Nations Unies

CCPR/C/BHR/CO/1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

15 novembre 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le rapport initial de Bahreïn *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le rapport initial de Bahreïn (CCPR/C/BHR/1) à ses 3492e et 3493e séances (voir CCPR/C/SR.3492 et 3493), les 3 et 4 juillet 2018. À sa 3516e séance, le 19 juillet 2018, il a adopté les observations finales ci‑après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de Bahreïn, bien qu’il ait été soumis avec 10 années de retard, et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte d’engager un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/BHR/Q/1/Add.1) apportées à la liste de points (CCPR/C/BHR/Q/1), qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires fournis par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)L’adoption, en juillet 2011, du décret royal no 28 portant création de la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn, chargée d’enquêter sur les événements qui se sont produits à Bahreïn en février et mars 2011 et d’établir un rapport à ce sujet ;

b)L’adoption, le 26 novembre 2011, du décret royal no 45 portant création de la commission nationale chargée de donner effet à la recommandation no 1715 de la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn ;

c)L’adoption, en 2008, de la loi no 1 portant création du Comité national de lutte contre la traite des personnes ;

d)L’adoption du décret royal no 46/2009, portant création de l’institution nationale des droits de l’homme, et du décret royal no28/2012, portant modification de certaines dispositions connexes ;

e)L’adoption du Plan national de promotion de la femme bahreïnienne pour la période allant de 2013 à 2022 et de sa stratégie de mise en œuvre.

4.Le Comité relève également avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 22septembre 2011 ;

b)Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le 27 septembre 2007.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte au niveau national

5.Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle le Pacte fait partie intégrante de l’ordonnancement juridique interne et des informations concernant une seule affaire dans laquelle la Cour constitutionnelle a appliqué les dispositions du Pacte. Néanmoins, il regrette l’absence de renseignements précis sur la manière dont les conflits potentiels entre les lois nationales et les garanties du Pacte ont été résolus, sur la manière dont les individus peuvent invoquer les dispositions du Pacte devant les tribunaux nationaux et dans les procédures administratives et sur d’autres exemples d’application des dispositions du Pacte par les tribunaux nationaux (art. 2).

6. L ’ État partie devrait s ’ efforcer de faire connaître le Pacte aux juges, aux procureurs et aux avocats et de les sensibiliser à son applicabilité dans le droit interne, afin que les tribunaux tiennent compte des dispositions de cet instrument. L ’ État partie devrait donner pleinement effet au Pacte dans son ordre juridique interne et veiller à ce que la législation interne soit interprétée et appliquée conformément aux obligations découlant du Pacte. Il devrait également envisager d ’ adhérer au Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui établit un mécanisme d ’ examen des plaintes émanant de particuliers.

Réserves

7.Le Comité constate avec regret que l’État partie a maintenu ses réserves à l’article 3, au paragraphe 5 de l’article 9, au paragraphe 7 de l’article 14 et aux articles 18 et 23 du Pacte et n’a pas précisé s’il envisageait de les lever. En particulier, il prend note avec préoccupation des réserves très larges aux articles 3, 18 et 23, en vertu desquelles ces articles ne sont applicables que dans la mesure où ils n’ont pas d’incidence sur les prescriptions de la charia. Le Comité craint que certaines de ces réserves ne soient incompatibles avec l’objet et le but du Pacte (art. 2).

8. L ’ État partie devrait envisager de reformuler ou de lever ses réserves à l ’ article 3, au paragraphe 5 de l ’ article 9, au paragraphe 7 de l ’ article 14 et aux articles 18 et 23, en vue d ’ assurer l ’ application complète et effective du Pacte.

Institution nationale des droits de l’homme

9.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie et des mesures, ycompris législatives, qu’il prend pour renforcer l’institution nationale des droits del’homme à Bahreïn. Il craint toutefois que cette institution ne dispose pas de l’indépendance nécessaire pour s’acquitter de ses fonctions et regrette le manque d’informations sur les plaintes qu’elle a reçues et sur les enquêtes qu’elle a menées en réponse à ces plaintes (art.2).

10. L’État partie devrait poursuivre ses efforts et adopter toutes les mesures législatives, gouvernementales et institutionnelles nécessaires pour faire en sorte que l’institution nationale des droits de l’homme soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) et puisse s’acquitter pleinement de son mandat, avec efficacité et en toute indépendance. Il devrait également renforcer le pouvoir de cette institution et veiller à ce qu’elle soit en mesure d’enquêter sur toutes les allégations de violations des droits reconnus dans le Pacte commises par une entité officielle quelle qu’elle soit.

Commission d’enquête indépendante de Bahreïn

11.Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle celui-ci a pleinement mis en œuvre les recommandations de la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn, qui était chargée d’enquêter, de faire rapport et de formuler des recommandations concernant les événements qui se sont produits en février et mars 2011. Toutefois, il note avec préoccupation que les principales recommandations n’ont pas été mises en œuvre (art. 2, 6, 7 et 14).

12. L ’ État partie devrait procéder à un examen approfondi des recommandations formulées par la Commission d ’ enquête indépendante de Bahreïn , en vue de leur pleine mise en œuvre. Il devrait veiller à ce que toutes les violations des droits de l ’ homme commises pendant l ’ état d ’ urgence instauré en 2011 pour assurer la sécurité nationale donnent lieu à des enquêtes approfondies, efficaces, indépendantes et impartiales, à ce que les responsables soient traduits en justice et condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes et à ce qu ’ un recours utile soit offert aux victimes ou à leur famille, notamment sous la forme d ’ un accès à la justice et de moyens de réparation effectifs et équitables.

