Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de Chypre *

Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de Chypre (CCPR/C/CYP/4) à ses 3142e et 3143e séances (CCPR/C/SR.3142 et 3143), les 19 et 20 mars 2015. À sa 3157e séance (CCPR/C/SR.3157), le 31 mars 2015, le Comité a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de Chypre, qui était toutefois attendu depuis dix ans, et les informations qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures que celui-ci a prises pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité se félicite des réponses écrites (CCPR/C/CYP/Q/4/Add.1) à la liste de points à traiter (CCPR/C/CYP/Q/4), qui ont été complétées oralement par la délégation au cours du dialogue et par des renseignements supplémentaires fournis par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles suivantes :

a)L’adoption, en mars 2004, de la loi relative à l’égalité de traitement (origine raciale ou ethnique) (L.59(I)/2004, telle que modifiée) et de la loi relative à l’égalité de traitement en matière d’emploi et de profession (L.58(I)/2004, telle que modifiée), ainsi que l’élargissement des compétences et pouvoirs du Médiateur, en vertu de la loi relative à la lutte contre la discrimination raciale et d’autres formes de discrimination (Médiateur) (L.42(I)/2004), s’agissant de l’application effective de ces lois;

b)L’adoption de la loi relative à la violence dans la famille (Prévention et protection des victimes) (L.212(I)/2004, telle que modifiée);

c)L’adoption de la loi portant modification du Code pénal (L. 18(I)/2006), qui a porté à 14 ans l’âge de la responsabilité pénale;

d)La modification de la loi relative aux enfants (Cap. 352, tel que modifié), qui est entrée en vigueur le 20 juin 2013 et qui a abrogé une disposition de l’article 54 concernant « le droit de tout parent, enseignant ou autre personne ayant légalement le contrôle ou la charge de l’enfant d’administrer un châtiment »;

e)L’adoption, en 2014, de lignes directrices pour la prévention du suicide dans les prisons et les centres de détention.

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux ci-après ou son adhésion à ces instruments :

a)Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, en 1999;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2006;

c)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2009;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2010;

e)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, en 2011.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité note avec préoccupation que le Bureau du Commissaire à l’administration (Médiateur) ne dispose pas des ressources financières, techniques et humaines dont il aurait besoin pour pouvoir s’acquitter de son très vaste mandat, qu’il ne peut pas nommer son propre personnel et qu’il manque d’autonomie financière. En outre, le Comité est préoccupé par l’absence de personnel turcophone et par le fait que les rapports établis par le Bureau ne sont pas publiés en turc (art. 2).

L’État partie devrait veiller à ce que le Médiateur dispose des ressources financières, techniques et humaines nécessaires pour pouvoir s’acquitter efficacement de sa tâche en toute indépendance conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe).

Discrimination fondée sur la nationalité

Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que les dispositions législatives relatives à la nationalité seraient appliquées d’une manière discriminatoire à l’égard de membres de certains groupes, en particulier des enfants de Chypriotes turcs et des personnes originaires d’Asie du Sud-Est, et que des membres de ce dernier groupe rencontreraient des obstacles pour obtenir la nationalité chypriote alors qu’ils remplissent les conditions légales requises à cet effet (art. 2 et 26).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les dispositions législatives relatives à la nationalité soient appliquées sans discrimination à partir de critères clairement définis. Il devrait veiller à ce que les requérants aient accès aux informations concernant les conditions à remplir pour obtenir la nationalité et reçoivent dans un délai raisonnable une réponse à leur demande de nationalité.

Discrimination raciale

Malgré les efforts faits par l’État partie pour lutter contre la discrimination raciale, le Comité note avec préoccupation les informations faisant état d’une multiplication des actes de violence verbale et physique à caractère raciste commis par des groupes d’extrême droite et néo-nazis contre des personnes d’origine étrangère, des défenseurs des droits de l’homme et des Chypriotes turcs. Il constate également avec préoccupation que des membres de la communauté rom continuent de faire de facto l’objet de discrimination et d’exclusion sociale dans les domaines du logement, de l’éducation et de l’emploi (art. 2, 20 et 26).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour mettre fin à la discrimination raciale à l’égard des Chypriotes turcs, des Roms et d’autres minorités, notamment en menant des campagnes de sensibilisation auprès de la population pour promouvoir la tolérance et le respect de la diversité. L’État partie devrait faire en sorte que les cas de violence à motivation raciale donnent rapidement lieu à une enquête, que les auteurs soient poursuivis et, le cas échéant, sanctionnés, et que les victimes reçoivent une indemnisation.

