Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/GC/2003/317 mars 2003

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANTTrente‑deuxième session13‑31 janvier 2003

OBSERVATION GÉNÉRALE N o  3 (2003)

Le VIH/sida et les droits de l’enfant

I. INTRODUCTION

1.L’épidémie de VIH/sida a radicalement changé le monde dans lequel vivent les enfants. Des millions d’enfants ont été infectés ou sont décédés et un plus grand nombre encore sont gravement touchés par la propagation du VIH dans leurs familles et leurs communautés. Cette épidémie a des répercussions sur la vie quotidienne des jeunes enfants et elle accroît la victimisation et la marginalisation des enfants, spécialement des enfants vivant dans des conditions particulièrement difficiles. Le VIH/sida n’est pas un problème limité à certains pays mais il concerne le monde entier. Pour pouvoir maîtriser ses conséquences sur les enfants, des efforts concertés et soigneusement ciblés doivent être déployés par tous les pays, quel que soit leur stade de développement.

2.À l’origine on pensait que les enfants n’étaient que marginalement touchés par l’épidémie. Or la communauté internationale s’est rendu compte que malheureusement les enfants sont au cœur du problème. Selon le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), l’évolution récente est alarmante: dans la plupart des régions du monde, la majorité des nouveaux cas d’infection concernent des jeunes âgés de 15 à 24 ans, voire plus jeunes encore. Les femmes et les jeunes filles sont elles aussi de plus en plus touchées. Dans la plupart des régions du monde, la grande majorité des femmes infectées ne connaissent pas leur état et peuvent sans le savoir transmettre l’infection à leurs enfants. C’est ainsi que de nombreux États ont récemment enregistré une augmentation de leur taux de mortalité infanto‑juvénile. Les adolescents sont aussi vulnérables au VIH/sida du fait qu’ils connaissent parfois leur première expérience sexuelle sans avoir eu accès à des informations et à des conseils appropriés. Les jeunes toxicomanes sont particulièrement exposés.

3.Néanmoins, tous les enfants peuvent devenir vulnérables pour diverses raisons, notamment a) les enfants qui sont eux‑mêmes infectés par le VIH; b) les enfants qui ont perdu un parent ou un enseignant ou ceux dont la famille ou la communauté est fortement touchée par les effets de l’épidémie; et c) les enfants particulièrement exposés à l’infection ou à ses conséquences.

II. OBJECTIFS DE LA PRÉSENTE OBSERVATION GÉNÉRALE

4.La présente observation générale a pour objectifs:

a)De mettre davantage en évidence et de faire mieux comprendre tous les droits des enfants vivant dans un monde marqué par le VIH/sida;

b)De promouvoir la réalisation des droits des enfants dans le contexte du VIH/sida, tels qu’ils sont garantis en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant (ci‑après dénommée «la Convention»);

c)De recenser les mesures et les bonnes pratiques qui devraient permettre aux États de mieux assurer l’exercice des droits liés à la prévention du VIH/sida et au soutien, aux soins et à la protection des enfants infectés ou touchés par cette pandémie;

d)De contribuer à l’élaboration et à la promotion de plans d’action, de stratégies, de mesures législatives, de politiques et de programmes axés sur les besoins des enfants et visant à enrayer la propagation du VIH/sida et à atténuer ses conséquences aux niveaux national et international.

III. LA CONVENTION ET LE VIH/SIDA: L’APPROCHE HOLISTIQUE AXÉE SUR LES DROITS DE L’ENFANT

5.Les effets du VIH/sida sur les enfants sont principalement envisagés sous l’angle médical ou du point de vue de la santé alors qu’en réalité ils comportent de multiples aspects. Certes, dans ce domaine, le droit à la santé (art. 24 de la Convention) occupe une place centrale. Cependant, le VIH/sida a de telles répercussions sur la vie de tous les enfants qu’il peut toucher tous leurs droits − civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Les droits consacrés dans les principes généraux de la Convention, le droit à la non‑discrimination (art. 2), le droit de l’enfant à ce que son intérêt soit une considération primordiale (art. 3), le droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6) et le droit de l’enfant à ce que ses opinions soient dûment prises en considération (art. 12), devraient par conséquent être des thèmes privilégiés dans l’examen des différents stades de la lutte contre le VIH/sida: prévention, traitements, soins et soutien.

6.Les mesures efficaces de lutte contre le VIH/sida ne peuvent être adoptées que si les droits des enfants et des adolescents sont pleinement respectés. Les droits les plus importants à cet  égard, outre ceux qui sont énumérés au paragraphe 5 ci‑dessus, sont les suivants: le droit d’avoir accès à une information et à des matériels visant à promouvoir leur bien‑être social, spirituel et moral ainsi que leur santé physique et mentale (art. 17); le droit à des soins de santé préventifs et à l’accès à l’éducation sexuelle et aux services de planification familiale [art. 24 f)]; le droit à un niveau de vie suffisant (art. 27); le droit au respect de la vie privée (art. 16); le droit des enfants de ne pas être séparés de leurs parents (art. 9); le droit d’être protégés contre la violence (art. 19); le droit à une protection et une aide spéciales de l’État (art. 20); les droits des enfants handicapés (art. 23); le droit à la santé (art. 24); le droit à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales (art. 26); le droit à l’éducation et aux loisirs (art. 28 et 31); le droit d’être protégés contre l’exploitation économique, contre l’usage illicite de stupéfiants et contre l’exploitation et la violence sexuelles (art. 32, 33, 34 et 36); le droit d’être protégés contre l’enlèvement, la vente ou la traite, ainsi que contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 35 et 37); et le droit à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale (art. 39). L’exercice des droits susmentionnés est sérieusement remis en cause du fait de l’épidémie. La Convention et en particulier ses quatre principes généraux qui préconisent une approche globale constituent un cadre solide pour les efforts visant à limiter les répercussions négatives de la pandémie sur la vie des enfants. L’approche holistique et axée sur les droits que requiert la mise en œuvre de la Convention est le meilleur moyen de s’attaquer aux multiples questions soulevées par les efforts de prévention, de traitements et de soins.