Tribunaux militaires

13.Le Comité prend note avec préoccupation de la modification apportée à la Constitution en avril 2017, qui habilite les tribunaux militaires à juger des civils en dehors du régime de l’état d’urgence (art. 14).

14. L ’ État partie devrait revoir la modification apportée à la Constitution en avril 2017 pour faire en sorte que les tribunaux militaires ne puissent pas juger des civils.

Cadre relatif à la non-discrimination

15.S’il constate que la Charte d’action nationale proclame le principe d’égalité, le Comité regrette néanmoins l’absence d’une législation complète contre la discrimination qui couvre tous les motifs de discrimination interdits par le Pacte. Il constate également avec préoccupation que l’État partie n’a pas fourni d’informations sur les recours utiles qui seraient à la disposition des victimes de discrimination (art.2 et 26).

16. L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que son cadre juridique : a) assure une protection pleine et effective contre la discrimination dans tous les domaines, y compris la sphère privée, et interdise la discrimination directe, indirecte et multiple ; b) contienne une liste complète des motifs de discrimination conformément au Pacte ; c) garantisse aux victimes de discrimination des voies de recours efficaces et appropriées.

Égalité entre hommes et femmes et pratiques préjudiciables à l’égard des femmes

17.Le Comité regrette la persistance de la polygamie dans l’État partie, pratique qui est régie par le Code de la famille de 2017. Bien que l’État partie affirme que le mariage précoce n’est pas répandu et que le Code de la famille fixe l’âge minimum du mariage à 16ans, à quelques exceptions près, le Comité prend note avec préoccupation d’informations selon lesquelles la pratique du mariage précoce se poursuit (art.2, 3, 23, 24 et 26).

18. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour prévenir et éliminer les pratiques préjudiciables qui sont discriminatoires à l ’ égard des femmes et des filles. Il devrait en particulier : a) prendre des mesures appropriées pour faire reculer la polygamie, en vue de parvenir à son abolition  ; b) faire en sorte que l ’ âge minimum du mariage soit fixé à 18 ans pour les filles comme pour les garçons et modifier les dispositions légales qui prévoient des exceptions à cet âge minimum.

Non-discrimination à l’égard des femmes

19.Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes, qui ne peuvent transmettre leur nationalité à leurs enfants sans une décision royale, ne jouissent pas des mêmes droits que les hommes à cet égard. Il prend note de l’intention exprimée par l’État partie de modifier la loi sur la nationalité afin d’accorder aux femmes le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants, mais il est préoccupé par la lenteur de l’adoption de ces modifications. Il prend note des explications fournies par la délégation concernant les règles applicables au divorce, y compris la possibilité de divorcer d’un commun accord ou par voie judiciaire, mais s’inquiète des conséquences économiques négatives et inégales du divorce pour les femmes, telles que l’obligation de rembourser la dot, de verser une indemnité et d’accepter une pension alimentaire limitée (art.2, 3 et 26).

20. L ’ État partie devrait abroger toutes les dispositions de sa législation qui sont discriminatoires à l ’ égard des femmes. Il devrait en particulier : a) accélérer l ’ adoption des modifications à la loi sur la nationalité afin de garantir que les femmes et les hommes aient des droits égaux pour ce qui est de la transmission de leur nationalité à leurs enfants ; b) veiller à ce que les femmes jouissent de droits, y compris économiques, égaux en matière de divorce.

Égalité des sexes

21.Le Comité se félicite des mesures qui ont été prises pour promouvoir l’égalité des sexes, mais il constate avec préoccupation que des stéréotypes patriarcaux ont encore cours en ce qui concerne le rôle des hommes et des femmes dans la famille et dans la société. Il est préoccupé par le fait que, nonobstant les informations fournies par l’État partie, les femmes sont sous-représentées dans la vie politique et publique, en particulier aux postes de décision. Il est également préoccupé par la loi no36/2012 régissant le travail dans le secteur privé, en vertu de laquelle le Ministre du travail et du développement social est autorisé à interdire certains emplois aux femmes, et par l’absence d’informations claires sur les emplois qui leur sont interdits et sur les critères suivis en la matière (art.2, 3, 25 et 26).

22. L ’ État partie devrait renforcer les mesures visant à garantir l ’ égalité des sexes et mettre au point des stratégies pour faire barrage aux attitudes et aux stéréotypes patriarcaux en ce qui concerne les rôles et les responsabilités respectifs des femmes et des hommes dans la famille et dans la société en général. Il devrait redoubler d ’ efforts pour parvenir à une représentation équitable des femmes dans les sphères publique et politique, en particulier aux postes de décision, si nécessaire au moyen de mesures temporaires spéciales appropriées, de façon à donner effet aux dispositions du Pacte. Il devrait également veiller à ce que les femmes aient accès aux possibilités d ’ emploi dans des conditions d ’ égalité et à ce que la législation du travail ne perpétue pas les stéréotypes à leur égard.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

23.Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle aucun procès n’a été instruit sur la base de l’identité de genre ou de comportements homosexuels, mais il est préoccupé par la criminalisation des actes homosexuels, qui sont passibles de sanctions lorsqu’ils ont lieu dans l’espace public, conformément aux articles 326, 346 et 350 du Code pénal de Bahreïn (1956) (art. 2, 17 et 26).