Égalité entre les sexes

Tout en saluant les mesures prises par l’État partie pour promouvoir l’égalité entre les sexes, notamment l’adoption du nouveau plan national d’action pour l’égalité des sexes 2014-2017 et la progression de la représentation des femmes à un certain nombre de postes de responsabilité dans la fonction publique, le Comité demeure préoccupé par le taux généralement faible de représentation des femmes à de nombreux postes de décision, par la participation limitée des femmes au processus de paix et par l’écart de rémunération de 16 % qui existe entre les hommes et les femmes (art. 2, 3 et 26).

L’État partie devrait  :

a) Redoubler d’efforts pour accroître la représentation des femmes aux postes de responsabilité dans l’administration publique, si nécessaire en améliorant les possibilités d’éducation et en adoptant des mesures spéciales appropriées et opportunes pour donner effet aux dispositions du Pacte;

b) Garantir la participation des femmes à toutes les étapes du p rocessus de paix, y  compris à la prise de décisions, conformément aux dispositions de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité;

c) Prendre de nouvelles mesures concrètes pour combler l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes.

Personnes déplacées à l’intérieur du pays

Tout en saluant la décision de l’État partie de reconnaître les enfants nés de femmes déplacées à l’intérieur du pays, le Comité demeure préoccupé par le fait que l’amendement en question s’applique uniquement à certains programmes de logements sociaux et certaines prestations et ne donne pas aux enfants concernés accès aux mêmes droits qu’aux enfants nés de pères déplacés, en particulier au droit de participer aux élections le moment voulu (art. 2, 3, 25 et 26).

L’État partie devrait modifier sa législation de sorte que les enfants nés de femmes qui ont été déplacées à l’intérieur du pays bénéficient des mêmes avantages que les enfants nés de pères déplacés, sans aucune sorte de distinction.

Personnes portées disparues

Tout en saluant le concours apporté par l’État partie au Comité des personnes disparues dans l’exercice de son mandat, le Comité des droits de l’homme est préoccupé par les informations indiquant que les recherches concernant les personnes disparues sont axées en priorité sur les Chypriotes grecs au détriment des Chypriotes turcs. Le Comité est aussi préoccupé par l’absence d’informations concernant les réparations accordées aux familles des victimes et les mesures prises pour enquêter sur les cas de personnes disparues et poursuivre les responsables en justice (art. 2, 3, 6, 7 et 23).

L’État partie devrait continuer d’apporter son concours au Comité des personnes disparues et prendre immédiatement des mesures pour enquêter d’une manière efficace, transparente, indépendante et impartiale sur tous les cas non encore élucidés de personnes portées disparues appartenant aussi bien à la communauté turque qu’à la communauté grecque. Il devrait également veiller à ce que les familles des victimes obtiennent une réparation adéquate, y compris une indemnisation suffisante et des moyens de réadaptation psychologique, et à ce que les responsables soient dûment poursuivis et sanctionnés.

Torture et mauvais traitements

Malgré les mesures prises par l’État partie pour lutter contre les actes de torture et les mauvais traitements commis par la police, notamment l’établissement d’une autorité indépendante chargée d’enquêter sur les allégations et les plaintes visant la police, le Comité est préoccupé par le nombre limité de données disponibles concernant les plaintes pour torture et mauvais traitements et par le petit nombre d’enquêtes, de poursuites, de condamnations et de sanctions visant les auteurs de tels actes (art. 7 et 10).

L’État partie devrait intensifier ses efforts visant à éliminer la torture et les mauvais traitements et faire en sorte que de tels actes fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies et indépendantes, que les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements soient poursuivis et condamnés à des peines à la hauteur de la gravité des actes commis, que les plaignants bénéficient d’une protection adéquate et que les victimes aient accès à des recours utiles, notamment à une indemnisation suffisante.

