Nations Unies

CCPR/C/99/D/1797/2008

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

24 août 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-neuvième session

12-30 juillet 2010

Constatations

Communication no 1797/2008

Présentée par:

Thomas Wilhelmus Henricus Mennen (représenté par un conseil, M. Willem Hendrik Jebbink)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

8 mai 2008 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 3 juillet 2009 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

27 juillet 2010

Objet:

Droit de soumettre la déclaration de culpabilité et la condamnation à une juridiction supérieure; droit à un recours utile

Questions de procédure:

Néant

Questions de fond:

Griefs insuffisamment étayés

Articles du Pacte:

2 (par. 3) et 14 (par. 5)

Article du Protocole facultatif:

2

Le 27 juillet 2010, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 1797/2008.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (quatre-vingt-dix-neuvième session)

concernant la

Communication no 1797/2008 *

Présentée par:

Thomas Wilhelmus Henricus Mennen (représenté par un conseil, M. Willem Hendrik Jebbink)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

8 mai 2008 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réunile 27 juillet 2010,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1797/2008 présentée au nom de M. Thomas Wilhelmus Henricus Mennen, en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Thomas Wilhelmus Henricus Mennen, de nationalité néerlandaise, né le 25 décembre 1981. Il se déclare victime de violations par les Pays‑Bas du paragraphe 3 de l’article 2 et du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par un conseil, M. Willem Hendrik Jebbink.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 17 juin 2007, l’auteur a été convoqué par le tribunal de district de Dordrecht le 14 septembre 2007, pour ne pas avoir obéi à un ordre administratif de quitter la voie de chemin de fer où il manifestait avec un groupe de personnes contre son utilisation. Le non‑respect d’un tel ordre constitue une infraction pénale en vertu de l’article 184 du Code pénal néerlandais.

2.2L’auteur ne s’est pas présenté en personne au procès mais était représenté par un avocat. Le jugement oral prononcé l’a reconnu coupable sans aucune argumentation et l’a condamné à une amende de 200 euros. En effet, conformément à l’article 365 a) du Code de procédure pénale (CPC), le juge a prononcé un jugement oral «accéléré» qu’il n’avait pas besoin d’asseoir sur des preuves. Étant donné qu’en vertu des articles 365 a), 378 et 378 a) du CPC, la rédaction d’un procès-verbal n’est pas obligatoire, il n’en a pas été établi dans ce cas.

2.3Le 27 septembre 2007, l’auteur a sollicité l’autorisation de faire appel de ce jugement en vertu de l’article 410 a) du CPC. Le 8 octobre 2007, l’auteur a exposé ses motifs d’appel mais n’avait pas de jugement écrit motivé sur lequel s’appuyer. Le 19 novembre 2007, le Président de la cour d’appel de La Haye a déclaré que l’appel ne serait pas examiné car cela n’était pas nécessaire pour garantir une bonne administration de la justice.

2.4Conformément à l’article 410 a) 7) du CPC, les arrêts de la cour d’appel ne sont pas susceptibles de cassation.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que le droit qu’il tient du paragraphe 5 de l’article 14 a été violé de deux façons. Premièrement, il n’a pas pu exercer son droit d’appel de manière effective et efficace. Il cite le paragraphe 49 de l’Observation générale no 32 (2007) relative à l’égalité devant les tribunaux et à l’égalité devant la loi dans laquelle le Comité mentionne le droit de disposer du texte écrit du jugement, dûment motivé, de la juridiction de jugement et au moins de celui de la première juridiction d’appel et d’autres documents tels que les comptes rendus d’audience. En l’espèce, l’auteur n’a pas pu disposer de ces documents. Il fait également référence à plusieurs constatations adoptées par le Comité des droits de l’homme, dans lesquelles le Comité a conclu à une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte par les États parties concernés parce qu’ils n’avaient pas fourni le compte rendu d’audience ou le texte écrit des jugements, dûment motivés, de la juridiction de jugement et au moins de ceux de la première juridiction d’appel.