24. Le Comité reconnaît la diversité des cultures et des valeurs morales dans le monde, mais souligne que les lois et pratiques des États doivent toujours être subordonnées aux principes de l ’ universalité des droits de l ’ homme et de la non ‑ discrimination et qu ’ un manquement au respect des obligations énoncées dans le Pacte ne saurait être justifié par des considérations politiques, sociales, religieuses, culturelles ou économiques internes. L ’ État partie devrait dépénaliser les rapports sexuels entre adultes consentants de même sexe. Il devrait également interdire et prévenir toutes les formes de discrimination fondées sur l ’ orientation sexuelle ou l ’ identité de genre.

Violence à l’égard des femmes

25.Le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles la violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale, reste un problème important dans l’État partie. À cet égard, il constate avec préoccupation que seul un petit nombre de cas de violence familiale ont donné lieu à des poursuites et à des condamnations entre 2016et 2018. Le Comité est également préoccupé par les dispositions du Code pénal qui exemptent les auteurs d’infractions de toute sanction. En particulier, il trouve regrettable que l’article 353 du Code pénal exempte de toute poursuite ou sanction les auteurs de viol s’ils épousent leur victime et que l’article 334 réduise les peines qu’encourent les auteurs de crimes dits d’honneur. Le Comité note que l’État partie élabore actuellement un projet de loi visant à abroger l’article 353 du Code pénal mais déplore la lenteur de ces travaux préparatoires (art.3, 6 et 7).

26. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour prévenir et combattre toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes. Il devrait en particulier :

a) Faciliter le signalement des violences commises contre des femmes et s ’ assurer que tous les cas signalés fassent l ’ objet d ’ enquêtes diligentes et approfondies, que les responsables soient traduits en justice et que les victimes obtiennent pleinement réparation et aient accès à des moyens de protection ;

b ) Modifier rapidement le Code pénal en abrogeant les articles 334 et 353 et veiller à ce que toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes, telles que la violence familiale et le viol, soient érigées en infractions et passibles de peines appropriées sur l ’ ensemble du territoire ;

c) Intensifier la sensibilisation en vue de dénoncer le caractère inacceptable et les répercussions négatives de la violence à l ’ égard des femmes et accroître les ressources et renforcer les protections dont peuvent disposer les victimes, lancer des programmes qui permettent aux auteurs de violence familiale de modifier leur comportement violent et renforcer les activités de formation destinées à apprendre aux agents de l ’ État à réagir efficacement face à toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes.

Interruption volontaire de grossesse et santé sexuelle et procréative

27.Le Comité constate avec préoccupation que les articles 321 à 323 du Code pénal incriminent l’avortement, hormis en cas de grave danger pour la vie de la femme. S’il prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle les juges peuvent autoriser l’avortement au cas par cas, le Comité est néanmoins préoccupé par les informations selon lesquelles des femmes auraient recours à des avortements non sécurisés, qui mettent leur vie et leur santé en péril (art. 3, 6, 7, 17 et 26).

28. L ’ État partie devrait modifier sa législation afin de garantir l ’ accès effectif à un avortement sécurisé et légal lorsque la vie ou la santé d ’ une femme ou d ’ une fille enceinte est menacée ou lorsque le fait de mener une grossesse à son terme est susceptible de causer une douleur ou des souffrances importantes à la femme ou à la fille en question, tout particulièrement lorsque la grossesse résulte d ’ un viol ou d ’ un inceste ou lorsqu ’elle n ’ est pas viable. Il devrait également veiller à ce que les femmes et les filles qui ont recours à l ’ avortement ainsi que les médecins qui les aident ne fassent pas l ’ objet de sanctions pénales, étant donné que de telles mesures contraignent les femmes et les filles à recourir à l ’ avortement non sécurisé . L ’ État partie devrait en outre mettre en place des politiques éducatives pour sensibiliser les femmes, les hommes et les adolescents à la santé sexuelle et procréative et garantir l ’ accès à des moyens de contraception et à des services de santé de la procréation appropriés et d ’ un coût abordable.

Mesures de lutte contre le terrorisme

29.Le Comité reconnaît la nécessité pour l’État partie d’adopter des mesures visant à lutter contre le terrorisme. Toutefois, il est préoccupé par le fait que la loi sur la protection de la société contre les actes de terrorisme (loi no 58 de 2006) donne du terrorisme une définition excessivement large qui laisse une trop grande place à l’interprétation et peut entraîner des violations du droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de l’utilisation très fréquente de la loi en dehors du champ du terrorisme, y compris contre des défenseurs des droits de l’homme et des militants politiques, et de violations de l’article 14 du Pacte dans le cadre de procès fondés sur ladite loi. À cet égard, le Comité prend note avec préoccupation de l’affaire de la « Coalition du 14 février », dans laquelle 50 personnes, parmi lesquelles des défenseurs des droits de l’homme et des militants politiques, ont été jugées en vertu de cette loi et de l’affaire des « Treize de Bahreïn », dans laquelle 13 dirigeants de l’opposition ont été jugés et condamnés en vertu de ladite loi (art. 9, 14, 17, 19, 21 et 22).

30. L ’ État partie devrait rendre sa législation et ses pratiques relatives à la lutte contre le terrorisme et contre l ’ extrémisme pleinement conformes au Pacte, notamment en modifiant la loi sur la protection de la société contre les actes de terrorisme (loi n o  58 de 2006), afin de clarifier et de préciser les notions vagues évoquées plus haut et de garantir ainsi la conformité de ces notions avec les principes de sécurité et de prévisibilité juridiques et une application des textes qui ne réprime pas des comportements et des discours protégés. Il devrait également veiller à ce que le droit à un procès équitable et le droit d ’ accéder à la justice soient respectés dans le cadre de toutes les procédures pénales relatives au terrorisme.