A. Le droit à la non ‑discrimination (art. 2)

7.La discrimination accroît la vulnérabilité des enfants face au VIH et au sida et a de sérieuses répercussions sur la vie des enfants touchés par le VIH/sida ou infectés par le virus. Les enfants des deux sexes dont les parents vivent avec le VIH/sida sont souvent victimes de stigmatisation et de discrimination car on a tendance à penser qu’ils sont aussi infectés. En conséquence de la discrimination, ils sont privés d’accès à l’information, à l’éducation (voir l’Observation générale no 1 du Comité sur les buts de l’éducation), aux services de santé ou aux services sociaux, et de participation à la vie sociale de leur communauté. Dans les cas extrêmes, il arrive que des enfants infectés par le VIH soient abandonnés par leur famille, rejetés par la communauté ou mis au ban de la société. En outre, la discrimination alimente l’épidémie en rendant les enfants plus vulnérables à l’infection, et en particulier ceux qui appartiennent à certains groupes comme les populations vivant dans des zones reculées ou rurales, qui ont moins facilement accès aux services. Ces enfants sont ainsi doublement victimes.

8.L’un des phénomènes particulièrement préoccupants est celui de la discrimination fondée sur le sexe qui s’accompagne de tabous, d’attitudes négatives ou de préjugés relatifs à l’activité sexuelle des filles, et empêche bien souvent ces dernières d’avoir accès à des mesures de prévention et à d’autres services. La discrimination fondée sur les préférences sexuelles est aussi préoccupante. Dans le cadre de l’élaboration de stratégies de lutte contre le VIH/sida et conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de la Convention, les États parties doivent prêter une attention particulière aux normes sociales en matière de sexe appliquées dans la société dans le but d’éliminer la discrimination fondée sur le sexe car ces normes ont des répercussions sur la vulnérabilité des filles comme des garçons face au VIH/sida. Les États parties devraient notamment reconnaître que la discrimination associée au VIH/sida est souvent plus forte à l’égard des filles par rapport aux garçons.

9.Toutes les pratiques discriminatoires susmentionnées constituent des violations des droits de l’enfant énoncés dans la Convention. L’article 2 de la Convention fait obligation aux États parties de garantir le respect de tous les droits énoncés dans la Convention, sans distinction aucune, «indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre, de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation». Selon le Comité, l’expression «ou de toute autre situation» figurant à l’article 2 de la Convention s’applique notamment à la situation de l’enfant, de ses parents ou de l’un de ses parents vis‑à‑vis du VIH/sida. Les lois, politiques, stratégies et pratiques doivent viser à éliminer toutes les formes de discrimination qui contribuent à aggraver les effets de l’épidémie. Des stratégies doivent aussi être mises en place pour encourager les activités d’éducation et de formation visant spécialement à éliminer les comportements discriminatoires et la stigmatisation associés au VIH/sida.

B. L’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3)

10.Les politiques et programmes de lutte contre le VIH/sida concernant la prévention, les soins et les traitements sont habituellement conçus à l’intention des adultes, peu d’attention étant accordée au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant en tant que considération primordiale. Selon les termes du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, «dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale». Les obligations liées à ce droit sont fondamentales pour guider l’action des États dans le contexte du VIH/sida. L’enfant doit être placé au centre de l’action menée pour enrayer la pandémie et les stratégies doivent être adaptées en fonction de ses droits et de ses besoins.

C. Le droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6)

11.Les enfants ont le droit de ne pas être arbitrairement privés de la vie et de bénéficier des politiques économiques et sociales visant à leur permettre de devenir des adultes et à favoriser leur développement dans le sens le plus large. L’obligation faite aux États d’assurer le droit à la vie, à la survie et au développement met en outre en lumière la nécessité de prêter une attention vigilante à la sexualité ainsi qu’aux comportements et aux modes de vie des enfants, même s’ils ne sont pas conformes à ce que la société qualifie d’acceptable dans le contexte des normes culturelles en vigueur pour un groupe d’âge particulier. À cet égard, les filles sont souvent soumises à des pratiques traditionnelles préjudiciables comme les mariages précoces ou forcés, qui portent atteinte à leurs droits et les rendent plus vulnérables à l’infection par le VIH, notamment parce que ces pratiques ont souvent pour effet de les priver de l’accès à l’éducation et à l’information. Pour être efficaces, les programmes de prévention doivent nécessairement tenir compte des particularités de la vie des adolescents et viser à assurer aux enfants des deux sexes l’accès sur un pied l’égalité à l’information nécessaires, aux connaissances de base et aux mesures de prévention.

D. Le droit de l’enfant d’exprimer son opinion et le droit à ce que ses opinions soient prises en considération (art. 12)

