Nations Unies

CCPR/C/99/D/1615/2007

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

14 septembre 2010

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Quatre-vingt-dix-neuvième session

12-30 juillet 2010

Constatations

Communication no 1615/2007

Présentée par:

Bohuslav Zavrel (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

12 mars 2006 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 13 novembre 2007 (non publiée sous forme de document)

Date de l ’ adoption des constatations:

27 juillet 2010

Objet:

Discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne la restitution de biens

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes; recevabilité ratione materiae; recevabilité ratione temporis; abus du droit de présenter des communications

Questions de fond:

Égalité devant la loi; égale protection de la loi sans discrimination

Article du Pacte:

26

Articles du Protocole facultatif:

2, 3 et 5 (par. 2 b))

Le 27 juillet 2010, le Comité des droits de l’homme à adopté le texte ci-après en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, concernant la communication no 1615/2007.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (quatre-vingt-dix-neuvième session)

concernant la

Communication no 1615/2007 *

Présentée par:

Bohuslav Zavrel (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

12 mars 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réunile 27 juillet 2010,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1615/2007 présentée au nom de Bohuslav Zavrel, en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est M. Bohuslav Zavrel, né le 3 janvier 1920 à Kurim en ex-Tchécoslovaquie, naturalisé américain, résidant dans l’État de New York (États-Unis d’Amérique). Il se déclare victime d’une violation par la République tchèque de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il n’est pas représenté par un conseil.

Exposé des faits

2.1L’auteur déclare qu’il a quitté la Tchécoslovaquie en 1970 pour des raisons politiques, en compagnie de sa femme, et qu’il a fui en Yougoslavie puis en Italie où il a obtenu l’asile politique. Le couple a fait un court séjour en Suisse avant d’émigrer aux États-Unis d’Amérique, où il réside depuis. En 1982, l’auteur a obtenu la nationalité américaine et perdu de ce fait sa nationalité tchécoslovaque.

2.2Comme il avait quitté l’ex-Tchécoslovaquie sans autorisation, l’auteur a été condamné par défaut à une peine d’emprisonnement assortie de la confiscation de ses biens, dont une maison de famille située au 40 rue Hybesova à Kurim et un verger de 0,4 hectare dont il était propriétaire avec sa femme, aujourd’hui décédée. L’auteur estime la valeur actuelle de ces biens à 300 000 dollars des États-Unis.

2.3À la suite de l’adoption de la loi no 119/1990, l’auteur a été rétabli dans ses droits et sa condamnation a été annulée. Il a alors introduit une demande pour obtenir la restitution de ses biens, mais le tribunal de district de Brno-venkov l’a débouté le 16 septembre 1992 en vertu de la loi no 87/1991, qui disposait que les demandes de ce genre ne pouvaient être présentées que par des personnes ayant la nationalité tchèque et le statut de résident permanent en République tchèque. Il n’a pas fait appel de cette décision.

2.4Il ressort du dossier qu’en 2005 l’auteur a engagé une nouvelle procédure judiciaire devant le tribunal de district de Brno-venkov en vue d’obtenir une reconnaissance de titre de propriété, en faisant valoir qu’il était le propriétaire légitime pour moitié de la maison de famille de Kurim, de la parcelle sur laquelle elle était construite et du jardin. L’auteur a demandé également au tribunal de reconnaître que sa femme, décédée en février 2002, était l’autre propriétaire pour moitié de ces mêmes biens à la date de son décès. L’auteur fondait cette action sur le fait qu’en ayant été réhabilité en vertu de la loi no 119/1990 il avait été rétabli dans ses droits de propriété, et demandait par conséquent la reconnaissance de son titre de propriété conformément aux principes généraux du régime foncier tchèque. Le tribunal de district de Brno-venkov a rejeté sa demande le 8 juin 2005, et le tribunal de Brno l’a rejetée en appel le 10 octobre 2006, au motif que les actions engagées au civil en vue d’obtenir la restitution de biens à la suite d’une réhabilitation accordée en application de la loi no 119/1990 ne pouvaient pas servir à contourner la législation applicable en matière de restitutions (c’est-à-dire la loi no 87/1991). Le 28 décembre 2006, l’auteur a saisi la Cour constitutionnelle qui a rejeté son recours le 5 avril 2007, estimant qu’il était manifestement mal fondé. Cette décision lui a été notifiée par son avocat tchèque le 17 avril 2007.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme qu’il est victime de discrimination et fait valoir que la condition de nationalité exigée par la loi no 87/1991 pour la restitution de ses biens est contraire à l’article 26 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond de la communication