Peine de mort

31.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie a levé son moratoire sur la peine de mort en janvier 2017 et que depuis, selon certaines informations, le nombre de condamnations à mort a augmenté. Il est particulièrement préoccupé par le fait que la peine capitale est prononcée pour des crimes autres que les « crimes les plus graves » au sens de l’article 6 (par. 2) du Pacte, qui n’autorise la peine de mort que pour les homicides volontaires. En effet, le droit interne prévoit l’imposition de la peine de mort pour des infractions telles que le trafic de drogues, le fait d’entraver délibérément des funérailles ou des commémorations, certaines atteintes aux biens s’accompagnant de circonstances aggravantes, et toute infraction passible d’une peine d’emprisonnement à vie en vertu de la common law, si cette infraction est commise à des fins de terrorisme. Le Comité s’inquiète en outre des allégations selon lesquelles des condamnations à mort ont été prononcées sur la base d’aveux obtenus par la contrainte ou la torture ou dans le cadre de procès qui n’étaient pas conformes aux normes énoncées à l’article 14 du Pacte. Le Comité trouve regrettable que l’État partie n’ait pas donné d’informations sur le nombre de condamnés qui sont actuellement en attente d’exécution. Il constate également que, bien que la Constitution de Bahreïn garantisse de nombreux droits, le droit à la vie n’y est pas expressément reconnu (art. 2, 6, 7, 9 et 14).

32. L ’ État partie devrait rétablir le moratoire et envisager d ’ abolir la peine de mort et d ’ adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte , visant à abolir la peine de mort . S ’ il maintient la peine de mort, l ’ État partie devrait, à titre prioritaire, prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que cette peine ne soit imposée que pour les crimes les plus graves, l iés à des homicides volontaires, à ce qu ’ elle ne soit en aucun cas obligatoire , à ce que la grâce ou une commutation de peine puissent dans tous les cas être accordées, indépendamment de l ’infraction commise, à ce que cette peine ne soit jamais imposée en violation du Pacte, notamment en l ’ absence de procédures régulières , et à ce qu’elle ne soit pas prononcée par des tribunaux militaires, en particulier contre des civils.

Opérations militaires extraterritoriales

33.Le Comité regrette l’absence d’informations sur les mesures prises pour protéger le droit à la vie dans le cadre des opérations militaires extraterritoriales menées par l’État partie, en particulier au Yémen, et sur les mécanismes mis en place pour garantir l’application du principe de responsabilité pour les pertes en vies humaines qui résultent de ces opérations (art. 2, 6 et 14).

34. L ’ État partie devrait veiller à ce que s es opérations militaires extraterritoriales soient pleinement conformes à ses obligations au titre de l ’ article 6 du Pacte, en particulier en ce qui concerne les principes de précaution, de distinction et de proportionnalité dans le contexte d ’ un conflit armé. Il devrait également mener des enquêtes indépendantes, impartiales, rapides et efficaces sur les violations potentielles du droit à la vie et traduire en justice les responsables de telles violations .

Informations faisant état d’un usage excessif de la force

35.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’un usage excessif et disproportionné de la force létale et par les allégations selon lesquelles des civils qui ont participé aux manifestations pacifiques organisées en 2011 pour demander un changement politique et démocratique ont été victimes de disparitions forcées, d’actes de torture et de détentions arbitraires ou ont fait l’objet de menaces. Il prend note avec préoccupation des informations signalant l’accroissement récent du recours à la violence par les agents des forces de l’ordre lors de manifestations pacifiques, y compris les informations selon lesquelles 6 personnes auraient trouvé la mort lors de manifestations et 10 autres exécutions extrajudiciaires auraient eu lieu en 2017. Le Comité prend également note avec préoccupation des informations indiquant que des manifestants blessés pendant des manifestations ont été interrogés dans des structures médicales au sujet de leur participation aux manifestations et privés de soins médicaux (art. 2, 6, 7, 9, 10, 16, 19 et 21).

36. L ’ État partie devrait enquêter de manière approfondie, conformément aux normes internationales, sur toutes les allégations concernant l ’ implication de membres des forces de l ’ ordre et des forces de sécurité dans les meurtres de civils, l ’ usage excessif de la force, les détentions arbitraires, les disparitions forcées, la torture et les mauvais traitements depuis 2011. En outre, il devrait engager des poursuites pénales contre les auteurs présumés de ces actes, condamner les personnes reconnues coupables et accorder aux victimes une réparation intégrale, y compris une indemnisation suffisante . E n cas de disparition forcée, il convient également de faire la clarté sur le sort réservé aux victimes ou le lieu où elles se trouvent. L ’ État partie devrait également veiller à ce que tous les manifestants blessés pendant des manifestations aient accès à une assistance médicale. Il devrait en outre prendre des mesures pour prévenir et éliminer de manière effective tout usage excessif de la force de la part des agents des services de police et de sécurité, et veiller notamment à ce que ces personnels reçoivent systématiquement une formation à l ’ usage de la force, compte dûment tenu des Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois.

