probationnaires. Pour ce qui est des programmes de réadaptation des victimes de la torture, le Département est associé dans le cadre d’un partenariat interdépartemental à la mise en place du Programme d’habilitation des victimes, qui vise à répondre aux besoins des victimes et du même coup au problème de la récidive. Sur la question des ONG et de la réadaptation des victimes, on se reportera à la première partie du présent rapport.

183.La Charte des victimes s’inscrit dans le cadre de l’engagement pris par le Gouvernement d’assurer de meilleures conditions aux victimes d’actes criminels. Elle s’applique à toutes les victimes de crime qui ont souffert directement ou indirectement des conséquences d’un crime. Elle énonce plusieurs droits dont le droit à la protection, le droit aux réparations et le droit à la restitution. Lorsqu’un crime est commis, les droits fondamentaux d’une personne, prévus dans la Constitution, sont violés. Les prestataires de services, notamment les fonctionnaires et les employés du Département de la justice et du développement constitutionnel et d’autres départements et organismes gouvernementaux sud‑africains chargés des activités de détection, d’enquête et de poursuites en matière de criminalité et ceux qui s’occupent d’assurer les services de santé, d’éducation et de conseil, doivent veiller dans la mesure du possible à ce que les droits énoncés dans la Charte soient accordés aux victimes. En ce qui concerne le droit à l’indemnisation, une victime a le droit de demander réparation pour toute perte matérielle ou tout dommage qu’elle aurait subi du fait d’un crime commis à son égard. Par «réparation», il faut entendre le montant qu’une juridiction pénale accorde à la victime qui a subi une perte matérielle ou un dommage (y compris un préjudice financier) à la suite d’un acte ou d’une omission criminels de la personne qui a été condamnée. En outre, les victimes ont un droit de restitution concernant les biens dont elles ont été dépossédées illégalement. On parle de «restitution» lorsqu’un tribunal, après avoir prononcé une condamnation, ordonne à la partie reconnue coupable d’avoir dépossédé illégalement la victime de lui restituer ses biens, afin de rétablir la situation où elle se trouvait avant le délit.

Article 15 − Déclaration obtenue sous la torture

184.Avant la Constitution, le principe de common law applicable en Afrique du Sud en matière d’exclusion des preuves était que les éléments de preuve pertinents étaient recevables quelle que soit la manière dont ils avaient été obtenus. La Constitution a changé cela; elle prévoit en son article 35 5) qu’un tribunal doit exclure les preuves obtenues de façon attentatoire à un droit fondamental si leur admission peut rendre le procès inéquitable ou compromettre l’administration de la justice. Les règles de preuve appliquées dans les tribunaux civils le sont également dans tous les tribunaux militaires.

185.Dans l’affaire État c. Hoho, mentionnée à propos de l’article 13, le tribunal a estimé que la police devait renoncer à ses méthodes fondées sur les aveux au profit de méthodes fondées sur l’investigation.

186.Dans une affaire, un tribunal a estimé que les aveux de l’accusé, formulés sous la menace et les violences des policiers, n’étaient pas recevables. Ces aveux n’avaient pas été formulés librement et la victime a pu faire appel. Les condamnations et les peines ont été annulées (État c. Potwana 1994 (1) SACR 159 (A)).

187.La recevabilité des déclarations de l’accusé, y compris les informations données par celui‑ci, a été contestée au motif que les policiers l’avaient agressé et soumis à des pressions indues afin de créer des preuves à charge. Dans l’affaire État c. Malefo et autres 1998 (1) SACR 126 (WLD), il a été estimé que si le tribunal de première instance pouvait exclure les preuves obtenues en violation d’un droit fondamental il pouvait également admettre de telles preuves. Il a été considéré que l’approche canadienne qui tentait de concilier la règle de l’inclusion propre à la common law et la règle de l’exclusion, et qui par cet équilibre cherchait à promouvoir le respect de la loi, était bien fondée. Les preuves retenues dans l’affaire en question ont été jugées recevables.

188.Toutefois, dans l’affaire État c. Hoho 1999 (voir plus haut), le juge a fait observer que dans tout système démocratique de justice pénale, il existe un tiraillement entre, d’une part, l’intérêt public à ce que les criminels soient jugés et, d’autre part, la nécessité non moins grande de garantir la justice à chacun, même à ceux qui ont commis des actes que la société ne saurait tolérer. Cette tension − entre la lutte contre la criminalité et le respect des garanties d’une procédure régulière − signifie qu’à certains moments l’«équité» − au sens du droit à un procès équitable inscrit à l’article 35 3) de la Constitution − impose d’exclure les preuves obtenues de façon contraire à la Constitution; mais elle peut aussi imposer d’admettre de telles preuves. Dans l’exercice de sa faculté d’interprétation, le tribunal doit donc déterminer s’il y a lieu, dans l’intérêt public, d’admettre ou d’exclure des éléments de preuve obtenus par des moyens illégaux.