4.1Dans une note en date du 13 mai 2008, l’État partie a fait part de ses observations sur les faits, ainsi que sur la recevabilité et le fond de la communication. Il indique que l’auteur a suivi deux voies judiciaires distinctes entre 1992 et 2007: d’abord, conjointement avec sa femme, il a engagé devant le tribunal de district de Brno-venkov une procédure de restitution contre quatre défendeurs qui étaient devenus propriétaires de ses biens après son départ de Tchécoslovaquie. Le tribunal a rejeté sa demande le 16 septembre 1992 en vertu de la loi no 87/1991, qui dispose que tout demandeur doit avoir eu la nationalité tchèque et le statut de résident permanent en République tchèque au moment où la loi est entrée en vigueur (le 1er avril 1991) ou, au plus tard, au moment où expirait le délai légal fixé pour les demandes de restitution (le 1er octobre 1991). L’auteur ne remplissait pas cette condition. L’État partie ajoute que, dans la même décision, le tribunal de district de Brno-venkov a estimé qu’indépendamment de la condition de nationalité l’auteur n’avait aucune chance de voir sa demande aboutir car il n’avait pas démontré avoir préalablement demandé la restitution de ses biens aux différents défendeurs, comme il devait le faire, pendant la période où la loi no 87/1991 était en vigueur. Aucun recours interne n’avait été formé contre cette décision, qui était devenue définitive le 25 novembre 1992. D’après l’État partie, l’auteur n’a pas épuisé les recours internes pour ce qui est de sa demande de restitution.

4.2L’État partie affirme en outre que la communication devrait être déclarée irrecevable parce qu’elle constitue un abus du droit de présenter des communications, au sens de l’article 3 du Protocole facultatif. Il fait observer que la dernière décision d’une juridiction interne à partir de laquelle commence à courir le délai à considérer est celle du tribunal de district de Brno-venkov, en date du 16 septembre 1992. Par conséquent, l’auteur a attendu plus de treize ans avant de saisir le Comité, le 12 mars 2006. Faute d’être justifié par des motifs raisonnables, ce délai devrait être considéré comme abusif par le Comité. À l’appui de cet argument, l’État partie invoque notamment les décisions du Comité concernant les communications no 1434/2005 (Fillacier c. France), no 787/1997 (Gobin c. Maurice)et no 1452/2006 (Chytil c. République tchèque).

4.3L’État partie affirme également que le Comité devrait déclarer la communication irrecevable ratione temporis étant donné que les biens de l’auteur ont été confisqués longtemps avant l’entrée en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif pour la République socialiste de Tchécoslovaquie.

4.4L’État partie ajoute que la communication, en ce qu’elle concerne une demande de reconnaissance de titre de propriété fondée sur le régime civil de la propriété foncière, devrait être déclarée irrecevable ratione materiae, puisqu’elle porte sur le droit à la propriété, qui n’entre pas dans le champ d’application du Pacte.

4.5Sur le fond, l’État partie fait observer que le droit consacré par l’article 26, que l’auteur invoque à l’appui de ses griefs, est un droit autonome, indépendant de tout autre droit garanti par le Pacte. Il renvoie à la jurisprudence du Comité et rappelle que celui-ci a affirmé à maintes reprises que les différences de traitement n’étaient pas toutes discriminatoires et qu’une différenciation fondée sur des motifs objectifs et raisonnables ne constituait pas une discrimination interdite au sens de l’article 26. Cet article n’implique pas que l’État est tenu de réparer une injustice passée, compte tenu en particulier du fait que le Pacte n’était pas applicable à l’époque de l’ancien État communiste de Tchécoslovaquie.