Interdiction de la torture et des mauvais traitements

37.Le Comité prend note avec préoccupation des informations qui indiquent que la torture et les mauvais traitements sont souvent pratiqués par les agents de la force publique, notamment pour obtenir des aveux, que, malgré l’interdiction inscrite dans la loi, des aveux obtenus par la contrainte ont été utilisés comme éléments de preuve devant les tribunaux, et que les allégations formulées à ce sujet par les accusés n’ont pas fait l’objet d’une enquête adéquate. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles la torture serait pratiquée dans les prisons, en particulier dans la prison de Jau. Il prend note avec inquiétude de l’absence d’informations sur le nombre d’enquêtes menées et de condamnations prononcées par rapport au nombre de plaintes concernant des actes de torture et des mauvais traitements (art. 2, 6, 7 et 14).

38. L ’ État partie devrait :

a) Prendre des mesures énergiques pour prévenir la torture et les mauvais traitements et pour faire en sorte que tous ces actes fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes indépendantes et approfondies, que les responsables soient traduits en justice et que les victimes obtiennent pleinement réparation  ;

b) Mettre en place un mécanisme de plainte accessible, indépendant et efficace qui permette de lutter contre la torture ;

c) Recueillir des données exactes sur les cas de torture et de mauvais traitements et sur les poursuites, condamnations et peines y afférentes, et rendre ces données publiques ;

d) Faire en sorte que les aveux obtenus en violation de l ’ article 7 du Pacte ne soient en aucun cas admis par les tribunaux, que les allégations des accusés qui affirment avoir fait une déclaration sous la torture ou à la suite de mauvais traitements fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes appropriées et qu ’ il revienne aux autorités de prouver que les aveux étaient volontaires ;

e) Dispenser au personnel des forces de sécurité et des autres institutions de la force publique une formation efficace sur la prévention de la torture et sur ce en quoi consiste un traitement humain.

Liberté et sécurité de la personne

39.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie mais demeure préoccupé par les informations faisant état d’arrestations et de détentions arbitraires et extrajudiciaires par les forces de sécurité, y compris la détention au secret, sans accès à un avocat et sans contacts avec la famille. Il est également préoccupé par le fait que les autorités n’informeraient pas toutes les personnes privées de liberté de leurs droits au moment de l’arrestation et de la mise en détention. À cet égard, le Comité prend note avec préoccupation, notamment, des cas de Khalil al-Marzooq, ancien membre du Parlement appartenant au principal groupe d’opposition al‑Wefaq, et de Maryam al-Khawaja, célèbre défenseuse des droits de l’homme, qui auraient été arbitrairement arrêtés et n’auraient pas eu accès à un avocat pendant leur détention (art. 9 et 14).

40. L ’ État partie devrait mettre sa législation et ses pratiques en conformité avec l ’ article 9 du Pacte, compte tenu de l ’ observation générale n o  35 (2014) du Comité sur la liberté et la sécurité de la personne. Il devrait entre autres choses veiller à ce que, dans la pratique, toutes les personnes privées de liberté soient informées sans délai de leurs droits et bénéficient de toutes les garanties légales fondamentales dès leur placement en détention, notamment du droit d ’ accéder rapidement à un conseil de leur choix et de le rencontrer en toute confidentialité. Il devrait aussi veiller à ce que tout manquement en la matière constitue une violation des droits procéduraux entraînant des sanctions appropriées et donnant droit à une réparation adéquate.

Traitement des détenus

41.Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie pour construire de nouveaux centres pénitentiaires et des informations selon lesquelles la Commission des droits des prisonniers et des détenus effectue des visites sans préavis dans les centres de détention, mais il s’inquiète d’apprendre que les détenus vivent dans des conditions inhumaines, puisqu’il a notamment été fait état d’une forte surpopulation, de mauvaises conditions d’hygiène, d’un accès insuffisant à l’eau potable et de toilettes insalubres, en particulier dans la prison de Jau (art. 2, 6, 7 et 10).

42. L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour remédier au surpeuplement dans les lieux de détention, notamment en recourant à des mesures non privatives de liberté. Il devrait aussi veiller à ce que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à l ’ être humain et, à cette fin, améliorer les conditions de détention de façon à les rendre conformes au Pacte et à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). En outre, il devrait immédiatement prendre des mesures pour revoir son système actuel de surveillance des lieux de détention afin de mettre en place un système de contrôle régulier et véritablement indépendant des lieux de détention, et de garantir ainsi des conditions carcérales conformes aux articles 7 et 10 du Pacte et aux Règles Nelson Mandela.

Demandeurs d’asile et réfugiés

43.Le Comité prend note avec préoccupation de l’affirmation de l’État partie selon laquelle il n’y a pas de réfugiés à Bahreïn, ainsi que de l’absence de cadre juridique national relatif à l’identification et à la protection des réfugiés et des demandeurs d’asile. Le Comité a néanmoins été informé de la présence de demandeurs d’asile et de réfugiés dans l’État partie et constate avec inquiétude que l’absence de mesures de protection suffisantes a donné lieu à des cas de refoulement (art. 2, 6, 7, 13 et 14).

44. L ’État partie devrait prendre d ’ urgence les mesures voulues pour adopter un nouveau cadre juridique complet sur les questions relatives à l ’ asile et aux réfugiés qui respecte les dispositions du Pacte. Il devrait aussi veiller à ce que l ’ interdiction du refoulement soit strictement respectée en toutes circonstances . Il devrait e n outre redoubler d ’ efforts pour garantir une protection efficace aux demandeurs d ’ asile et aux réfugiés.

Indépendance du pouvoir judiciaire et droit à un procès équitable

45.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles, dans la pratique, le pouvoir judiciaire n’est ni pleinement indépendant ni impartial. En particulier, il est préoccupé par le fait que les juges sont nommés par décret royal et que plusieurs d’entre eux ont un contrat de travail renouvelable d’un à trois ans, ce qui compromet la sécurité de leur mandat (art. 14 et 25).