12.Les enfants sont détenteurs de droits et ont notamment le droit de participer, en fonction du niveau de développement de leurs capacités, aux activités de sensibilisation en donnant leur avis sur les effets du VIH/sida sur leur vie et en étant associés à l’élaboration de politiques et de programmes de lutte contre le VIH/sida. On a constaté que les interventions étaient particulièrement efficaces auprès des enfants lorsque ces derniers étaient invités à participer activement à l’évaluation des besoins, à la recherche de solutions, à l’élaboration et à la mise en place de stratégies, et non pas simplement considérés comme des objets sans pouvoir de décision. Dans ce contexte, il convient d’encourager activement le système de l’éducation par les pairs, tant à l’intérieur qu’en dehors des établissements scolaires. Les États, les institutions internationales et les organisations non gouvernementales doivent offrir aux enfants un environnement favorable pour leur permettre de faire preuve d’initiatives et de participer pleinement, tant au niveau local qu’au niveau national, à la conceptualisation, à la mise au point, à l’application, à la coordination, à la surveillance et à l’examen de politiques et de programmes concernant le VIH. Diverses approches seront probablement nécessaires pour assurer la participation des enfants de tous les secteurs de la société ainsi que la mise en place de mécanismes qui encouragent les enfants, d’une manière qui corresponde au développement de leurs capacités, à exprimer leurs opinions et garantissent que les opinions de l’enfant sont dûment prises en considération eu égard à leur âge et à leur degré de maturité (art. 12, par. 1). Dans certains cas, il peut être très utile que les enfants vivant avec le VIH/sida participent aux efforts de sensibilisation en faisant partager leur expérience à d’autres enfants, car cela peut à la fois renforcer l’efficacité des mesures de prévention et faire diminuer la stigmatisation et la discrimination. Les États parties doivent veiller à ce que les enfants qui participent à ces activités le fassent de leur propre initiative, après avoir été conseillés, et qu’ils bénéficient du soutien social et de la protection juridique nécessaires pour leur permettre de vivre une vie normale pendant et après leur intervention.

E. Obstacles

13.L’expérience a montré que l’efficacité des mesures de prévention, de la prestation de services de soins et de l’appui aux initiatives locales dans le domaine du VIH/sida est souvent limitée par de nombreux obstacles qui sont généralement d’ordre culturel, structurel et financier. Le refus d’admettre l’existence d’un problème, les pratiques et les attitudes d’origine culturelle, et notamment les tabous et la stigmatisation, la pauvreté et les attitudes condescendantes à l’égard des enfants ne sont qu’un petit nombre des obstacles possibles à l’engagement politique et individuel nécessaire pour assurer l’efficacité des programmes.

14.En ce qui concerne les ressources financières, techniques et humaines, le Comité est conscient du fait qu’elles ne sont peut‑être pas immédiatement disponibles. Toutefois, à ce propos, il souhaite rappeler aux États parties les obligations qui leur incombent en vertu de l’article 4. Il souligne en outre que les États ne doivent pas invoquer des contraintes de ressources pour justifier l’absence ou l’insuffisance des mesures techniques ou financières nécessaires. Enfin, le Comité tient à souligner à cet égard le rôle essentiel de la coopération internationale.

IV. PRÉVENTION, SOINS, TRAITEMENT ET APPUI

15.Le Comité tient à souligner que les mesures de prévention, de soins, de traitement et de soutien exercent entre elles une action synergique et assurent la continuité et l’efficacité de la lutte contre le VIH/sida.

A. Information sur la prévention contre le VIH et sensibilisation

16.Conformément aux obligations qu’ils ont souscrites en ce qui concerne les droits à la santé et à l’information (art. 24, 13 et 17), les États parties doivent garantir aux enfants l’accès à une information appropriée concernant la prévention et le traitement du VIH/sida, par les voies officielles (structures éducatives et médias s’adressant aux enfants) et les voies informelles (visant les enfants des rues, les enfants placés en établissement ou les enfants vivant dans des circonstances difficiles). Le Comité rappelle aux États parties l’importance de dispenser suffisamment tôt aux enfants une information pertinente et appropriée qui tienne compte de leurs niveaux de compréhension respectifs et soit adaptée à leur âge et à leurs capacités, pour leur permettre de gérer leur sexualité d’une manière responsable afin de pouvoir se protéger contre l’infection par le VIH. Il souligne qu’une prévention efficace du VIH/sida suppose que les États s’abstiennent de censurer, de retenir ou de déformer intentionnellement les informations concernant la santé, et notamment l’éducation et l’information en matière sexuelle et que, conformément à leur obligation d’assurer le droit à la vie, à la survie et au développement de l’enfant (art. 6), les États parties doivent veiller à ce que les enfants aient les moyens d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour se protéger et protéger autrui dès qu’ils commencent à avoir des expériences sexuelles.

17.Le dialogue avec les membres de la communauté et de la famille et l’échange d’expériences avec d’autres enfants, de même que l’enseignement des connaissances de base dans le cadre de l’école, qui consiste notamment à apprendre aux enfants à parler ouvertement des questions de sexualité et de santé, se sont révélés des moyens utiles de diffuser des messages de prévention du VIH auprès des filles et des garçons, même s’il peut être préférable d’utiliser des techniques d’approche différentes selon les groupes d’enfants. Les États parties doivent s’attaquer au problème de l’inégalité entre les sexes qui peut avoir des répercussions sur l’accès des enfants aux messages de prévention et veiller à ce que ces messages soient adaptés à leurs destinataires même s’ils sont confrontés à des problèmes de langue, de religion, d’incapacité ou d’autres facteurs de discrimination. Ils doivent veiller en particulier à sensibiliser davantage les populations difficiles à atteindre. À cet égard, le rôle des médias et de la tradition orale qui permettent aux enfants d’avoir accès à une information et à des matériels, conformément à l’article 17 de la Convention, est décisif non seulement en diffusant des informations utiles mais aussi en luttant contre la stigmatisation et la discrimination. Les États parties doivent encourager la surveillance et l’évaluation régulières des campagnes de sensibilisation au problème du VIH/sida afin de s’assurer de leur efficacité pour ce qui est de dispenser l’information nécessaire et de faire reculer la stigmatisation et la discrimination et de dissiper les craintes et les préjugés parmi les enfants et les adolescents au sujet du VIH et de son mode de transmission.