4.6Prenant note de la jurisprudence du Comité concernant des affaires analogues de restitution de biens, l’État partie réaffirme qu’il n’est pas possible de remédier à toutes les injustices passées et que dans l’exercice de ses prérogatives légitimes le législateur, faisant usage de sa marge discrétionnaire, a dû déterminer sur quels domaines factuels il allait légiférer et de quelle manière, de façon à atténuer les préjudices. L’auteur n’a pas obtenu gain de cause devant le tribunal de district de Brno-venkov non seulement parce qu’il ne remplissait pas la condition de nationalité exigée par la loi no 87/1991, mais aussi parce qu’il n’avait pas satisfait à une autre condition prévue par la loi, à savoir demander au préalable aux défendeurs de lui rendre ses biens dans un délai donné. En outre, l’auteur n’avait pas démontré devant ce même tribunal que certains des défendeurs avaient acquis les titres de propriété grâce à un traitement préférentiel illégal, ce qui était une autre condition requise pour la restitution de biens au titre de la loi no 87/1991. Quant à la seconde procédure engagée par l’auteur en vertu de la législation civile en matière de biens, l’État partie affirme qu’elle n’a pas été discriminatoire. Les tribunaux ont correctement interprété et appliqué le droit interne et de ce fait le Comité n’a pas compétence pour réexaminer l’affaire. L’État partie conclut qu’il n’a pas violé l’article 26 en l’espèce.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.Dans ses commentaires datés du 2 juin et du 18 août 2008, l’auteur réaffirme que la loi no 87/1991 est discriminatoire et contraire aux dispositions du Pacte. Il précise qu’aux fins de la procédure en première instance il avait envoyé à tous les défendeurs une demande de restitution de ses biens. Il conteste l’analyse que fait l’État partie de la procédure judiciaire et souligne qu’il avait épuisé les recours internes avec le rejet de son recours par la Cour constitutionnelle le 5 avril 2007. L’auteur fait observer qu’en tout état de cause dans l’État partie aucune voie de recours en matière de restitution de biens n’est ouverte aux personnes n’ayant pas la nationalité tchèque. Il fait ressortir que c’est la condition de nationalité qui l’a empêché d’obtenir la restitution de ses biens devant les juridictions tchèques, et que cette condition discriminatoire, contraire à l’article 26 du Pacte, constitue l’objet de sa plainte devant le Comité.

Observations complémentaires de l’État partie

6.En date du 21 mai 2009, l’État partie a fait parvenir des observations complémentaires, dans lesquelles il a réaffirmé que la procédure judiciaire concernant l’auteur devrait être considérée comme se composant de deux parties. Il y appelle en outre à nouveau le Comité à déclarer la communication irrecevable ratione temporis ou, à titre subsidiaire, de la déclarer mal fondée au regard de l’article 26 du Pacte.

Nouveaux commentaires de l’auteur

7.Dans de nouveaux commentaires en date du 8 juillet 2009, l’auteur réaffirme que sa communication devrait être jugée recevable et qu’il a été victime de discrimination au sens de l’article 26 du Pacte, du fait que l’État partie ne lui a pas accordé la restitution des biens immeubles qu’il possédait à Kurim.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité a étudié les actions judiciaires engagées par l’auteur en 2005 auprès du tribunal de district de Brno-venkov pour obtenir la restitution de sa maison de famille et du jardin ainsi qu’une reconnaissance de titre de propriété. Le tribunal régional de Brno-venkov a rejeté la demande le 8 juin 2005. L’auteur a fait appel de ce jugement auprès du tribunal régional de Brno, qui l’a débouté le 10 octobre 2006 et ce jugement a été confirmé par la Cour constitutionnelle le 5 avril 2007. L’État partie n’a pas contesté la recevabilité de cette partie de la communication. Le Comité considère donc que l’auteur a bien épuisé les recours internes conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif pour ce qui est de la deuxième action engagée par l’auteur en 2005.

8.4Le Comité a pris note également de l’argument de l’État partie selon lequel la communication devrait être déclarée irrecevable en tant qu’abus du droit de plainte, en raison du long délai qui s’est écoulé entre le jugement du tribunal de district de Brno-venkov, le 16 septembre 1992, et la présentation de la communication au Comité. Le Comité constate que le Protocole facultatif ne fixe pas de délai pour la présentation des communications. Ce n’est que dans des cas exceptionnels que le retard dans la présentation d’une communication peut la rendre irrecevable. La deuxième procédure judiciaire, qui par essence traite de la même manière que la première, s’est achevée le 5 avril 2007 avec une décision de la Cour constitutionnelle, et même si l’auteur a adressé sa lettre initiale au Comité le 12 mars 2006, c’est-à-dire avant d’avoir épuisé les recours internes, la communication de l’auteur est recevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