46. L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver, en droit et en fait, la pleine indépendance et la pleine impartialité du pouvoir judiciaire, notamment en veillant à ce que les procédures de sélection et de nomination des juges soient entièrement fondées sur des critères objectifs et transparents permettant d ’ apprécier les qualités des candidats, compte tenu des exigences de qualifications, de compétence et d ’ intégrité, conformément aux principes d ’ indépendance et d ’ impartialité consacrés par le Pacte. Il devrait garantir que le pouvoir judiciaire puisse remplir sa fonction sans aucune forme d ’ ingérence politique.

Traite des êtres humains et travail forcé

47.Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements communiqués par l’État partie concernant les travaux du Comité pour l’évaluation de la situation des étrangers victimes de la traite des personnes, mais il est préoccupé par les informations indiquant que la traite des êtres humains et le travail forcé sont de graves problèmes dans l’État partie. Ils’inquiète également des informations selon lesquelles les travailleurs domestiques migrants sont victimes de mauvais traitements et d’exploitation, se caractérisant notamment par un nombre excessif d’heures de travail etpar des retards de paiement voire le non‑paiement de leur salaire. Il constate avec préoccupation qu’il n’existe pas de recours utiles contre ces mauvais traitements (art. 2, 7, 8 et 26).

48. L ’ État partie de vrait continuer d’intensifier les initiatives menées pour combattre, prévenir, éliminer et réprimer la traite des êtres humains et le travail forcé. Il devrait en particulier veiller à ce que toutes les affaires de traite et de travail forcé fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies, à ce que les auteurs soient traduits en justice et à ce que les victimes obtiennent pleinement réparation et aient accès à un dispositif de protection . Il devrait en outre étendre aux travailleurs domestiques la protection garantie par le droit du travail, notamment en veillant à ce que ces travailleurs puissent exercer leurs droits et soient protégés contre l ’ exploitation et les mauvais traitements, et assurer l ’ accès à des recours juridictionnels utiles pour garantir la protection des droits des travailleurs domestiques migrants.

Liberté de circulation

49.Le Comité prend note de l’explication donnée par l’État partie au sujet de la législation interne applicable aux interdictions de voyager, mais il s’inquiète des nombreuses informations selon lesquelles des journalistes, des opposants politiques, des défenseurs des droits de l’homme et des avocats sont frappés d’interdictions de voyager pour avoir exercé leur activité professionnelle. Il s’inquiète en particulier de ce que l’interdiction de voyager serait utilisée pour empêcher les militants des droits de l’homme d’assister aux sessions du Conseil des droits de l’homme (art. 12, 14, 19, 22 et 25).

50. L ’ État partie devrait veiller à ce que toute restriction aux voyages soit ju stifiée au regard du paragraphe  3 de l ’article  12 du Pacte et lever toute restriction non conforme à cette disposition, s ’ abstenir d ’ imposer arbitrairement des interdictions de voyager aux journalistes, aux membres de l ’ opposition, aux défenseurs des droits de l ’ homme et aux avocats, et garantir que leur liberté de quitter le pays soit pleinement respectée.

Liberté de religion

51.Le Comité prend note du fait que l’article 22 de la Constitution de l’État partie énonce le caractère absolu de la liberté de conscience, mais relève avec préoccupation que certaines pratiques compromettent l’exercice de la liberté de religion ou de conviction consacrée par l’article 18 du Pacte. Il s’inquiète en particulier des informations indiquant que les membres de la communauté chiite voient restreints leur droit de culte et leur droit d’affirmer leurs croyances religieuses, et que la liberté de conscience n’est pas effectivement garantie (art. 18).

52. L ’ État partie devrait dépénaliser le blasphème et garantir à toutes les personnes se trouvant sur son territoire la pleine jouissance du droit à la liberté de conscience, de religion ou de conviction consacré par l ’ article 18 du Pacte. Il devrait en particulier mettre fin aux pratiques discriminatoires qui portent atteinte au droit à la liberté de religion ou de conviction, y compris en redoublant d ’ efforts pour garantir une représentation équilibrée de la population chiite dans les sphères publi que et politique. Il devrait prendre immédiatement des mesures pour garantir que la population chiite soit efficacement protégée contre la discrimination dans tous les domaines.

Liberté d’expression

53.Le Comité est préoccupé par les restrictions sévères imposées à la liberté d’expression et par le nombre important de personnes arrêtées et poursuivies pour avoir critiqué les autorités publiques ou des personnalités politiques, notamment dans les médias sociaux. À ce propos, il prend note avec préoccupation des cas, notamment, de Nabeel Rajab, de Zainab al-Khawaja, de Ghada Jamsheer, de Qasim Zainal Deen, d’Ahmed al-Fardan et de Faisal Hayyt. Il s’inquiète aussi d’apprendre que l’État partie a pris pour cible le journal Al-Wasat, qui aurait été le seul organe de presse semi-indépendant du pays ; les autorités publiques auraient notamment suspendu l’impression et la diffusion en ligne du journal, ce qui aurait conduit à sa fermeture définitive en 2017. Il est aussi préoccupé par :

a)Le caractère général des dispositions du Code pénal qui incriminent et rendent passibles d’emprisonnement certains actes, parmi lesquels les critiques à l’égard d’agents de l’État, l’outrage au Roi, la publication et la diffusion de rumeurs et de fausses nouvelles, et la publication de fausses informations ;