3.2Deuxièmement, l’auteur cite le paragraphe 48 de l’Observation générale no 32 concernant la portée du réexamen et se réfère à plusieurs affaires récentes contre l’Espagne. Il déclare que le Pacte impose aux États parties l’obligation de veiller à ce que la plus haute juridiction qui se prononce sur une demande d’autorisation de faire appel examine au fond, en vérifiant si les éléments de preuve sont suffisants et à la lumière des dispositions législatives applicables, la déclaration de culpabilité et la condamnation, de manière que la procédure permette un examen approprié de la nature de l’affaire. L’auteur affirme que dans son cas il n’y a pas eu d’examen au fond, et qu’il ne pouvait pas y en avoir vu que la juridiction supérieure ne disposait pas du jugement dûment motivé de la juridiction de jugement, de la description des éléments de preuve utilisés ou du compte rendu de l’audience en première instance. Enfin, le jugement rendu par la juridiction supérieure ne reflétait pas un examen méticuleux et approfondi des arguments avancés par l’auteur en appel.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans des lettres datées du 25 août 2008 et du 5 janvier 2009, l’État partie affirme que la communication doit être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif pour non-épuisement des recours internes. Pour le cas où le Comité n’appuierait pas cette conclusion, l’État partie affirme que la communication est dénuée de fondement. Il fournit des observations détaillées concernant les faits de la cause, la législation applicable ainsi que la recevabilité et le fond de la communication.

4.2Pour ce qui est des faits, l’État partie indique que l’auteur a été arrêté, le 16 juin 2007, et accusé d’avoir délibérément refusé d’obéir à l’ordre de quitter une voie de chemin de fer qui lui avait été intimé par un policier en vertu d’un règlement légal. Parce qu’il a refusé d’obtempérer il a été arrêté; il a refusé de prouver son identité et il a été placé en garde à vue pour la nuit puis libéré le lendemain.

4.3L’État partie confirme que le 17 septembre 2007, l’affaire a été examinée par un juge unique qui a rendu un jugement oral le condamnant à une amende de 200 euros, en application de l’article 184 du Code pénal néerlandais. L’État partie note que le conseil de l’auteur a présenté oralement un mémoire de plaidoirie de 15 pages à l’audience en première instance. Il confirme que le jugement oral ne motive pas l’appréciation des faits et qu’il a été rendu en vertu des articles 365 a), 378 et 378 a) du CPC.

4.4L’État partie indique également que le 25 septembre 2007, le conseil de l’auteur, à sa demande, s’est vu remettre un certain nombre de procès-verbaux de police officiels concernant l’affaire. Le 27 septembre 2007, l’auteur a demandé l’autorisation de faire appel et le 8 octobre 2007, son conseil a présenté un exposé des motifs d’appel affirmant que le juge avait versé dans l’erreur: a) en déclarant l’affaire recevable; et b) en n’acquittant pas l’auteur. L’État partie confirme que le 19 novembre 2007, le Président de la cour d’appel, ayant pris connaissance de la requête de l’auteur et des pièces du dossier, a refusé l’autorisation de faire appel au motif que l’examen de l’appel n’était pas nécessaire à une bonne administration de la justice et que les prétentions du conseil n’étaient pas fondées en droit.

4.5À propos de la législation applicable, l’État partie cite l’article 184 du Code pénal et les articles 365 a), 378, 378 a) et 410 a) du CPC. Il explique l’historique de ces dispositions et affirme que la nature et la portée des obligations procédurales aux Pays-Bas sont proportionnées aux intérêts en jeu dans un cas donné: plus les conséquences pour les parties risquent d’être lourdes, plus les exigences relatives à l’établissement ou à la conservation du compte rendu officiel de l’audience et du jugement du tribunal sont précises et rigoureuses.

4.6Concernant la recevabilité, l’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas invoqué explicitement ou implicitement le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte devant la cour d’appel ni devant aucune autre juridiction nationale, les privant ainsi de la possibilité de lui répondre. Au moment où a été présenté l’exposé des motifs d’appel contre le jugement rendu par le tribunal de district de Dordrecht, l’auteur savait que le Président du tribunal pouvait considérer qu’il n’était pas nécessaire d’examiner l’appel aux fins d’une bonne administration de la justice. En conséquence, l’État partie affirme que si l’auteur avait contesté l’article 410 a) du CPC, la cour d’appel aurait pu en tenir compte pour déterminer si l’examen d’un tel appel était nécessaire pour garantir une bonne administration de la justice. L’État partie conclut que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, pour non-épuisement des recours internes.