B. Le rôle de l’éducation

18.L’éducation joue un rôle essentiel dans la communication aux enfants d’informations pertinentes et appropriées concernant le VIH/sida, qui peuvent contribuer à faire mieux connaître et comprendre à la population l’importance de cette pandémie et à prévenir les attitudes négatives à l’égard des victimes du VIH/sida (voir aussi l’Observation générale no 1 du Comité sur les buts de l’éducation). En outre, l’éducation peut et doit donner aux enfants les moyens de se protéger contre le risque d’infection par le VIH. À cet égard, le Comité rappelle aux États parties leur obligation de veiller à ce que tous les enfants aient accès à l’enseignement primaire, y compris les enfants infectés, rendus orphelins ou touchés d’une autre manière par le VIH/sida. Dans de nombreuses communautés durement frappées par le VIH, il est très difficile pour les enfants des familles touchées, et notamment les filles, de poursuivre leur scolarité, et la perte d’enseignants et d’autres personnels employés dans les écoles, due au SIDA, entrave et menace d’interdire l’accès des enfants à l’éducation. Les États parties doivent prendre des dispositions garantissant la possibilité pour les enfants touchés par le VIH/sida de continuer à fréquenter l’école en assurant le remplacement des enseignants malades par du personnel qualifié pour éviter toute interruption de l’enseignement et pour que le droit à l’éducation (art. 28) de tous les enfants vivant dans ces communautés soit pleinement protégé.

19.Les États parties doivent déployer tous les efforts possibles pour garantir la sécurité des enfants dans les écoles en veillant à ce qu’elles ne contribuent pas à accroître leur vulnérabilité à l’infection par le VIH. En application de l’article 34 de la Convention, les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées pour empêcher notamment que des enfants ne soient incités ou contraints à se livrer à une activité sexuelle illégale.

C. Services de santé adaptés aux besoins des enfants et des adolescents

20.Le Comité est préoccupé par le fait que, d’une manière générale, les services de santé ne sont pas encore suffisamment adaptés aux besoins des jeunes de moins de 18 ans, et en particulier des adolescents. Ainsi qu’il l’a souligné à de nombreuses occasions, les enfants font plus volontiers appel à des services qui font preuve de compréhension et sont disposés à les aider, qui proposent toutes sortes de services et d’informations, sont attentifs à leurs besoins, leur offrent la possibilité de participer aux décisions relatives à leur santé, et qui sont accessibles, abordables, confidentiels et neutres, n’exigent pas l’autorisation des parents et n’exercent aucune discrimination. Dans le contexte du VIH/sida et compte tenu du développement des capacités de l’enfant, les États parties sont encouragés à veiller à ce que les services de santé emploient du personnel dûment formé, qui respecte pleinement le droit des enfants à la protection de leur vie privée (art. 16) et leur droit à la non‑discrimination, en leur donnant accès à des informations sur le VIH, à des services de dépistage et de conseils volontaires, aux résultats de leurs examens sérologiques vis‑à‑vis du VIH, à des services de santé sexuelle et génésique confidentiels et à des méthodes et des services de contraception gratuits ou peu coûteux ainsi que, le cas échéant, à des soins et traitements liés au VIH, y compris pour prévenir et soigner des maladies associées au VIH/sida comme la tuberculose et les infections opportunistes.

21.Dans certains pays, même lorsqu’il existe des services de santé spécialisés dans le VIH adaptés aux besoins des enfants et des adolescents, ces derniers ne sont pas toujours accessibles aux enfants handicapés, autochtones, appartenant à des minorités, vivant dans des zones rurales, vivant dans l’extrême pauvreté ou socialement marginalisés pour toute autre raison. Dans d’autres pays, où le système de santé a déjà atteint les limites de ses capacités, les enfants vivant avec le VIH se voient systématiquement refuser l’accès aux soins de santé de base. Les États parties doivent veiller à ce que les services bénéficient, dans toute la mesure possible, à tous les enfants vivant sur leur territoire, sans discrimination, en veillant à ce qu’ils tiennent dûment compte des différences liées au sexe et à l’âge des enfants, ainsi qu’au contexte social, économique, culturel et politique dans lequel ils vivent.

D. Services de dépistage et conseils

22.L’accès à des services confidentiels et libres de conseils et de dépistage du VIH, compte tenu du développement des capacités de l’enfant, est indispensable pour les droits et la santé des enfants. De tels services sont essentiels pour que les enfants soient mieux protégés contre le risque de contracter ou de transmettre le VIH, qu’ils aient accès aux soins, aux traitements et au soutien nécessaires et puissent mieux planifier leur avenir. Conformément à l’obligation qui leur est faite en vertu de l’article 24 de la Convention de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès aux services médicaux nécessaires, les États parties doivent faire en sorte que tous les enfants aient accès à des services de dépistage et de conseils libres et confidentiels.

23.Le Comité tient à souligner que, puisque le premier devoir des États parties est d’assurer la protection des droits de l’enfant, ces derniers doivent s’abstenir de soumettre les enfants à des dépistages obligatoires en toutes circonstances et les protéger contre ces pratiques. Si le développement des capacités de l’enfant doit être le critère déterminant pour décider de l’opportunité de requérir le consentement de ses parents ou tuteurs ou de s’adresser directement à lui, dans tous les cas, les États parties doivent respecter le droit de l’enfant d’être informé, qui est énoncé aux articles 13 et 17 de la Convention, et s’assurer qu’avant d’être soumis à un test de dépistage du VIH l’enfant soit suffisamment informé des risques et des avantages de cet examen par les prestataires de soins de santé auxquels il s’est adressé pour une autre raison médicale, ou d’une autre manière, afin qu’il puisse prendre une décision en connaissance de cause.

24.Les États parties doivent protéger la confidentialité des résultats des tests de dépistage du VIH, conformément à l’obligation qui leur est faite (à l’article 16) de protéger le droit de l’enfant au respect de sa vie privée, notamment dans le cadre de la protection sanitaire et sociale, et les informations relatives à l’état sérologique de l’enfant vis‑à‑vis du VIH ne peuvent pas être divulguées à des tiers, y compris aux parents, sans l’autorisation de ce dernier.