b)Le caractère général et vague des dispositions du décret-loi no 47 de 2002 régissant la presse, l’impression et les publications, en vertu desquelles les journalistes et les militants peuvent être poursuivis et condamnés à des peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement ;

c)L’article 88 du décret-loi no 47, en vertu duquel les journalistes sont tenus de se faire délivrer par l’autorité chargée de l’information une licence à renouveler chaque année pour pouvoir collaborer avec des organes de presse étrangers ;

d)Les restrictions sévères imposées aux droits numériques, notamment par le pouvoir qu’a l’État partie de filtrer les sites Web qui diffusent des critiques à l’égard de la famille royale ou du Gouvernement ou du contenu susceptible d’être considéré comme portant atteinte aux religions et à l’ordre public (art. 2, 14, 18 et 19).

54. L ’ État partie devrait protéger la liberté d’expression, conformément à l’article 19 du Pacte. Il devrait en particulier :

a) Dépénaliser le blasphème ainsi que l ’ outrage et les critiques à l ’ égard des représentants de l ’ État  ;

b) Envisager de dépénaliser la diffamation et, en tout état de cause, appliquer la législation pénale uniquement aux cas les plus graves, en gardant à l ’ esprit, comme indiqué par le Comité dans son observation générale n o 34 (2011) sur la liberté d ’ opinion et la liberté d ’ expression, que l ’ emprisonnement ne constitue jamais une peine appropriée en cas de diffamation  ;

c ) Libérer immédiatement et sans conditions quiconque a été incarcéré uniquement pour avoir exercé pacifiquement ses droits, notamment les défenseurs des droits de l ’ homme, les militants, les avocats et les syndicalistes  ;

d ) Revoir et modifier les dispositions du Code pénal, du décret- loi n o  47 et de la ré glementation sur les droits numériques de façon à les rendre conformes à l ’ article 19 du Pacte et à l ’observation générale n o 34 (2011)  ;

e ) Protéger efficacement les journalistes, les militants et les défenseurs des droits de l ’ homme contre les attaques ou les manœuvres d ’ intimidation, et veiller à ce que toutes les violations des droits de l ’ homme commises contre ces personnes fassent l ’ objet d ’ une enquête approfondie et à ce que les responsables soient traduits en justice.

Liberté de réunion

55.Le Comité constate avec préoccupation que le droit à la liberté de réunion est strictement limité et relève que la tenue de rassemblements publics et de défilés est soumise à de sévères restrictions énoncées dans un décret de 1973 relatif aux rassemblements publics et la loi no 32/2006. À ce propos, il constate avec inquiétude que la participation à des rassemblements publics sans autorisation de l’État est une infraction passible d’amende et/ou d’emprisonnement. Il s’inquiète aussi du fait que l’État partie invoquerait régulièrement des dispositions juridiques selon lesquelles telle réunion est illégale pour disperser violemment des manifestants et arrêter des militants, des défenseurs des droits de l’homme et des membres de l’opposition (art. 19 et 21).

56. L ’ État partie devrait veiller à garantir le droit de tous à la liberté de réunion, sans discrimination. Il devrait également faire en sorte que les menaces, le harcèlement et les agressions dont sont victimes des militants, des défenseurs des droits de l’homme et des membres de l’opposition fassent l ’ objet d ’ enquêtes diligentes, efficaces et impartiales et, s ’ il y a lieu, que les auteurs de tels actes soient poursuivis .

Liberté d’association

57.Le Comité est préoccupé d’apprendre que les autorités ont restreint les activités d’organisations de défense des droits de l’homme et de groupes d’opposition et qu’elles les ont, dans certains cas, dissous. Il s’inquiète de l’usage d’une législation restrictive, notamment de la loi sur les associations, de la loi sur les associations politiques, du Code pénal et de la loi relative à la protection de la société contre les actes terroristes, dans le but de compliquer la tâche des organisations non gouvernementales s’agissant de s’enregistrer et de mener leurs activités. À ce propos, il note avec préoccupation que le Ministère du travail et du développement social a ordonné en 2014 la fermeture du Centre bahreïnien pour les droits de l’homme. Il relève en outre avec inquiétude qu’il est interdit aux organisations de la société civile de mener des activités considérées comme étant à caractère politique (art. 2, 19 et 22).

58. L ’État partie devrait modifier les lois, règlements et pratiques pertinents en vue de les mettre en pleine conformité ave c les articles 19 et 22 du Pacte. Il  devrait en particulier s ’ abstenir de dissoudre d es organisations de défense des droits de l ’ homme et d es groupes d ’ opposition qui exercent légitimement leurs droits et prendre toutes les mesures voulues pour réinstituer ces organisations. Il devrait simplifier les règles régissant l ’ enregistrement et revoir les motifs de refus d ’ enregistrement ou de fermeture définitive des organisations non gouvernementales. Il devrait en outre modifier sa législation de façon à autoriser les organisations de la société civile à mener des activités à caractère politique.