4.7Quant au fond, l’État partie se réfère aux paragraphes 45 à 51 de l’Observation générale no 32 du Comité des droits de l’homme. Il maintient qu’il n’a pas commis de violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, car cet article n’empêche pas un État d’utiliser un mécanisme en vertu duquel, pour les infractions pénales mineures, le droit d’appel est limité par la nécessité d’obtenir l’autorisation de faire appel, et il souligne qu’une décision prise par le président d’une cour d’appel sur une demande d’autorisation de faire appel peut être considérée comme constituant un réexamen au sens de la disposition susmentionnée.

4.8L’État partie explique que son mécanisme d’autorisation de faire appel entre systématiquement en jeu pour les condamnations pénales légères, qui correspondent à des amendes d’un montant ne dépassant pas 500 euros. Le but est d’empêcher de surcharger le système judiciaire, de garantir une administration rapide de la justice et de faire en sorte que celle-ci reste d’un coût raisonnable. L’État partie indique que, d’après le ministère public, l’absence d’un tel mécanisme entraînerait la formation de 4 200 appels supplémentaires. Il évoque en outre l’historique du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, faisant observer que la version initiale du texte prévoyait une exception pour les infractions mineures, qui a ensuite été retirée conformément à une proposition de la délégation cinghalaise et remplacée par une formulation indiquant que l’examen par une juridiction supérieure doit être effectué «conformément à la loi». L’État partie conclut que les auteurs du Pacte n’ont jamais eu l’intention d’écarter la possibilité de limiter le droit d’appel contre les condamnations mineures.

4.9L’État partie se réfère également au paragraphe 2 de l’article 2 du Protocole no 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui est comparable au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, et fait observer qu’il prévoit une exception pour les infractions mineures.

4.10L’État partie maintient qu’un droit d’appel inconditionnel serait incompatible avec un système rationnel de traitement des affaires pénales; qu’il est raisonnable d’établir un certain degré de proportionnalité entre les requêtes formées en appel dans les affaires pénales et la gravité des affaires; et que le Comité lui-même accorde la plus haute priorité aux affaires de condamnation à mort. De l’avis de l’État partie, même si dans son Observation générale no 32, le Comité a noté que le droit d’appel n’était pas limité aux infractions les plus graves, cela ne signifie pas que ce droit soit pleinement et systématiquement applicable dans toutes les affaires pénales, y compris pour les «infractions les moins graves». L’État partie se réfère à cet égard au paragraphe 7.3 des constatations du Comité dans Lumley c. Jamaïque et aux paragraphes 2.3, 4.1 à 5 et 7.2 des constatations du Comité dans Bryhnc. Norvège .

4.11Pour l’État partie, un «examen» en deuxième instance ne signifie pas une évaluation nouvelle et entière des éléments de fait et de droit. Il affirme en outre que même s’il y a une divergence d’opinion avec l’auteur quant à l’interprétation de l’expression «infractions les moins graves», la procédure de plainte individuelle ne prévoit pas le réexamen, dans l’abstrait, d’une loi ou d’une pratique nationale. L’État partie souligne que la peine prononcée était légère eu égard aux normes locales et qu’il n’a pas été question d’emprisonnement, peine qui, conformément à la pratique du Comité, est suffisamment grave pour nécessiter d’être examinée par une juridiction supérieure. L’État partie maintient que si la jurisprudence du Comité exige un réexamen au fond de la déclaration de culpabilité et de la peine, elle n’exige pas que les faits soient rejugés.