Usage excessif de la force

Le Comité est préoccupé par les allégations d’usage excessif de la force par des policiers lors d’arrestations et de placements en détention, notamment par l’utilisation de gaz lacrymogène contre des migrants et des demandeurs d’asile dans le centre de détention Menoyia en 2013. Il constate également avec préoccupation qu’aucune information n’a été fournie sur les mesures prises par la suite pour enquêter sur ces incidents et poursuivre et sanctionner les responsables (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait établir des procédures d’enquête efficaces afin que les agents des forces de l’ordre reconnus coupables d’usage excessif de la force lors des incidents de 2013 soient sanctionnés. L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour empêcher que de tels actes de violence et de mauvais traitements commis par la police ne se reproduisent à l’avenir.

Non-refoulement

Le Comité note que l’article 4 de la loi relative aux réfugiés (L.6(I)/2000, telle que modifiée) interdit le refoulement, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles certains demandeurs d’asile auraient été expulsés vers des pays où il y a de bonnes raisons de croire qu’ils courent un risque réel d’être soumis à la torture. Le Comité craint en outre que le processus de contrôle visant à repérer les victimes de torture et de traite parmi les demandeurs d’asile ne soit pas conforme aux normes internationales (art. 6, 7 et 13).

L’État partie devrait respecter le principe de non-refoulement en veillant à ce que les demandeurs d’asile ne soient pas extradés, expulsés ni renvoyés dans un pays où il y a de bonnes raisons de croire qu’ils courent un risque réel de préjudice irréparable, te l que ceux énoncés aux articles  6 et 7 du Pacte.

Détention de migrants et de demandeurs d’asile

Tout en se félicitant des mesures prises par l’État partie pour prévenir la détention des migrants et des demandeurs d’asile, le Comité demeure préoccupé par le grand nombre de migrants et de demandeurs d’asile, y compris des femmes séparées de leurs jeunes enfants, qui restent en détention durant des périodes prolongées en attendant d’être expulsés. Il relève en outre avec préoccupation que les demandeurs d’asile n’ont pas la possibilité d’accéder à des conseils juridiques à toutes les étapes administratives de la procédure de détermination du statut de réfugié (art. 9 et 13).

L’État partie devrait  :

a) Veiller à ce que les personnes en attente d’expulsion soient placées en détention pendant la durée la plus brève possible, conformément aux normes énoncées par le Comité dans son Observation générale n o 35 (2014) concernant la liberté et la sécurité de la personne, et à ce que les mères avec de jeunes enfants ne soient pas détenues, à moins de circonstances très exceptionnelles;

b) Adopter dans la mesure du possible d’autres solutions que la détention pour les migrants et les demandeurs d’asile;

c) Envisager de modifier la loi relative aux réfugiés et la loi relative à l’assistance juridique de façon à garantir un accès, le cas échéant, à des conseils juridiques à toutes les étapes de la procédure d’asile.

Conditions de détention et violence en prison

Le Comité prend note des efforts mis en œuvre par l’État partie pour réduire la surpopulation carcérale et améliorer les conditions de détention, mais il demeure préoccupé par les informations signalant des cas de violence entre détenus, y compris de viols collectifs, des placements en isolement d’une durée excessive et le fait que les détenus mineurs et les migrants ne sont pas toujours séparés des autres détenus (art. 6, 7 et 10).

L’État partie devrait continuer d’intensifier ses efforts pour améliorer les conditions de détention en prenant d es mesures concrètes, notamment pour  :

a) Réduire la surpopulation carcérale, en particulier en mettant en place des solutions de substitution à la détention;

b) Prévenir les cas de violence entre détenus, notamment en mettant en œuvre des mécanismes de contrôle efficaces et en formant le personnel pénitentiaire pour lui apprendre à repérer les détenus les plus exposés à la violence entre détenus;

c) Enquêter sur les cas de violence entre détenus, en particulier les cas meurtriers, poursuivre et condamner les auteurs à des peines proportionnées à l’infraction et indemniser les victimes.

Violence familiale

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour prévenir la violence dans la famille, mais il reste préoccupé par le petit nombre d’enquêtes, de condamnations et de poursuites visant les responsables, et par les moyens limités disponibles pour le traitement des victimes de violence sexuelle (art. 2, 3, 7 et 23).