Représailles

59.Le Comité prend note avec préoccupation des nombreuses informations selon lesquelles les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes font l’objet de représailles en raison de leur travail, en particulier lorsqu’ils collaborent avec des organes conventionnels de l’ONU et avec le Conseil des droits de l’homme. Il prend acte des renseignements que lui a communiqués la délégation de l’État partie, mais note qu’on lui a signalé des cas de représailles à l’égard de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme, notamment qu’il continue de recevoir des informations concernant des cas d’interdictions de voyager, de harcèlement, de tentatives d’intimidation, de menaces de mort, de violence, d’arrestation et de détention arbitraire, et que ce phénomène semble avoir pris de l’ampleur ces dernières années. Il s’inquiète des cas de Yusuf al-Hoori, de Sayed Ahmed Alwadaei, d’Ebtisam al-Saegh, et d’autres, qui auraient été victimes de représailles. Le Comité appelle l’attention sur la résolution 68/268 en date du 9 avril 2014, dans laquelle l’Assemblée générale « condamne fermement tous les actes d’intimidation et de représailles dirigés contre les individus ou les groupes qui contribuent aux travaux des organes conventionnels des droits de l’homme, et exhorte les États à prendre toutes mesures appropriées […] pour prévenir et éliminer ces violations des droits de l’homme » (art. 2, 6, 7, 19, 21 et 22).

60. L ’ État partie devrait prendre d ’ urgence toutes les mesures voulues pour éviter d ’ exercer une influence excessive sur les défenseurs des droits de l ’ homme et garantir que ceux-ci soient libres de faire leur travail sans craindre de subir des représailles ou de se voir imposer des restrictions injustifiées. Il devrait veiller à garantir l ’ accès de tous, sans entrave, aux organes conventionnels et à leurs membres afin que ceux-ci puissent s ’ acquitter efficacement de leur mandat, en application des Principes directeurs relatifs à la lutte contre l ’ intimidation ou les représailles (Principes directeurs de San José). Il devrait aussi mener des enquêtes approfondies, efficaces, indépendantes et impartiales sur tous les actes de violence commis sur la personne de journalistes et de défenseurs des droits de l ’ homme et veiller à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et sanctionnés et à ce que les victimes ou leur famille puissent obtenir une réparation effective.

Nationalité

61.Le Comité constate avec préoccupation que des personnes ont été déchues de leur nationalité, en application notamment des lois relatives à la lutte contre le terrorisme, et que certaines d’entre elles sont aujourd’hui apatrides, et ont été expulsées ou risquent de l’être sous peu. Il prend acte avec une profonde préoccupation du nombre important de cas et de circonstances dans lesquels la législation interne autorise la déchéance de nationalité et relève que cette mesure s’applique notamment à quiconque aide un État hostile ou agit à son service, ou à quiconque porte atteinte aux intérêts du Royaume ou agit de telle sorte qu’il manque à son devoir de loyauté à l’égard de celui-ci (art. 2, 14, 16, 24, 25 et 26).

62. L ’ État partie devrait prendre d ’ urgence des mesures concrètes pour réviser sa législation de façon à garantir que nul ne soit déchu de l a nationalité si ce n ’ est en application du Pacte et des normes internationales et sous réserve d ’ un contrôle juridictionnel indépendant. Il devrait également prendre toutes les mesures juridiques et pratiques nécessaires pour prévenir les cas d ’ apatridie et en réduire le nombre , et notamment envisager d’ adhérer à la Convention relative au statut des apatrides (1954) et à la Convention sur la réduction des cas d ’ apatridie (1961).

Droit de prendre part à la conduite des affaires publiques

63.Le Comité est préoccupé d’apprendre que la population chiite est sous-représentée dans la vie politique et publique, notamment au sein de l’Assemblée nationale. Il note également avec inquiétude que les partis d’opposition al-Wefaq et Wa’ad ont récemment été dissous et que des poursuites ont été intentées contre leurs dirigeants et leurs membres. Il s’inquiète en outre des allégations de redécoupage de circonscriptions et de fraude électorale. Bien qu’il existe un Bureau national de contrôle des comptes, chargé d’enquêter sur les affaires de corruption publique, il regrette que les hauts responsables soupçonnés de corruption soient rarement sanctionnés (art. 2, 25 et 26).

64. L ’ État partie devrait garantir à tous les citoyens l ’ égalité d ’ exercice des droits de participation effective aux affaires publiques, consacrés par l ’article  25 du Pacte. Il devrait revenir sur ses décisions de dissoudre d es partis d ’ opposition et veiller à ce que les partis politiques et leurs membres soient autorisés à participer à la vie politique, conformément à l ’article  25. Il  devrait redoubler d ’ efforts pour lutter contre la corruption, en particulier parmi les membres du Gouvernement .

D.Diffusion et suivi

65. L ’ État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, de son rapport initial, des réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu ’ auprès du grand public afin de les sensibiliser aux droits consacrés par le Pacte.

66. Conformément au paragraphe 5 de l ’ article 71 du r èglement intérieur du Comité, l ’ État partie est invité à faire parvenir, au plus tard le 27 juillet 2020, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 13 (tribunaux militaires), 31 (peine de mort) et 53 (liberté d ’ expression).

67. Le Comité demande à l ’ État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 27 juillet 2022 au plus tard et d ’ y faire figurer des renseignements précis et à jour sur la suite qu ’ il aura donnée aux autres recommandations formulées dans les présentes observations finales et sur l ’ application du Pacte dans son ensemble. Il demande également à l ’ État partie, lorsqu ’ il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, ce document ne devra pas compter plus de 21 200 mots. L ’ État partie peut aussi indiquer au Comité, avant le 27 juillet 2019, qu ’ il accepte d ’ établir son rapport en suivant la procédure simplifiée. En pareil cas, le Comité transmet une liste de points à l ’ État partie avant que celui-ci ne soumette son rapport. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constitueront son rapport périodique suivant à soumettre en application de l ’ article 40 du Pacte.