189.Dans l’affaire Hoho, l’accusé a contesté des informations au motif qu’il avait été contraint à les donner après avoir été brutalisé. Le tribunal a estimé que les preuves établies sur la base de ces informations n’étaient pas recevables.

Article 16 − Autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

190.Le système de l’apartheid était un système «odieux, inhumain et dégradant pour tous, par millions, dont il a fait des citoyens de deuxième ou troisième classe. Parmi ses nombreux crimes, le pire a été peut‑être son pouvoir d’humilier et de dénigrer ses millions de victimes, et de leur retirer leur confiance, leur amour‑propre et leur dignité» (Rapport de la Commission Vérité et Réconciliation de l’Afrique du Sud, vol. 1, p. 62).

191.Outre l’information fournie ci‑après, on se reportera également à l’affaire État c. Williamsévoquée dans l’introduction. L’affaire Williamsconcernait le caractère anticonstitutionnel de la flagellation des mineurs.

192.Pour déterminer si une peine est cruelle, inhumaine ou dégradante au sens de la Constitution, elle doit être évaluée à la lumière des valeurs consacrées par la Constitution. Dans l’affaire État c. Williams et autres 1995 (3) SA 632 (CC), le tribunal a estimé qu’une peine devait respecter la dignité humaine et être compatible avec la Constitution. Le recours institutionnalisé à la violence d’État à l’égard des délinquants mineurs, autorisé par l’article 294 de la loi de procédure pénale, a été jugé cruel, inhumain et dégradant. Il a été estimé que cette peine ne pouvait pas être justifiée en vertu de l’article 33 1) de la Constitution (intérimaire) (art. 12 de la Constitution). En conséquence, l’article 294 et les mots «ou une flagellation» figurant à l’article 290 2) de la loi de procédure pénale ont été supprimés.

193.Le fait d’obliger un accusé à participer à une présentation de suspects à témoins ne constituait pas une violation de ses droits constitutionnels fondamentaux. Dans l’affaire État c. Mphala et autres 1998 (1) SACR 654 (WLD), le tribunal a estimé que les preuves obtenues lors d’une présentation de suspects à témoins étaient recevables, car la présentation avait été organisée conformément à l’article 37 1) b) de la loi de procédure pénale (loi no 51 de 1977).

194.La police nationale a inclus dans sa politique institutionnelle la définition de la torture figurant dans la Convention contre la torture, en y ajoutant qu’une personne «ne peut pas être traitée ou punie d’une manière cruelle, inhumaine ou dégradante». Les directives sur l’application de cette politique ont été conçues de façon que les personnes en garde à vue soient convenablement traitées et que les membres de la police puissent comprendre la notion de traitements cruels, inhumains ou dégradants. La politique institutionnelle de la police prévoit en outre que l’ordre émanant d’un supérieur ou de toute autre autorité de torturer une personne est contraire à la loi et ne doit pas être exécuté − y compris dans le cas des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

195.Aux termes de l’article 40 5) de la loi sur les services correctionnels, il ne peut être ordonné ou imposé à un détenu de travailler à titre de peine ou de mesure disciplinaire. Le travail effectué par un détenu doit être lié à un programme de formation ou viser à développer des habitudes de travail. Les détenus sont toutefois encouragés à travailler, à moins que le médecin ou le psychologue certifie par écrit que l’intéressé est physiquement ou mentalement inapte à travailler.

196.En outre, les enfants de plus de 15 ans et de moins de 18 ans qui n’ont pas achevé leur scolarité obligatoire ne peuvent pas être obligés à travailler. En ce qui concerne les enfants et les délinquants mineurs, l’accent est mis sur l’épanouissement. Ils ne peuvent donc être soumis à aucun travail à but lucratif ni à aucun travail portant atteinte à leur dignité. Ils sont formés dans le but d’acquérir des compétences en vue de leur épanouissement.