E. Transmission mère ‑enfant

25.La transmission mère−enfant est à l’origine de la majorité des infections par le VIH chez les nourrissons et les jeunes enfants. Ces derniers peuvent être infectés par le VIH in utero, pendant l’accouchement, à la naissance ou par le lait maternel. Les États parties doivent veiller à la mise en œuvre des stratégies recommandées par les institutions des Nations Unies, visant à prévenir l’infection des nourrissons et des jeunes enfants par le VIH, qui concernent notamment: a) la prévention primaire de l’infection chez les futurs parents; b) la prévention des grossesses non désirées chez les femmes infectées par le VIH; c) la prévention de la transmission du VIH d’une femme infectée à ses enfants en bas âge; et d) la fourniture de soins, d’un traitement et d’un soutien aux femmes infectées par le VIH ainsi qu’à leurs enfants en bas âge et aux autres membres de leur famille.

26.Pour prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant, les États parties doivent prendre certaines mesures et notamment assurer la fourniture de médicaments essentiels comme les antirétroviraux, de soins appropriés avant, pendant et après l’accouchement, et mettre à disposition à l’intention des femmes enceintes et de leurs partenaires des services de conseils et de dépistage volontaire. Le Comité reconnaît que l’administration d’antirétroviraux à une femme au cours de la grossesse ou de l’accouchement et, dans certains cas, à son enfant, permet de réduire de façon significative le risque de transmission de la mère à l’enfant. Toutefois les États parties devraient en outre offrir un soutien aux mères et aux enfants, et notamment en les renseignant sur les différents modes d’alimentation des nourrissons. Le Comité rappelle que les services de conseils destinés aux mères atteintes par le VIH doivent porter, entre autres, sur les risques et les avantages des différents modes d’alimentation des nourrissons et les aider à choisir celui qui est le mieux adapté à leur cas. Les femmes doivent aussi bénéficier d’un suivi pour pouvoir mener à bien l’option qu’elles ont choisie dans des conditions de sécurité maximum.

27.Même dans les populations à forte prévalence du VIH, la majorité des nouveau‑nés sont mis au monde par des femmes qui ne sont pas infectées par le VIH. Pour les enfants dont la mère est séronégative ou ne connaît pas son statut sérologique vis‑à‑vis du VIH, le Comité tient à souligner qu’en application des articles 6 et 24 de la Convention l’allaitement au sein demeure le mode d’alimentation le plus approprié. Pour les nourrissons dont la mère est infectée par le VIH, il semble, d’après l’état actuel des connaissances, que l’allaitement au sein peut augmenter le risque de transmission du VIH de 10 à 20 %. Toutefois, s’ils ne sont pas nourris au sein, ces enfants sont exposés à un risque plus élevé de malnutrition ou de maladies infectieuses autres que le VIH. Les organismes des Nations Unies recommandent à toutes les mères infectées par le VIH de renoncer à allaiter leur enfant dans la mesure où elles ont les moyens d’opter pour un mode d’alimentation de substitution satisfaisant, économique, acceptable, durable et sans danger. Dans les autres cas, l’allaitement exclusif est recommandé pendant les premiers mois de la vie et doit être remplacé par un autre mode d’alimentation du nourrisson dès que possible.

F. Traitement et soins

28.La Convention impose aux États parties, entre autres obligations, celle d’assurer à tous les enfants sans distinction un accès durable, dans des conditions d’égalité, à l’ensemble des possibilités de traitement et de soins, de même qu’aux médicaments, biens et services nécessaires pour lutter contre le VIH. Il est désormais généralement admis qu’un protocole complet de traitement et de soins comprend des antirétroviraux et d’autres médicaments, des méthodes diagnostiques et autres technologies adaptées au traitement du VIH/sida, des infections opportunistes et autres maladies associées, mais aussi une bonne alimentation et un soutien social, spirituel et psychologique, ainsi que l’accès à des soins dans le cadre de la famille ou de la communauté et à domicile. À cet égard, les États parties doivent négocier avec les industries pharmaceutiques pour garantir la disponibilité des médicaments nécessaires au moindre coût. En outre, il est demandé aux États parties de reconnaître la nécessité de faire participer la population à la fourniture de l’ensemble des soins et traitements nécessaires anti‑VIH/sida et de soutenir et faciliter cette participation, tout en s’acquittant de leurs propres obligations au titre de la Convention. Les États parties sont invités à combattre tout particulièrement au sein de la population les éléments qui font obstacle à l’égalité d’accès au traitement, aux soins et au soutien de tous les enfants.

G. Participation des enfants aux activités de recherche

29.Conformément à l’article 24 de la Convention, les États parties doivent veiller à ce que les activités de recherche consacrées au VIH/sida comportent des études spécifiques visant à renforcer l’efficacité de la prévention, des soins et du traitement et à limiter l’impact du VIH sur les enfants. Néanmoins, ils doivent veiller à ce que les enfants ne soient pas utilisés comme sujets d’expérience jusqu’à ce qu’une intervention ait été dûment testée sur des adultes. Des problèmes juridiques et des problèmes d’éthique ont été soulevés dans le cadre des activités de recherche biomédicale sur le VIH/sida, des actions de lutte contre le VIH/sida et de la recherche sociale, culturelle et comportementale. Des enfants ont été soumis à des recherches inutiles ou mal conçues, sans qu’ils aient eu la possibilité de refuser ou d’accepter d’y participer. En fonction du développement de ses capacités, il convient de s’assurer du consentement de l’enfant et, le cas échéant, de celui de ses parents ou tuteurs, mais dans tous les cas les intéressés doivent être pleinement informés au préalable des risques et des avantages de ces recherches pour l’enfant. Le Comité rappelle en outre aux États parties qu’il leur incombe, en application de l’article 16 de la Convention, de protéger les enfants contre toute atteinte au respect de leur vie privée dans le cadre des activités de recherche, et de veiller à ce que les renseignements personnels les concernant obtenus dans le cadre de ces recherches ne soient en aucune circonstance utilisés à d’autres fins que celles pour lesquelles le consentement a été donné. Les États parties doivent mettre tout en œuvre pour que les enfants et, en fonction du développement de leurs capacités, leurs parents ou tuteurs soient associés aux décisions portant sur les priorités de recherche, et que les enfants participant à ces recherches bénéficient d’une structure de soutien.