8.5Le Comité a pris note également de l’argument de l’État partie selon lequel la communication devrait être déclarée irrecevable ratione materiae. Même si la demande de l’auteur porte sur des droits de propriété, qui ne sont en soi pas protégés par le Pacte, il fait aussi valoir que les confiscations opérées par le Gouvernement du temps de la Tchécoslovaquie étaient discriminatoires et que la nouvelle législation de la République tchèque est discriminatoire à l’égard des personnes qui n’ont pas la nationalité tchèque. Par conséquent, les faits de la cause semblent soulever des questions au regard de l’article 26 du Pacte et sont donc recevables ratione materiae.

8.6Le Comité a noté en outre que l’État partie contestait la recevabilité de la communication ratione temporis. Il considère que même si la confiscation s’est produite avant l’entrée en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif pour la République tchèque, la nouvelle loi, qui exclut les demandes émanant de personnes n’ayant pas la nationalité tchèque, continue de faire sentir ses effets depuis l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour la République tchèque, ce qui pourrait entraîner une discrimination, en violation de l’article 26 du Pacte.

8.7En l’absence de toute autre objection à la recevabilité, le Comité déclare la communication recevable en ce qu’elle peut soulever des questions au regard de l’article 26 du Pacte, et il procède donc à son examen au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2Le Comité doit déterminer si l’application de la loi no 87/1991 à l’égard de l’auteur a été discriminatoire et donc contraire à l’article 26 du Pacte. Il rappelle sa jurisprudence selon laquelle les différences de traitement ne sauraient toutes être réputées discriminatoires au regard de l’article 26. Un traitement différent qui est compatible avec les dispositions du Pacte et repose sur des motifs objectifs et raisonnables ne constitue pas une discrimination interdite au sens de l’article 26.

9.3Le Comité rappelle les constatations qu’il a adoptées dans de nombreuses affaires portant sur la restitution de biens en République tchèque, dans lesquelles il a conclu à une violation de l’article 26 du Pacte considérant qu’il serait incompatible avec le Pacte d’exiger des demandeurs qu’ils obtiennent la nationalité tchèque à titre de condition pour obtenir la restitution de leurs biens ou, à défaut, une indemnisation appropriée. Attendu qu’à l’origine le droit des intéressés sur leurs biens n’était pas fondé sur leur nationalité, le Comité a estimé que la condition de nationalité était déraisonnable. Dans l’affaire Des  Fours Wald érode (communication no 747/1997), il a déclaré que le fait de prévoir dans la loi une condition de nationalité pour obtenir la restitution d’un bien confisqué par les autorités revenait à établir une distinction arbitraire et discriminatoire entre des personnes qui étaient toutes également victimes de confiscations antérieures, et constituait une violation de l’article 26 du Pacte. Le Comité estime que le principe établi dans ces affaires antérieures s’applique également à l’auteur de la présente communication. Il en conclut que l’application à l’auteur de la condition de nationalité prévue par la loi no 87/1991 a constitué une violation des droits qu’il tient de l’article 26 du Pacte.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

11.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile et une réparation, y compris sous la forme d’une indemnisation si le bien en cause ne peut pas lui être rendu. Le Comité engage de nouveau l’État partie à revoir sa législation, en particulier en ce qui concerne la condition de nationalité prévue par la loi no 87/1991, de façon à garantir que toutes les personnes bénéficient tant de l’égalité devant la loi que de l’égale protection de la loi.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y a eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire ou relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Appendice

Opinion individuelle de M. Abdelfattah Amor (dissidente)

Je pense que cette communication aurait dû être déclarée irrecevable, parce que ramenant deux procédures distinctes, toutes deux irrecevables, l’une à l’autre.