4.12L’État partie ne conteste pas le fait que la décision de ne pas autoriser l’appel ne reposait pas sur le jugement oral accéléré rendu par le tribunal de première instance. Il affirme toutefois que le Président du tribunal a fondé sa décision sur la totalité des pièces du dossier, y compris les documents de l’enquête préliminaire, ainsi que sur la plaidoirie orale du défendeur en première instance et les prétentions de celui-ci concernant les raisons pour lesquelles le jugement initial ne pouvait pas être confirmé et devait être examiné en appel. L’État partie précise que conformément aux critères clairement énoncés à l’article 410 a) du CPC à propos des cas pouvant relever du mécanisme de limitation du droit d’appel, la défense doit indiquer clairement pourquoi l’examen de l’appel est nécessaire aux fins d’une bonne administration de la justice. L’État partie affirme en outre que dans ce contexte, l’auteur aurait pu faire valoir que l’affaire concernait une infraction grave et que le refus de l’autorisation de faire appel aurait constitué une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, mais il ne l’a pas fait.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une réponse datée du 2 mars 2009, l’auteur réaffirme la plupart des arguments qu’il avait précédemment avancés.

5.2L’auteur conteste l’opinion de l’État partie concernant la recevabilité, indiquant qu’il n’était pas tenu d’invoquer expressément une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte étant donné que le droit consacré par cette disposition n’avait pas été violé jusqu’à ce que la cour d’appel rende son arrêt. Lorsque la violation a été commise, l’auteur n’avait accès à aucun recours interne puisque les décisions du Président de la cour d’appel ne sont pas passibles de cassation.

5.3L’auteur conteste également la position de l’État partie qui s’appuie sur l’idée que dans son cas, une déclaration de culpabilité pénale moins grave avait été prononcée, et fait observer que même selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, une déclaration de culpabilité pour une infraction qui, conformément à la loi, est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à quinze jours est considérée comme étant suffisamment grave pour ne pas être qualifiée de «mineure» au sens du paragraphe 2 de l’article 2 du Protocole no 7. Il fait valoir que conformément à la pratique de la Cour européenne des droits de l’homme, une déclaration de culpabilité ne peut être considérée comme «mineure» que lorsqu’elle ne fait pas apparaître de risque de privation de liberté et que dans le cas présent, il encourait une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de trois mois. Il a en fait été condamné à une amende de 200 euros, et le tribunal de district a décidé qu’en cas de refus de paiement, il serait incarcéré pendant quatre jours.

5.4L’auteur note également que l’expression «conformément à la loi», au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, n’a jamais été interprétée par le Comité des droits de l’homme comme excluant l’examen par une juridiction supérieure de certaines infractions de nature pénale, et il se réfère à la communication no 1073/2002, Terró n c. Espagne, constatations adoptées le 5 novembre 2004, où il est indiqué (par. 7.2): «Le Comité rappelle que le droit garanti au paragraphe 5 de l’article 14 concerne toute personne condamnée pour une infraction.».

5.5L’auteur affirme en outre que l’État partie n’a pas montré comment le Président de la cour d’appel aurait pu procéder à un examen complet du jugement initial, vu qu’il ne disposait pas d’un jugement dûment motivé ni du compte rendu de l’audience en première instance. Il maintient qu’en l’absence de ces documents, il est illusoire de penser que le Président aurait eu les moyens de procéder à un examen raisonné (conformément à l’article 410 a) du CPC) du caractère suffisant des éléments de preuve et du droit. Il souligne que le tribunal de district n’a pas indiqué les preuves utilisées, ni oralement ni par écrit, pendant ou après sa décision du 14 septembre 2007.

Commentaires supplémentaires des parties

6.1L’État partie a fait parvenir des commentaires supplémentaires, réaffirmant que la communication devait être déclarée irrecevable vu que l’auteur, qui connaissait bien le système néerlandais, savait qu’il était impossible de se pourvoir en cassation contre le refus de la cour d’appel de l’autorisation de faire appel et qu’il aurait donc dû exposer le fond de sa communication à ce stade des procédures nationales.