V. ENFANTS VULNÉRABLES AU VIH ET ENFANTS AYANT BESOIN D’UNE PROTECTION SPÉCIALE

30.On constate généralement que les enfants devenus particulièrement vulnérables à l’égard du VIH/sida, en raison de facteurs politiques, économiques, sociaux, culturels et autres, risquent d’être privés d’un soutien suffisant pour faire face aux répercussions du VIH/sida sur leurs familles et leurs communautés, sont exposés au risque d’infection, font l’objet de recherches non fondées ou n’ont pas accès au traitement, aux soins et au soutien nécessaires s’ils sont infectés par le VIH. Les plus vulnérables d’entre eux sont ceux qui vivent dans des camps de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, les enfants détenus ou placés dans des établissements, ou encore les enfants vivant dans l’extrême pauvreté, les enfants vivant dans des situations de conflit armé, les enfants soldats, les enfants exploités sur le plan économique et sexuel et les enfants handicapés, migrants, appartenant à des minorités ou à des groupes autochtones, ainsi que les enfants des rues. Cependant, tous les enfants peuvent devenir vulnérables selon les circonstances particulières de leur vie. Le Comité tient à souligner que même en période de grave pénurie de ressources les droits des membres vulnérables de la société doivent être protégés et que de nombreuses mesures peuvent être mises en place avec un minimum de ressources. Pour réduire la vulnérabilité à l’égard du VIH/sida, il importe tout d’abord de permettre aux enfants, à leurs familles et à leurs communautés de participer en connaissance de cause à l’élaboration des décisions, mesures et politiques les concernant dans le domaine du VIH/sida.

A. Enfants touchés et rendus orphelins par le VIH/sida

31.Une attention spéciale doit être portée aux enfants rendus orphelins en raison du sida et aux enfants dont les familles sont touchées, notamment aux enfants chefs de famille, qui sont particulièrement vulnérables à l’infection par le VIH. La stigmatisation et le rejet social dont font l’objet les enfants de familles touchées par le VIH/sida peuvent être aggravés par le non‑respect ou la violation de leurs droits et notamment par la discrimination exercée à leur encontre qui a pour effet de limiter ou de supprimer leurs possibilités d’accès à l’éducation et aux services médicaux et sociaux. Le Comité tient à souligner la nécessité d’accorder une protection juridique, économique et sociale à ces enfants pour leur permettre d’exercer leurs droits à l’éducation, à l’héritage et au logement, d’avoir accès aux services sociaux et de pouvoir révéler sans crainte leur statut de séropositivité et celui des membres de leur famille s’ils le jugent bon. À cet égard, il est rappelé aux États parties que ces mesures sont indispensables pour assurer aux enfants la jouissance de leurs droits et pour leur apporter les compétences et le soutien nécessaires afin qu’ils soient moins vulnérables et moins exposés aux risques d’infection.

32.Le Comité tient à souligner l’importance pour les enfants affectés par le VIH/sida de pouvoir apporter la preuve de leur identité car c’est le seul moyen de garantir la reconnaissance de leur personnalité juridique, de sauvegarder la protection de leurs droits, notamment en matière d’héritage, d’éducation et d’accès aux services de santé ainsi qu’à d’autres services sociaux, et de les rendre moins vulnérables aux mauvais traitements et à l’exploitation, surtout s’ils sont séparés de leur famille pour des raisons de maladie ou de décès. À cet égard, l’enregistrement des naissances est indispensable pour assurer le respect des droits des enfants et il est en outre nécessaire pour limiter au maximum les répercussions du VIH/sida sur les vies des enfants touchés. C’est pourquoi le Comité rappelle aux États parties l’obligation qui leur est faite à l’article 7 de la Convention de faire en sorte que tous les enfants soient enregistrés à la naissance ou immédiatement après.

33.Le VIH/sida représente souvent pour les enfants dont les parents sont malades ou décédés un traumatisme fréquemment aggravé par les effets de la stigmatisation et de la discrimination dont ils font l’objet. À cet égard, il est rappelé aux États parties qu’il leur incombe de faire en sorte que tant la législation que la pratique soutiennent les droits à l’héritage et les droits de propriété des orphelins, en prêtant une attention particulière à la discrimination sexuelle sous‑jacente qui peut entraver l’exercice de ces droits. Conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de l’article 27 de la Convention, les États parties doivent aussi soutenir les familles des enfants rendus orphelins par le sida et les communautés dans lesquelles ils vivent et les doter de moyens renforcés afin d’assurer à ces enfants un niveau de vie suffisant pour garantir leur développement physique, mental, spirituel, moral, économique et social, y compris l’accès à des soins psychosociaux si nécessaire.

34.Pour assurer au mieux la protection des orphelins, il est préférable de ne pas séparer les membres d’une même fratrie et d’en confier la garde à des proches parents ou à des membres de la famille. En l’absence d’autres solutions, il est peut‑être moins traumatisant pour des orphelins d’être recueillis par des membres de la famille élargie qui bénéficient du soutien de l’entourage. Une aide doit être fournie en vue de garantir que, dans la mesure du possible, les enfants puissent demeurer au sein des structures familiales existantes. Cette solution n’est pas toujours possible en raison des répercussions que le VIH/sida peut avoir sur la famille élargie. En pareil cas, les États parties doivent s’efforcer de proposer une structure de remplacement de type familial (comme le placement dans une famille). Les États parties sont encouragés à fournir une assistance financière ou autre, si nécessaire, aux enfants chefs de famille. Leurs stratégies doivent tenir compte du fait que les collectivités locales sont concernées au premier chef dans la lutte contre le VIH/sida et qu’elles ont besoin d’assistance pour déterminer quelle est la meilleure manière d’apporter un soutien aux orphelins.