La première procédure portait sur une demande tendant à obtenir la restitution des biens de l’auteur. Par décision du 16 septembre 1992, le tribunal de district de Brno-venkov saisi a rejeté la demande en vertu de la loi no 87/1991 qui disposait que les demandes de ce genre ne pouvaient être présentées que par des personnes ayant la nationalité tchécoslovaque et le statut de résident permanent en Tchécoslovaquie. L’auteur n’a pas fait appel de cette décision. L’exigence de l’épuisement des voies de recours internes pourrait légitimement être écartée, puisque ces recours étaient rendus inutiles en raison de l’attitude de la Cour constitutionnelle estimant que la loi no 87/1991 était constitutionnelle. En outre l’article 26 du Pacte aurait eu à s’appliquer si la communication était recevable, car le fait de prévoir dans la loi une condition de nationalité pour obtenir la restitution d’un bien confisqué par les autorités revenait à établir une distinction arbitraire et discriminatoire entre les personnes qui étaient toutes également victimes de confiscations antérieures et constituait une violation de l’article 26 du Pacte.

La réalité est que cette partie de la communication est fondamentalement distincte du reste de la communication comme il sera précisé plus loin. Les faits indiscutés témoignent de deux dates précises. Le tribunal a débouté l’auteur le 16 septembre 1992. La communication a été présentée au Comité le 12 mars 2006. Un délai de plus de treize ans et demi s’est écoulé entre le prononcé du jugement et la saisine du Comité. Ce délai est manifestement excessif et constitue indiscutablement un abus du droit de présenter des communications au sens de l’article 3 du Protocole facultatif. La jurisprudence du Comité, pourtant très libérale et franchement laxiste, ne retient pas des délais aussi longs. Sans qu’il soit nécessaire de développer davantage cette question, je souhaiterais renvoyer à mes opinions dissidentes y relatives et spécialement à mon opinion dissidente sur la communication no 1533/2006, Ondracka c. République tchèque. Qu’il me soit permis de renvoyer, également à ma contribution aux Mélanges Mahiou portant sur «le délai de présentation des communications individuelles au Comité des droits de l’homme. Considérations sur une lacune du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques»a.

La deuxième procédure introduite par l’auteur devant le tribunal de district de Brno-venkov en 2005, c’est-à-dire treize ans après la première procédure, tendait à la reconnaissance de titres de propriété. L’auteur fondait cette action sur le fait qu’ayant été réhabilité en vertu de la loi no 119/1990, il avait été rétabli dans ses droits de propriété et demandait par conséquent la reconnaissance de son titre de propriété conformément aux principes généraux du droit des biens tchèques. Le tribunal de district de Brno-venkov a rejeté la demande le 8 juin 2005. Le tribunal de Brno a rejeté l’appel dont il a été saisi à cet égard «au motif que les actions engagées au civil en vue d’obtenir la restitution de biens à la suite d’une réhabilitation accordée en application de la loi no 119/1990 ne pouvaient pas servir à contourner la législation applicable en matière de restitution (c’est-à-dire la loi no 87/1991)». La Cour constitutionnelle saisie a rejeté le recours de l’auteur qu’elle a jugé infondé, le 5 avril 2007, près d’un an avant la présentation, avant l’épuisement des voies de recours internes, de la présente communication.

Cette deuxième procédure, distincte de la première de par son objet et du droit qui lui est applicable, ne peut être ni confondue avec la première, ni greffée sur elle. Le Comité lui-même reconnaît qu’il s’agit d’une nouvelle action en justice − qu’il a qualifiée de seconde partie de la procédure (par. 8.4) −, au sujet de laquelle par ailleurs les voies de recours ont été épuisées et le Comité saisi dans un délai qui peut être estimé raisonnable. Cette nouvelle action en justice a pour objet la reconnaissance de titres de propriétés contrairement à celle de 1992 − présentée tardivement au Comité − dont l’objet était la restitution des biens. Portant sur des questions de propriété, la nouvelle action est indiscutablement irrecevable rationae materiae étant donné que le droit de propriété n’entre pas dans le champ d’application du Pacte. Dire, comme le fait le Comité, que dans son essence «la seconde partie de la procédure, est dans son essence liée à la première partie de la procédure» relève de l’appréciation du but et non de l’objet de l’action.

En identifiant la notion d’objet à celle de but, en greffant de manière juridiquement contestable la deuxième action sur la première par l’évocation de «l’examen de la deuxième partie de l’action en justice» et en noyautant l’incompétence rationae materiae par des considérations tenant à l’article 26 − qui aurait pu être appliqué pour la première action (en restitution) −, le Comité a commis des écarts d’appréciation tant des faits que du droit.

(Signé) M. Abdelfattah Amor

[Fait en français (version originale), en anglais et en espagnol. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]