6.2Quant à la référence à la jurisprudence de la Cour européenne faite par l’auteur, l’État partie souligne que dans tous les exemples cités, les requérants n’étaient pas seulement passibles d’emprisonnement, mais avaient effectivement été condamnés à des peines de privation de liberté, et que cet élément avait joué un rôle dans les décisions de la cour. L’État partie note qu’en l’espèce il n’a pas été prononcé de peine d’emprisonnement et que l’infraction était d’une gravité limitée.

6.3L’État partie précise en outre qu’il dit, non pas que le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte ne s’applique pas à certaines infractions pénales, mais que les prescriptions de cette disposition concernant le réexamen peuvent être satisfaites de différentes manières, en fonction de la gravité de l’infraction; il renvoie au paragraphe 7.5 des constatations du Comité concernant la communication no 984/2001 (Shukuru Juma c. Australie), adoptées le 28 juillet 2002.

6.4L’État partie réaffirme que le Président de la cour d’appel a examiné la façon dont le procès avait été conduit et a tenu compte de tous les éléments du dossier, y compris des différents comptes rendus officiels, de la plaidoirie orale du conseil en première instance et de l’exposé des motifs d’appel présenté par le conseil.

6.5Enfin, l’État partie informe le Comité qu’il compte ratifier le Protocole no 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont l’article 2 énonce le droit d’appel dans les affaires pénales. L’État partie déclare que cette intention n’a aucune incidence sur sa position en l’espèce et que le mécanisme d’appel prévu à l’article 410 a) du CPC satisfait aux normes relatives aux droits de l’homme énoncées dans le Protocole no 7.

6.6L’auteur fournit des commentaires supplémentaires, affirmant que lorsque l’État partie déclare que dans les affaires portées devant la Cour européenne des droits de l’homme, le fait qu’une peine d’emprisonnement ait été prononcée a joué un rôle dans les décisions de la Cour, il ne montre pas quel a été ce rôle. De l’avis de l’auteur, il ressort de ses décisions que la Cour européenne des droits de l’homme a pris en considération la nature de l’infraction et, de surcroît, le rapport explicatif relatif au Protocole no 7 indique (par. 21) que «[P]our décider si une infraction est de caractère mineur, un critère important est la question de savoir si l’infraction est passible d’emprisonnement ou non.».

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité note l’affirmation de l’État partie, qui estime que la communication est irrecevable pour non-épuisement des recours internes. Le Comité note toutefois qu’au moment de sa demande d’autorisation de faire appel, il y avait encore pour l’auteur une possibilité réaliste de se voir accorder l’appel par la cour d’appel, et il ne pouvait par conséquent pas alléguer de violation du droit de faire appel qui lui est reconnu au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Le Comité note également que la législation interne ne prévoit pas de pourvoi en cassation contre la décision du Président de la cour d’appel de refuser l’autorisation de faire appel. Par conséquent, le Comité conclut que tous les recours internes disponibles ont été épuisés, déclare la communication recevable et procède à son examen au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication à la lumière de toutes les informations qui lui ont été transmises.

8.2En ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme qu’il n’a pas pu exercer son droit d’appel de manière effective et efficace puisqu’il ne disposait pas du texte écrit du jugement, dûment motivé, de la juridiction de jugement, ni des autres documents tels que les comptes rendus d’audience, le Comité note que l’État partie a confirmé qu’en l’espèce de tels documents n’avaient pas été établis. Le Comité note que l’État partie indique qu’avant de présenter la demande d’autorisation de faire appel, le conseil de l’auteur s’est vu remettre plusieurs procès-verbaux de police officiels concernant l’affaire mais n’en précise pas la teneur ni la pertinence au regard de la décision. Toutefois, le Comité relève que ces procès-verbaux n’auraient pas pu donner d’indication sur les motifs pour lesquels la juridiction de première instance a reconnu l’auteur coupable d’une infraction pénale, ni sur les éléments de preuve particuliers sur lesquels cette juridiction s’était fondée. Le Comité rappelle que, selon sa pratique établie, dans les procédures d’appel, les garanties d’un procès équitable doivent être respectées, notamment le droit de disposer des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Dans les circonstances de l’espèce, le Comité ne considère pas que les procès-verbaux fournis en l’absence de texte écrit d’un jugement motivé, ou même d’un énoncé des éléments de preuve utilisés, aient constitué des facilités nécessaires à la préparation de la défense de l’auteur.