35.Bien que le placement en établissement ait parfois des effets préjudiciables sur le développement de l’enfant, les États parties peuvent privilégier cette solution à titre provisoire dans le cas des enfants rendus orphelins par le VIH/sida qui ne peuvent pas être pris en charge dans une structure familiale dans leur propre communauté. Le Comité est d’avis que le placement d’enfants en établissements ne devrait être qu’une mesure de dernier ressort et que tout doit être fait pour protéger les droits des enfants et les préserver de toutes formes de mauvais traitements et d’exploitation. Conformément au droit de l’enfant à une protection et à une assistance spéciales dans ce type d’établissement, et en application des articles 3, 20 et 25 de la Convention, des mesures strictes doivent être prises pour garantir que ces établissements satisfont à des normes précises concernant les soins et qu’ils offrent toutes les garanties en matière de protection juridique. Il est rappelé aux États parties que la durée du placement dans ces établissements doit être limitée et qu’ils doivent mettre au point des programmes d’assistance à l’intention des enfants ainsi placés, qu’ils soient infectés ou touchés par le VIH/sida, afin de faciliter leur réintégration dans leurs communautés.

B. Victimes d’exploitation sexuelle et économique

36.Les enfants des deux sexes qui se trouvent privés de moyens de survie et de développement, et en particulier ceux qui ont été rendus orphelins par le sida, peuvent être exposés à diverses formes d’exploitation sexuelle et économique et incités par exemple à échanger des services sexuels ou des travaux à risque contre de l’argent pour survivre, pour soutenir leurs parents malades ou mourants et leurs jeunes frères et sœurs, ou pour payer les frais de scolarité. Les enfants infectés ou directement touchés par le VIH/sida peuvent être exposés à une double discrimination en raison de leur statut social et économique marginal et à cause de leur statut de séropositivité ou de celui de leurs parents. En application des droits de l’enfant énoncés dans les articles 32, 34, 35 et 36 de la Convention et afin de limiter leur vulnérabilité au VIH/sida, les États parties sont tenus de protéger les enfants contre toutes les formes d’exploitation économique et sexuelle, et notamment de veiller à ce qu’ils ne tombent pas dans les filets de la prostitution et ne soient pas contraints de se livrer à des travaux préjudiciables à leur éducation, à leur santé ou à leur développement physique, mental, spirituel, moral ou social. Les États parties doivent agir résolument pour protéger les enfants contre toute forme d’exploitation, de traite et de vente à des fins sexuelles et économiques et, en application des droits énoncés à l’article 39, offrir aux enfants qui ont été victimes de ces pratiques des possibilités d’accès aux services d’assistance et de soins mis en place par l’État et par des organisations non gouvernementales pour résoudre ces problèmes.

C. Victimes de violences et de mauvais traitements

37.Les enfants peuvent être exposés à diverses formes de violence et de mauvais traitements qui risquent de les rendre encore plus vulnérables à l’infection par le VIH, mais ils peuvent aussi être exposés à la violence du fait qu’ils sont infectés ou touchés par le VIH/sida. Des actes de violence, notamment des viols et d’autres formes de sévices sexuels, peuvent se produire au sein même de la famille ou du foyer d’accueil ou être perpétrés par le personnel d’encadrement, notamment les enseignants ou les employés des établissements qui travaillent avec les enfants, comme les établissements pénitentiaires et les institutions psychiatriques ou autres centres pour enfants handicapés. Conformément aux droits de l’enfant énoncés à l’article 19 de la Convention, les États parties ont le devoir de protéger les enfants contre toutes formes de violence et de mauvais traitements susceptibles de se produire au foyer, à l’école ou dans d’autres établissements, ou au sein de la communauté.

38.Les programmes doivent être spécifiquement adaptés à l’environnement dans lequel évoluent les enfants, à leur capacité à reconnaître et faire savoir qu’ils sont victimes de mauvais traitements, et à leurs capacités individuelles ainsi qu’à leur degré d’autonomie. Le Comité considère qu’une attention spéciale doit être portée aux relations entre le VIH/sida et la violence ou les mauvais traitements auxquels les enfants sont exposés en période de guerre et de conflit armé. Il est essentiel que les États parties prennent des mesures visant à prévenir les actes de violence et les mauvais traitements dans ce genre de situation et veillent à ce que les questions liées au VIH/sida et aux droits de l’enfant soient prises en considération dans les solutions et les mesures d’assistance adoptées à l’égard des enfants − des deux sexes − qui ont été utilisés par le personnel de l’armée ou d’autres personnels en uniforme pour des tâches domestiques ou des services sexuels, ou qui ont été déplacés ou vivent dans des camps de réfugiés. Conformément aux obligations qui leur incombent, notamment en vertu des articles 38 et 39 de la Convention, les États parties doivent mettre en place dans les régions touchées par les conflits et les catastrophes des campagnes d’information actives et des services d’orientation destinés aux enfants, ainsi que des mécanismes de prévention et de dépistage précoces de la violence et des mauvais traitements, qui doivent être intégrés dans les stratégies nationales et locales de lutte contre le VIH/sida.