Violence dans la famille

197.La violence dans la famille doit aussi être évoquée dans le cadre de l’article 16; il a été reconnu qu’elle constituait en Afrique du Sud un fléau social grave et largement répandu. On s’est également aperçu que les victimes de cette violence comptaient parmi les membres les plus vulnérables de la société et que les recours qui leur étaient offerts n’étaient manifestement pas efficaces. La législation sur la violence familiale, à présent abrogée − loi n o  133 de 1993 sur la prévention de la violence familiale − a été sévèrement critiquée du fait qu’elle ne protégeait pas suffisamment les victimes de la violence familiale et que son application était limitée.

198.Dans l’optique de la Constitution sud‑africaine, eu égard en particulier au droit des personnes à l’égalité, à la liberté et à la sécurité, les engagements internationaux découlant de la ratification de la Convention contre l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ont fait ressortir la nécessité d’une nouvelle loi sur la violence dans la famille.

199.La loi sur la violence dans la famille (loi n o  116 de 1998) a remplacé la loi sur la prévention de la violence familiale, qui était inadaptée. La nouvelle loi est entrée en vigueur le 15 décembre 1999. Elle vise à assurer aux victimes de la violence dans la famille le maximum de protection que la loi peut apporter contre la violence. Le législateur a voulu avertir solennellement que les comportements violents ne seraient pas excusés ni tolérés. Étant donné que la violence dans la famille est un problème de société largement répandu aux conséquences souvent dévastatrices, la loi vise à faire en sorte que lorsque les victimes de violence ou de mauvais traitements demandent la protection de la loi, celle‑ci leur apporte un recours utile et effectif.

200.La loi cherche donc à apporter une réponse adaptée aux besoins des victimes de la violence familiale. Loi progressiste, elle étend sensiblement la portée de la loi de 1993, qui était trop restreinte. Elle fait de la violence familiale un délit grave contre la société et reconnaît que les principales victimes de cette violence sont des femmes et des enfants. Le viol peut aussi être un moyen de torturer une personne.

201.La nouvelle loi introduit des moyens d’intervention essentiels, notamment une définition plus large des types de violence familiale qui sont couverts par la loi, des dispositions sur l’octroi d’une aide financière d’urgence et un accès facilité à des mesures de protection. Voir également les analyses précédentes concernant les articles 10, 11, 12 et 13.

Conclusion

202.La lutte pour la libération, qui s’est payée de souffrances indicibles aux mains des forces de sécurité du régime d’apartheid, a ouvert la voie à la démocratie constitutionnelle aujourd’hui présente en Afrique du Sud. La Loi constitutionnelle de 1996, qui garantit le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, en se référant expressément au droit de ne pas être torturé de quelque manière que ce soit, sert de base aux mesures législatives et administratives indispensables pour appliquer la Convention contre la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans une affaire qui a fait date, l’affaire Makwanyane, la Cour constitutionnelle a statué que la peine de mort relevait des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans l’affaire Williams, la Cour constitutionnelle a statué que la flagellation des mineurs relevait également des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

203.Bien que l’Afrique du Sud ne dispose pas d’une législation criminalisant la torture stricto sensu, la common law permet de traiter la torture comme une forme d’agression. L’Afrique du Sud dispose de quelques textes législatifs s’appliquant à d’autres formes de torture, notamment la loi de modification du droit pénal, qui prévoit l’annulation des condamnations à mort, et la loi sur l’abolition des châtiments corporels. La Force de défense sud‑africaine, la police sud‑africaine et les services correctionnels, qui constituent les Services de sécurité sud‑africains, ont prévu des politiques et des programmes pour faire face à toute forme de torture et se sont dotés de programmes et/ou de manuels de formation visant à éduquer leurs membres au traitement humain des suspects, des délinquants et des citoyens en général.

204.Bien que les services de sécurité sud‑africains mènent de bonnes politiques et dispensent de bonnes formations pour lutter contre la torture, des cas de torture continuent de se produire. Ce problème, compte tenu de l’héritage du passé, ne disparaîtra pas immédiatement. Le Gouvernement est résolu à lutter contre ce fléau, le principal défi étant de transformer la vieille culture des forces de sécurité pour rallier ces dernières au respect et à la défense des valeurs démocratiques, y compris le traitement humain des suspects, des délinquants et des citoyens en général. Le Gouvernement doit toutefois pouvoir compter sur l’appui des acteurs économiques, des partenaires sociaux et de la société civile dans le combat qu’il mène pour transformer les forces de sécurité, combat qui doit s’accompagner d’une action pour un renouveau moral. L’objectif est de faire de l’Afrique du Sud un pays sûr où chacun vive en sécurité.

-----