8.3Le Comité note en outre que, d’après l’État partie, le Président de la cour d’appel a refusé l’autorisation de faire appel au motif qu’une audience d’appel n’était pas nécessaire à une bonne administration de la justice et que les prétentions du conseil n’étaient pas fondées en droit. Le Comité considère que ce motif est inadéquat et insuffisant pour satisfaire aux conditions établies au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, qui exige un examen par une juridiction supérieure de la déclaration de culpabilité et de la peine. S’agissant d’une décision relative à une autorisation de faire appel, cet examen doit porter sur le fond, c’est-à-dire d’une part sur les éléments présentés au juge de première instance et d’autre part sur la façon dont le procès a été conduit au regard des dispositions de la loi applicables en l’espèce.

8.4Par conséquent, dans les circonstances particulières de cette affaire, le Comité conclut que le droit d’appel garanti au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte a été violé parce que l’État partie n’a pas assuré à l’auteur les facilités nécessaires à la préparation de sa défense ni les conditions permettant un véritable réexamen de l’affaire par une juridiction supérieure.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

10.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu de fournir à l’auteur un recours utile permettant le réexamen de la déclaration de culpabilité et de sa condamnation par une juridiction supérieure, ainsi qu’une indemnisation appropriée. Le Comité invite l’État partie à revoir sa législation en vue de la rendre conforme aux dispositions du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. L’État partie est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Appendice

Opinion individuelle de M. Krister Thelin (dissidente)

La majorité a conclu à une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Je n’approuve pas cette décision.

Les faits ne sont pas contestés: l’auteur, représenté à l’époque par un conseil, a été reconnu coupable et condamné par le tribunal de district de Dordrecht à une amende de 200 euros. Conformément à la loi néerlandaise applicable le juge a prononcé un jugement oral «accéléré», qu’il n’était pas nécessaire de compléter par des preuves. Par l’intermédiaire de son conseil l’auteur a fait appel du jugement, après s’être vu remettre un certain nombre de rapports de police officiels sur lesquels le jugement était à l’évidence fondé. La loi néerlandaise prévoit que pour que le recours soit examiné il faut obtenir l’autorisation de faire appel. La cour d’appel de La Haye, représentée par son Président, qui devait statuer sur la question, a refusé d’autoriser l’appel après avoir examiné l’intégralité du dossier, y compris les rapports de police, ainsi que le mémoire de plaidoirie devant le tribunal de district.

La question qui se pose n’est pas de savoir si le système néerlandais d’autorisation d’appel est incompatible avec le paragraphe 5 de l’article 14, qui dispose que «[t]oute personne accusée d’une infraction pénale a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi». Ce système n’est clairement pas incompatible avec le Pacte.

Ce qu’il faut déterminer en revanche c’est si en l’espèce la loi néerlandaise donne à l’auteur des garanties suffisantes pour qu’il puisse obtenir, comme il en a le droit, le réexamen par une juridiction de deuxième instance du jugement du tribunal de district.

Bien qu’il n’y ait pas de jugement motivé − puisqu’il s’agissait d’un simple jugement oral «accéléré» que la loi de procédure néerlandaise prévoit pour certaines infractions pénales mineures − l’auteur et son conseil ont assurément pu préparer et conduire valablement une défense au procès et déposer une demande d’autorisation d’appel.

La juridiction d’appel a examiné l’affaire dans son intégralité, tenant compte à la fois des questions de droit et de fait qui avaient de toute évidence été étudiées par le tribunal de première instance, et a décidé, exerçant la discrétion que lui confère la loi, de ne pas autoriser l’appel.

Dans un tel contexte factuel il est difficile de conclure que l’auteur n’a pas obtenu que la condamnation et la peine prononcées par le tribunal de première instance soient examinées par une juridiction supérieure. Elles l’ont clairement été.

Par conséquent j’estime qu’il n’y a pas eu violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte dans l’affaire dont le Comité était saisi.

(Signé) Krister Thelin

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]