Abus de drogues

39.La consommation de substances psychoactives comme l’alcool et les drogues peut réduire la capacité des enfants de contrôler leur comportement sexuel et, par conséquent, les rendre plus vulnérables à l’infection par le VIH. L’usage de matériels d’injection non stérilisés accroît en outre le risque de transmission du VIH. Le Comité souligne la nécessité de mieux comprendre les comportements toxicomaniaques des enfants, et notamment l’incidence du non‑respect et des violations de leurs droits à cet égard. La plupart des pays ne disposent pas encore de programmes pragmatiques de prévention du VIH axés sur le problème de la toxicomanie et, lorsqu’ils existent, ces programmes sont surtout destinés aux adultes. Le Comité tient à souligner que les politiques et programmes visant à faire reculer la consommation de drogues et la transmission du VIH doivent tenir compte des sensibilités et des modes de vie spécifiques des enfants et des adolescents dans l’optique de la prévention du VIH/sida. Conformément aux droits de l’enfant énoncés aux articles 33 et 24 de la Convention, les États parties sont tenus d’assurer la mise en œuvre de programmes visant à limiter les incitations à la toxicomanie et de programmes de traitement et d’assistance destinés aux enfants toxicomanes.

VI. RECOMMANDATIONS

40.Le Comité réaffirme ci‑après les recommandations qui ont été formulées lors de la journée de débat général sur la question des enfants vivant dans un monde marqué par le VIH/sida (CRC/C/80) et exhorte les États parties à:

a)Adopter et mettre en œuvre à l’échelon national et local des politiques concernant le VIH/sida, et notamment des plans d’action, des stratégies et des programmes efficaces, axés sur l’enfant et ses droits tels qu’ils sont énoncés dans la Convention, en prenant en considération les recommandations formulées dans les paragraphes précédents de la présente Observation générale et celles qui ont été adoptées à la session extraordinaire de l’Assemblée générale des NationsUnies consacrée aux enfants (2002);

b)Allouer des ressources financières, techniques et humaines, dans toutes les limites des ressources dont ils disposent, pour soutenir l’action entreprise aux niveaux national et communautaire (art. 4) et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale (voir par. 41 ci‑après);

c)Passer en revue la législation en vigueur ou adopter de nouvelles mesures législatives en vue d’assurer la pleine mise en œuvre de l’article 2 de la Convention et, notamment, interdire expressément la discrimination motivée par une infection réelle ou supposée par le VIH/sida afin de garantir à tous les enfants l’égalité d’accès à tous les services pertinents, en prêtant particulièrement attention au droit de l’enfant au respect de sa vie privée, et à la confidentialité des renseignements le concernant, ainsi qu’à d’autres recommandations formulées par le Comité dans les paragraphes précédents qui ont trait à la législation;

d)Inclure des plans d’action, des stratégies, des politiques et des programmes se rapportant au VIH/sida dans les activités des organismes nationaux chargés de surveiller et de coordonner la mise en œuvre des droits de l’enfant et envisager de mettre en place un mécanisme d’examen des plaintes relatives au non‑respect ou à la violation des droits de l’enfant dans le contexte du VIH/sida, en créant à cet effet un nouvel organe législatif ou administratif ou en confiant ce mandat à une institution nationale existante;

e)Réexaminer leur système de collecte et d’évaluation des données concernant le VIH afin de s’assurer que celles‑ci couvrent bien les enfants tels qu’ils sont définis dans la Convention, qu’elles sont ventilées par âge et par sexe et si possible réparties en cinq groupes d’âge, et qu’elles englobent, dans la mesure du possible, les enfants appartenant à des groupes vulnérables et ceux qui nécessitent une protection spéciale;

f)Inclure dans les rapports qu’ils soumettent en application de l’article 44 de la Convention des informations sur les politiques et les programmes nationaux de lutte contre le VIH/sida et, dans la mesure du possible, sur l’établissement des budgets et l’allocation de ressources aux niveaux national, régional et local, en précisant la part respective de ces crédits allouées aux activités de prévention, de soins, de recherche et de réduction de l’impact. Ils devront préciser en particulier dans quelle mesure ces programmes et politiques se réfèrent explicitement aux enfants (en tenant compte du développement de leurs capacités) et à leurs droits, et dans quelle mesure les droits de l’enfant dans le contexte du VIH sont visés dans les textes législatifs et pris en considération dans les politiques et les pratiques, en accordant une attention particulière à la discrimination exercée à l’encontre des enfants en raison de leur situation face au VIH ou du fait que leurs parents sont morts du sida ou vivent avec le VIH/sida. Le Comité demande aux États parties d’indiquer de façon détaillée dans leurs rapports les questions qui leur paraissent prioritaires sur le territoire national dans le contexte des enfants face au VIH/sida, et de préciser le programme d’activités qu’ils ont l’intention d’entreprendre dans les cinq années à venir pour résoudre les problèmes recensés. Cela permettra d’évaluer progressivement les résultats obtenus.

41.En vue de promouvoir la coopération internationale, le Comité demande à l’UNICEF, à l’OMS, au FNUAP, à l’ONUSIDA et à d’autres instances, organisations et institutions internationales pertinentes d’apporter systématiquement leur contribution aux efforts déployés par les gouvernements pour garantir la jouissance des droits des enfants dans le contexte du VIH/sida, et de continuer à travailler avec le Comité à l’amélioration de la situation des droits de l’enfant dans ce contexte. De plus, il invite instamment les États parties qui participent à la coopération internationale pour le développement à faire en sorte que les droits de l’enfant soient dûment pris en considération dans les stratégies de lutte contre le VIH/sida.

42.Les organisations non gouvernementales, de même que les groupes communautaires et d’autres acteurs de la société civile comme les mouvements de jeunes, les organisations d’inspiration religieuse, les associations de femmes et les chefs traditionnels, y compris les dignitaires religieux et culturels, ont tous un rôle crucial à jouer dans la lutte contre la pandémie de VIH/sida. Les États parties sont invités à favoriser la participation d’entités de la société civile en encourageant la collaboration et la coordination entre les différents acteurs, et à apporter à ces entités le soutien nécessaire pour leur permettre de travailler de façon efficace et sans entrave. À cet effet, les États parties sont particulièrement encouragés à associer pleinement les personnes vivant avec le VIH/sida, et tout spécialement les enfants, aux activités de prévention, de soins, de traitement et de soutien dans le domaine du VIH/sida.

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