L’État partie devrait veiller à ce que toutes les affaires de violence familiale donnent lieu à des enquêtes approfondies, à ce que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, dûment sanctionnés, et à ce que les victimes disposent de recours utiles, notamment d’une protection et d’un accès à des foyers d’accueil et à des centres d’aide aux victimes de viol. L’État partie devrait en outre établir un système de signalement complet et une base de données concernant de tels actes afin d’analyser et d’évaluer les domaines actuels et les nouveaux domaines dans lesquels des améliorations doivent être rapidement apportées. L’État partie devrait prendre immédiatement de nouvelles mesures pour mettre en œuvre les recommandations formulées dans le rapport du Médiateur sur la violence familiale, notamment celles qui concernent la redéfinition du terme « violence » et des catégories de personnes protégées.

Points de passage

Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie pour convenir avec les dirigeants chypriotes turcs de nouveaux points de passage, mais il constate avec préoccupation que certaines restrictions du passage de la « ligne verte », notamment la politique de l’État partie concernant le passage des personnes venant de Turquie et de leurs descendants nés dans les régions occupées, entravent indûment l’exercice du droit à la liberté de circulation garanti à tous les résidents de l’île par l’article 12 du Pacte (art. 2 et 12).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour ouvrir de nouveaux points de passage et prendre des mesures pour faciliter l’accès des résidents de la partie nord de l’île à la partie sud.

Accès aux lieux de culte

Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la liberté de religion et de conviction de certaines minorités, en particulier des musulmans, fait l’objet de restrictions indues du fait de l’accès limité aux lieux de prière, notamment à la mosquée Hala Sultan Tekke qui n’est ouverte au culte que le vendredi, et par les informations selon lesquelles les cimetières musulmans ne sont pas correctement entretenus. Le Comité note également avec préoccupation que les restrictions de circulation aux points de passage mentionnées au paragraphe 17 ci-dessus empêchent certains Chypriotes turcs de se rendre en pèlerinage dans la partie sud de l’île (art. 12 et 18).

L’État partie devrait faire en sorte que sa législation et sa pratique soient entièrement conformes aux dispositions de l’article 18 du Pacte, en prenant immédiatement des mesures pour éliminer toute restriction indue à l’accès aux lieux de culte, notamment les restrictions qui limitent le culte à une journée par semaine.

Éducation religieuse

Le Comité note que les élèves, directement ou par l’intermédiaire de leurs parents, ont le droit de demander à être dispensés d’assister aux cours d’éducation religieuse autres que ceux de leur propre religion, mais il demeure préoccupé de constater que, dans certains cas, les élèves dispensés sont quand même obligés de rester dans la classe. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’information concernant les mesures prises en vue d’appuyer l’éducation religieuse pour les communautés non orthodoxes (art. 2, 18 et 27).

L’État partie devrait veiller à ce que chaque élève soit libre de participer ou non à l’instruction religieuse à l’école, à ce que les dispenses puissent être obtenues facilement sans passer par de lourdes procédures administratives, et à ce que les élèves de confessions différentes, notamment les musulmans dans la partie sud de l’île et d’autres communautés non orthodoxes, puissent suivre, s’ils le souhaitent, une autre instruction religieuse.

Système de justice pour mineurs

Tout en prenant note des progrès réalisés par l’État partie s’agissant du nouveau système de justice pour mineurs proposé, le Comité constate avec préoccupation qu’il n’a encore pris aucune mesure en vue de mettre en place des tribunaux spécialisés pour mineurs, de séparer tous les mineurs des adultes dans tous les lieux de détention et de protéger efficacement les mineurs dans le système judiciaire (art. 14 et 24).

L’État partie devrait prendre des mesures pour faire en sorte que les mineurs bénéficient d’un traitement adapté à leur âge, à leurs besoins particuliers et à leur vulnérabilité, que les délinquants juvéniles soient jugés par un tribunal spécialisé pour mineurs et qu’ils soient séparés des adultes dans les centres de détention. Il devrait également veiller à ce que des mesures de substitution à l’emprisonnement soient appliquées en priorité pour les mineurs et à ce que la détention de mineurs soit utilisée seulement en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible. Enfin, l’État partie devrait faire en sorte que son nouveau système de justice pour mineurs soit respectueux des droits protégés par le Pacte et cherche avant tout à assurer la réadaptation et la réinsertion sociale des mineurs délinquants.

Liberté d’expression

Le Comité craint que l’article 6 (al. 1) de la loi relative à la procédure de normalisation des noms géographiques de la République de Chypre (L.71(I)/2013, telle que modifiée), qui érige en infraction la publication, notamment, de matériels contenant des noms de lieux de la République qui diffèrent de ceux spécifiés dans les documents officiels, ne soit incompatible avec le droit à la liberté d’expression (art. 19 et 27).

L’État partie devrait abroger les dispositions pénales de la loi relative à la procédure de normalisation des noms géographiques de la République. Il devrait également revoir d’autres dispositions de cette loi de sorte qu’elles répondent à un but public légitime, soient nécessaires et proportionnées au but recherché et imposent les mesures les moins restrictives possible aux fins de la réalisation de ses objectifs, comme énoncé dans l’Observation générale n o  34 (2011) du Comité concernant la liberté d’opinion et la liberté d’expression.

Droit de vote

Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles un nombre considérable de Chypriotes turcs auraient été empêchés de voter lors des élections parlementaires européennes, le 25 mai 2014, du fait que leur adresse résidentielle n’était pas correctement enregistrée dans les bases de données de l’administration. Le Comité constate également avec préoccupation que les modifications apportées récemment à la loi électorale, qui exigent des Chypriotes turcs qu’ils s’enregistrent en remplissant un formulaire auprès du Ministère de l’intérieur indiquant notamment leur adresse résidentielle, n’ont pas été diffusées ni traduites en turc (art. 2, 25 et 26).

L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour faire en sorte que les Chypriotes turcs aient les mêmes droits et les mêmes obligations que tous les autres citoyens chypriotes, tant dans la loi que dans les faits, s’agissant du droit de voter et d’être élu, de façon à se conformer pleinement aux articles 25 et 26 du Pacte. Il devrait également veiller à ce que tous les amendements et textes législatifs futurs concernant la participation aux élections soient diffusés et publiés dans les deux langues officielles.

Droits des minorités

Tout en saluant la mesure prise par l’État partie pour lever les obstacles économiques, linguistiques et culturels rencontrés par les minorités ethniques, dont les Chypriotes turcs, le Comité s’inquiète du petit nombre de Chypriotes turcs dans la fonction publique de l’État partie, notamment dans la police et l’administration judiciaire. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles la difficulté des tests de compétence de grec constitue de facto un obstacle à l’intégration des communautés minoritaires dans la fonction publique. Enfin, le Comité constate avec préoccupation qu’aucune mesure n’a été prise pour créer une école turque à Limassol (art. 2, 26 et 27).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour éliminer les obstacles économiques, linguistiques et culturels rencontrés par les Chypriotes turcs et d’autres minorités. À cet égard, il devrait intensifier ses efforts visant à intégrer les Chypriotes turcs dans la fonction publique et l’administration judiciaire, notamment en adoptant des mesures spéciales temporaires et en envisageant d’assouplir les exigences linguistiques à satisfaire pour accéder à la fonction publique. Il devrait en outre envisager d’établir une école turque à Limassol.

Le Comité exprime de nouveau sa préoccupation devant le fait que l’État partie ne prévoit rien concrètement pour réviser l’article 2 de la Constitution de 1960, qui reconnaît seulement les groupes religieux qui comptaient plus de 1 000 membres à la date où la Constitution est entrée en vigueur, ce qui exclut certains groupes religieux du principe d’auto-identification et les empêche d’exercer pleinement leur liberté de religion, comme l’a noté le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction dans son rapport de 2012 sur la mission qu’il a effectuée à Chypre (A/HRC/22/51/Add.1). Le Comité constate aussi avec préoccupation que le principe d’auto-identification n’a pas réellement été appliqué lors du recensement de 2011 (art. 27).

L’État partie devrait adopter les mesures juridiques nécessaires pour que toutes les communautés religieuses jouissent d’une reconnaissance égale.

Diffusion d’informations concernant le Pacte

L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, de son quatrième rapport périodique, des réponses écrites à la liste de points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir au Comité, dans un délai d’un an, des renseignements pertinents sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 5, 10 et 23 ci-dessus.

Le Comité demande à l’État partie de soumettre son prochain rapport périodique le 2 avril 2020 et d’inclure dans celui-ci des informations actuelles et précises sur la mise en œuvre de toutes les recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, ce rapport ne devrait pas comporter plus de 21 200 mots. Le Comité demande également à l’État partie d’engager de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays lorsqu’il élaborera son prochain rapport périodique.